Compte personnel de formation : 2 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01998

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Compte personnel de formation : 2 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01998
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 MARS 2023

N° RG 21/01998 – N° Portalis DBV3-V-B7F-US3X

AFFAIRE :

[Z] [V]

C/

S.A.S. CLINEA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Avril 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° RG : F19/01149

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Antonio ALONSO de

la SELARL DOLLA – VIAL & ASSOCIES

Me Stéphanie ZAKS de la

SELEURL Cabinet ZAKS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [Z] [V]

née le 15 Juin 1972 à [Localité 5] (HAITI) (HAITI)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Antonio ALONSO de la SELARL DOLLA – VIAL & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0074, substitué par Maître Julia GUELE, avocat au barreau de PARIS.

APPELANTE

****************

S.A.S. CLINEA

N° SIRET : 301 160 750

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Stéphanie ZAKS de la SELEURL Cabinet ZAKS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0277, substitué par Maître AMIE-SANDEVOIR, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame [T] [P],

Greffier en pré-affectation lors du prononcé : Madame [L] [S]

Par contrat de travail à durée indéterminée Madame [Z] [V] a été engagée par la Sas Clinea à compter du 1er janvier 2014 en qualité d’aide-soignante à temps plein.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002.

Par courrier du 8 novembre 2018, la société a convoqué la salariée à un entretien préalable qui s’est tenu le 27 novembre 2018 et qui a été suivi de son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception du 17 décembre 2018.

Aux termes de sa requête reçue au greffe le 30 avril 2019, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin de contester la légitimité de son licenciement et d’obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 16 avril 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :

– débouté Madame [K] [Z] [B] épouse [V] de l’intégralité de ses demandes.

– condamné Madame [K] [Z] [B] épouse [V] aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration au greffe du 23 juin 2021, la société a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 2 juin 2021.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 4 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la salariée demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuer à nouveau et,

– fixer la moyenne de salaire à 1724,66 euros,

– à titre principal, juger que son licenciement est nul,

en conséquence,

condamner la société Clinea à lui verser 10 347,96 euros bruts (6 mois de salaire),

– à titre subsidiaire, juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en conséquence,

condamner la société Clinea à lui verser 8633,3 euros (5 mois de salaire),

– condamne la société Clinea aux sommes suivantes :

à titre d’indemnité légale de licenciement : 2155,82 euros,

au titre du préavis : 3449,32 euros,

au titre des congés payés y afférents : 344,93 euros,

au titre des rappels de salaires du 18 septembre 2018 au 17 décembre 2018 : 5485,74 euros,

au titre des congés payés y afférents : 548,57 euros,

au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés : 1 566,96 euros,

au titre des dommages et intérêts pour discrimination : 5000 euros,

au titre du préjudice moral subi : 3000 euros,

au titre de la perte de chance d’exercer le métier d’infirmière : 15000 euros,

au titre des frais irrépétibles de première instance : 2400 euros,

y ajouter,

– condamner la société Clinea à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ainsi qu’aux entiers dépens,

– débouter la société Clinea de l’ensemble de ses demandes.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 29 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et des prétentions, la société demande à la cour de :

– juger que le salaire de référence de Madame [V] correspond à son salaire de base d’un montant de 1600 euros,

en conséquence,

– fixer le salaire de référence de Madame [V] à la somme de 1600 euros,

Sur la demande au titre de la nullité du licenciement

à titre principal

– juger que le licenciement est dépourvu de tout lien avec l’état de santé de Madame [V],

en conséquence,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Madame [V] de l’intégralité de ses demandes,

– débouter Madame [V] de sa demande d’indemnité pour licenciement nul,

à titre subsidiaire

si par extraordinaire la cour jugeait le licenciement nul,

– juger que le montant de l’indemnité pour licenciement nul est excessif,

en conséquence,

– juger que le montant de l’indemnité pour licenciement nul ne saurait excéder la somme de 9600 euros correspondant à 6 mois de salaire,

Sur les demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

à titre principal

– juger que le licenciement est fondé sur une faute grave,

en conséquence,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [V] de sa demande d’indemnité légale de licenciement,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [V] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouter Madame [V] de ces demandes,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Madame [V] aux entiers dépens de l’instance,

y ajoutant

– condamner Madame [V] à lui verser la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire

si par extraordinaire la cour jugeait le licenciement de Madame [V] sans cause réelle et sérieuse,

