Your cart is currently empty!
ARRÊT DU
27 Janvier 2023
N° 108/23
N° RG 21/01199 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TXLF
PS/AL
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LENS
en date du
22 Juin 2021
(RG F 19/00119 -section )
GROSSE :
Aux avocats
le 27 Janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [B] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Marjorie THUILLIEZ, avocat au barreau d’ARRAS
INTIMÉE :
S.A.S. VETIR (ENSEIGNE GEMO)
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Anne-emmanuelle THIEFFRY, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Romain THIESSET, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
GREFFIER lors des débats : Valérie DOIZE
DÉBATS : à l’audience publique du 29 Novembre 2022
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 08 Novembre 2022
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Vêtir commercialise des articles vestimentaires dans un réseau de magasins à l’enseigne GEMO. M. [B] [P] y a été embauché le 1er décembre 2003 en qualité de directeur de magasin. En 2010 il est devenu directeur du magasin de Vendin dont son épouse, Mme [F] [K], était la directrice adjointe.
Le 13 juillet 2017, M.[P] est intervenu sur son lieu de travail pour s’opposer à la fuite de deux personnes, non identifiées, ayant commis ou tenté de commettre un vol. À compter de cette date, il a été placé en arrêt de travail. Dans le cadre de la visite de reprise du 14 mai 2018, le médecin du travail l’a déclaré inapte en précisant que « tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».
Le 29 mai 2018, M. [P] a été convoqué à l’entretien préalable à un éventuel licenciement. Il a été licencié pour inaptitude d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement le 21 juin 2018.
Par requête du 8 avril 2019, il a saisi le conseil de prud’hommes de Lens aux fins d’obtenir la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes. Par jugement prononcé le 22 juin 2021, le premier juge a:
-jugé que la société Vêtir a fourni à M.[P] les formations adaptées et exécuté le contrat de travail de bonne foi
-déclaré fondé le licenciement
-débouté M. [P] de l’intégralité de ses demandes,
-débouté la société Vêtir de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 12 juillet 2021, M.[P] a interjeté appel du jugement Dans ses dernières conclusions déposées le 7 octobre 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, il demande à la cour d’infirmer le jugement et de :
-requalifier la rupture en licenciement abusif
-juger que la SAS Vêtir n’a pas exécuté le contrat de bonne foi, qu’elle a manqué à son obligation de délivrance des documents de fin de contrat et qu’elle ne l’a pas indemnisé de son DIF
-la condamner au paiement des sommes suivantes :
’36 000 euros à titre de dommages-intérêts pour compenser la perte d’emploi
‘3 000 euros au titre de l’indemnité temporaire d’inaptitude, outre 300 euros de congés payés y afférents,
‘5 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du retard dans la communication des documents de fin de contrat,
‘1 000 euros pour non-respect des engagements repris lors de l’audience de conciliation et d’orientation de mai 2019,
‘3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour compenser la perte des 240 heures de DIF
‘1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Par dernières conclusions déposées le 5 janvier 2022 auxquelles il convient de reporter la SAS Vêtir demande la confirmation du jugement et l’octroi d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il ressort des éléments versés aux débats que le 13 juillet 2017 M.[P] a surpris deux voleurs dans le magasin et que s’étant physiquement opposé mais en vain à leur fuite il a subi des atteintes légères aux membres supérieurs n’ayant pas entraîné de séquelles. Suite aux faits, non contestés par l’employeur, il a été placé en interruption temporaire de travail pendant 5 jours puis en arrêt-maladie. Il fait plaider que son inaptitude est résulté de ce qu’il n’a pas été suffisamment préparé à réagir à une agression dans le magasin, que le risque était nécessairement connu de l’employeur et qu’il ne lui a pas été apporté un soutien suffisant après l’agression.
Sur ce,
Les moyens invoqués par le salarié au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents que la Cour adopte sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation. Il sera ajouté qu’en vertu de l’article L 1232-1 du code du travail tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse. Le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude est consécutive à une faute de l’employeur. L’article L 4121-1 du code du travail prévoit quant à lui que celui-ci doit prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs : actions de prévention, de formation, d’information et mise en place d’une organisation et de moyens appropriés et adaptés conformément aux principes généraux de prévention énumérés par l’article L 4121-2 du même code.
Il résulte des justificatifs versés aux débats qu’entre 2013 et 2016 M.[P] a bénéficié au sein de l’entreprise d’une centaine d’heures principalement consacrées au management et au relationnel, ce qui n’est pas dénué de tout rapport avec les faits litigieux. En sa qualité de directeur il a reçu en septembre 2013 un guide des « bonnes pratiques sécurité, vol et agressions » élaboré par son employeur en concertation avec le CHSCT. Dans ce guide était détaillée, de manière exhaustive et concrète, la conduite à tenir en présence de voleurs. Il résulte d’attestations concordantes que les salariés du magasin connaissaient les consignes en la matière, la plupart indiquant qu’elles leur avaient été données par l’appelant. Il résulte d’autre part des déclarations de l’intéressé à la police dans le cadre de sa plainte qu’il a méconnu un certain nombre des consignes portées dans le guide des bonnes pratiques. Ainsi a-t-il notamment poursuivi les voleurs à l’extérieur du magasin alors qu’ils étaient à ses dires armés, ce qu’en aucun cas les personnels n’étaient fondés de faire.
