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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRET DU 23 MARS 2023
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06077 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD7WK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F20/06968
APPELANTE
Madame [U] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Virginie RIBEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1066
INTIMEE
S.A.S. GREEN DECOR prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés
en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Carine SONNOIS, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre
Madame Mme Carine SONNOIS, Présidente de la chambre
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
– contradictoire
– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Mme Carine SONNOIS, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
Par contrat à durée déterminée d’une durée de 6 mois en date du 6 octobre 2006, la société Green Décor a embauché Mme [U] [N] en qualité d’Assistante commerciale.
Les relations contractuelles, régies par la convention collective nationale des entreprises du paysages, se sont poursuivies dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.
Mme [U] [N] a été placée en arrêt maladie à compter du 3 décembre 2018 jusqu’au 17 décembre 2019.
Le 20 décembre 2019, Mme [U] [N] a été déclarée inapte par le médecin du travail avec dispense d’obligation de reclassement.
Le 2 janvier 2020, Mme [U] [N] a été convoquée par son employeur à un entretien préalable fixé le 10 janvier 2020.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 16 janvier 2020, la société Green Décor a notifié à Mme [U] [N] son licenciement pour inaptitude.
Contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant que la société Green Décor avait manqué à ses obligations légales et contractuelles, Mme [U] [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 28 septembre 2020.
Par jugement du 4 juin 2021, notifié le 8 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Paris, section agriculture, a :
-débouté Mme [U] [N] de ses demandes,
-débouté la société Green Décor de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, -condamné Mme [U] [N] au paiement des entiers dépens.
Mme [U] [N] a interjeté appel de ce jugement par déclaration déposée par voie électronique le 5 juillet 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 décembre 2022, Mme [U] [N] demande à la cour de :
-infirmer dans son intégralité le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
-requalifier le licenciement de Mme [U] [N] en licenciement nul,
En conséquence,
-condamner la société Green Décor à verser à Mme [U] [N] la somme de 37 802 euros en application des dispositions de l’article L.1235-3-1 du Code du travail,
A titre subsidiaire,
-requalifier le licenciement de Mme [U] [N] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-condamner la société Green Décor à verser à Mme [U] [N] la somme de 37 802,16 euros en raison de l’inconventionnalité des dispositions de l’article L.1235-3 du Code du travail limitant l’indemnisation du salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’atteinte disproportionnée portée aux droits de Mme [U] [N],
-condamner à défaut la société Green Décor à verser à Mme [U] [N] la somme de 24 151, 38 euros en application de l’article L.1235-3 du code du travail,
En tout état de cause,
-condamner la société Green Décor à verser à Mme [U] [N] la somme de 4 200,24 euros au titre de l’indemnité de préavis et 420 euros au titre des congés payés afférents,
-condamner la société Green Décor à verser à Mme [U] [N] la somme de 6 300,36 euros au titre du manquement à son obligation de sécurité et son obligation d’exécuter loyalement et de bonne foi le contrat de travail,
-débouter la société Green Décor de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
-ordonner la remise à Mme [U] [N] d’une attestation pôle emploi, d’un reçu pour solde de tout compte, d’un bulletin de paie de janvier 2020, d’un certificat de travail rectifiés conformément à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document,
-ordonner l’application des intérêts au taux légal courant à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales, et à compter de la décision pour les dommages et intérêts,
-condamner la société Green Décor à verser à Mme [U] [N] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant le conseil de prud’hommes,
Y ajoutant :
-condamner la société Green Décor à verser à Mme [U] [N] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la cour d’appel,
-condamner la société Green Décor aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 28 décembre 2021, la société Green Décor demande à la Cour de :
-confirmer le jugement rendu le 4 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Paris dans toutes ses dispositions,
En conséquence
-débouter Mme [U] [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause
-condamner Mme [U] [N] aux entiers dépens,
-condamner Mme [U] [N] à payer à la société Green Décor la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
-dire que ceux d’appel seront recouvrés par Maître Audrey Hinoux, SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 7 décembre 2022.
L’affaire a été fixée à l’audience du 16 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISON :
1/ Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
L’article L.1222-1 du code du travail dispose :« Le contrat de travail est exécuté de bonne foi».
Mme [N] fait valoir que les manquements de son employeur à l’obligation de formation, à la tenue des entretiens individuels, à sa mise à disposition irrégulière ainsi que le manquement à l’obligation de sécurité, caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail.
1.1 – Sur l’obligation de formation
Aux termes de l’article L.6321-1 du code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques,
Les actions de formation mises en ‘uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l’article L.6312-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences.
