Compte personnel de formation : 23 novembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/04865

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Compte personnel de formation : 23 novembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/04865
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AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 19/04865 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MPG3

[T]

C/

Association OBJECTIFS JEUNES

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 21 Juin 2019

RG : F 18/02766

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2022

APPELANT :

[P] [T]

né le 24 Janvier 1988 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Association OBJECTIFS JEUNES

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Julien MICHAL de la SELARL CABINET D’AVOCATS MICHAL ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Anne BRUNNER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 Novembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat à durée déterminée d’accompagnement dans l’emploi-emploi d’avenir, M. [P] [T] a été embauché par l’association OBJECTIFS JEUNES en qualité d’animateur à compter du 22 janvier 2014 ‘pour une durée minimum de douze mois renouvelable sur trois ans’.

Le contrat était soumis aux dispositions de la convention collective nationale des centres sociaux culturels et autres acteurs du lien social.

Le salarié a été placé en arrêt de travail le 6 août 2015 et, par lettre du même jour, il a dénoncé auprès du président de l’association ses conditions de travail, en invoquant notamment des faits de harcèlement moral.

Il n’a jamais réintégré son poste de travail.

Par requête du 6 avril 2016, M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes de LYON en lui demandant de requalifier son contrat d’accompagnement à l’emploi à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun, de prononcer la résiliation judiciaire de ce contrat aux torts de l’association, subsidiairement, de dire que l’arrivée à son terme du contrat emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner l’association à lui payer diverses sommes à titre d’indemnité de requalification, de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure de licenciement, licenciement sans cause réelle et sérieuse, travail dissimulé, harcèlement moral, non-respect des temps de pause, non fourniture des moyens nécessaires à l’accomplissement de son travail, non-respect de l’obligation de formation, non-respect des visites médicales à la médecine du travail, non-respect de l’information annuelle écrite quant à son droit individuel à la formation (DIF)et à titre de rappel de salaires pour février 2014, août et septembre 2014 et août 2015.

Par jugement du 21 juin 2019, le conseil de prud’hommes a :

– condamné l’association Objectif Jeunes à payer à M. [T] les sommes suivantes :

1 064,22 euros au titre du salaire de février 2014, outre 106,42 euros de congés payés afférents,

1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné l’association Objectif Jeunes à remettre à Monsieur [T] le bulletin de salaire 2014 rectifié en fonction de la condamnation prononcée sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte ;

– débouté Monsieur [P] [T] de toutes ses autres demandes ;

– condamné l’association Objectifs jeunes aux dépens.

M. [T] a interjeté appel de ce jugement, le 10 juillet 2019.

Il demande à la cour :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a :

* condamné l’association OBJECTIFS JEUNES à lui payer la somme de 1 064,22 euros de salaire au titre du mois de février 2014, outre 106,42 euros de congés payés afférents ;

* condamné l’association OBJECTIFS JEUNES à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* condamné l’association OBJECTIFS JEUNES à lui remettre le bulletin de salaire de février 2014 rectifié en fonction de la condamnation prononcée ;

– condamné l’association OBJECTIFS JEUNES aux entiers dépens.

– d’infirmer les chefs de jugement l’ayant débouté de ses demandes :

– d’indemnité de requalification de ‘CDD en CDI’,

– de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure,

– de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

– d’indemnité pour travail dissimulé,

– de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation,

– de dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales,

– de dommages et intérêts pour non-respect de l’information au titre du DIF,

– d’ordonner la remise sous astreinte des documents de rupture et des bulletins de salaire rectifiés

de statuer à nouveau sur ces chefs du jugement

– de requalifier le contrat d’accompagnement à l’emploi à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun ;

– de dire que l’employeur a commis les manquements suivants à ses obligations lors de l’exécution du contrat de travail rendant impossible le maintien du contrat de travail :

– harcèlement moral

– volonté de licencier le salarié sans motifs

– non versement de la totalité du salaire

– travail dissimulé

– non-respect des visites médicales obligatoires à la médecine du travail

– non-respect de la formation et de l’accompagnement dans l’emploi

– absence de notification annuelle écrite au salarié de son droit au DIF

– de prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de l’association OBJECTIFS JEUNES

