Your cart is currently empty!
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRÊT DU 20 Février 2018
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 14/06465
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mars 2014 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS section RG n° F13/11568
APPELANTE
Association ASSOCIATION OEUVRE FALRET
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Philippe PACOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0513
INTIMEE
Madame [U] [U] épouse [A]
[Adresse 2]
[Localité 2]
née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3]
représentée par Me Nadège MAGNON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1186
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère, faisant fonction de Président
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure
civile.
– signé par Monsieur Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère, faisant fonction de Président et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [U] [A] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 30 avril 2007 en qualité d’aide-soignante à la résidence [Établissement 1], laquelle reçoit des personnes adultes handicapées psychiques,
Par lettre du 8 août 2016, Madame [A] a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :
‘Madame la directrice,
Aide soignante dans votre établissement depuis le 30 avril 2007, j’ai formulé à votre égard, à quatre reprises, la volonté de suivre une formation intitulée : préparation au concours d’entrée en institut de formation en soins infirmiers (IFS)
le 12 décembre 2014
le 2 décembre 2015
le 10 janvier 2016
le 11 février 2016
vous avez toujours refusé d’accéder à ma demande de formation et à sa prise en charge d’un montant de 936,60 euros.
Je vois ainsi les perspectives d’évolution de carrière réduites à néant, à la [Établissement 1] ou dans un autre établissement de l’association Oeuvre Falret dans le cadre de la mobilité interne.
Je vous rappelle que j’avais adressé une demande de formation à Monsieur [Q] le 6 janvier 2012 qui m’avait également été refusée.
J’ai ensuite été victime , en 2013, d’une procédures disciplinaire, Monsieur [Q] étant toujours directeur de l’établissement qui a été jugé discriminatoire à mon encontre (discrimination syndicale), en première instance par le conseil de prud’hommes de Paris en audience du 24 mars 2014
je considère que vos refus répétés d’accéder à ma demande de formation d’une durée limitée à 15 jours dont une semaine prise sur mes congés payés et d’un montant très raisonnable après neuf années et cinq mois de bons et loyaux services constitue une nouvelle mesure vexatoire à mon égard.
De la même manière, j’estime que mon brusque changement d’affectation à un autre étage en avril 2015 contre mon gré, sans réponse de votre part à l’expression de mon mécontentement (deux autre collègues qui sont comme moi représentants du personnel ont subi le même sort) constitue une volonté de nuire.
Les échanges ne se résument qu’à des fins de non-recevoir dans un espace-temps réduit au courrier lapidaire les lettres restant sans réponses. Ces raisons rendent ma relation contractuelle avec l’employeur indigne, invivable, sans perspective. Elles portent atteinte à mon moral et à ma dignité
c’est pourquoi je prends acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts de l’employeur
cette rupture deviendra effective à la date du 11 septembre 2016, mon préavis commençant à la date du 11 août 2007 (…)’
Par jugement rendu le 24 mars 2014, le conseil de prud’hommes de Paris a condamné L’association OEUVRE FALRET à verser à Madame [A] les sommes suivantes :
– 89,26 euros à titre de salaire de la mise à pied et 8,92 euros au titre des congés payés afférents,
– 10’000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
– 700 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’avertissement du 30 mars 2012 faisant l’objet d’une annulation, Madame [A] étant déboutée du surplus de ses demandes.
L’association OEUVRE FALRET a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe social de la cour du 11 juin 2014,
Par conclusions visées au greffe le 9 janvier 2018 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, L’association OEUVRE FALRET demande l’infirmation du jugement, le rejet des demandes de Madame [A] et sa condamnation à lui régler la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et subsidiairement voir réduire le montant de l’indemnité pour discrimination syndicale à un euro symbolique, le rejet de sa demande d’ indemnité compensatrice de préavis et la limitation du montant des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la rupture,
Par conclusions visées au greffe le 9 janvier 2018 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Madame [A] demande la confirmation du jugement et y ajoutant voir dire que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail du 8 août 2016 s’analyse en un licenciement nul et la condamnation de l’association OEUVRE FALRET à lui régler les sommes suivantes :
– 2044,65 euros à titre de solde d’indemnité compensatrice de préavis et 204,46 euros au titre des congés payés afférents,
– 9626,89 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 21’468,82 euros à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur,
– 7300 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par les nécessités de la rupture,
– 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
-Sur la discrimination syndicale
Définie à l’article L.2141-5 du code du travail, la discrimination syndicale est le
fait pour l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou
l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de
recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle,
d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesure de
discipline et de rupture du contrat de travail.