L’article L.6312-1 du code du travail dispose que l’accès des salariés à des actions de formation professionnelle continue est assuré :
1° A l’initiative de l’employeur, le cas échéant, dans le cadre d’un plan de formation ;
2° A l’initiative du salarié notamment par la mobilisation du compte personnel de formation prévu à l’article L. 6323-1 et dans le cadre du congé individuel de formation
défini à l’article L. 6322-1 ;
3° Dans le cadre des périodes de professionnalisation prévues à l’article L. 6324-1 ;
4° Dans le cadre des contrats de professionnalisation prévus à l’article L. 6325-1.
Mme [U] [N] soutient que la société Green Décor a manqué à son obligation de formation puisque, malgré son ancienneté de 13 ans, elle n’a bénéficié d’aucune formation sérieuse et adaptée à l’évolution de son poste, à l’exception d’une formation de 4 jours sur les logiciels SPHINX et NEWSLETTER qu’elle n’a jamais utilisés. L’absence de demande de la part des salariés ne dispense en rien l’employeur de son obligation de formation. Du fait de ce manquement, Mme [U] [N] n’a pas évolué dans son poste, comme en témoigne son statut de sortie qui est identique à celui lors de son embauche.
La société Green Décor répond que la salariée n’a jamais émis la moindre demande de formation, et que, depuis son embauche, plus d’une dizaine de formations lui ont été dispensées.
La cour constate que l’intimée a synthétisé dans un tableau, l’ensemble des formations que la salariée aurait suivies entre 2007 et 2018 parmi lesquelles figure celle citée par cette dernière. Sont joints à l’appui, divers documents ou factures qui permettent de les retenir comme effectives, y compris la formation en anglais mise en place dans le cadre du Compte Personnel Formation, justifiée dans son financement et évoquée par Mme [N] dans ses conclusions (page 26 : « Le départ de Mme [N] n’a pas causé de tort à la société »).
Ainsi, il ne peut être reproché à l’employeur d’avoir manqué à son obligation de formation.
1.2 – Sur la tenue d’entretiens professionnels
L’article L.6315-1 du code du travail, dispose dans sa version applicable du 26 novembre 2009 au 7 mars 2014, que le salarié, à sa demande, bénéficie d’un bilan d’étape professionnel après deux ans d’ancienneté dans la même entreprise, puis tous les cinq ans. A compter du 7 mars 2014, cet entretien professionnel, qui ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié mais sur ses perspectives d’évolution professionnelle, est prévu tous les deux ans, avec un état des lieux récapitulatif tous les six ans.
Mme [U] [N] indique que la société Green Décor a manqué à son obligation depuis 2009 puisqu’aucun bilan d’étape professionnel ni entretien professionnel n’a été organisé depuis cette date. De ce fait, elle n’a jamais eu connaissance de nombreuses informations qui auraient dû lui être communiquées à l’occasion de cet entretien professionnel et qui lui auraient permis de préparer ses recherches d’emploi et de formation.
La société Green Décor objecte qu’elle assurait bien des entretiens relatifs à l’évolution professionnelle des salariés, et que les pièces qu’elle produit le confirment. Mais elle n’a pas pu organiser un entretien sur les perspectives professionnelles de Mme [U] [N] à l’issue de l’arrêt maladie de celle-ci, puisqu’elle n’a jamais repris le travail et a immédiatement été reconnue inapte à tout poste dans l’entreprise.
Il résulte des dispositions de l’article L.6315-1 du code du travail que l’entretien professionnel, tout comme l’état des lieux, donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, et la cour constate que l’intimée n’en produit aucun, ce qui démontre qu’ils n’ont pas été réalisés, conformément aux affirmations de Mme [N].
1.3 – Sur la mise à disposition
Mme [U] [N] soutient qu’elle a été mise à disposition de la société Green, sans que les conditions de la mise à disposition prévues par l’article L. 8241-1 du code du travail soient respectées. En effet, elle n’a pas donné son accord et s’est plainte de cette situation auprès de ses supérieurs hiérarchiques.
La société Green Décor affirme que la mise à disposition de Mme [U] [N] n’avait aucun caractère lucratif, que sa charge de travail n’a pas été accrue par cette mise à disposition, qu’elle ne s’en est jamais plainte et ne fait état d’aucun préjudice. De plus, en échange des heures de travail effectuées pour la société Green, la société Green Décor a bénéficié des heures de travail de la comptable de la société Green, de sorte que les interventions n’avaient aucun caractère lucratif.
