Compte personnel de formation : 21 février 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01842

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Compte personnel de formation : 21 février 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01842
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21 FEVRIER 2023

Arrêt n°

FD/NB/NS

Dossier N° RG 20/01842 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FQDM

S.A.S. BUFFALO GRILL

/

[N] [U]

jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire du puy en velay, décision attaquée en date du 19 novembre 2020, enregistrée sous le n° f18/00028

Arrêt rendu ce VINGT ET UN FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

Mme Sophie NOIR, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A.S. BUFFALO GRILL

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me MARNAT, avocat suppléant Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Représentant : Me Frédéric SAUVAIN de l’AARPI 107 Université, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

M. [N] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant, assisté de Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Marielle OLIVIER-DOVY de la SELARL MARIELLE OLIVIER-DOVY AVOCAT, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE, avocat plaidant

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/001741 du 05/03/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

INTIME

Après avoir entendu Mme DALLE, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 05 Décembre 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [N] [U], né le 10 mars 1993, a été embauché par la SAS BUFFALO GRILL entre le 2 septembre 2013 et le 23 mars 2014 dans le cadre de différents contrats de travail à durée déterminée à temps complet, pour exercer au sein de l’établissement sis à [Localité 3]. A compter du 7 avril 2014, Monsieur [U] a été embauché dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 30 heures par semaine, en qualité d’agent de restauration, statut employé, niveau 1, échelon 2, de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants. A compter du 1er mai 2015, Monsieur [U] a exercé ses fonctions à temps complet, statut employé, niveau 2, échelon 2.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 8 avril 2016, Monsieur [N] [U] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 22 avril 2016 et s’est vu notifier une mise à pied conservatoire pour des faits de harcèlement sexuel.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 17 mai 2016, la SAS BUFFALO GRILL a notifié à Monsieur [N] [U] son licenciement pour faute grave.

Par requête reçue au greffe le 3 mai 2018, Monsieur [N] [U] a saisi le conseil de prud’hommes du PUY EN VELAY.

L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue en date du 14 juin 2018 et, comme suite au constat de l’absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 7 mai 2018), l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement rendu contradictoirement le 19 novembre 2020, le conseil de prud’hommes du PUY EN VELAY a :

– dit que la faute grave reprochée à Monsieur [N] [U] n’est pas caractérisée ;

– jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur [N] [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence

– condamné la SAS BUFFALO GRILL à payer et verser à Monsieur [N] [U] les sommes suivantes :

* 3.054,02 euros à titre d’indemnité de préavis et 305,40 euros à titre d’indemnité de congés payés correspondante ;

* 458,10 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

* 800,41 euros au titre de la restitution du salaire sur la période de la mise à pied conservatoire ;

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts eu égard aux conditions particulièrement

vexatoires de ce licenciement ;

– dit que les créances salariales sont productrices d’intérêts au taux légal à compter de la réception par le défendeur de la convocation à comparaître à l’audience de conciliation et d’orientation et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées et les créances indemnitaires à compter du prononcé du présent jugement ;

– condamné la SAS BUFFALO GRILL à payer et porter la somme de 1.000 euros, à Me OLIVIER-DOVY, avocate inscrite au barreau de la Haute-Loire, en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’elle renonce à percevoir la part contributive de l’Etat ;

– ordonné le remboursement par la SAS BUFFALO GRILL au pôle emploi des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé par le conseil, dans la limite de un mois d’indemnités de chômage ;

– dit que le présent jugement sera transmis au pôle emploi ;

– rappelé que l`exécution provisoire est de droit sur les sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R1454-14 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire ;

– dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire est de 1.527,0l euros;

– condamné la SAS BUFFALO GRILL aux dépens de l’instance et d’exécution.

Par requête reçue au greffe le 14 décembre 2020, la SAS BUFFALO GRILL a interjeté appel de ce jugement notifié à sa personne morale le 24 novembre 2020.

Vu les dernières écritures notifiées le 12 mars 2021 par la SAS BUFFALO GRILL ;

Vu les dernières écritures notifiées le 14 juin 2021 par Monsieur [N] [U] ;

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 7 novembre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la SAS BUFFALO GRILL conclut à l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

– dire et juger que le licenciement de Monsieur [U] repose sur une faute grave ;

– débouter Monsieur [N] [U] de l’ensemble de ses demandes;

– condamner Monsieur [N] [U] à lui verser la somme globale de 2.500 euros, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Monsieur [N] [U] aux entiers dépens.