– juger que le montant de l’indemnité légale de licenciement sollicitée par Madame [V] est excessif, en conséquence,

– juger que l’indemnité légale de licenciement ne saurait dépasser la somme de 1985,20 euros,

– juger que le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sollicité par Madame [V] est excessif,

en conséquence,

– juger que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait dépasser la somme de 4800 euros correspondant à 3 mois de salaire,

Sur la demande de dommages et intérêts pour discrimination à raison de l’état de santé

– juger que le licenciement qu’elle a notifié à Madame [V] est sans lien avec son état de santé,

– juger que Madame [V] ne rapporte pas la preuve du préjudice allégué,

en conséquence,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [V] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination en raison de son état de santé,

– débouter Madame [V] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5000 euros pour discrimination en raison de son état de santé,

Sur les demandes de rappel de salaires

juger que Madame [V] ne s’est pas présentée à son poste de travail, de manière injustifiée, à compter du 18 septembre 2018,

en conséquence,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [V] de ses demandes de rappel de salaire et congés payés afférents,

– débouter Madame [V] de ses demandes de rappels de salaire pour la période du 18 septembre au 17 décembre 2018 à hauteur de 5 485,74 euros et 548,57 au titre des congés payés afférents,

Sur la demande au titre de la perte de chance d’exercer la profession d’infirmière

– juger qu’elle n’est pas responsable de l’interruption de la formation suivie par Madame [V],

– juger que Madame [V] ne justifie pas du quantum de sa demande,

en conséquence,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [V] de sa demande au titre de la perte de chance d’exercer le métier d’infirmière,

– débouter Madame [V] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 15000 euros au titre de la perte de chance d’exercer la profession d’infirmière,

Sur la demande au titre du préjudice moral

– juger que les circonstances dans lesquelles le licenciement de Madame [V] est intervenu ne sont nullement brutales ou vexatoires,

– juger que Madame [V] ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui résultant de la perte d’emploi,

– juger que Madame [V] ne justifie pas du quantum de sa demande, en conséquence,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame [V] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

– débouter Madame [V] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral à hauteur de 3000 euros.

Aux termes d’une ordonnance d’incident du 19 mai 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la Sas Clinea, déclaré recevable la demande d’indemnité formulée par Madame [Z] [V] au titre du licenciement nul, condamné la Sas Clinea aux dépens de l’incident et au paiement d’une somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 5 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du licenciement :

Se fondant sur les dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, la salariée soutient que son licenciement est nul compte tenu de l’existence d’une discrimination en raison de son état de santé.

Selon l’article L. 1134-1 du code du travail :

“Lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.”

Au soutien de sa demande de voir le licenciement déclaré nul pour discrimination en raison de l’état de santé, la salariée présente les éléments qui suivent :

– une fiche de visite médicale d’embauche établie le 9 juillet 2014 par le service de santé au travail dans le cadre d’une surveillance médicale renforcée, la déclarant apte avec comme restriction un port de charge limité à 15 kg ;

– l’attestation d’un ancien collègue rédigée de manière très générale sans aucune précision temporelle qui indique que la salariée, affectée au service addictologie – la salariée confirme cette affectation qu’elle considère adaptée à sa santé car ne nécessitant pas le port de patients – était ” tout le temps sollicitée par les collègues des autres services pour coucher les patients lourds, les ordres venant de la Direction aux dires des collègues” ;

– l’attestation d’un second collègue qui évoquant la situation de la salariée affirme, sans aucune précision, temporelle notamment, que : “… on lui demandait en plus, en soutien aux autres collègues, d’aller donner un coup de main.” ;

– le témoignage d’un troisième collègue, dont la rédaction est proche de celle des attestations précités et qui souffre des mêmes lacunes, aux termes duquel ce collègue indique “avoir assisté à la rigueur démesurée à laquelle elle [la salariée] a été confrontée de la part de la Direction de la clinique La Concorde à cause de son problème de dos.” et ajoute :” Les collègues des autres étages l’appelaient sans cesse pour coucher les patients lourds en plus de son travail habituel. Les collègues lui disaient que c’est la Direction qui a demandé qu’on l’appelle pour ces genres de prise en charge de patients lourds sans appareillage.” ;

– ses allégations suivant lesquelles le motif du licenciement qualifié de “fallacieux” est la volonté de l’employeur de se séparer d’elle en raison de son état de santé fragile, quand ce dernier connaissait cet état de santé, que la salariée indique être relatif à des “problèmes de dos”, depuis plusieurs années, en avait tenu compte en affectant l’aide-soignante dans un service adapté, et finançait une partie de sa formation au métier d’infirmière, alors par ailleurs que n’apparaît pas matériellement établie la circonstance selon laquelle l’employeur l’a encouragée à trouver une autre formation en septembre 2018 avant de changer de position puis de la licencier à la suite d’échanges avec l’institut sur son dossier médical, la lettre de licenciement ne contenant pas non plus d’allusion à l’état de santé de la salariée.

Pris ensemble, ces éléments ne laissent pas supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’état de santé de la salariée

En conséquence, compte tenu de l’absence de discrimination, la salariée doit être déboutée de ses demandes relatives à un licenciement nul.

Sur le caractère bien-fondé ou non du licenciement disciplinaire :

Il résulte de l’article L.1235-1 du code du travail qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article L 1235-2 du même code prévoit notamment que la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement. Les griefs doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et implique son éviction immédiate.

L’employeur qui fonde le licenciement sur une faute grave commise par le salarié doit en justifier.

La lettre de licenciement énonce :

« En effet, nous avons le regret de constater que, nous ne recevions plus d’attestation de présence à votre formation d’infirmière depuis juin 2018.

Au cours de l’entretien du 27 novembre dernier, vous nous avez expressément indiqué que votre formation d’infirmière avait été interrompue dès le 17 septembre 2018.

Force est de constater que, conformément aux plannings qui vous étaient applicables, vous auriez dû reprendre votre poste de travail depuis le 18 septembre 2018.

Votre longue absence injustifiée est inacceptable et incompatible avec vos fonctions d’aide-soignante.

Vous ne pouvez ignorer que pour le bon fonctionnement de la Clinique et pour assurer la continuité des services et une prise en charge de qualité de nos patients, il est indispensable que chacun des salariés soit présent à son poste.

En effet, en cas d’absence de l’un d’entre eux, lorsque ce dernier n’en informe pas la Direction, l’organisation des équipes devient particulièrement difficile à gérer.

Votre attitude porte atteinte au bon fonctionnement du service et à la prise en charge des patients, et est, en outre, en totale contradiction avec vos obligations contractuelles.

A ce jour, vous ne vous avez toujours pas apporté de justificatif de votre absence, ni manifesté votre intention de reprendre votre poste, ce qui ne nous permet pas de modifier notre appréciation des faits.

En conséquence, nous nous voyons dans l’obligation de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave ».

L’employeur fait valoir que le licenciement pour faute grave est fondé en ce que la salariée, qui ne disposait d’une autorisation d’absence qu’en raison de sa formation au sein de l’Institut de formation en soins infirmiers depuis le 5 septembre 2016, n’a pas repris son travail ni justifié de son absence alors que sa formation avait été interrompue par cet institut dès le 17 septembre 2018, situation qui n’a été portée à sa connaissance qu’au cours de l’entretien préalable par la salariée elle-même, laquelle n’a à aucun moment manifesté le souhait de reprendre son travail. Il soutient avoir agi sans tarder après ne s’être aperçu de l’absence d’attestation de formation qu’au mois de novembre 2018, ce qui explique le paiement jusqu’en septembre et octobre 2018 de ce qu’il devait au titre de la formation. Il ajoute que la décision, à laquelle il se dit étranger, d’interrompre la formation de la salariée, n’a pas d’incidence, relevant toutefois la mauvaise foi de la salariée en ce que l’interruption du suivi de formation a été décidée par la directrice de l’institut en raison de la découverte de ce que la salariée était, parallèlement à sa formation, absente pour maladie d’un poste d’aide-soignante au sein de l’Hôpital Henri Mondor.