Conformément à l’article L.1134-1 de ce code, il appartient dans un premier
temps au salarié syndicaliste qui se prétend victime d’une discrimination de soumettre
au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe
d’égalité de traitement puis, dans un second temps, à l’employeur d’établir que la
disparité de situation constatée est justifiée par des critères objectifs, étrangers à toute
discrimination fondée sur l’appartenance à un syndicat;
Madame [A] fait état ici de la corrélation existant entre son élection en tant que déléguée du personnel le 23 janvier 2013 et sa convocation à un entretien préalable à un licenciement disciplinaire le même jour avec mise à pied conservatoire immédiate ;
Elle fait état de ce que pour la première fois en six années d’ancienneté, la direction a alors prétendu qu’elle avait des comportements inadaptés, brutaux et vexatoires pouvant aller jusqu’à la maltraitance envers des résidents
Elle retient que sa collègue, Madame [P], également candidate pour la première fois et élue au comité d’établissement, a fait l’objet des mêmes accusations le jour de son élection,
Elle fait également valoir que pendant ses arrêts maladie, elle n’a pas reçu toutes les convocations aux réunions des délégués du personnel, qu’à son retour, elle a été affectée dans un service au contact de sa principale accusatrice,
Elle sollicite en conséquence l’annulation de l’avertissement du 30 mars 2012, de sa sanction disciplinaire et des dommages-intérêts pour discrimination,
Il résulte des pièces produites que le 17 décembre 2012, Madame [A] s’est portée candidate aux élections des délégués du personnel dont le premier tour a été le 9 janvier 2013, qu’elle a été élue en tant que titulaire le 23 janvier à la suite du 2ème tour des élections le 16 janvier. Elle a, postérieurement, été désignée en tant que représentant du personnel au comité d’entreprise déléguée syndicale dans l’établissement du 10 février 2014;
Sa convocation à l’entretien préalable à licenciement date du 23 janvier 2013, l’entretien étant fixé le 30 janvier, sur la base de courriers d’une salariée et de deux résidents les 16 et 18 janvier,
Suite au refus du licenciement par l’inspectrice du travail le 20 mars 2013, Madame [A] a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire d’une journée par courrier du 12 avril 2013,
Les pièces communiquées par l’employeur justifient que celui ci a été destinataire de plusieurs témoignages concordants et circonstanciés d’une salariée et de malades visant des actes de maltraitance de la part de Madame [A] et d’une de ses collègues,
Ces écrits datent des 15 et 16 janvier 2013. Ils visent des faits s’étant déroulés au 3ème étage de l’établissement
Le lien entre ces écrits , les entretiens et enquêtes menés sur leur base entre le 16 et le 29 janvier et les élections susvisées n’est pas justifié,
Il ressort en effet des pièces produites que les enquêtes internes ont été exclusivement circonscrites aux faits dénoncés et aux conditions de prise en charge des patients , qu’elles ont été notamment menées par la cellule de signalement composée non seulement du directeur mais également de personnels soignants, l’association OEUVRE FALRET, dont l’activité vise la prise en charge de patients en souffrance psychique , se devant par ailleurs de pratiquer de telles investigations,
L’association OEUVRE FALRET a par ailleurs soumis le projet de licenciement de Madame [A] au comité d’établissement dont les membres ne font à aucun moment référence au contexte électoral ou à l’activité syndicale de la salariée,
L’inspectrice du travail sans exclure l’existence d’un lien entre la désignation de Madame [A] comme délégués du personnel et la demande de licenciement la concernant n’établit pas celui-ci dans sa décision du 20 mars 2013 alors qu’elle refuse l’autorisation de licenciement en retenant que les témoignages des salariés ne sont pas convergents et que ceux des patients doit être apprécié comme étant ceux de personnes atteintes d’un handicap psychique susceptibles de déformer leur perception de la réalité;
L’employeur justifie par ailleurs de convocations adressées à Madame [A] aux réunions des délégués du personnel;
L’affectation de Madame [A] au quatrième étage à son retour de congé maladie s’explique quant à elle par la volonté de l’employeur de ne pas faire travailler l’intimée au contact des résidents s’étant plaints de ses agissements;
Il s’en déduit, qu’en l’état des explications et des pièces fournies, la matérialité d’éléments de faits précis et concordants laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale n’est pas démontrée,
Les demandes sur ce fondement ont donc lieu d’être écartées.
-Sur l’annulation de l’avertissement du 30 mars 2012 et la mise à pied disciplinaire
L’avertissement du 30 mars 2012 a été motivé par l’employeur compte tenu d’une attitude virulente de la salariée à l’égard de Madame [N], sa supérieure,
Dans son courrier du 19 avril 2012 relatif à cet incident, Madame [A] mentionne que le 5 mars 2012, lors des transmissions de 9h15, elle s’est exprimée sur quelque chose qu’elle ressentait au plus profond d’elle-même en disant que le personnel était traité comme des yo-yos, ballotté d’un étage à un autre et considéré comme des moins que rien;
Il ne ressort ni des termes de l’avertissement ni des termes de ce courrier que l’intéressée a tenu des propos virulents à l’encontre de sa supérieure hiérarchique directement, ces propos restant généraux et visant l’organisation interne du travail,
Il convient donc d’annuler l’avertissement en ce qu’il parait disproportionné par rapport aux éléments ici rapportés,
La discrimination syndicale n’a pas pour sa part été retenue ce qui doit conduire à écarter la demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire sollicitée sur ce fondement.