L’article L.8241-2 du code du travail dispose que le prêt de main-d”uvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert l’accord du salarié concerné, une convention de mise à disposition et un avenant au contrat de travail signé par le salarié.
Mme [N] produit des mails qui démontrent qu’elle a travaillé pour la société Green dès 2006 (pièce 31), ce qui n’est pas contesté par la société Green Décor. Celle-ci ne justifie ni de l’accord de la salariée, ni de l’établissement d’un avenant et se contente d’indiquer que l’opération n’avait aucun but lucratif.
Il en résulte que la mise à disposition de Mme [N] n’a pas été faite dans le respect des dispositions légales.
1.4 – Sur le manquement à l’obligation de sécurité
Aux termes des articles L.4121-1 et suivants du code du travail, l’employeur est tenu à l’égard de chaque salarié d’une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé. Il doit en assurer l’effectivité.
En vertu de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’article L. 4121-2 du code du travail précise les principes généraux de prévention.
Et l’article L.1222-1 du code du travail dispose :« Le contrat de travail est exécuté de bonne foi».
Mme [U] [N] fait valoir qu’elle était en situation de souffrance au travail et que son employeur en avait parfaitement connaissance. Pourtant, il n’est jamais intervenu pour faire cesser cette situation. Elle a alerté son employeur des comportements dégradants qu’elle subissait de la part de ses collègues et d’une mauvaise communication des informations nécessaires à son travail, sans qu’il y soit remédié. Elle produit plusieurs certificats médicaux, l’un de son médecin traitant, qui évoque un burn out, et l’autre d’un médecin psychiatre qui décrit un conflit au travail avec vécu de harcèlement.
La société Green Décor considère que les preuves produites par Mme [U] [N] au soutien de ses allégations sont insuffisantes. En effet, les attestations produites émanent, pour certaines, de membres de sa famille, et ne respectent pas les conditions de forme posées par l’article 202 du code de procédure civile. En outre, de nombreuses pièces sont sans lien avec ses demandes. Enfin, l’authenticité de certains documents est contestable. Elle ajoute que le comportement de la salariée a contraint une de ses collègues à quitter l’entreprise, et que d’autres collègues de la salariée font état de comportements inappropriés de sa part.
C’est à la suite d’une difficulté relative aux congés d’été 2018 que la situation avec Mme [I], Assistante Administrative et Comptable, semble s’être dégradée, puisque Mme [N] l’a vécue comme une injustice (pièce 37), adressant un courrier le 27 juillet 2018 à M. [G], gérant, alors même qu’une entrevue selon elle « très bénéfique » avait eu lieu le 2 juillet 2018. Au terme d’un échange de sms non datés qui semble intervenir à ce moment, (pièce 5), M. [G] lui répond : « J’ai moi-même remarqué que le ton de vos échanges était devenu plus agressif depuis quelques temps. Ce n’est pas la même chose. Tout cela commence sérieusement à me fatiguer. Je n’accepterai pas la détérioration de l’ambiance de travail au bureau. Il va falloir clairement que chacun y mette du sien. Veuillez régler cela avec [W] que j’ai chargé de faire le point ».
Le gérant a organisé dès son retour, le 30 juillet 2018, une réunion avec les deux salariées (pièce 14), manifestement peu concluante aux yeux de Mme [N] puisqu’elle écrit le lendemain à [W] [O] : « Je ne vous embêterais plus avec cela car je sais que pour moi, c’est peine perdue, mes tâches seront faites, vos ordres seront exécutés ».
Dans un second courrier daté du 1er mars 2019, Mme [N] revient sur un échange qu’elle a eu avec M. [G] le 18 décembre 2018. Elle se décrit comme étant en butte à l’hostilité de plusieurs collègues, techniciens ou employés de bureau, mais également du cogérant, M. [O], et évoque à nouveau le problème lié aux congés d’été 2018. Un dernier entretien a été organisé le 28 mars 2019 (pièce 36) au cours duquel Mme [N] a, à nouveau, évoqué les dysfonctionnements qu’elle subissait.
Dans son attestation, M. [T] (pièce 35) évoque le mal-être profond de Mme [N], sa tentative de régler en interne les problèmes et d’exposer son ressenti lors de l’échange du 18 décembre 2018 au cours duquel elle aurait pleuré, face à laquelle M. [G] aurait manifesté une incompréhension dépourvue de toute marque de soutien.