La SAS BUFFALO GRILL conteste tout d’abord que le licenciement notifié au salarié pour faute grave ait été la conséquence d’une dénonciation faite par Monsieur [U], au terme d’une attestation, du comportement inapproprié de Monsieur [S] à l’égard de Madame [C]. Elle explique en effet être à l’origine de la demande de rédaction de ladite attestation en sorte que son contenu ne saurait être regardé comme ayant déclenché la procédure de licenciement engagée à l’encontre de l’intimé.

Sur le fond, elle fait valoir qu’en suite d’une enquête interne menée par le CHSCT au sein de l’établissement, certains salariés ont dénoncé les agissements de Monsieur [U], à savoir:

* attouchements de nature sexuelle (caresses sur les fesses, pincements des parties génitales) ;

* embrassade de force ;

* dégrafage de soutien-gorge.

Elle considère que de tels agissements sont particulièrement graves et qu’ils ont rendu impossible le maintien du contrat de travail de Monsieur [U], étant rappelé qu’il lui appartient, en qualité d’employeur, de prévenir la commission de faits de harcèlement à l’encontre de ses salariés conformément à son obligation de sécurité.

Dans ses dernières écritures, Monsieur [N] [U] demande à la cour de :

– juger que le licenciement prononcé à son encontre est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner la SAS BUFFALO GRILL à lui porter la somme de 40.000 euros au titre de dommages et intérêts eu égard aux conditions particulièrement vexatoires de ce licenciement ;

– condamner la SAS BUFFALO GRILL à lui porter les sommes suivantes:

– 3.054,02 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

– 305,40 euros bruts d’indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis

– 458,10 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement

– 800,41 euros au titre de la restitution de la somme retenue dans le cadre de la mise à pied

– condamner la SAS BUFFALO GRILL à lui payer une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 alinéa 1 du code de procédure civile ;

– condamner la SAS BUFFALO GRILL à payer à Me LACQUIT & Me DOVY une somme de 4.000 euros , sur le fondement de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile et au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle, à la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, qui sera réputé renoncer à la part contributive de l’état ;

(Etant rappelé que cette somme ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat, en l’espèce de 926 euros.)

– condamner également la SAS BUFFALO GRILL aux entiers dépens.

Monsieur [U] expose, au soutien de la contestation du bien fondé de son licenciement, avoir établi en faveur d’une collègue de travail une attestation aux termes de laquelle il attestait avoir assisté à des comportements déplacés de la part de Monsieur [S] à l’encontre de la jeune femme, déclarations qu’il a confirmées devant les services de police du PUY-EN-VELAY dans le cadre de son audition en qualité de témoin en suite du dépôt de plainte de la salariée. Il considère que le licenciement dont il a fait l’objet lui a été notifié en représailles à ses déclarations.

Il conteste ensuite l’ensemble des griefs qui lui sont imputés et souligne l’absence de tout élément probant versé aux débats par l’employeur pour objectiver un quelconque manquement qui lui serait imputable. Il réfute ainsi s’être rendu coupable de faits de harcèlement sexuel à l’encontre de certaines de ses collègues féminines et se prévaut au contraire de relations professionnelles en toutes circonstances parfaitement correctes.

Il considère ainsi que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et sollicite l’indemnisation afférente.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées.

MOTIFS

– Sur la rupture du contrat de travail –

Si l’employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu’il considère comme fautif, il doit s’agir d’un comportement volontaire (action ou omission). À défaut, l’employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire. La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni avoir déjà été sanctionnée.

Le code du travail ne donne aucune définition de la faute grave. Selon la jurisprudence, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat de travail.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d’appréciation ou l’insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis.

Il incombe à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave qu’il invoque. Le doute doit profiter au salarié.

En cas de faute grave, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.

Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d’une telle mesure n’est pas obligatoire.

Le harcèlement sexuel est à la fois défini et réprimé par le code pénal et le code du travail.

Aux termes de l’article L. 1153-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

Aux termes de l’article L. 1153-2 du code du travail, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés.

Le harcèlement sexuel est caractérisé par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à l’encontre du salarié une situation intimidante, hostile ou offensante. Par ailleurs, est assimilé à un harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave sur le salarié dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou d’un tiers.

Pour la jurisprudence, le harcèlement sexuel peut résulter d’actes répétés ou d’un acte unique ; un fait unique peut suffire à laisser supposer l’existence d’un harcèlement sexuel.