– sur la prise d’acte
Madame [A] fait ici valoir qu’elle a subi de la part de son employeur, des manquements graves qui l’ont contrainte à prendre acte de la rupture de son contrat de travail.
Elle explicite que la discrimination syndicale dont elle a fait l’objet a créé chez elle un choc psychologique important conduisant à la dégradation de son état de santé, que ses qualités professionnelles, son expérience et sa place d’aide soignante au sein de l’association ont été gravement remises en cause, qu’elle a été sanctionnée sans justification réelle et sérieuse par une mise à pied disciplinaire, mutée ensuite au quatrième étage de la résidence puis le 1er juin 2015 du quatrième au deuxième étage.
Elle retient qu’elle a été en outre confrontée à un blocage dans ses perspectives d’évolution alors que depuis 2012, elle a fait part à son employeur de sa volonté de passer le concours d’infirmière, que les événements subis en 2013 ont retardé ce projet, tandis que l’employeur lui a refusé le 29 février 2016 toute prise en charge d’une formation sans motivation objective,
La discrimination syndicale invoquée par la salariée n’a pas été ici retenue,
Il n’appartient pas au juge judiciaire de revenir sur le refus de licenciement notifié par l’inspection du travail étant noté ici que l’employeur a tenu régulièrement compte de cette décision,
La mise à pied disciplinaire d’une journée le 12 avril 2013 dont il n’est pas justifié qu’elle aurait été imputée sur la période de mise à pied conservatoire a été notifiée pour sa part à la salariée au regard de la violence morale dont elle aurait fait preuve à l’égard de trois résidents,
L’employeur produit aux débats le compte rendu de la réunion de la cellule de signalement du 16 janvier 2013 à l’occasion de laquelle Madame [K], d’ores et déjà signataire d’un courrier exhaustif de même date, énonce en des termes très circonstanciés des pratiques pour le moins vexatoires de Madame [A] à l’égard de certains résidents , la salariée visant ‘un glissement progressif de maltraitance’;
La cour observe que ces révélations conduisent la cellule composée notamment de praticiens à évoquer la saisine du Procureur de la république pour suspicion de maltraitance, qu’ils sont accompagnés de courriers des 15 et 16 janvier de Madame [G] , Monsieur [Z], résidents, désignant nommément Madame [A] et visant ses paroles vexatoires;
Ces éléments ne permettent pas de remettre en cause la mise à pied notifiée en ce que celle ci serait dénuée de fondement et disproportionnée par rapport aux faits en présence , la cour relevant par ailleurs que ces faits sont anciens datant de plus de trois ans par rapport à la prise d’acte et que l’entretien d’évaluation de la salariée en septembre 2013 avait visé depuis lors un rapport constructif entre celle ci et Madame [N], sa supérieure,
L’affectation de Madame [A] au 4ème étage , à son retour de congé maladie en 2013 , ne peut être comprise au vu des circonstances susvisées, comme une mise à l’écart de la salariée mais comme une mesure visant une volonté d’apaisement et un nouveau départ;
S’agissant du changement d’étage de travail en avril 2015 , il convient d’observer qu’une telle affectation, bénéfique en termes d’évolution des pratiques internes et de nature à éviter l’usure professionnelle, ne peut être retenue en termes de sanction, l’employeur en ayant d’ailleurs décidé dans le cadre de son pouvoir d’organisation, à l’égard d’autres salariés,
L’association OEUVRE FALRET justifie enfin de huit formations suivies par Madame [A] entre 2007 et 2014 et du respect à cet égard de ses obligations en matière d’adaptation à son poste de travail;
Elle explicite également les recherches effectuées en 2015 et 2016 par Madame [J], chargée des ressources humaines, en vue de la formation de préparation au concours d’infirmière demandée par Madame [A] mais des problèmes de financement d’une telle préparation,
L’employeur justifie notamment ici avoir étendu cette recherche au compte personnel de formation de l’intéressée compte tenu de l’absence de solutions financières trouvées au titre du plan de formation de l’établissement, l’association OEUVRE FALRET faisant également remarquer sans être démentie qu’après recherche il est apparu que la préparation au concours infirmier n’était pas éligible au CPF,
Ces éléments conduiront à rejeter les demandes de Madame [A] visant à voir condamner l’association OEUVRE FALRET au regard d’une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul ou dénué de cause réelle et sérieuse.
L’équité et la situation économique respectives des parties justifient d’écarter l’application de l’article 700 du code de procédure civile. La salariée qui succombe en son appel supportera la charge des dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il annulé l’avertissement du 30 mars 2012,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette les autres demandes de Madame [A],
Vu l’article 700 du code de procédure civile
Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [A] aux dépens.
LE GREFFIER LA CONSEILLERE FAISANT FONCTION DE PRESIDENT