– de dire que cette résiliation judiciaire s’analyse en un licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse

subsidiairement,

– de dire que l’arrivée à son terme du contrat d’accompagnement à l’emploi requalifié en contrat de travail de droit commun n’est pas une rupture légitime qui doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– de condamner l’association OBJECTIFS JEUNES à lui payer les sommes suivantes :

* outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

– 4 371 euros nets d’indemnité de requalification du contrat d’accompagnement à l’emploi en contrat de travail à durée indéterminée ;

– 1 457 euros nets de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de l icenciement

– 22 340 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse 

– 8 742 euros nets de dommages et intérêts pour travail dissimulé

– 15 000 euros nets de dommages et intérêts pour des faits de harcèlement moral 

– 5 500 euros nets de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de formation 

– 2 500 euros nets de dommages et intérêts pour non-respect des visites médicales à la médecine du travail 

– 1 500 euros nets de dommages et intérêts pour non-respect de l’information annuelle écrite de son droit au DIF 

– de condamner l’association OBJECTIFS JEUNES à lui remettre des documents de rupture et des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision, dans les 15 jours de la signification de l’arrêt et passé ce délai sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

– de se réserver le contentieux de la liquidation de l’astreinte ;

y ajoutant,

– d’ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du code civil ;

– de condamner l’association OBJECTIFS JEUNES à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure ;

– de condamner l’association OBJ ECTIFS JEUNES aux dépens.

L’association Objectifs jeunes demande à la cour :

– de confirmer le jugement, sauf en ce qu’il l’a condamnée à payer à Monsieur [P] [T] les sommes de :

– 1 064,22 euros à titre de rappel de salaire pour la période du mois de février 2014, outre106,42 euros au titre des congés payés afférent ;

– 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– d’infirmer le jugement sur ces points ;

Et statuant à nouveau,

– de débouter Monsieur [P] [T] de sa demande de rappel de salaires et de celle fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner Monsieur [P] [T] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 juin 2022.

SUR CE :

Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée

Le salarié fait valoir que le contrat d’accompagnement dans l’emploi dont il était titulaire sans jamais en avoir eu d’exemplaire a été détourné de son objet par l’association, qu’il n’a en effet jamais bénéficié d’aucune formation, qu’à cet égard, l’employeur ne justifie d’aucune attestation de présence à une formation, d’aucun programme de formation, ni d’aucune inscription à une formation, que son contrat ne mentionnait pas de programme prévisionnel de la répartition de son temps de travail sur l’année malgré une durée du travail de 35 heures, que le contrat ne mentionne aucune durée déterminée précise, mais une durée minimum d’un mois renouvelable trois ans, qu’il a été employé pendant trois ans alors que la durée totale d’un tel contrat ne peut être supérieure à deux ans et que ce contrat étant illicite, il doit s’analyser en un contrat à durée indéterminée.

L’association fait valoir qu’elle a accompagné le salarié, qui était en outre suivi à la maison locale de [Localité 3] dans le cadre d’une convention tripartite, que celui-ci a toujours refusé les actions de formation proposées et que si aucun autre bilan d’emploi n’a pu être régularisé, c’est en raison de son comportement, que, contrairement à ce qu’affirme le salarié, la durée minimum contractuelle est de douze mois et non d’un mois et qu’il ne peut solliciter la requalification de son contrat de travail au visa des articles L1247 et L5134-25 du code du travail qui ne s’appliquent pas en l’espèce.

****

En application de l’article L5134-112 du code du travail, l’emploi d’avenir est conclu sous la forme, selon le cas, d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi régi par la section 2 du présent chapître (chapître IV : contrats de travail aidés) ou d’un contrat initiative-emploi régi par la section 5 du même chapître, et les dispositions relatives à ces contrats s’appliquent à l’emploi d’avenir, sous réserve des dispositions spécifiques prévues par la présente section (section 8).

Le contrat d’accompagnement dans l’emploi n’est donc pas soumis aux règles prescrites par l’article L1247 du code du travail.