Il ressort des développements précédents que le salarié avait été suffisamment formé par l’employeur au risque d’agression. Il sera ajouté que la formation à laquelle celui-ci était tenu vis-à-vis de ses salariés devait être adaptée au risque, relativement faible, d’agression dans ce type de commerce et qu’elle ne pouvait prendre la forme d’actions organisées dans des secteurs d’activité plus exposés. Il n’est d’ailleurs ni établi ni même allégué que d’autres agressions du personnel aient eu lieu dans des magasins du secteur concerné, le salarié évoquant un risque fréquent de violence sans le caractériser. Il est donc sans fondement soutenu que la société VETIR aurait manqué à son obligation de sécurité, les formations généralistes et la transmission au personnel du guide de bonnes pratiques en matière d’agression ayant suffi à assurer le respect des dispositions générales de l’article R 4141-3 du code du travail.
Il ne résulte par ailleurs d’aucune pièce qu’après l’agression M.[P] n’ait pas reçu de soutien suffisant de sa hiérarchie. Aucun manquement précis de l’employeur n’est mis en évidence postérieurement à l’agression, étant observé que le contrat de travail a immédiatement été suspendu par des arrêts-maladie prolongés.
M.[P] fait plaider que la société VETIR l’a informé le 30 janvier 2018 de son intention de le remplacer en raison de son absence depuis le 15 juillet 2017 mais l’employeur avait le droit de recruter un directeur de magasin en attendant son retour et il l’en a informé loyalement.
Il se déduit de ce qui précède que l’inaptitude n’a pas été causée par un manquement de l’employeur et que la demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif sera rejetée.
La demande de dommages-intérêts pour manquements de l’employeur à l’occasion de la remise des documents de fin de contrat
M.[P] réclame 5000 euros de dommages-intérêts pour retard dans la communication des documents de fin de contrat. Il reproche, confusément, à la société VETIR :
‘une absence de règlement complet de l’indemnité compensatrice de congés payés
‘un retard dans le règlement de l’allocation de retour à l’emploi
‘des irrégularités dans l’attestation Pôle Emploi (absence de motif de la rupture, montant du solde de tous comptes, de l’indemnité de préavis, absence de mention de l’origine professionnelle de l’inaptitude, erreur sur le montant du salaire).
Il résulte des courriers versés aux débats que 7 jours après le licenciement la société VETIR lui a adressé, sans qu’il ait besoin de les réclamer sur place, l’ensemble des documents de fin de contrat parmi lesquels seule l’attestation Pôle Emploi était entachée d’erreurs. Le salarié ne réclame aucune somme à titre d’indemnités de rupture et de salaires. Il ne justifie d’aucun préjudice en matière de droits au chômage. Les parties ont eu de nombreux échanges par écrit après que l’employeur a admis des erreurs sur l’attestation Pôle Emploi. Suite à ces correspondances l’attestation a été rectifiée sur des points mineurs. Il résulte par ailleurs des justificatifs que le salarié a été rempli de ses droits en matière de congés payés étant observé qu’il ne forme aucune demande spécifique à ce titre et que son allégation imprécise n’est étayée d’aucun justificatif. Les conditions d’une indemnisation au titre de la responsabilité civile n’étant pas réunies sa demande de dommages-intérêts sera donc rejetée.
La demande de dommages-intérêts pour manquements aux obligations en matière de droit individuel à la formation
M. [P] reproche à son ancien employeur de ne pas l’avoir informé de son droit individuel à la formation mais au moment de son licenciement le droit individuel à la formation avait été remplacé par le compte personnel de formation. Dans ce cadre l’employeur n’était pas soumis à une obligation particulière au moment de la rupture et il n’a pas manqué à ses obligations. La demande de dommages-intérêts sera donc rejetée.
La demande de dommages-intérêts pour non respect des engagements pris devant le bureau de conciliation et d’orientation
M.[P] se borne, sans la moindre explication, à réclamer une somme. Il n’explicite pas sa demande alors qu’en vertu des articles 6 et 9 du code de procédure civile il incombe aux parties d’alléguer les faits utiles au soutien de leur demande et de les prouver. Il se prévaut d’un engagement de l’employeur devant le conseil de prud’hommes sans le matérialiser. Sa demande sera donc rejetée.
La demande au titre de l’indemnité temporaire d’inaptitude
Le salarié soutient qu’entre l’avis d’inaptitude et le licenciement il n’a pas perçu d’indemnité temporaire d’inaptitude de la Caisse primaire d’assurance-maladie, ce à hauteur de la somme de 3000 euros majorée de l’indemnité de congés payés. Il reproche à son employeur de ne pas avoir adressé à ladite Caisse l’avis du médecin du travail et de lui avoir fait perdre ses droits qu’il qualifie de salaires.Il indique avoir adressé le formulaire servant au calcul de ses droits à la Caisse primaire d’assurance-maladie et il ne précise pas à quel stade l’employeur aurait commis un manquement à ses obligations. Il ne justifie d’aucune démarche auprès de la Caisse primaire d’assurance-maladie pour obtenir le règlement de l’indemnité et il ne verse aucun document à l’appui de ses dires imprécis. Il ne ressort d’aucune pièce que l’employeur ait manqué à son obligation de diligence et de loyauté. La demande sera donc rejetée.
Il serait inéquitable de condamner d’appelant au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
CONFIRME le jugement
DEBOUTE M.[P] de ses demandes
DIT n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE M.[P] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER
Annie LESIEUR
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS