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MHD/PR
ARRET N° 34
N° RG 21/00440
N° Portalis DBV5-V-B7F-GGBL
S.A.R.L. BLANCHISSERIE DU LITTORAL
C/
[J]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre sociale
ARRÊT DU 25 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 février 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes des SABLES-D’OLONNE
APPELANTE :
S.A.R.L. BLANCHISSERIE DU LITTORAL
N° SIRET : 503 610 594
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas LATOURNERIE, avocat au barreau de La ROCHE-SUR-YON
INTIMÉE :
Madame [A] [J]
née le 06 février 1966 à LA ROCHE SUR YON (85)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Ayant pour avocat Me Isabelle BLANCHARD de la SELARL ADLIB, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/844 du 15/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de POITIERS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 08 novembre 2022, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par contrat de travail à durée déterminée en date du 1er septembre 2010 qui s’est poursuivi à compter du 1er mars 2011 en contrat de travail à durée indéterminée, Madame [A] [J] a été engagée par la SARL Blanchisserie du Littoral, entreprise de blanchisserie industrielle, en qualité d’agent d’entretien.
Par courrier du 30 juin 2016, son employeur a refusé de lui accorder la rupture conventionnelle qu’elle avait sollicitée par lettre du 14 juin 2016 en évoquant son mal-être au sein de l’entreprise.
L’employeur a refusé d’annuler les deux avertissements qu’il avait notifiés à la salariée par courriers des 5 juillet 2017 et 24 octobre 2018 et que la salariée avait contestés par lettre du 31 octobre 2018.
A compter du 26 octobre 2018, celle-ci a été placée en arrêt de travail.
Le 26 avril 2019, le médecin du travail l’a déclarée inapte à tous les postes de travail.
Par lettre en date du 23 mai 2019, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement après s’être vue notifier par l’employeur, le 2 mai 2019, une impossibilité de reclassement compte tenu de son inaptitude à tous postes de travail au sein de l’entreprise et avoir été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 20 mai 2019.
Le 29 mai 2019, son employeur lui a adressé ses documents sociaux de fin de contrat.
Par décision en date du 17 juin 2019, la CPAM de la Vendée a refusé de prendre en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles, la maladie qu’elle avait déclarée, le 12 avril 2019, pour ‘harcèlement, agressions verbales, état anxio-phobique, maltraitance professionnelle’.
Par requête en date du 4 octobre 2019, Madame [J] a saisi le conseil de prud’hommes des Sables-d’Olonne afin de voir sanctionner les divers manquements commis par son employeur durant l’exécution de son contrat de travail et contester son licenciement pour inaptitude.
Par jugement du 1er février 2021, le conseil de prud’hommes des Sables-d’Olonne a :
-fixé la moyenne des salaires à 1 560,00 € brut,
– dit que l’inaptitude de Madame [J] est d’origine professionnelle ayant pour conséquence le versement de l’indemnité spéciale de licenciement, du préavis et des congés payés afférents au préavis,
– dit que le licenciement de Madame [J] est dénué de cause réelle et sérieuse.
– condamné la société Blanchisserie du littoral, à verser à Madame [J] :
° 3 526,82 € nets au titre du complément d’indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle.
° 3 120,00 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis non effectué.
° 312,00 € à titre d’indemnité de congés payés afférents au préavis.
° 4 680,00 € bruts à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
° 500,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour non-respect de l’obligation de formation professionnelle.
° 1 000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour non-respect de l’obligation de sécurité.
° 600,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour non-respect de l’obligation en matière de répartition du temps de travail.
° 500,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour les faits constitutifs de la mauvaise foi contractuelle de son employeur et non-respect de la prévention des risques psychosociaux.
– rejeté les demandes de Madame [J] sur sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation d’entretien professionnel.
– rejeté la demande de Madame [J] sur sa demande d’annulation de ses avertissements et les dommages et intérêts afférents à cette demande.
– dit que les intérêts au taux légal porteront sur l’ensemble des sommes et sur l’article 700 à compter du prononcé du jugement le 1 février 2021.
– ordonné l’anatocisme et dit que la capitalisation des intérêts portera sur l’ensemble des sommes du présent jugement.
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision, sur tout ce qui est de droit.
– mis la totalité des dépens à la charge de la partie défenderesse, ainsi que les éventuels frais d’huissier an cas d’exécution forcée par voie extrajudiciaire,
– condamné la société Blanchisserie du Littoral à verser à Madame [J] 900,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société Blanchisserie du Littoral de sa demande reconventionnelle d’article 700 du code de procédure civile.
***
Par déclaration d’appel du 9 février 2021, la société Blanchisserie du Littoral a interjeté appel de cette décision.
***
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 2021.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions du 07 mai 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la société Blanchisserie du Littoral demande à la cour de :
– déclarer son appel recevable et bien fondé et y faire droit,
– en conséquence, réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
– débouter Madame [A] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
– y ajoutant,
– condamner Madame [A] [J] à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– la condamner aux entiers dépens d’instance et d’appel dont distraction au profit de la SELARL Jurica conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions du 16 juillet 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Madame [A] [J] demande à la cour de :
– confirmer le jugement attaqué dans l’ensemble de ses chefs sauf en ce qui concerne le quantum des sommes octroyées et le rejet des deux demandes au titre du manquement de l’obligation d’entretien professionnel et au titre de l’annulation des deux avertissements,
– statuant de nouveau,
– condamner la Société Blanchisserie du Littoral à lui verser les sommes de :
° 3 000 € nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l’obligation de formation professionnelle ;
° 3 000 € nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l’obligation d’entretien professionnel ;
° 5 000 € nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l’obligation de sécurité ;
– annuler les avertissements dont elle a fait l’objet en ce qu’ils sont infondés ;
– en conséquence, condamner la Société Blanchisserie du Littoral à lui verser les sommes de :
° 3 000 € nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’annulation des avertissements ;
° 5 000 € nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement aux règles en matière de durée du travail ;
° 10 000 € nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la mauvaise foi contractuelle de l’employeur ;
° 12 480 € nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi (8 mois de salaire) du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
° 2 000 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en première instance,
° 2 000 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à hauteur d’appel,
– condamner la même aux entiers dépens de l’instance.
SUR QUOI,
I – SUR L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL :
En application de l’article L 1471-1 alinéa 1 du code du travail : ‘ Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.’
A – Sur l’obligation de formation professionnelle :
L’article L 6321-1 du code du travail que ce soit dans sa version en vigueur du 09 octobre 2016 au 01 janvier 2019 ou dans celle applicable à compter du 1er janvier 2019 est ainsi rédigé :
‘ L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.
Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l’article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences.’
Il en résulte donc qu’une obligation légale de formation professionnelle pèse sur l’employeur aux fins d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur employabilité.
En dehors de cette double obligation générale, l’employeur peut proposer des actions de formation liées au développement des compétences des salariés.
L’employeur doit pouvoir démontrer qu’il s’est libéré de son obligation d’adaptation à l’égard des salariés (Cass. soc., 19 mai 2021, no 19-24.412).
Il appartient au juge de rechercher si, au regard de la durée d’emploi de chacun des salariés, l’employeur a rempli son obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi.
Le simple fait que durant tout le temps de son emploi par l’entreprise, l’employeur n’ait pas fait profiter le salarié d’une action de formation suffit à caractériser le manquement de l’employeur à son obligation d’adaptation et ouvre droit au salarié à l’octroi de dommages intérêts dès lors qu’il justifie d’un préjudice.
***
En l’espèce, la société fait valoir que l’action de la salariée est soumise à la prescription biennale et ne peut donc porter que sur des faits compris entre le 7 octobre 2017 et le terme de son contrat soit le 23 mai 2019, compte tenu de la saisine de la juridiction prud’homale intervenue le 7 octobre 2019.
Elle soutient :
– que Madame [J] a été embauchée après avoir fait état d’une formation et d’une première expérience relativement longue en qualité d’agent d’entretien en blanchisserie acquise dans une autre entreprise, l’association Atelier Chantier d’Insertion Job à [Localité 4],
– qu’elle était donc censée maîtriser les techniques nécessaires à l’exécution du poste pour lequel elle l’a embauchée,
– que par ailleurs, elle a été formée lors de son entrée dans l’entreprise par Madame [X], salariée chargée de la formation des nouveaux entrants,
– que pendant toute l’exécution de son contrat de travail, elle travaillait de la même manière depuis de nombreuses années, qu’aucune technologie nécessitant une formation complémentaire n’a été intégrée et que même après le 7 octobre 2017, elle a bénéficié des informations nécessaires et suffisantes afin d’occuper son poste (réunions organisées par la gérante ou le chef d’équipe et de projet),
– qu’elle n’avait aucune obligation supplémentaire à l’égard de Madame [J] car elle emploie moins d’une vingtaine de salariés.
En réponse, Madame [J] maintient qu’elle n’a bénéficié d’aucune formation professionnelle pendant toute la période durant laquelle elle était présente au sein de l’entreprise et soutient que ce manquement lui a causé un réel préjudice.
***
Cela étant, même si l’action de Madame [J] est soumise à la prescription biennale, la cour est tenue pour déterminer si l’employeur a manqué à son obligation de formation à l’égard de la salariée d’examiner dans quelle mesure celui-ci l’a faite bénéficier durant tout son temps de présence dans l’entreprise de formation.
Or en l’espèce, si effectivement, Madame [X] ‘ qui précise qu’elle a reçu elle-même une formation pour utiliser la ligne automatique de distribution du linge neuf en 2015 et une formation en informatique en 2016 ‘ atteste qu’elle a assuré la formation de Madame [J] lorsque celle-ci a été embauchée pour s’occuper principalement du repassage et du linge (contrôle et emballage du linge) et l’hiver du pliage et du conditionnement du linge, il n’en demeure pas moins que pendant les huit ans durant lesquels Madame [J] a travaillé au sein de l’entreprise, elle n’a reçu aucune formation certifiante dispensée par un organisme extérieur à l’entreprise ; la transmission du savoir ou le tutorat exercé par Madame [X] et les réunions de travail régulières qui se tenaient en présence de la gérance auxquelles elle assistait ne pouvant y être assimilées.
En tout état de cause, comme l’a relevé très justement le premier juge, elle n’a jamais bénéficié durant toute sa présence dans l’entreprise d’une formation ou d’une remise à niveau en matière des règles de sécurité, notamment à compter du 7 octobre 2017, point de départ de la prescription biennale.
En conséquence, l’ensemble de ces éléments établit que l’employeur a manqué à son obligation de formation professionnelle à l’égard de Madame [J].
Le préjudice en résultant pour celle-ci existe et consiste en une perte de chance d’acquérir ou d’actualiser ses connaissances, d’être adaptée à son poste de travail et de s’adapter au mieux au marché de l’emploi alors qu’elle était âgée au jour de son licenciement de 53 ans.
Il convient donc -au vu de l’ensemble de ces éléments, analysé très justement par le premier juge et de la prescription biennale applicable- de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné l’employeur à lui verser une somme de 500 € à titre de dommages intérêts pour non-respect de l’obligation de formation professionnelle.
B – Sur l’obligation d’entretien professionnel :
En application de l’article L. 6315-1 du code du travail :
– pris dans sa version en vigueur du 26 novembre 2009 au 07 mars 2014
‘A l’occasion de son embauche, le salarié est informé que, dès lors qu’il dispose de deux ans d’ancienneté dans la même entreprise, il bénéficie à sa demande d’un bilan d’étape professionnel. Toujours à sa demande, ce bilan peut être renouvelé tous les cinq ans.
Le bilan d’étape professionnel a pour objet, à partir d’un diagnostic réalisé en commun par le salarié et son employeur, de permettre au salarié d’évaluer ses capacités professionnelles et ses compétences et à son employeur de déterminer les objectifs de formation du salarié.
Un accord national interprofessionnel étendu détermine les conditions d’application du bilan d’étape professionnel.’
– pris dans sa rédaction applicable du 07 mars 2014 au 10 août 2016
‘I. – A l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié.
Cet entretien professionnel, qui donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, est proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité, d’un congé parental d’éducation, d’un congé de soutien familial, d’un congé d’adoption, d’un congé sabbatique, d’une période de mobilité volontaire sécurisée mentionnée à l’article L. 1222-12, d’une période d’activité à temps partiel au sens de l’article L. 1225-47 du présent code, d’un arrêt longue maladie prévu à l’article L. 324-1 du code de la sécurité sociale ou à l’issue d’un mandat syndical.’
– pris dans sa version en vigueur du 01 janvier 2019 au 01 janvier 2020
‘I. – A l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.
Cet entretien professionnel, qui donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, est proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité, d’un congé parental d’éducation, d’un congé de proche aidant, d’un congé d’adoption, d’un congé sabbatique, d’une période de mobilité volontaire sécurisée mentionnée à l’article L. 1222-12, d’une période d’activité à temps partiel au sens de l’article L. 1225-47 du présent code, d’un arrêt longue maladie prévu à l’article L. 324-1 du code de la sécurité sociale ou à l’issue d’un mandat syndical. Cet entretien peut avoir lieu, à l’initiative du salarié, à une date antérieure à la reprise de poste.’
Il en résulte que l’entretien professionnel vise à faire le point sur les perspectives d’évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualification, d’emploi et de besoins en formation.
Il ne se confond pas notamment avec l’entretien annuel d’évaluation éventuellement mis en place dans l’entreprise.
La date de l’entretien professionnel qui doit avoir lieu, pour chaque salarié, tous les deux ans, sauf périodicité différente fixée par accord collectif est fixée, une fois pour toutes, en prenant pour référence le jour d’embauche de chacun des salariés ou le 7 mars 2014 pour ceux en poste à cette date.
Ainsi, le premier entretien biennal des salariés, en poste dans l’entreprise avant le 7 mars 2014, devait avoir lieu aux alentours du 7 mars 2016, le second autour du 7 mars 2018 et celui accompagné du bilan récapitulatif entre le 7 mars 2020 et le 31 décembre 2020, compte tenu du report de l’échéance initiale, consécutif à l’épidémie de Covid-19.
Le salarié qui a travaillé dans une entreprise qui n’aurait pas respecté cette obligation, quel que soit son effectif – y compris donc si elle compte moins de 50 salariés – peut solliciter la condamnation de l’employeur à lui verser des dommages-intérêts dès lors qu’il établit l’existence d’un préjudice en résultant pour lui.
***
En l’espèce, l’employeur fait valoir :
– qu’il ne saurait être sanctionné pour manquement à l’obligation prévue par l’article L. 6315-1 du code de travail dans la mesure où Madame [J] ne peut se prévaloir d’une éventuelle violation de l’obligation d’entretien que pour la période du 07 octobre 2017 au 23 mai 2019, soit une durée inférieure à deux années,
– que de ce fait, cela exclut tout manquement puisqu’il aurait encore eu parfaitement le temps d’organiser un entretien professionnel si le contrat n’avait pas été rompu,
– qu’en tout état de cause, la salariée ne justifie pas d’un préjudice.
En réponse, Madame [J] maintient qu’elle n’a bénéficié d’aucun entretien professionnel pendant toute la période durant laquelle elle était présente au sein de l’entreprise et soutient qu’il en est résulté un réel préjudice pour elle.
***
Cela étant :
* sur la prescription :
Il résulte des principes rappelés ci-dessus :
– que l’obligation incombant à l’employeur de mettre en place un entretien professionnel a commencé à courir au profit de Madame [J] à compter du 7 mars 2016,
– que cette obligation étant une obligation à exécution succcessive, le point de départ de la prescription biennale est glissant,
– qu’il en résulte donc que la demande d’indemnisation de la salariée à ce titre est recevable.
En tout état de cause, de façon surabondante, il y a lieu de constater que l’employeur a omis de mettre en place le deuxième entretien qui aurait dû se dérouler au plus tard le 7 mars 2018 et se situe donc dans une période échappant à la prescription.
* sur le fond :
Contrairement à ce que soutient l’employeur, il est inopérant pour lui de soutenir que l’entretien était inutile au vu de la taille de l’entreprise et de l’absence de perspective d’évolution professionnelle de Madame [J] dans la mesure où l’entretien est obligatoire et où aucune exception légale n’est prévue.
La salariée décrit très précisément les préjudices en résultant pour elle, à savoir notamment l’impossibilité d’évoquer en concertation avec son employeur ses perspectives d’évolution professionnelle, en termes de qualifications et d’emploi, de formations professionnelles ou d’exécution de ses missions.
En conséquence, au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de condamner l’employeur à lui verser une somme de 500 € à titre de dommages intérêts pour non-respect de l’obligation de formation professionnelle.
Il convient donc d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande formée de ce chef.
C- Sur l’obligation de sécurité de l’employeur :
Selon les articles L. 4121-1 et L. 4121-3 du code du travail, l’employeur est assujetti à une obligation générale de sécurité et doit prendre, au-delà du seul respect des lois et règlements en la matière, les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés.
Ainsi, notamment :
– les établissements et locaux de travail doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d’hygiène et de sécurité nécessaires à la santé du personnel aménagés de manière à garantir la sécurité des travailleurs (C. trav., art. L. 4221-1),
– les machines, mécanismes, appareils de transmission, outils et engins doivent être installés et tenus dans les meilleurs conditions possibles de sécurité (C. trav., art. R. 4323-15),
– les équipements de travail et les moyens de protection mis en service ou utilisés dans les établissements et locaux de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la sécurité et la santé des salariés (C. trav., art. L. 4321-2).
Cette obligation de sécurité est également rappelée pour ce qui concerne la prévention : l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs de l’établissement, y compris les travailleurs temporaires (C. trav., art. L. 4121-1).
Plus généralement, l’employeur doit évaluer les risques professionnels, assurer la formation et l’information des salariés, combattre les risques à la source, planifier la prévention, donner des instructions appropriées aux salariés, informer et consulter les représentants du personnel (C. trav., art. L. 4121-1 et s. ; C. trav., art. L. 2312-5 pour les CSE des entreprises de moins de 50 salariés, C. trav., art. L. 2312-8 et C. trav., art. L. 2312-9 pour les CSE des entreprises d’au moins 50 salariés ; voir n° 170-5 et s.).
L’obligation de sécurité est une obligation à caractère général incombant en raison de son pouvoir de direction à l’employeur qui doit en assurer l’effectivité :
– en veillant personnellement à la stricte application de la réglementation et c’est sa responsabilité qui est en premier lieu recherchée,
– en s’assurant que toutes les formations à la sécurité ont bien été suivies par les salariés concernés,
– en organisant le travail de telle sorte que les règles de sécurité puissent être respectées.
Aussi, ‘ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail’ (Cass. soc., 25 nov. 2015, n° 14-24.444 ).
***
En l’espèce, la société fait valoir :
– que la salariée n’avait pour mission ni de ‘faire le ménage’ ni d”utiliser des produits d’entretien dangereux’, mais était affectée au poste de pliage et conditionnement qui ne nécessite nullement d’utiliser des ‘produits dangereux’,
– que le constat d’huissier réalisé le 10 juin 2016 établit qu’elle a bien respecté ses obligations en matière de sécurité ;
– que la salariée a signé une attestation de remise d’équipement individuel de protection,
En réponse, Madame [J] soutient que le manquement de son employeur à son obligation de sécurité est caractérisé en ce qu’aucune fiche de poste ne lui avait été remise, qu’elle n’a bénéficié d’aucun équipement de protection et qu’elle a alerté vainement son employeur de ses conditions de travail particulièrement dangereuses.
***
Cela étant, il convient de relever :
– que durant les huit années de présence de la salariée dans l’entreprise et notamment durant les deux dernières, l’employeur ne peut pas établir que Madame [J] a suivi – ne serait – ce qu’une seule fois – une formation à la sécurité pour exercer son travail en toute sécurité,
– que de même, il ne peut pas établir qu’il lui a remis lors de son embauche une fiche de poste,
– que :
° s’il établit par la production d’un constat d’huissier dressé le 10 juin 2016 que ce jour-là – le 10 juin 2016 – étaient affichés les différents numéros d’urgence et le numéro de téléphone portable de Madame [C], une note de service relative à l’interdiction de l’usage du téléphone portable durant les heures de travail sauf autorisation spéciale, les consignes en cas d’incendie, les textes légaux relatifs à l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif et relatifs à la lutte contre la discrimination à l’embauche, les dispositions du code pénal relatives à l’atteinte à la dignité des personnes, à la dignité humaine, au harcèlement sexuel et à l’égalité entre les hommes et les femmes outre une directive relative à la minimisation des risques liés à l’utilisation des produits et machines de l’entreprise,
° si effectivement, il en résulte qu’il a dispensé aux salariés un minimum d’informations,
° il n’en demeure pas moins qu’il est dans l’impossibilité de décrire l’état exact des locaux de travail – sauf à démontrer l’existence du matériel meublant une pièce réservée au personnel pour ses temps de pause – et de démontrer l’affichage de documents en matière de sécurité.
– que de même, s’il établit par la production de l’attestation de remise des équipements de protection signée par Madame [J] le 22 décembre 2017 – à savoir veste polaire, blouse de travail, chaussures de sécurité et lunettes de sécurité – qu’à cette date, celle-ci disposait du matériel pré cité, il n’établit pas de façon incontestable qu’elle en bénéficiait avant le 22 décembre 2017 dans la mesure où les deux attestations qu’il produit pour en justifier ne visent pas expressément Madame [J] et sont rédigées par des employées encore dans un lien de subordination avec lui,
– que de même, s’il établit qu’il veillait à la maintenance du matériel, il n’établit pas que celui-ci fonctionnait en toute sécurité, dans des locaux -de surcroît exempts de toute critique quant à leur état d’entretien-.
En conséquence, le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité tel que retenu par le premier juge est établi.
Le préjudice en résultant pour Madame [J] qui n’avait pas connaissance des règles de sécurité applicables dans le secteur, au-delà des simples mesures de bon sens que tout citoyen doit connaître, existe.
Le chiffrage du dommage réalisé à hauteur de 1 000 € par le premier juge est exact.
Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.
D – Sur le non respect des règles en matière de répartition du temps de travail :
En application de l’article D. 3121-27 alinéa 5 du code du travail applicable à compter du 1 er janvier 2017 :
‘Les salariés sont prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai de sept jours ouvrés au moins avant la date à laquelle ce changement intervient’.
***
En l’espèce, la société soutient :
– que l’employeur a toujours affiché les plannings des salariés plusieurs semaines à l’avance,
– qu’en tout état de cause, le rythme de travail était toujours le même depuis 2012.
En réponse, Madame [J] le conteste et soutient qu’il lui était difficile dans ces conditions de s’organiser.
***
Cela étant, l’article 3 du contrat de travail de Madame [J] prévoit que :
“Toute modification apportée à la répartition du temps de travail sera notifiée au moins 7 jours avant son entrée en vigueur”.
Pour établir qu’il respectait cette règle, l’employeur verse le constat d’huissier du 10 juin 2016 relevant que les emplois du temps étaient affichés à l’avance dans les locaux de l’entreprise.
Cependant, cette seule et unique pièce est insuffisante pour démontrer que le délai de prévenance était systématiquement respecté durant le délai de la prescription biennale.
Le manquement de ce fait de l’employeur est donc établi sans que l’acceptation de Madame [J] du défaut de prévenance -à supposer même qu’elle ait existée- soit opérante pour exonérer la société de toute responsabilité.
La salariée explique très clairement le préjudice qui en est résulté pour elle, caractérisé par les difficultés d’organisation personnelle qu’elle a rencontrées même si elle pouvait plus ou moins précisément connaître ses horaires de travail compte tenu de l’organisation du temps de travail en 2 x 8.
En conséquence, au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de condamner l’employeur à lui verser une somme de 600 € à titre de dommages- intérêts pour non-respect des règles de répartition du temps de travail.
Il convient donc de confirmer le jugement attaqué de ce chef.
E – Sur la mauvaise foi contractuelle :
En application de l’article L. 1222-1 du code du travail, l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi est une obligation réciproque, commune à tout contrat.
Elle recouvre pour l’employeur un devoir de loyauté dans l’exécution du contrat de travail et dans la mise en ‘uvre de la législation du travail
Le salarié – qui démontre l’existence du préjudice qui en résulte pour lui – peut solliciter des dommages intérêts.
***
En l’espèce, en réponse à Madame [J] ‘ qui en se fondant sur les articles L. 4121-2 du code du travail qui prévoit une obligation générale pour l’employeur en matière de prévention des risques psychosociaux et L. 4121-3 du même code qui impose également à l’employeur une obligation d’évaluation des risques, afin de garantir la sécurité et la santé des travailleurs ‘ soutient que la mauvaise foi contractuelle est constituée par le comportement de l’employeur qui n’hésitait pas à l’insulter, à lui lancer des draps à la figure etc et qui de ce fait est à l’origine de la dégradation de son état de santé en créant des conditions de travail qui l’ont obligée à se mettre en arrêt de travail prolongé ‘ la société fait valoir :
– que la salariée n’a pas apporté la preuve de ses allégations,
– que les “rares pièces” (sic) qu’elle verse ne sont pas probantes puisqu’il s’agit ‘d’échange d’attestation’ avec une autre salariée qui a saisi aussi le conseil de prud’hommes à l’encontre de l’entreprise,
– que les témoignages apportés ne sont ni précis et ni circonstanciés,
– que de surcroît, l’attestation de la fille de la salariée n’est pas signée et ne respecte pas l’article 202 du code de procédure civile,
– qu’enfin, à l’absence de preuve d’une mauvaise exécution du contrat s’ajoute l’absence de preuve d’une dégradation de l’état de santé de la salariée du fait du comportement de l’employeur,
– que de surcroît, les éléments médicaux présentés par la salariée n’ont pas convaincu la CPAM de l’origine professionnelle de sa maladie découlant selon elle d’un harcèlement moral ou d’un épuisement professionnel.
***
Cela étant, il résulte :
– du témoignage de Madame [V] qui indique :
‘Madame [P] [C] (employeur) fait preuve de harcèlement moral d’insultes, d’humiliations envers ses employées et envers Madame [A] [J]. J’ai été témoin de son comportement impardonnable, irrespectueux, insultant, et très humiliant avec beaucoup d’employés.
J’ai moi-même été l’une de ses victimes, et j’ai porté plainte pour harcèlement moral de la part de Madame [P] [C] et de Monsieur [C], son père et non-assistance à personne en danger car j’en ai fait des malaises avec des convulsions et ce sont mes collègues qui ont appelés les pompiers, Madame [C] m’a laissé convulser sans me porter aucune attention.’
– du témoignage de Madame [R] qui écrit :
‘Tout était appris à la va-vite, pas le temps d’expliquer les consignes correctement donc à la moindre erreur, ils me rabaissent jusqu’au moment où ils ont commencé à m’insulter de conne. (‘) Des collègues en 4 mois j’en ai eu qui ont essayé de tenir un maximum ainsi que [M], un lycéen qui venait faire la saison pour se payer ses études, malheureusement ils l’ont tellement rabaissé et insulté jusqu’à le poursuivre devant la porte des toilettes. Il s’est mis en arrêt maladie et n’est jamais revenu.
(‘) J’ai espéré qu’il me laisserait tranquille la dernière semaine de travail mais Monsieur [C] est revenu à la charge en m’accusant d’avoir cassé ses machines et que j’étais incapable et que personne ne voudrait m’embaucher…’.
– du témoignage de Madame [Z] qui mentionne :
‘Lors de ma reprise, Madame [C] m’a reproché d’avoir fait des attestations pour [Y] [E] et que [A] [J] m’avait influencée pour le faire, qu’elle en avait profité pour la donner à [U]. Madame [C] m’a demandé ensuite de lui faire des excuses que j’ai refusé. Depuis les attestations que l’on a faites, Madame et Monsieur [C] n’ont pas arrêté de s’en prendre à nous. La situation a encore empiré quand on a été contacté par la gendarmerie suite au malaise de Madame [V]. Ils nous reprochaient d’avoir menti, qu’elle buvait et qu’elle faisait ça pour avoir de l’argent.
Après des arrêts de travail pour dépression, j’ai dû démissionner’.
– du témoignage de Madame [F] [J], fille de l’intimée et ancienne salariée de la société qui note :
‘Madame [C] m’a proposé un CDI que j’ai refusé car après avoir été 2 ans dans cette entreprise à voir tous les employés se faire insultés tous les jours ou être pris pour des moins que rien, comme ma mère Madame [J] [A] qui s’est fait harceler moralement suite à des lettres faites à ses anciennes collègues pour démontrer ce que la patronne (Madame [C] [P]) et son père (Monsieur [C]) faisait subir à leurs employés. J’ai vu ma mère pleurer très souvent suite à leur harcèlement moral mais jamais personne ne faisait quoi que ce soit pour régler le problème de cette usine’.
1 ) – que d’une part, contrairement à ce que soutient l’employeur, comme en matière sociale, la preuve est libre et sa portée est laissée à la libre appréciation de chaque juridiction dès lors que les témoignages produits sont authentiques, objectifs et ont été régulièrement communiqués à la partie à laquelle ils sont opposés, seule l’attestation de Madame [F] [J] doit être écartée en raison de son défaut de signature, les autres demeurant valables dans la mesure où leurs auteurs sont clairement identifiés, qu’elles ne comportent aucun indice de nature à mettre en doute leur authenticité, qu’elles sont chacune rédigées en termes neutres et différents, qu’elles rapportent des faits que la société est en mesure de contredire et dont elle peut rapporter la preuve contraire,
2 ) – que d’autre part, contrairement à ce que soutient l’employeur, toutes les attestations dépeignent les relations de travail pour le moins difficiles existant dans l’entreprise, caractérisées par une constante dévalorisation des salariées qui étaient en butte à des insultes et des humiliations régulières et deux d’entre elles visent expressément Madame [J] parmi les victimes de ces comportements -attestations de Mesdames [V] et [Z] -, Madame [Z] précisant même que ces comportements dateraient du jour où Madame [J] et elle auraient accepté de témoigner dans une procédure prud’homale au profit d’une de leurs collègues en conflit avec la société.
Ainsi, contrairement à ce que soutient l’employeur qui se borne à contester et commenter les pièces produites par la salariée, les faits qu’elle lui reproche sont établis.
Aussi, lorsque :
1 – Madame [J] :
– justifie dans le courrier qu’elle envoie à son employeur le 14 juin 2016 la rupture conventionnelle qu’elle sollicite par le mal-être qu’elle ressent au travail et les difficultés qu’elle y rencontre, évoquant ‘des reproches et de la vulgarité’ à son égard et une rupture de communication entre elle et Madame [C],
– avise son employeur dans le courrier qu’elle lui adresse le 15 mai 2019 de son absence à l’entretien préalable en raison des agressions verbales, des humiliations et autres paroles blessantes dont elle faisait régulièrement l’objet de la part de la gérante et du père de cette dernière et qui la mettaient dans l’impossibilité de se retrouver en présence de son employeur,
2 – et que l’employeur ne lui répond jamais expressément sur les faits précis qu’elle dénonce par autre chose que par des reproches sur son travail et son comportement sans ouvrir de discussion et sans faire le point avec elle sur les plaintes qu’elle exprime, alors que tenu à une obligation de sécurité, il se doit d’être attentif aux plaintes exprimées par les salariées sur leurs conditions de travail, notamment quand celles-ci tendent à sa remise en cause,
tous ces éléments -pris dans leur ensemble- établissent les mauvaises conditions de travail créées par l’employeur et la mauvaise foi qu’il présente à ce titre alors qu’il doit prévenir les risques psycho sociaux dans l’entreprise.
Il convient en conséquence – comme la mauvaise foi de l’employeur est établie – de condamner la société à lui verser une somme de 500 € à titre de dommages- intérêts pour exécution du contrat de travail de mauvaise.
Le jugement attaqué doit donc être confirmé de ce chef.
F – Sur l’annulation des avertissements des 5 juillet 2017 et 24 octobre 2018 :
1 – Sur l’avertissement du 5 juillet 2017 :
Madame [J] devait – pour que sa demande soit considérée recevable – saisir le conseil de prud’hommes au plus tard le 5 juillet 2019.
Or, elle n’a introduit son action devant cette juridiction que le 7 octobre 2019.
Sa demande tendant à l’annulation de l’avertissement du 5 juillet 2017 est donc prescrite.
Il convient de faire droit à la fin de non-recevoir soulevée par la société de ce chef.
2 – Sur l’avertissement du 24 octobre 2018 :
Dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, l’employeur est fondé à sanctionner les fautes commises par son salarié.
Aux termes de l’article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
L’avertissement, sanction disciplinaire, est une remontrance écrite, mettant en exergue une faute mineure commise par le salarié et l’invitant à modifier son comportement.
Il n’impose pas à l’employeur de convoquer au préalable le salarié pour recueillir ses explications.
Il n’a aucune conséquence directe sur sa fonction ou sa rémunération.
Il résulte par ailleurs des dispositions de l’article L. 1333-1 que l’employeur doit fournir au conseil des prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
***
En l’espèce, il convient de rappeler :
– que par courrier du 24 octobre 2018, l’employeur a notifié un avertissement à Madame [J] pour les faits suivants :
° le 21 septembre 2018 : elle a quitté son poste à 21h30 au lieu de 22h30,
° le 05 octobre 2010 : elle n’est pas venue travailler comme prévu de 14h30 à
17h00 et de 17h30 à 23h00,
° le 22 octobre 2018 : elle a créé une polémique inutile à propos d’une prime perçue par une de ses collègues,
° le 23 octobre 2018 : elle est partie à 13h48 au lieu de 14h30.
° le 24 octobre 2018 : elle a quitté son poste à 13h30 au lieu de 14h30.
– que par courrier du 31 octobre 2018, Madame [J] a contesté le bien fondé de l’avertissement et s’est expliqué sur les faits qui lui étaient reprochés.
Contrairement à ce que soutient l’employeur, si la salariée a reconnu avoir quitté effectivement son poste de travail le 21 septembre 2018 avant l’heure, elle pouvait légitimement penser qu’il lui avait donné l’autorisation pour ce faire dans la mesure où elle l’avait averti de la nécessité pour elle de partir avant l’heure et où il ne s’y était pas opposé.
Ce grief n’est donc pas établi.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l’employeur, il ne verse aucun élément permettant d’étayer la réalité des autres griefs, se bornant à soutenir que la salariée les a reconnus alors qu’ il résulte du courrier qu’elle lui a fait parvenir le 31 octobre 2018 qu’elle les a contestés expressément.
En conséquence, faute de tout élément rapporté par la société pour établir le bien fondé des griefs et de la sanction subséquente, il convient d’annuler l’avertissement du 24 octobre 2018.
Le jugement attaqué doit donc être infirmé de ce chef.
En revanche, il doit être confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts présentée au titre de l’avertissement qui lui a été délivré à tort le 24 octobre 2018 dans la mesure où elle reste totalement silencieuse dans la motivation de ses conclusions sur le préjudice résultant pour elle de cette sanction injustifiée.
II – SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL :
A – Sur l’origine professionnelle de l’inaptitude de la salariée :
Il résulte des articles L.1226-6 et suivants, dans leur version applicable, que les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
En vertu du principe d’autonomie du droit du travail et du droit de la sécurité sociale, le juge prud’homal n’est pas lié par la décision d’un organisme de sécurité sociale de prendre en charge, ou pas, l’arrêt de travail au titre d’une maladie professionnelle, cette décision n’étant qu’un élément de preuve parmi d’autres du lien de causalité entre l’inaptitude et une maladie professionnelle.
Les juges du fond ont donc obligation de vérifier si l’inaptitude du salarié avait, au moins partiellement, une origine professionnelle pour appliquer la réglementation de l’inaptitude professionnelle.
C’est au salarié de rapporter la preuve d’un lien de causalité entre l’accident et l’inaptitude à son poste.
***
En l’espèce, en réponse à la salariée qui soutient que ses conditions de travail sont à l’origine de la dégradation de son état de santé qui a conduit à sa mise en arrêt de travail prolongé et à son placement sous antidépresseurs, la société :
– fait valoir que la preuve n’est pas rapportée que la dégradation de l’état de santé de la salariée résulte du comportement de l’employeur à son égard,
– ajoute que les éléments médicaux présentés par la salariée n’ont pas convaincu la CPAM de l’origine professionnelle de sa maladie,
– conclut au débouté de la salariée.
***
Cela étant :
* les pièces médicales versées par Madame [J] sont les suivantes :
-le certificat médical du docteur [N] du 30 novembre 2018 qui indique : ‘… Madame [J] présente un syndrome anxieux – dépressif pour lequel elle fait un traitement avec Lorazepram… Et voit un psychologue, elle présente aussi une tachicardie sinusale, traitée par..’.
– le certificat médical du docteur [I] du 27 mars 2019 qui indique : ‘Madame [J] a développé des troubles du sommeil, des idées tristes, des pensées suicidaires. Elle fait le lien avec la souffrance au travail car elle partait chaque matin travailler avec la boule au ventre. Cela s’est développé pendant de nombreux mois jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus se présenter à son travail. Madame [J] rapporte une ambiance de travail totalement insupportable : accusations infondées, invectives, harcèlement, agressions verbales et comportements agressifs. Madame [J] a développé un état anxiophobique en réaction à des maltraitances dans le milieu professionnel. Dans ces conditions, Madame [J] ne peut pas retourner travailler et elle doit être considérée comme inapte.’
– trois ordonnances lui prescrivant des antidépresseurs,
– les arrêts de travail dont elle a fait l’objet dont les derniers concluent : ‘état dépressif réactionnel en à des difficultés professionnelles : attente de la décision du médecin du travail’,
– l’avis d’inaptitude à tous postes dans l’entreprise, précisant ‘tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé’,
* la notification de refus de prise en charge de la maladie du 17 juin 2019 que la salariée a déclarée à la CPAM de la Vendée est ainsi libellée :
‘… La maladie que vous avez déclarée ne peut être prise en charge au titre du tableau des maladies professionnelles car elle ne figure sur aucun de ces tableaux… Par ailleurs, ce dossier instruit dans le cadre du système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles ne peut être soumis à l’examen du CRRMP .. En effet selon l’avis du docteur [S], médecin conseil, cette maladie entraîne une incapacité permanente partielle dont le taux est inférieur à 25 %…’.