La salariée réplique que : les attestations de présence étaient envoyées par l’institut de formation ; l’employeur a attendu six mois pour réagir ; l’attestation n’était pas requise pour les mois de juillet et d’août 2018 durant lesquels la formation n’était pas dispensée ; durant cette même période, conformément à la convention tripartite, elle a travaillé pour l’employeur afin de percevoir sa rémunération ; son bulletin de paie de septembre 2018 démontre qu’elle a également travaillé quelques heures durant ce même mois ; l’employeur connaissait sa situation durant cette période ; elle n’était prévue sur aucun planning ; le service n’a pas été désorganisé ; elle a été empêchée de suivre les cours dès la rentrée du 3 septembre 2018 ; elle n’a pas cessé sa formation pour un motif non légitime alors qu’elle avait une autorisation d’absence de l’employeur pour la suivre, et elle n’a pas non plus fait preuve de mauvaise foi à l’égard de ce dernier.

Toutefois, selon un mail rédigé le 12 septembre 2018 par la directrice des soins de l’Institut de formation en soins infirmier, non utilement contredit, la salariée, dont le contrat de travail était suspendu en raison d’un congé de formation, a été exclue de cette formation au début de ce même mois à la suite de la découverte, au sein de l’institut, d’une situation la concernant contraire à la réglementation et en lien avec une absence pour maladie en tant qu’aide-soignante dans la fonction publique hospitalière.

Or, d’une part, il ne ressort pas des éléments d’appréciation, dont les bulletins de paie, que la salariée, censée alors suivre sa formation, a exécuté, ou même sollicité, un travail au service de la société Clinea au mois de septembre 2018 contrairement aux deux mois précédents durant lesquels aucun suivi de formation n’était prévu, ce que tend à confirmer la lettre de la salariée du 21 décembre 2018 par laquelle elle conteste les motifs de son licenciement notamment en l’absence de planification la concernant après avoir été présente dans le service aux mois de juillet et d’août.

D’autre part, alors qu’il s’évince de ces mêmes éléments que l’employeur a continué de régler ce qu’il devait au titre de la formation pour les mois de septembre et d’octobre 2018, il n’en résulte pas que celui-ci était en mesure de douter de la présence de la salariée à sa formation au cours de tout ou partie de cette période à l’issue de laquelle il indique, sans être utilement contredit, s’être aperçu de l’absence d’attestation de présence, et il n’est pas non plus efficacement contredit quand il fait valoir le fait que la salariée ne l’a informé de sa situation au sein de l’institut qu’au cours de l’entretien préalable, de sorte que dans son courrier de contestation du licenciement en date du 21 décembre 2018, la salariée, qui ne justifie pas d’une information de l’employeur à ce sujet en amont de l’entretien préalable, rappelle que lors de cet entretien elle lui a expliqué qu’en septembre 2018 l’organisme de formation lui avait refusé la possibilité de poursuivre les cours en raison selon elle d’antécédents médicaux en lui précisant qu’un conflit les opposait suite à cette décision d’exclusion prise unilatéralement et qu’elle contestait cette décision reposant selon elle sur la dissimulation de sa pathologie, et ce, dans l’espoir de pouvoir aller au terme de sa formation.

Ainsi, nonobstant le fait qu’aucune planification ne lui était à l’évidence applicable à compter du 18 septembre 2018, la salariée, qui s’est abstenue d’informer son employeur de la décision de l’institut de formation de l’exclure définitivement de la formation pour le suivi de laquelle elle disposait d’un congé de formation emportant suspension de son contrat de travail, et qui n’a manifesté aucune volonté de reprendre son travail au cours des mois qui ont suivi cette exclusion de nature à mettre un terme à cette suspension sans justifier d’un motif d’absence légitime, a commis une faute. Toutefois, cette faute n’apparaissant pas d’une gravité suffisante pour rendre impossible son maintien dans l’entreprise et impliquer son éviction immédiate, il convient de requalifier le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est dès lors infirmé sur ce chef.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :

Au vu des éléments d’appréciation, dont les éléments de calcul, et en application des dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, le préavis est de deux mois et la salariée est en droit d’obtenir la somme de 3449,32 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 344,93 euros bruts de congés payés afférents.