Les comportements ou éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement sexuel peuvent être de toute nature : propos, gestes, courriers, courriels, textos, remise d’objets, attitudes…

L’auteur du harcèlement sexuel peut être l’employeur, un supérieur hiérarchique, un collègue, un subordonné ou un tiers à l’entreprise.

Le harcèlement sexuel peut être constitué même si les faits sont intervenus hors du temps et du lieu du travail, peu importe que l’auteur sous-estime la portée de ses actes ou les considère comme relevant de sa vie privée. Le fait pour un salarié d’abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d’obtenir de son subordonné des faveurs sexuelles, ou de poursuivre un collègue de travail de ses assiduités, constitue un harcèlement sexuel, même si les agissements ont lieu en dehors du temps et du lieu du travail. En effet, bien que survenus en dehors du travail, l’auteur ne peut soutenir que ses agissements relèvent de sa vie personnelle lorsqu’ils ont été commis à l’encontre d’une personne avec laquelle il était alors en contact en raison de son travail, encore moins lorsqu’ils ont été commis à l’encontre d’un salarié subordonné sur le plan hiérarchique.

Des comportements à connotation sexuelle ou sexiste ne sont pas constitutifs de harcèlement sexuel lorsque le salarié destinataire les a clairement recherchés ou lorsqu’il y a consenti de façon expresse ou explicite, mais le consentement ne saurait se déduire du fait que le salarié n’aurait pas fait connaître à l’auteur des faits son absence de consentement de façon expresse ou explicite. La jurisprudence admet que l’attitude ambiguë d’un salarié qui a volontairement participé à un jeu de séduction réciproque, ou a expressément consenti à des relations de familiarités réciproques, exclut que les faits reprochés puissent être qualifiés de harcèlement sexuel, mais à condition que l’ambiguïté soit caractérisée.

Pour que le harcèlement sexuel soit constitué en droit pénal, il suppose l’existence d’un élément intentionnel. A contrario, en droit du travail, l’élément intentionnel n’est pas nécessaire pour que le harcèlement soit constitué. Ainsi, même si l’employeur est relaxé des faits de harcèlement sexuel devant le juge pénal, le salarié peut tout de même être considéré comme victime de harcèlement sexuel devant le juge civil prud’homal.

La SAS BUFFALO GRILL conteste tout d’abord que le licenciement notifié au salarié pour faute grave ait été la conséquence d’une dénonciation faite par Monsieur [U], au terme d’une attestation, du comportement inapproprié de Monsieur [S] à l’égard de Madame [C]. Elle explique en effet être à l’origine de la demande de rédaction de ladite attestation en sorte que son contenu ne saurait être regardé comme ayant déclenché la procédure de licenciement engagée à l’encontre de l’intimé.

Sur le fond, elle fait valoir qu’en suite d’une enquête interne menée par le CHSCT au sein de l’établissement, certains salariés ont dénoncé les agissements de Monsieur [U], à savoir:

* attouchements de nature sexuelle (caresses sur les fesses, pincements des parties génitales) ;

* embrassade de force ;

* dégrafage de soutien-gorge.

Elle considère que de tels agissements sont particulièrement graves et qu’ils ont rendu impossible le maintien du contrat de travail de Monsieur [U], étant rappelé qu’il lui appartient, en qualité d’employeur, de prévenir la commission de faits de harcèlement à l’encontre de ses salariés conformément à son obligation de sécurité.

Monsieur [U] expose, au soutien de la contestation du bien fondé de son licenciement, avoir établi en faveur d’une collègue de travail une attestation aux termes de laquelle il attestait avoir assisté à des comportements déplacés de la part de Monsieur [S] à l’encontre de la jeune femme, déclarations qu’il a confirmées devant les services de police du PUY-EN-VELAY dans le cadre de son audition en qualité de témoin en suite du dépôt de plainte de la salariée. Il considère que le licenciement dont il a fait l’objet lui a été notifié en représailles à ses déclarations.

Il conteste ensuite l’ensemble des griefs qui lui sont imputés et souligne l’absence de tout élément probant versé aux débats par l’employeur pour objectiver un quelconque manquement qui lui serait imputable. Il réfute ainsi s’être rendu coupable de faits de harcèlement sexuel à l’encontre de certaines de ses collègues féminines et se prévaut au contraire de relations professionnelles en toutes circonstances parfaitement correctes.

Il considère ainsi que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et sollicite l’indemnisation afférente.