Il en résulte que contrairement à ce que soutient l’employeur :
– d’une part, il vient d’être confirmé que l’employeur – par les conditions de travail dégradées qu’il a réservées à la salariée – a manqué à son obligation de sécurité,
– d’autre part, il importe peu que la CPAM n’ait pas reconnu le caractère professionnel de la maladie déclarée dans la mesure où en application des principes sus rappelés, le juge prud’homal n’est pas lié par la décision d’un organisme de sécurité sociale,
– enfin, le juge n’est pas tenu par l’avis du médecin du travail dans la mesure où si sur le fondement des articles L. 4624-4 et R. 4624-32 du code du travail, le médecin du travail se prononce sur l’état d’aptitude, vérifie la compatibilité entre le poste occupé par le salarié et son état de santé, le cas échéant donne des indications relatives au reclassement du travailleur, en revanche, il n’émet pas d’avis contraignant le juge s’agissant de l’origine, professionnelle ou non, de l’inaptitude constatée, qu’ainsi, le fait qu’il ait conclu à l’inaptitude non professionnelle ne s’impose pas au juge prud’homal.
En outre, contrairement à ce que soutient l’employeur, la salariée rapporte – par les pièces qu’elle verse au dossier et qui viennent d’être étudiées – la preuve du lien de causalité – au moins partiel – existant entre le manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur et l’inaptitude subie et qui repose sur :
– le comportement de l’employeur caractérisé par les brimades régulières ajoutées aux conditions de travail et à l’atmosphère particulièrement difficile régnant dans l’entreprise, établi par les attestations qu’elle verse,
– l’état de pression et de stress qui en est résulté pour Madame [J] et qui a été parfaitement constaté par les pièces médicales produites, précises et circonstanciées, versées aux débats,
– l’absence de toutes mesures prises par l’employeur pour pacifier non seulement le climat social dans l’entreprise mais également ses relations avec l’intimée.
En conséquence, il résulte de l’ensemble des éléments versés par la salariée que son inaptitude présente partiellement une origine professionnelle.
Il convient donc de confirmer le jugement attaqué de ce chef.
B – Sur les conséquences de la reconnaissance du caractère professionnel de l’inaptitude :
1 – Sur les indemnités légales :
Selon l’article L.1226-14 du code du travail dans sa version applicable ‘La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L. 1234-5 ainsi qu’à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L. 1234-9.’.
***
En l’espèce, à défaut de contestation sérieuse, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a fixé à la somme de 3 120 € bruts l’indemnité compensatrice de préavis et a condamné l’employeur à en verser le montant à la salariée.
En revanche, il doit être infirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à verser une somme de 312 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés en résultant dans la mesure où compte tenu de la nature particulière de l’indemnité de préavis, celle-ci ne peut ouvrir droit à une indemnité compensatrice de congés payés (Cass. soc., 19 oct. 2016, nº 14-23.828).
La salariée doit donc être déboutée de sa demande formée de ce chef.
De même, le jugement attaqué doit être infirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à verser à la salariée une somme de 3 526,86 € nets à titre d’indemnité légale de licenciement alors qu’en application des dispositions légales applicables en la matière, l’indemnité de licenciement doit toujours être calculée sur le montant brut des salaires perçus par le salarié.
L’employeur doit donc être condamné à payer à Madame [J] la somme brute de 3 526,86 € à titre d’indemnité légale de licenciement.
2 – Sur le licenciement :
Il est acquis que lorsque -même fondé sur une inaptitude régulièrement constatée par le médecin du travail et une impossibilité de reclassement- le licenciement trouve en réalité sa cause véritable dans le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, ce licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.
***
En l’espèce, il vient d’être jugé que l’inaptitude de Madame [J] et l’impossibilité de son reclassement trouvent sa cause dans les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité.
En conséquence, en application des principes sus rappelés, il convient de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
***
En application de l’article L. 1235-3 du code du travail et compte tenu des huit années pleines de présence dans l’entreprise, la salariée peut prétendre à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse calculés sur trois à huit mois de salaires nets.
Compte tenu de l’âge de Madame [J] au jour de son licenciement -53 ans-, du montant de son salaire mensuel brut – 1 560 € -, de sa situation professionnelle instable caractérisée par la signature de contrats à durée déterminée saisonniers complétés par des prestations de ménage chez des particuliers, il convient de fixer à la somme de 7 800 € le montant des dommages-intérêts dont elle doit bénéficier, correspondant à 5 mois de salaires bruts.
En conséquence, l’employeur doit être condamné à lui payer cette somme, nette de charges sociales dans la mesure où il s’agit de dommages-intérêts.
Le jugement doit donc être infirmé de ce chef.
III – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :
Les dépens doivent être supportés par la société qui succombe dans ses prétentions.
***
Il n’est pas inéquitable de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à Madame [J] la somme de 900 € en application de l’article 700 du code de procédure civile tout en le condamnant à hauteur d’appel à lui payer également la somme de 1500€ au titre du remboursement des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 1er février 2021 par le conseil de prud’hommes des Sables-d’Olonne sauf en ce qu’il a :
– condamné la société Blanchisserie du Littoral, à verser à Madame [J] :
° 3 526,82 € nets au titre du complément d’indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle,
° 4 680,00 € bruts à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Madame [J] pour non-respect de l’obligation d’entretien professionnel,
– rejeté les demandes de Madame [J] formées au titre de l’annulation des avertissements des 5 juillet 2017 et 24 octobre 2018,
Infirmant de ces derniers chefs et statuant à nouveau,
Condamne la SARL Blanchisserie du Littoral, à payer à Madame [J] les sommes de :
° 3 526,82 € bruts au titre du complément d’indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle,
° 7 800 € nets à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
° 500 € à titre de dommages intérêts pour non respect de l’obligation d’entretien professionnel,
Déclare prescrite la demande d’annulation de l’avertissement du 5 juillet 2017,
Annule l’avertissement du 24 octobre 2018,
Y ajoutant,
Condamne la SARL Blanchisserie du Littoral, à payer à Madame [J] la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SARL Blanchisserie du Littoral de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Blanchisserie du Littoral aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,