L’article L5134-115 énonce que :

– le contrat de travail associé à un emploi d’avenir peut être à durée indéterminée ou à durée déterminée

– lorsqu’il est à durée déterminée, il est conclu pour une durée de trente six mois

– en cas de circonstances particulières liées soit à la situation ou au parcours du bénéficiaire, soit au projet associé à l’emploi, il peut être conclu initialement pour une durée inférieure, qui ne peut être inférieure à douze mois

– s’il a été initialement conclu pour une durée inférieure à trente six mois, il peut être prolongé jusqu’à cette durée maximale.

L’article L 5134-116 dispose que le bénéficiaire d’un emploi d’avenir occupe un emploi à temps plein.

Ainsi, le contrat conclu entre les parties le 22 janvier 2014 pour une durée initiale de douze mois, laquelle a été renouvelée tacitement, de sorte que le contrat a pris fin au bout de 36 mois, le 22 janvier 2017, date à laquelle l’attestation Pôle emploi et le certificat de travail ont été délivrés au salarié, la durée hebdomadaire du travail ayant été fixée à 35 heures, est valable.

L’article L5134-20 du code du travail dispose que le contrat d’accompagnement dans l’emploi a pour objet de faciliter l’insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières d’accès à l’emploi. A cette fin, il comporte des actions d’accompagnement professionnel.

En vertu de l’article L5134-22 du même code, la demande d’aide à l’insertion professionnelle indique les modalités d’orientation et d’accompagnement professionnel de la personne sans emploi et prévoit des actions de formation professionnelle et de validation des acquis de l’expérience nécessaire à la validation de son projet professionnel ; les actions de formation peuvent être menées pendant le temps de travail ou en dehors de celui-ci.

La demande d’aide du 16 janvier 2014 prévoit que l’organisme chargé du suivi est le ‘MLRSE’ antenne de Saint- Fons et décrit les actions d’accompagnement et de formation prévues ainsi qu’il suit : remobilisation vers l’emploi, aide à la prise de poste, évaluation des capacités et des compétences, aide à la recherche d’emploi. Il n’est pas envisagé de périodes de professionnalisation ni de validation des acquis de l’expérience.

L’association produit une attestation de suivi dans le cadre d’un emploi d’avenir établie le 2 mars 2017, dont il ressort que M. [T] était suivi à la mission locale de [Localité 3], qu’un premier bilan a été effectué le 13 juin 2014 avec pour objectif la mise en place du volet formation, qu’il avait été convenu que M. [T] devait chercher des formations qui pouvaient lui convenir et se rapprocher ensuite de son conseiller mission locale pour l’accompagner sur la faisabilité, en lien avec l’employeur, mais que, malgré les relances de la mission et de son tuteur, il n’a jamais repris contact avec la Mission locale et aucun autre bilan n’a pu se faire. Il est précisé qu’au premier bilan, d’après M. [T], tout se passait très bien et il était satisfait de son tutorat.

L’association justifie de ce que M. [T] a été inscrit à une formation de deux jours les 4 et 11 juin 2014, que le salarié lui a indiqué qu’il ne s’était pas inscrit sur la formation du 25 juin 2014 (‘les acteurs de la jeunesse sur le territoire municipal’) car il devait gérer la transmission d’un match et avait déjà traité ce sujet au cours de sa formation ‘BPJEPS’ et qu’elle lui a envoyé des propositions de formation pour le mois de juillet 2014.

Au regard de ces éléments et de l’existence d’un suivi par la mission locale, l’association démontre ainsi que, pour l’année 2014, elle s’est acquittée de son obligation de formation à l’égard de M. [T].

Dans ces conditions, la circonstance qu’elle ne justifie d’aucune offre de formation en faveur de M. [T] pour le premier semestre de l’année 2015 n’est pas de nature à entraîner la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.

La demande formée de ce chef, les demandes pécuniaires consécutives et la demande subsidiaire tendant à voir dire que la cessation du contrat à son terme s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse doivent être rejetées, le jugement étant confirmé de ces chefs.