En l’espèce, Monsieur [N] [U], né le 10 mars 1993, a été embauché par la SAS BUFFALO GRILL entre le 2 septembre 2013 et le 23 mars 2014 dans le cadre de différents contrats de travail à durée déterminée à temps complet, pour exercer au sein de l’établissement sis à [Localité 3]. A compter du 7 avril 2014, Monsieur [U] a été embauché dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 30 heures par semaine, en qualité d’agent de restauration, statut employé, niveau 1, échelon 2, de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants. A compter du 1er mai 2015, Monsieur [U] a exercé ses fonctions à temps complet, statut employé, niveau 2, échelon 2.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 8 avril 2016, Monsieur [N] [U] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 22 avril 2016 et s’est vu notifier une mise à pied conservatoire pour des faits de harcèlement sexuel.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 17 mai 2016, la SAS BUFFALO GRILL a notifié à Monsieur [N] [U] son licenciement pour faute grave.

Le courrier de notification est ainsi libellé :

‘Monsieur,

Nous vous avons convoqué à un entretien préalable en vue d’une éventuelle mesure de licenciement par courrier du 8 avril 2016, entretien se tenant le 22 avril 2016 auquel vous vous êtes présenté assisté de Madame [I] [W], représentant du personnel.

Après étude de votre dossier nous avons décidé de prononcer à votre encontre un licenciement pour faute grave motivé par les faits suivants.

Nous avons pris connaissance le 5 avril, confirmé par une enquête du 8 avril 2016, de la survenance de faits inadmissibles durant l’exercice de vos missions. L’enquête menée a confirmé un comportement déviant à caractère sexuel de votre part à l’égard de certains de vos collègues de travail.

Et notamment, vous vous permettez à l’égard de certains de vos collègues de travail :

– des attouchements de nature sexuelle (vous leur avez caressé les fesses et pincé les parties génitales)

– de les coincer dans un coin pour les embrasser de force

– de dégrafer leur soutien-gorge

– de les siffler lorsqu’ils passent.

Votre attitude est parfaitement inacceptable.

Sachez que pendant votre service, vous étiez assujetti au contrat de travail conclu avec la Société Buffalo Grill SA, et à ce titre, vous deviez assurer votre prestation avec professionnalisme et respect à l’égard de collègues de travail.

ll est intolérable que vous puissiez agir de la sorte.

Votre conduite s’apparente à du harcèlement sexuel, qui, pour votre information, constitue une infraction pénalement répréhensible.

De par vos agissements, vous avez installé un climat de peur au sein de l’établissement, certains salariés ayant peur de rentrer seuls le soir ou de se retrouver seuls avec vous.

De toute évidence, vous vous amusez de la situation puisqu’une collaboratrice nous a déclaré qu’après l’avoir coincé en cuisine, vous lui avait demandé : et là tu as peur ‘

Vous ne manquez pas une occasion de vous retrouver seul avec certains collègues, Madame [J], Responsable de salle, ayant pu constater le 6 avril 2016, que vous vous êtes précipité pour rejoindre une collaboratrice que vous pensiez être seule.

Au vu de vos agissements, l’une de nos collaboratrices a été contrainte de déposer plainte contre vous.

En agissant de la sorte, vous ne respectez ni l’objet de votre contrat de travail, ni même les valeurs de l’entreprise, qui implique que vous exerciez vos missions avec professionnalisme, respect et bienséance.

Vous avez commis une accablante faute professionnelle dans l’exercice de vos missions qui ne saurait être toléré par l’entreprise.

Votre comportement cause un grave préjudice à l’activité et au climat social de notre restaurant.

Lors de l’entretien préalable du 22 avril 2016, vous avez nié l’évidence, et les faits dont pourtant victimes et témoins attestent. Vous n’avez apporté aucune explication valable quant à votre comportement pour le moins inadmissible.

Au vu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous vous avons signifié une mise à pied à titre conservatoire à compter du 8 avril 2016, période qui ne fera l’objet d’aucune rémunération.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, même pendant la période de préavis.

Votre licenciement devient effectif a la date d’envoi de ce courrier, et ce sans indemnité de préavis.

Votre solde de tout compte et les documents s’y afférents vous seront envoyés, par pli séparé, à votre domicile.

A toutes fins utiles nous vous informons que les heures acquises au titre du DIF ne sont pas perdues mais transférées dans un compte personnel de formation. Vous pourrez consulter vos droits acquis via l’adresse mail suivante : moncompteformatiomgouv.fr.