Sur l’indemnité légale de licenciement :

Au vu des éléments d’appréciation, dont les éléments de calcul, et en application des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 et suivants du code du travail, il y a lieu d’allouer à la salariée, qui justifie d’une ancienneté de cinq années, la somme de 2155,82 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement.

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés :

En application des articles L 3141-3 du code du travail et 1353 du code civil, il appartient à l’employeur, débiteur de l’obligation du paiement de l’intégralité de l’indemnité due au titre des jours de congés payés, qui en conteste le nombre acquis, d’établir qu’il a exécuté son obligation.

En l’espèce, il ressort des bulletins de paie que 24 jours de congés payés acquis par la salariée n’ont pas été indemnisés.

L’employeur, qui ne justifie pas du paiement de l’indemnité d’un montant brut de 1566,96 euros due à la salariée au titre de ces 24 jours de congés payés non pris, sera condamné au paiement de cette somme.

Il y a donc lieu à infirmation du jugement déféré sur ce chef.

Sur le rappel de salaire :

La salariée soutient pouvoir bénéficier de son salaire du 18 septembre 2018 au 17 décembre 2018, celle-ci considérant qu’elle n’était pas en absence injustifiée, que sa reprise du travail n’a pas été organisée par l’employeur qui ne l’a pas non plus mise à pied à titre conservatoire, et que l’interruption de la formation n’emporte pas automatiquement interruption de son droit de bénéficier du compte personnel de formation.

L’employeur réplique que la salariée ne peut prétendre au paiement du salaire pour la période durant laquelle elle était en absence injustifiée.

Sur ce, si la salariée ne saurait percevoir de salaire au cours de la période qui a suivi l’interruption de sa formation et durant laquelle elle n’a accompli aucun travail pour l’employeur en raison de son absence injustifiée, celle-ci est néanmoins fondée à réclamer le salaire dû entre l’entretien préalable au cours duquel elle a informé l’employeur de sa situation, et la notification de son licenciement, l’employeur ayant décidé de ne pas prononcer à son encontre une mise à pied à titre conservatoire, laquelle n’aurait d’ailleurs pas été justifiée compte tenu du degré de gravité de la faute.

Ainsi, au vu des éléments d’appréciation, dont les éléments de calcul, la somme de 1330,33 euros bruts lui est due de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral :

La salariée invoque un préjudice moral en raison de son éviction brutale et d’une procédure de licenciement non respectueuse, alors que l’employeur fait valoir l’absence de preuve des faits allégués et d’un préjudice.

La salariée n’établit pas les circonstances de la rupture qu’elle invoque quand il ne ressort pas des éléments d’appréciation que le licenciement serait intervenu dans des conditions brutales ou vexatoires. Elle ne prouve pas non plus son préjudice. Elle sera donc déboutée de cette demande.

Sur la perte de chance d’exercer le métier d’infirmière :

La salariée fait valoir une perte de chance de pouvoir exercer le métier d’infirmière en raison de la rupture brutale de son contrat de travail quand l’employeur soutient que celle-ci ne justifie pas de la perte de chance qu’elle invoque ni que cette perte de chance pourrait lui être imputée.

Force est de constater que la salariée ne démontre pas que la perte de chance de poursuivre sa formation et d’obtenir la qualification souhaitée est imputable à l’employeur alors que le licenciement est bien justifié sur une cause réelle et sérieuse et que la formation n’a été interrompue qu’en raison de la décision en ce sens de l’institut qui la dispensait.

Cette demande sera également en voie de rejet.

Sur les frais irrépétibles :

En équité, il n’y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qu’au profit de la salariée à laquelle il convient d’allouer une somme de 2500 euros de ce chef au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Sur les dépens :

La charge des entiers dépens de première instance et d’appel doit être supportée par l’employeur, partie partiellement succombante.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,

Déboute Madame [Z] [V] de toute demande au titre d’une discrimination.

Requalifie son licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Condamne la Sas Clinea à payer à Madame [Z] [V] les sommes suivantes :

– 3449,32 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 344,93 euros bruts de congés payés afférents,

– 2155,82 euros nets au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 1566,96 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

– 1330,33 euros bruts au titre d’un rappel de salaire.

– 2500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la Sas Clinea aux entiers dépens de première instance et d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame [L] [S], Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier en pré-affectation, Le président,

 


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