Sur les demandes fondées sur le harcèlement moral

Le salarié fait valoir :

– que ses conditions de travail se sont considérablement dégradées en raison de faits de harcèlement ayant débuté à la suite d’une alerte adressée par sa collègue, Mme [K], et lui-même au président de l’association au sujet de difficultés relatives à leurs conditions de travail, qu’il a subi au quotidien des pressions, remarques et man’uvres déloyales de la part du directeur de l’association, M. [Y], que ces faits répétés ont eu de graves conséquences sur son état de santé, qu’aucune réponse ne lui a été apportée, ni aucune mesure d’enquête prise après qu’il eut dénoncé les faits de harcèlement 

– que le directeur de l’association a engagé une procédure de licenciement à son encontre, sans motif, en cherchant à monter un faux dossier disciplinaire contre lui et que les man’uvres déloyales de ce dernier caractérisent des faits de harcèlement moral

– subsidiairement, que la rupture de son contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, son contrat ayant été requalifié en contrat à durée indéterminée de droit commun.

L’association fait valoir :

– que M. [T] ne produit aucun élément qui serait de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre, que sa seule correspondance du 6 août 2015 ne saurait satisfaire à l’exigence probatoire imposée par la Cour de cassation, que cette lettre dont elle n’a pu prendre connaissance a manifestement été rédigée pour les besoins de la cause à la suite d’une altercation entre le salarié et un bénévole 

– que le salarié avait reçu un rappel à l’ordre et trois avertissements et que le fait qu’elle ait envisagé de le licencier ne constitue pas un élément pouvant laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral 

– qu’aucun élément objectif versé aux débats ne permet de faire un lien entre les arrêts de travail du salarié et la prétendue dégradation de ses conditions de travail, que son arrêt maladie initial n’est pas la conséquence des manquements de l’employeur mais du propre comportement du salarié, lequel a injurié un bénévole et le directeur le 5 août 2015, ces faits ayant fait l’objet d’une main courante.

****

En vertu de l’article L1152-1du code du travail, ‘aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel’.

L’article L1154-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable au contrat de travail énonce que, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui laissent présumer l’existence d’un harcèlement, qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

M. [T] invoque les faits suivants :

– l’agressivité et les attaques dont il a fait l’objet de la part du directeur de l’association

– le retrait des clefs et des codes du local sans explication à son retour de congés en juillet 2015

– les humiliations dont il a été victime de la part de M. [Y] en réunion à plusieurs reprises

– l’absence de remise d’un planning clair concernant ses horaires et les modifications incessantes et discrétionnaires de ses horaires par M. [Y]

– la tentative de M. [Y] de l’évincer en montant un faux dossier de licenciement disciplinaire

– la dégradation de son état de santé puisqu’il a été placé en arrêt de travail en février 2015 puis à nouveau à compter du mois d’août 2015.

M. [T] a écrit au président de l’association le 6 août 2015 qu’il souhaitait attirer son attention sur ses conditions de travail qui se trouvaient être médiocres et sur le comportement du directeur M. [Y] à son égard, inacceptable, honteux et non professionnel.

Aux termes de cette lettre, le salarié fait état d’un sous-effectif au motif que, depuis la démission de Mme [K] en octobre 2014, il se retrouve seul à effectuer des tâches auparavant dévolues à deux animateurs à plein temps. Il se plaint notamment de n’avoir eu aucune formation sur les logiciels et la gestion des tâches administratives depuis son arrivée, de s’être vu attribuer des tâches supplémentaires, de ne pas avoir reçu à l’avance le planning de ses horaires de travail pour la période des vacances scolaires, de ne plus disposer des clefs pour accéder à son lieu de travail depuis son retour de congés du 6 juillet 2015, de ne pas avoir eu de réponse du directeur auquel il demandait des explications sur ce point, d’avoir été harcelé, humilié et insulté par le directeur à plusieurs reprises. Il affirme que ce dernier a été violent à son égard et que, le 5 août 2015, il lui a pris son téléphone personnel qu’il avait mis à recharger dans le bureau où ils se trouvaient tous les deux.

En conclusion de sa lettre, le salarié demande une entrevue avec le président de l’association.

Le même jour, le 6 août 2015, M. [T] a déposé plainte pour harcèlement moral et vol de son téléphone portable contre M. [Y], le directeur.

Selon un certificat daté du 5 août 2015, le médecin de M. [T] constate ‘ce jour’ un choc psychologique pour lequel il prescrit un traitement et un arrêt de travail de quatre semaines et mentionne qu’il doit être fait appel à un psychiatre.

Pour établir la réalité des agissements qu’il impute au directeur de l’association, M. [T] verse aux débats trois attestations.

M. [I], qui indique qu’il est un ancien partenaire, sa structure étant située sur le même territoire que l’association Objectifs Jeunes, atteste que M. [T] est bienveillant auprès du public, s’est montré dynamique, cherchant sans cesse à se questionner sur sa pratique pour progresser, et l’a sollicité à plusieurs reprises pour construire des projets partenariaux : ‘hélas, ces projets n’ont pu aboutir car ils n’ont pas été validés par sa direction’

M. [V] a occupé le poste d’animateur bénévole au sein de l’association Objectifs Jeunes de mai 2012 à août 2016. Il atteste dans un témoignage non daté que, plusieurs fois, M. [Y] a tenu des propos injurieux envers M. [T], qu’il dénigrait sans cesse le travail de ce dernier et lui a demandé à plusieurs reprises de surveiller ses faits et gestes

Mme [K] explique qu’elle a été salariée de l’association à compter du 1er mars 2014, après y avoir travaillé en qualité de bénévole pendant de nombreuses années.

Elle atteste que, dès les premières semaines, elle a signalé à M. [Y] les difficultés de travail rencontrées ‘suite à l’absence de profil de poste, avec des tâches définies pour chacun, le manque de coordination et le manque d’outils de travail (un ordinateur pour trois salariés)’, ‘au fur et à mesure des semaines, les charges de travail ont commencé à augmenter pour M. [T], les tâches demandées étaient très diverses : mise au propre des plannings d’activité, réservation, élaboration d’une plaquette d’accueil, facturation des activités, répondre au téléphone, participer à des réunions partenariales sans briefing au préalable etc… en parallèle, il fallait accueillir le public avec M. [T].’

Elle ajoute qu’ils ont sollicité à plusieurs reprises le président pour lui faire part de leurs difficultés et de leurs conditions de travail, la surcharge de travail, l’absence du directeur, la gestion des bénévoles, ‘qu’après avoir interpellé le président, M. [Y] est devenu agressif et a adopté un comportement tyrannique à leur égard, les traitant de ‘bons à rien’ et les blâmant sans cesse, que, durant la période estivale, M. [Y] a de plus en plus dirigé ses attaques vers M. [T], que M. [Y] a commencé par modifier les horaires de travail’ et que M. [T] n’a jamais été accompagné par le directeur dans le cadre de sa formation.

Il apparaît que Mme [K] a quitté cet employeur à la fin de septembre 2014.

Or, M. [T] ne s’est plaint du comportement du directeur à son égard que près d’un an plus tard et il ne justifie d’aucune alerte antérieure.

L’employeur, non contredit sur ce point par M. [T] dans le cadre de la présente procédure, indique dans ses conclusions que Mme [K] est l’ancienne belle-soeur de M. [Y], avec lequel elle entretient désormais de mauvaises relations pour des raisons étrangères au travail, de sorte que son attestation, non corroborée par des éléments objectifs, n’apparaît pas probante, d’autant plus qu’elle indique elle-même qu’elle a travaillé en tant que bénévole pendant de nombreuses années dans l’association (dont M. [Y] était déjà le directeur), avant d’être embauchée par celle-ci.

Quant à M. [I], il ne travaillait pas dans la même structure que M. [T] et il ne donne aucune explication sur les projets qui auraient été préparés par M. [T] et refusés par le directeur.

Enfin, non seulement les termes généraux et non circonstanciés du témoignage de M.[V] ne permettent pas d’établir la matérialité d’un comportement agressif et dénigrant du directeur à l’égard de M. [T], mais encore la comparaison entre l’écriture de l’attestation attribuée à M. [V] et celle de Mme [K] montre que ces deux attestations ont été rédigées par la même personne, ce qui ôte également sa valeur probante au témoignage de M. [V], y compris en ce qu’il atteste qu’il a constaté qu’une personne avait écrit en son nom depuis sa boîte mail un témoignage défavorable à M. [T] dont il conteste être l’auteur, expliquant qu’il est arrivé que le directeur, M. [Y], lui demande de laisser sa boîte mail ouverte afin qu’il confirme des réservations car il avait des problèmes avec sa propre boîte (‘) et que l’ordinateur de la structure était utilisé par lui-même, M. [Y] ou la secrétaire bénévole.

Aucun élément n’est par ailleurs produit à l’appui des affirmations selon lesquelles M. [T] a été humilié par le directeur en réunion, le directeur lui imposait sans arrêt des modifications de son emploi du temps et les clefs et codes du local de l’association lui ont été retirés sans motif valable à son retour de vacances début juillet 2015.

De son côté, l’association démontre que le salarié avait bien une fiche de poste décrivant ses missions et des horaires de travail fixes (note de service du 10 octobre 2014).

M. [T] produit le courriel de M. [Y] daté du 7 juillet 2015 adressé à son comptable : ‘comme je vous le stipulais dans mon mail de fin juin, nous aimerions ‘licencier’ M. [T] pour plusieurs motifs : un licenciement économique est-il faisable compte-tenu de notre résultat d’activité ou faut-il envisager un licenciement pour faute ‘ Nous avons déjà adressé et convoqué deux fois M. [T] pour des fautes, absences non excusées… Nous envisagerions ce licenciement pour le 1er septembre’.

A ce sujet, l’employeur verse aux débats une lettre datée du 4 août 2014 reprochant au salarié deux absences et un retard au cours de la journée du 1er août 2014, une lettre avec la mention recommandée avec accusé de réception du 13 octobre 2014 notifiant au salarié un avertissement en raison notamment de son irrespect des règles, ses retards à répétition et ses absences injustifiées, une lettre avec la mention recommandée avec accusé de réception en date du 9 mars 2015 reprochant au salarié de ne pas faire depuis plusieurs semaines les tâches administratives qui lui incombent et qui lui sont demandées régulièrement et une lettre avec la mention recommandée avec accusé de réception intitulée 3ème avertissement en date du 29 juillet 2015 au motif d’une absence du salarié le lundi 27 juillet 2015 après un arrêt de travail expirant le 26 juillet 2015 inclus et un retard de trois quarts d’heures le mardi 28 juillet alors qu’il devait relever l’animateur du matin pour prendre en charge les enfants l’après-midi.

Par lettre du 3 août 2015, l’association convoque le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, fixé au 14 août 2015.

M. [T] fait observer que l’employeur ne justifie pas lui avoir envoyé ces lettres de mise en garde et d’avertissement.

L’existence de manquements professionnels de M. [T] est cependant corroborée par l’attestation de Mme [U], secrétaire bénévole de l’association, dont il résulte que M. [T] n’effectuait pas les tâches demandées, n’écoutait aucun conseil et ses absences injustifiées mettaient en péril l’association.

Le courriel envoyé de la boîte électronique personnelle de M. [V] le 7 août 2015 sur la boîte électronique structurelle de l’association informe l’employeur que M. [T] lui a tenu des propos injurieux le 5 août 2015, lui a manqué de respect et a fouillé dans la salle à la recherche de son téléphone portable vers 18 heures 20 alors que sa prise de poste devait être à 17 heures.

Dans ces conditions, M. [T] n’est pas fondé à se prévaloir d’un ‘faux’ dossier disciplinaire monté par l’employeur.

Aucune autre pièce médicale que le certificat du 5 août 2015 contemporain de l’incident survenu le même jour n’est produite aux débats.

Les faits invoqués par M. [T] n’étant pas matériellement établis, sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre d’un harcèlement moral doit être rejetée.

Sur la demande en paiement d’un rappel de salaire pour le mois de février 2014

L’association soutient que le non règlement du salaire de M. [T] est imputable à ce dernier en raison de son absence dûe au fait qu’il travaillait déjà en tant qu’animateur à la mairie de [Localité 4] avant son embauche par elle et qu’il a tardé à démissionner de ce poste.

Le bulletin de salaire de février 2014 portant la mention absence entrée 010213-280213 sans qu’il soit justifié d’une mise en demeure d’avoir à se présenter sur le lieu de travail et sans que M. [T] ait élevé une réclamation sur ce point avant la procédure contentieuse introduite plus de deux ans après laisse présumer que M. [T] a effectivement été absent au mois de février 2014 avec l’accord tacite de l’association.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné l’association à payer à M. [T] un rappel de salaire pour le mois de février 2014, outre l’indemnité de congés payés afférents et cette demande doit être rejetée.

La demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé fondée sur le non paiement du salaire de février 2014 sera rejetée par voie de conséquence.

M. [T] ne reprend pas dans le dispositif de ses conclusions d’appel le surplus des demandes de rappel de salaire qu’il avait formées devant le conseil de prud’hommes.

Le jugement qui les a rejetées doit être confirmé.

Sur les autres demandes

Le salarié fait valoir que l’association ne rapporte pas la preuve des visites médicales obligatoires à la médecine du travail, lui causant un préjudice substantiel, la vérification de son aptitude étant d’autant plus nécessaire qu’il a subi des conditions de travail particulièrement dégradées et des faits de harcèlement.

L’association fait valoir que M. [T] a bien été déclaré auprès du service de santé au travail auquel elle a toujours adhéré, mais elle ne démontre pas lui avoir fait passer de visite médicale, ni à l’embauche, ni postérieurement.

M. [T] ne démontre pas avoir subi un préjudice en lien avec ce manquement. Le jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts sera confirmé.

Le salarié fait valoir que l’association ne démontre pas l’avoir formé et adapté à son poste de travail, lui causant un préjudice significatif, le manquement étant d’autant plus grave que l’embauche dans le cadre d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi impose à l’employeur des actions concrètes de formation et d’accompagnement.

Certes, l’association n’a pas proposé de formation au salarié pendant la première partie de l’année 2015, si bien que le manquement est établi.

Néanmoins, M. [T], qui n’apporte aucun élément sur les recherches d’emploi qu’il a effectuées à l’issue de son contrat, ni sur sa situation professionnelle, ne justifie d’aucun préjudice actuel et certain en lien avec ce manquement.

La demande en dommages et intérêts doit être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Le salarié fait valoir que l’association ne justifie pas l’avoir informé annuellement par écrit de ses droits à DIF, lui causant ainsi un préjudice en ce qu’il aurait pu solliciter en externe les formations qui ne lui étaient pas fournies en interne.

L’association fait valoir que, depuis le 1er janvier 2015, le compte personnel de formation a remplacé le droit individuel à la formation et permet au salarié, à sa seule initiative, de suivre les formations qui y sont éligibles, que sa gestion est assurée par la caisse des dépôts et consignations et non par l’employeur et qu’aucune obligation d’information annuelle du salarié quant à ses droits à ce titre n’incombe à l’employeur.

Or, le salarié ne démontre pas l’existence d’un préjudice en lien avec un défaut d’information sur ses droits à la formation et le jugement qui a rejeté sa demande doit être confirmé.

La demande aux fins de remise de documents de rupture rectifiés n’est pas justifiée, compte-tenu des dispositions du présent arrêt, et sera rejetée.

M. [T], dont le recours est rejeté, sera condamné aux dépens d’appel.

Il n’y a pas lieu de mettre à sa charge les frais irrépétibles d’appel exposés par l’association.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a condamné l’association Objectifs Jeunes à payer à M. [P] [T] un rappel de salaire pour le mois de février 2014 et l’indemnité de congés payés afférents

STATUANT à nouveau sur ce point,

REJETTE la demande en paiement d’un rappel de salaire pour le mois de février 2014 et de l’indemnité de congés payés afférents

CONDAMNE M. [P] [T] aux dépens d’appel

REJETTE la demande de l’association Objectifs Jeunes fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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