Par ailleurs, vous êtes informé que durant votre période de prise en charge par l’assurance chômage, vous pourrez bénéficier d’une part du maintien des garanties complémentaires Prévoyance pour une durée maximale de 12 mois et/ou d’autre part du maintien des garanties Frais de Santé dont vous bénéficiiez de manière effective avant votre départ de l’entreprise pour d’une durée de 12 mois maximum, et sous réserve de fournir successivement à votre organisme assureur au gestionnaire vos justificatifs de prise en charge par Pôle Emploi.

Les durées de maintien correspondent au nombre de mois de votre contrat de travail dans l’entreprise dans les limites des 12 mois précitées.

Toutefois, il vous sera possible de renoncer au maintien de l’une ou l’autre de ces garanties expressément par écrit dans un délai de 10 jours à compter de la cessation de votre contrat de travail (formulaire de renonciation ci-joint).

Veuillez agréer, Monsieur, nos salutations distinguées.

[T] [B], directeur d’exploitation régional.’

Ainsi, il ressort de la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige, que l’employeur reproche au salarié d’avoir eu un comportement sexuel inapproprié à l’égard de certains de ses collègues de travail et plus précisément de procéder sur eux à des attouchements de nature sexuelle, de les coincer pour les embrasser de force, de dégrafer leur soutien-gorge et de siffler lorsqu’ils passent.

Monsieur [U] a intégré l’entreprise BUFFALO GRILL le 2 septembre 2013 en qualité d’agent de restauration affecté au restaurant de [Localité 4]. Suite à plusieurs contrats de travail, parfois entrecoupés de périodes de non-activité, il a appris, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 avril 2016, qu’il était convoqué le 22 avril 2016 à un entretien préalable en vue d’un licenciement.

Il ressort des pièces versées à la procédure, et notamment des courriers d’échanges entre la société BUFFALO GRILL et l’inspection du travail, qu’une salariée du restaurant de [Localité 4], [A] [C], a déposé plainte le 13 janvier 2016 au commissariat de police du PUY EN VELAY pour des faits de harcèlement sexuel commis à son encontre par un responsable du restaurant, [E] [S].

En effet, par courrier en date du 1er février 2016, l’inspection du travail précisait avoir eu connaissance de ces faits par Madame [W], déléguée du personnel du restaurant, et rappelait à l’employeur les dispositions de l’article L.4121-1 du code du travail relatives à son obligation de sécurité auprès des salariés de l’établissement.

Par courrier en date du 24 mars 2016, le directeur d’exploitation régional de BUFFALO GRILL indiquait à l’inspection du travail que Monsieur [S] avait été muté sur le restaurant de [Localité 5] en qualité de directeur adjoint à compter du 8 février 2016. Par ailleurs, la société avait engagé ‘un certain nombre de démarches et notamment des enquêtes internes afin de cerner davantage la situation vécue par certains salariés du restaurant, pouvant avoir pour conséquence la dégradation de leurs conditions de travail.’

Par courriel du 8 avril 2016, Madame [M] [G], responsable des ressources humaines, signalait à la direction les faits suivants:

‘Au vu des nouveaux faits portés à ma connaissance par la responsable de salle [K] [J] sur l’établissement de [Localité 3], selon lesquels Mr [U] [N], grillardin, adoptait de nombreux comportements déviants vis-à-vis de certains de nos salariés, à connotation sexuel et autres.

Suite aux attestations de 3 collaborateurs (dont 2 victimes) qui m’ont été transmis, je me suis rendue à l’établissement ce jour afin de rencontrer les membres du personnel.

Après les entretiens de 8 membres du personnel, les faits relatés dans les attestations ont été confirmé par les ‘victimes’, les autres entretiens font apparaître des cohésions dans les propos relatés, nous avons essentiellement une serveuse, Mlle [L] [R] impactée psychologiquement par ces agissements, pour laquelle je vais prendre rendez-vous à la médecine du travail.

Afin de faire cesser tout troubles supplémentaires, j’ai signifié ce jour une MAP à titre conservatoire à Mr [U], il a signé et a quitté l’établissement en klaxonnant sur le parking.

Je contacte l’inspecteur du travail ainsi que la médecine du travail afin de les informer de la situation.

Je me rends au commissariat afin de leur faire état de la situation et leur demander une vigilance renforcée (car je pense qu’il y aura des suites)

Mlle [L] va faire une main courante. (…)’

Par jugement du tribunal correctionnel du PUY EN VELAY en date du 13 juin 2017, Monsieur [S] a été reconnu coupable de faits de harcèlement sexuel commis au préjudice de Madame [C] et condamné à une peine de 4 mois d’emprisonnement avec sursis.

Pour justifier des faits reprochés au salarié, Monsieur [U], l’employeur verse aux débats cinq attestations établies par quatre salariés.

Monsieur [H] témoigne ainsi:

‘Avant le 1er avril il se mettait à me touches les parties digitales (sic) et me caressait les fesses quand je lui disais de cesser il me répondait qu’il plaisantait. (…) Monsieur [U] n’arrête pas de me gratter le cul et les couilles puis il essuie ses ustensiles de cuisine après mes vêtements de travail.’

Madame [L] indique que ‘récemment, lorsque nous étions à l’extérieur, là où l’on fume, il m’a dégrafé mon soutien-gorge à travers mon tee-shirt sans toutefois accéder à des endroits dérangeants.’

Les deux autres attestations produites sont celles de Madame [D] et de Madame [J], lesquelles ne font que rapporter des propos que leur auraient été tenus par Madame [L] même si Madame [J] indique avoir elle-même constaté ‘sur le service du 6 avril 2016 que Monsieur [U] n’a pas arrêté du service de siffler [Madame [L]] dès qu’elle passait.’

Il convient cependant de relever que ces attestations comportent des contradictions importantes dans la mesure où Madame [L] ne fait état que d’un incident isolé consistant à dégrafer son soutien-gorge par-dessus ses vêtements alors que Madame [D], Monsieur [H] et Madame [J] attestent qu’elle leur a parlé de ‘gestes’ inappropriés, de ‘bisous’ et de ‘caresses sur les fesses’. Madame [L] n’évoque pas non plus le fait d’avoir été sifflée par Monsieur [U] au cours de son service du 6 avril 2016.

En réponse, Monsieur [U] produit plusieurs attestations de collègues ou d’anciens collègues.

Monsieur [V], responsable de salle, Madame [F], serveuse, Madame [W] et Monsieur [P], délégués du personnel, affirment tous ne jamais avoir assisté à un comportement déplacé de la part du salarié sur les lieux du travail.

Madame [W], à l’origine du signalement des faits de harcèlement sexuel commis au préjudice de Madame [C] auprès de l’inspection du travail, fait également état d’une ambiance de travail très dégradée susceptible d’expliquer le licenciement de Monsieur [U].

Il résulte de tout ce qui précède que l’employeur n’établit pas la matérialité des faits reprochés à Monsieur [N] [U] au vu du caractère peu cohérent et peu circonstancié des quelques attestations produites, ceci alors que l’enquête interne apparaît avoir été diligentée de façon sommaire, dans un contexte particulier rappelé ci-dessus et alors que le salarié n’avait aucun antécédent disciplinaire.

Il convient dès lors de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que la faute grave reprochée à Monsieur [N] [U] n’est pas caractérisée et en ce qu’il a jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur [N] [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail –

Au moment du licenciement, Monsieur [N] [U] était âgé de 23 ans, bénéficiait d’une ancienneté de 2 ans et 1 mois et percevait un salaire mensuel de 1.527,01 euros.

Au vu des dispositions de la convention collective du 30 avril 1997 et des éléments d’appréciation dont la cour dispose, les premiers juges ont justement apprécié les circonstances de la cause et les droits et obligations des parties en condamnant la société BUFFALO GRILL à payer à Monsieur [N] [U] les sommes de 3.054,02 euros à titre d’indemnité de préavis et 305,40 euros à titre d’indemnité de congés payés correspondante, de 458,10 euros à titre d’indemnité de licenciement, de 800,41 euros au titre de la restitution du salaire sur la période de la mise à pied conservatoire et de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts eu égard aux conditions particulièrement vexatoires de ce licenciement.

– Sur les frais irrépétibles et les dépens –

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.

En équité, il convient de condamner la SAS BUFFALO GRILL à payer la somme de 1.000 euros à Maître Marielle OLIVIER-DOVY, avocate inscrite au barreau de la Haute-Loire, en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’elle renonce à percevoir la part contributive de l’Etat.

La SAS BUFFALO GRILL, qui succombe en son recours, sera condamnée au paiement des dépens en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

– Condamne la SAS BUFFALO GRILL à payer la somme de 1.000 euros à Maître Marielle OLIVIER-DOVY, avocate inscrite au barreau de la Haute-Loire, en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’elle renonce à percevoir la part contributive de l’Etat ;

– Condamne la SAS BUFFALO GRILL au paiement des dépens en cause d’appel ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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