De son côté, la société Green Décor produit la lettre de démission de Mme [I] datée du 6 novembre 2018, dans laquelle celle-ci évoque une ambiance de travail créée par Mme [N] depuis l’été, trop tendue et conflictuelle pour lui permettre d’exercer correctement son travail, et ajoute que « rien de ce qui a été dit depuis, n’a permis de calmer cette situation qui m’est devenue trop pénible à supporter au quotidien », ainsi qu’une attestation dans laquelle elle parle du comportement digne d’un harcèlement de Mme [N] (pièces 10 et 13), tandis que M. [R], témoin d’une altercation entre les deux femmes, atteste du comportement agressif de Mme [U] [N] à l’égard de
Mme [I], dont il n’a pas osé lui parler de peur de sa réaction (pièce 14 intimée).
La cour constate que la mésentente entre Mme [N] et Mme [I] semble consécutive à l’attribution des congés d’été 2018, que la première n’a pas admise. Cette mésentente a pris une ampleur telle que le gérant a dû organiser deux entretiens les 2 et 30 juillet 2018, et que Mme [I] a remis sa démission trois mois plus tard, sans pour autant que la situation de Mme [N] s’apaise, puisqu’elle a été à nouveau reçue à deux reprises par le gérant les 18 décembre 2018 et 28 mars 2019, alors qu’elle était en arrêt de travail, en raison notamment du comportement, selon elle, agressif d’autres collègues à son égard.
Si l’employeur justifie avoir reçu la salariée à deux reprises en juillet 2018, manifestement de façon appropriée puisque Mme [N] qualifie le premier entretien de « très bénéfique », il ne fait état de la mise en place d’aucune mesure concrète destinée à aplanir les tensions relationnelles existant entre Mme [N] et Mme [I], tensions qui ont manifestement perduré jusqu’à la démission de cette dernière, sauf à enjoindre à celles-ci de faire des efforts.
A nouveau alerté par Mme [N] en décembre 2018, l’employeur l’a une nouvelle fois reçue sans pour autant justifier d’aucune mesure destinée à faire cesser ces tensions, alors pourtant que l’attitude de la salariée, décrite par M. [T], était de nature à l’alerter sur les graves répercussions que ses conditions de travail pouvaient avoir sur son état de santé.
Ces éléments s’analysent comme un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, lequel s’ajoute aux manquements de l’employeur s’agissant des entretiens professionnels et de la mise à disposition de la salariée, et caractérisent ainsi une exécution déloyale du contrat de travail.
En conséquence, il convient d’allouer à Mme [N] la somme de 1 500 euros à titre d’indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité.
2/ Sur le licenciement
Mme [U] [N] soutient qu’elle a été licenciée en raison de son état de santé et qu’il s’agit d’un licenciement discriminatoire prohibé par l’article L.1132-1 du code du travail. Il existait un projet de rupture conventionnelle entre les parties qui a été abandonné dès que son inaptitude a été prononcée.
Elle affirme par ailleurs que la dégradation de son état de santé résulte des manquements graves de la société à ses obligations, manquements caractérisés par le non-respect par la société Green Décor de ses obligations de formation et d’entretiens professionnels, sa mise à disposition illicite auprès de la société Green, l’attitude hostile et vexatoire du cogérant de la société et de son assistante administrative, et de la différence de traitement dans le versement de la prime de fin d’année dont elle a fait l’objet. Ils sont à l’origine de sa souffrance au travail attestée par son médecin traitant et un médecin psychiatre.
La société Green Décor répond que le licenciement fondé sur l’état de santé n’est prohibé qu’en l’absence de tout constat d’inaptitude, or, Mme [U] [N] a fait l’objet d’un avis d’inaptitude. En outre, le lien entre la dégradation de l’état de santé de celle-ci et son inaptitude n’est pas établi. La salariée n’a fait l’objet d’aucune inégalité de traitement dans le versement de la prime de fin d’année puisqu’il s’agissait d’une prime relative à la campagne de vente de Noël à laquelle elle n’avait que partiellement participé en raison de son arrêt de travail et les accusations qu’elle porte à l’égard de ses collègues sont mensongères. Enfin, concernant la rupture conventionnelle, elle admet que des échanges ont eu lieu sans aboutir.
Dans le cadre de la visite de reprise organisée le 20 décembre 2019, faisant suite à une étude de poste, une étude des conditions de travail, un échange avec l’employeur et une actualisation de la fiche d’entreprise, le médecin du travail a conclu à une inaptitude totale et définitive de Mme [N] à un emploi dans son entreprise, avec dispense de l’obligation de reclassement, tout maintien du salarié dans un emploi étant gravement préjudiciable à sa santé.
La société Green Décor a ensuite avisé la salariée qu’elle envisageait une procédure de licenciement et convoqué celle-ci à une entretien préalable, avant de lui notifier son licenciement.
Le seul fait que le licenciement ait été prononcé suite à une inaptitude physique constatée par le médecin du travail ne peut suffire à établir l’existence d’un licenciement discriminatoire en raison de son état de santé.
Par contre, est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur à son obligation de sécurité qui l’a provoquée.
La cour a ci-dessus retenu que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité.
Alors que Mme [N] s’est à plusieurs reprises ouverte à son employeur de difficultés relationnelles rencontrées d’abord avec Mme [I] puis avec d’autres salariés, ce dernier n’a pris aucune mesure de nature à les aplanir, de sorte que Mme [I] a démissionné et que Mme [N] a été placée en arrêt de travail le 1er décembre 2018.
L’avis d’arrêt de travail initial mentionne un syndrome anxio-dépressif avec problème au travail (pièce 4) et celui du 10 décembre 2018, une asthénie /stress. Le docteur [D], psychiatre, qui suivait Mme [N] depuis février 2019, décrit une symptomatologie évoquant un syndrome de stress traumatique avec anxiété, pensées négatives en boucle, fatigue, troubles cognitifs, sinistrose, sentiment d’injustice, mésestime et perte de confiance en elle, tristesse et culpabilité.
Cet arrêt de travail s’est poursuivi jusqu’à la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail.
Il se déduit de ce qui précède que l’inaptitude de la salariée, cause alléguée de son licenciement, trouve son origine dans le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité qui l’a directement provoquée. Par suite, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
3/ Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’indemnité de préavis
Mme [N] soutient que les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail doivent être écartées puisque le barème ne permet pas de tenir compte de l’ensemble des éléments de situation de la salariée qui alimentent ses préjudices financiers, professionnels et moraux.
La cour retient que, eu égard à l’importance de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes par l’alinéa b de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée, rapproché de ceux des parties I et III, du même texte les dispositions de l’article 24 de ladite Charte ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers et, qu’en conséquence, les décisions du Comité Européen des droits sociaux ne peuvent être utilement invoquées par l’appelant pour voir écarter les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.
Par ailleurs, la mise en place d’un barème n’est pas, en soi, incompatible avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT qui prévoient le « versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » lorsque le licenciement est considéré comme dénué de cause réelle et sérieuse, puisque la fixation d’un montant minimal et maximal défini sur la base de l’ancienneté du salarié laisse au juge le pouvoir d’apprécier chaque situation individuelle.
En application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, le juge octroie au salarié une indemnité dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux déterminés selon l’ancienneté du salarié.
Mme [N] ayant une ancienneté de 13 années au jour de l’envoi de la lettre de licenciement, le montant de cette indemnité est compris entre 3 mois et 11 mois et demi de salaire brut.
Eu égard à l’âge de Mme [N], à savoir 38 ans à la date du licenciement, au montant de son salaire, soit 2 060,06 euros, au fait qu’elle a ensuite été placée en invalidité et aux éléments du dossier, il lui sera alloué, en réparation de son entier préjudice au titre de la rupture abusive, la somme de 23 690,69 euros.
Mme [N] sollicite également une somme de 4 200, 24 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 420,02 euros au titre des congés payés afférents.
Il lui sera alloué la somme de 4 120,12 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 412,01 euros au titre des congés payés afférents.
4/ Sur les demandes accessoires
Il sera ordonné à la société Green décor de délivrer à Mme [N], dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, une attestation Pôle emploi, un reçu pour solde de tout compte, un bulletin de paie de janvier 2020 et un certificat de travail rectifiés, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.
La cour rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l’arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que la capitalisation est de droit conformément à l’article 1343-2 du code civil.
La société Green Décor qui succombe partiellement dans la présente instance, doit supporter les dépens d’appel.
Il convient également de la condamner à payer à Mme [N] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des procédures de première instance et d’appel.
Il convient enfin de débouter la société Green Décor de sa demande sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté la société Green Décor de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [U] [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Green Décor à payer à Mme [U] [N] les sommes suivantes :
-1 500 euros à titre d’indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité
-23 690,69 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-4 120,12 euros au titre de l’indemnité de préavis
-412,01 euros au titre des congés payés afférents
-2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l’arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que la capitalisation est de droit conformément à l’article 1343-2 du code civil,
Ordonne à la société Green décor de délivrer à Mme [U] [N], dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, une attestation Pôle emploi, un reçu pour solde de tout compte, un bulletin de paie de janvier 2020 et un certificat de travail rectifiés, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte,
Condamne la société Green Décor aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE