Compte personnel de formation : 2 décembre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01365

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Compte personnel de formation : 2 décembre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01365
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02/12/2022

ARRÊT N°2022/488

N° RG 21/01365 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OBZO

FCC/AR

Décision déférée du 23 Février 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTAUBAN ( 18/00127)

M.[P]

[H] [K]

C/

S.A.S. AUCHAN HYPERMARCHE

Confirmation

Grosse délivrée

le 2 12 22

à Me Cécile ROBERT

Me Michel JOLLY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DEUX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [H] [K]

[Adresse 2]

Représentée par Me Cécile ROBERT de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.S. AUCHAN HYPERMARCHE

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel JOLLY de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A.Pierre-Blanchard et F. Croisille-Cabrol, conseillères, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. Brisset, présidente

A. Pierre-Blanchard, conseillère

F. Croisille-Cabrol, conseillère

Greffier, lors des débats : A. Ravéane

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. Brisset, présidente, et par A. Ravéane, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [H] [K] a été embauchée par contrat à durée indéterminée à compter du 21 novembre 1994 par la société ‘Docks de France Ouest’, en qualité de caissière, coefficient 130, pour travailler au sein de l’hypermarché Mammouth de Gramont. La SASU Auchan Hypermarché, exploitant sous l’enseigne Auchan, est ensuite devenue l’employeur.

La convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire est applicable.

Suite au changement de la classification, Mme [K] a été classée en position 2B. Elle est successivement devenue employée polyvalente, puis hôtesse d’accueil en 2002.

A partir de 2007, elle est devenue salariée protégée ; en dernier lieu, elle était déléguée syndicale, membre élue du comité social et économique, référente harcèlement, défenseur syndical et conseillère prud’homale.

Mme [K] estimant son évolution de carrière trop lente, elle a saisi l’inspection du travail, qui a procédé à une enquête le 16 janvier 2017.

Par courrier du 20 février 2017, l’inspection du travail a indiqué à Mme [K] qu’elle était actuellement la seule salariée au niveau 2B à l’accueil, tous les autres salariés occupant un poste semblable bénéficiant d’un niveau supérieur même avec une ancienneté inférieure, et que la SASU Auchan Hypermarché disait justifier cette différence de traitement par les bons résultats des autres salariés, l’expérience antérieure d’une autre salariée et le souhait de Mme [K] de rester à l’accueil ; l’inspection du travail a estimé qu’il existait un doute sur l’existence d’une discrimination syndicale et a invité Mme [K] à saisir le conseil de prud’hommes le cas échéant.

Par courrier du 4 mai 2017, la SASU Auchan Hypermarché a indiqué à Mme [K] qu’en octobre 2017, lors de la GDI (gestion développement individuel) annuelle, elle obtiendrait le niveau 2C, avec effet rétroactif au 1er avril 2017.

A compter du mois de janvier 2018, les bulletins de paie de Mme [K] ont mentionné une classification au niveau 2C.

Le 6 juin 2018, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Montauban – étant conseillère prud’homale au conseil de prud’hommes de Toulouse ; elle a allégué, à titre principal une discrimination, et à titre subsidiaire une inégalité de traitement ; elle a sollicité des rappels de salaires au coefficient 2C, des rappels de primes, des dommages et intérêts pour discrimination et des dommages et intérêts pour dégradation de son état de santé, et un positionnement au coefficient 2D à compter du jugement, sous astreinte.

Par jugement du 23 février 2021, le conseil de prud’hommes de Montauban a :

– débouté Mme [K] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la SASU Auchan Hypermarché de sa demande reconventionnelle,

– condamné Mme [K] aux dépens de l’instance, et pouvant comprendre notamment le coût de la signification éventuelle par huissier de justice de l’expédition comportant la formule exécutoire et à ses suites auxquelles elle est également condamnée.

Mme [K] a relevé appel de ce jugement le 23 mars 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions n° 4 notifiées par voie électronique le 23 septembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [K] demande à la cour de :

– recevoir Mme [K] en son appel,

A titre principal :

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [K] de ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et de rappels de salaires au coefficient 2C,

– juger recevables, car non prescrites, ces demandes,

– condamner la SASU Auchan Hypermarché à verser à Mme [K] les sommes suivantes :

* 25.000 € sur le fondement de la discrimination syndicale,

* 2.566,26 € de rappel de salaire, outre les congés payés afférents pour 256,60 €,

A titre subsidiaire :

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [K] de sa demande au titre de l’inégalité de traitement et de sa demande de rappel de primes,

– condamner la SASU Auchan Hypermarché aux sommes suivantes :

* 3.184,56 € de rappel de salaire, outre 318,45 € de congés payés afférents au titre de l’inégalité de traitement,

* 4.200 € de rappel de primes, outre les congés payés afférents de 420 €,

En toute hypothèse :

– juger recevable la demande de Mme [K] tendant à voir condamner la SASU Auchan Hypermarché à abonder son compte personnel de formation d’un montant de 3.000 €, et accueillir cette demande formée en cause d’appel,

– condamner la SASU Auchan Hypermarché à abonder le compte personnel de formation de Mme [K] d’un montant de 3.000 €,

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts pour dégradation de son état de santé,

– condamner la SASU Auchan Hypermarché à la somme de 10.000 € de dommages et intérêts pour dégradation de l’état de santé de Mme [K],

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [K] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du conseil de prud’hommes,

– condamner la SASU Auchan Hypermarché à verser à Mme [K] la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– débouter la SASU Auchan Hypermarché de l’intégralité de ses demandes.

Par conclusions n° 3 notifiées par voie électronique le 26 septembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la SASU Auchan Hypermarché demande à la cour de :

– déclarer irrecevable la demande au titre de l’abondement au CPF en application des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile,

– confirmer dans toutes ses dispositions le jugement,

– déclarer irrecevables ou infondées les demandes de Mme [K],

– la débouter de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Mme [K] à payer à payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [K] aux dépens.

MOTIFS

A titre préliminaire, la cour constate qu’en appel, Mme [K] abandonne sa demande de positionnement au niveau 2D qu’elle formait en première instance.

1 – Sur la discrimination :

En vertu de l’article L 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, en raison de ses origines, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance à une ethnie, une nation ou une race, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son nom de famille, de son état de santé ou de son handicap.

Aux termes de l’article L 1132-4, toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

En application de l’article L 1134-1, en cas de litige relatif à la méconnaissance de ces textes, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Invoquant une discrimination syndicale, Mme [K] réclame des dommages et intérêts pour discrimination de 25.000 € et des rappels de salaires sur la base du niveau 2C de 2.566,26 € outre congés payés.

Sur les prescriptions :

Sur la prescription de l’action portant sur les dommages et intérêts :

Aux termes de l’article L 1134-5 alinéa 1er du code du travail, l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par 5 ans à compter de la révélation de la discrimination.

La SASU Auchan Hypermarché soulève la prescription quinquennale, Mme [K] s’étant plainte d’une discrimination dès 2011 et ayant attendu le 6 juin 2018 pour saisir le conseil de prud’hommes.

Or, Mme [K] invoquant également des faits postérieurs au 6 juin 2013 et faisant valoir que la discrimination se serait poursuivie jusqu’à la saisine du conseil de prud’hommes et même après, elle n’est pas prescrite en son action relative aux dommages et intérêts, lesquels sont susceptibles de réparer son entier préjudice, y compris concernant des faits anciens de plus de 5 ans.

Sur la prescription de l’action portant sur les salaires :

La SASU Auchan Hypermarché soulève la prescription biennale de l’article L 1471-1 alinéa 1er du code du travail s’agissant d’une action portant sur l’exécution du contrat de travail.

Néanmoins, conformément à l’alinéa 3, ce texte n’est pas applicable à l’action en paiement des salaires, laquelle est soumise au délai de 3 ans prévu par l’article L 3245-1, ce délai courant au jour où celui qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Or, Mme [K] dit réclamer un rappel de salaire du 1er janvier 2015 au 1er janvier 2018. Elle est donc prescrite pour les salaires échus antérieurement au 6 juin 2015. Il sera ajouté au jugement sur ce point.

Sur l’existence d’une discrimination :

Au soutien de son action fondée sur une discrimination syndicale, Mme [K] invoque les éléments suivants :

– une détérioration de ses notations dès son premier mandat en 2007 :

Mme [K] affirme que, de 2001 à 2006, ses évaluations lors des GDI étaient toujours très positives, et qu’elles sont devenues défavorables à partir de 2007. Elle verse aux débats les évaluations 2001, 2002, 2003, 2004, 2005,2006, 2007, 2009-2011, 2012-2015, 2015-2016, et 2016-2018.

Néanmoins, dans ses écritures Mme [K] ne sélectionne que les commentaires favorables jusqu’en 2006 et non les commentaires défavorables, et elle a tendance à faire l’inverse à partir de 2007.

En réalité, l’examen détaillé de ces évaluations révèle également :

– des appréciations négatives jusqu’en 2006 (exemples : en 2001 : écart de caisse, fragilité en général, et notation de 2/4 pour la technique et l’efficacité ; en avril 2002 : écarts de caisse trop importants, avec 5 items sur 16 non maîtrisés ; en 2004 : carences dans l’encaissement ; en 2005 : doit être plus force de proposition ; en 2006 : carences dans l’accueil du client) ;

– des appréciations positives à partir de 2007 (exemples : en 2007 : bon accueil du client, bonne vendeuse en billetterie, TB pour les écarts de caisse ; en 2009-2011 : bon accueil ; en 2012-2015 : bonne relation client, a su s’adapter à son poste d’accueil, autonome sur les outils et procédures ; en 2015-2016 : présentation parfaite, accueil régulier, très agréable, investie dans la relation client ; en 2016-2018 : bon travail à l’accueil, bonne présentation, très bon accueil client) ;

– qu’elle a obtenu un nombre de points similaire avant et après le premier mandat : 23 points en 2004, 26 points en 2006, 25 + 28 points en 2007, 26 points en 2011, 38 points en 2015 (les grilles d’évaluation ayant évolué avec l’accord d’entreprise du 13 avril 2013), 40 points en 2016, 43 points en 2017.

Ainsi, la détérioration alléguée n’est pas établie.

– une rémunération parmi les 1 % de salariés les moins bien payés de la société toutes anciennetés confondues de 2008 à 2017 :

Cette affirmation est contestée par la SASU Auchan Hypermarché.

Mme [K] verse aux débats les bilans sociaux 2008, 2009, 2010, 2013, 2015 et 2017, ainsi que ses propres bulletins de paie du mois de décembre, de 2004 à 2015. La SASU Auchan Hypermarché verse aux débats les bulletins de paie de Mme [K] de janvier 2017 à août 2019 et de novembre 2019 à août 2021. Néanmoins, le ‘rapport entre le forfait moyen brut de base des 10 % des salariés touchant le plus et le forfait moyen brut de base des 10 % des salariés touchant le plus’ mentionné dans les bilans sociaux et repris par Mme [K] dans ses conclusions ne permet pas de connaître le salaire moyen des 1 % des salariés les moins rémunérés, salaire que Mme [K] ne précise d’ailleurs pas dans ses conclusions, ce qui rend impossible la comparaison avec le salaire annuel perçu par elle au vu de ses bulletins de paie. De plus, les bulletins de paie de Mme [K] mentionnent des absences fréquentes générant des retenues de salaires, et sur certaines périodes elle ne travaillait qu’à temps partiel.

Enfin, la SASU Auchan Hypermarché verse aux débats des extraits des NAO 2019 et 2021 montrant que Mme [K] percevait un salaire brut horaire supérieur au salaire brut du niveau 2C de la grille salariale au sein de la société.

Ainsi, Mme [K] n’établit pas avoir fait partie des 1 % des salariés les moins payés au sein de l’entreprise.

– des carences de la société en matière de formation :

Mme [K] affirme qu’elle n’a suivi que des ‘formations imposées sans lien avec ses demandes’, alors qu’elle réclamait des formations en informatique, notamment lors de la GDI de 2012 et des entretiens professionnels des 14 mars 2019 et 12 septembre 2020, et qu’elle n’a suivi que 4 formations en informatique en 2008, 2011 et 2015. Elle ajoute que, suite à son entretien du 12 septembre 2020, elle avait demandé des formations en vue d’une évolution professionnelle (manager, bijouterie, bilan de compétences, VAE), en vain.

Elle ne précise pas quelles auraient été les formations imposées ou inadaptées à ses fonctions.

Elle verse aux débats un listing de ses formations. Il en ressort que, de 2007 (année de son premier mandat syndical) à 2017, elle a effectué 15 formations, notamment en matière d’accueil client, de secourisme, de prévention des risques, d’accident du travail, et en matière informatique (Word, Excel) ; elle a également été inscrite à d’autres formations, qui ont été annulées (2) ou auxquelles elle était absente (4, dont 3 formations Word et Excel en 2011 et 2016).

De son côté, la SASU Auchan Hypermarché justifie de l’absence de Mme [K] à une formation Google Drive du 8 octobre 2019, étant précisé que Mme [K] était ce jour-là en audience au conseil de prud’hommes dans le cadre de son mandat.

Enfin, si, lors de l’entretien du 12 septembre 2020, Mme [K] a indiqué qu’elle envisageait de devenir manager KS, d’obtenir un diplôme par une formation et de faire un bilan de compétences et une VAE, et souhaitait ‘faire un vis ma vie à la bijouterie’, elle n’établit pas avoir effectivement concrétisé ces demandes ensuite, ni du refus de la SASU Auchan Hypermarché.

Mme [K] n’établit donc pas que la SASU Auchan Hypermarché lui aurait refusé des formations.

Mme [K] reproche également à la SASU Auchan Hypermarché de n’avoir fait que 2 entretiens professionnels en 2019 et 2020 en méconnaissance de l’accord d’entreprise sur l’orientation et la formation professionnelle du 20 décembre 2013, ce qui est un fait établi.

– une absence de réponse de la société à ses courrier des 18 février 2011 et 23 avril 2011 :

Mme [K] a adressé à M. [G], directeur du magasin, les courriers suivants :

– un courrier du 18 février 2011, rédigé en sa qualité d’élue au CHSCT, avec Mme [M], indiquant qu’une salariée avait subi deux accidents du travail, que deux autres salariés non membres du CHSCT avaient mené une enquête, qu’elles s’en étaient plaintes auprès du RRH M. [U] et avaient été mal reçues par lui ;

– un courrier du 23 avril 2011, relatant un comportement agressif de la part de Mme [V], étant précisé que seule la première page de ce courrier est produite.

Il est exact que M. [G] n’y a pas répondu.

– un refus de formation et de congés :

Par courrier du 4 mars 2011, Mme [K] s’est plainte auprès de M. [G] d’une annulation d’une formation Word et d’un refus de congés d’hiver.

Ces faits sont avérés.

– une annulation d’un déplacement pour les NAO :

Mme [K] affirme que la SASU Auchan Hypermarché a annulé son déplacement prévu le 8 février 2012. Néanmoins, ce n’est pas la société qui a annulé le déplacement de Mme [K] : le vol de Mme [K] a été annulé par Air France en raison d’un mouvement de grève.

– une absence de réaction de la société suite à une agression du 29 mai 2015 :

Par courrier du 20 juillet 2015, Mme [K] disait avoir été agressée verbalement par une collègue, Mme [J], le 29 mai 2015, et elle se plaignait de l’absence d’organisation par la direction d’une confrontation avec Mme [J] et d’une absence de sanction contre Mme [J].

– des courriers adressés par la CGT à la direction des 20 décembre 2011, 26 janvier 2012, 22 octobre 2015, 29 décembre 2015, 23 mai 2016 :

Ces courriers, relatifs à un ‘procès d’intention’, à une absence de clefs du coffre du CE, à un refus d’approbation par la CGT du procès-verbal du CE, à un affichage sur un panneau syndical et au comportement de la CFTC, sont le simple reflet du dialogue social au sein de l’entreprise, ou de luttes inter syndicales, mais ne caractérisent aucun fait de la direction.

– un épuisement professionnel subi par Mme [K] :

Si Mme [K] a fait part de sa souffrance au travail, il demeure qu’aucun fait n’est établi par le courrier de la médecine du travail du 13 juin 2016, le procès-verbal du CHSCT du 17 juin 2016, le procès-verbal du CE du 20 juin 2016, l’extrait du registre des dangers graves et imminents 2017 et le courrier de l’inspection du travail du 1er septembre 2022 évoquant une nouvelle alerte de danger grave et imminent du 2 juillet 2022.

– un cantonnement de Mme [K] au niveau 2B pendant 16 ans :

Il est exact que Mme [K] n’a obtenu le niveau 2C qu’à compter du mois de janvier 2018, après l’enquête réalisée par l’inspection du travail.

Ainsi, parmi les éléments présentés par Mme [K], ceux qui sont établis laissent supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Néanmoins, la SASU Auchan Hypermarché prouve que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination :

– concernant les entretiens professionnels en matière de formation, l’avenant du 16 octobre 2019 ne prévoit qu’un entretien tous les 2 ans ;

– les courriers des 18 février et 23 avril 2011, à but informatif, n’appelaient pas de réponse ;

– il ressort des termes mêmes du courrier du 4 mars 2011 que la formation Word n’existait plus depuis un an ou un an et demi ;

– les congés ne sont accordés que sous réserve qu’ils ne perturbent pas le service ;

– le courrier du 20 juillet 2015 était adressé à l’inspection du travail et non à la SASU Auchan Hypermarché, et Mme [K] ne produit pas l’éventuelle réponse de l’inspection du travail ;

– le passage du niveau 2B au niveau 2C n’est pas automatique en fonction de l’ancienneté ; avant l’accord d’entreprise du 13 avril 2012, le salarié devait obtenir 30 points sur la grille métier lors de deux entretiens successifs, puis, suite à l’accord d’entreprise, il devait en obtenir 42 lors de son évaluation ; or, il a été dit que Mme [K] avait obtenu 23 points en 2004, 26 points en 2006, 25 + 28 points en 2007, 26 points en 2011, 38 points en 2015, 40 points en 2016 et 43 points en 2017 ; ainsi, elle ne remplissait pas les conditions d’obtention du nombre de points et ce n’est que lors de l’entretien du 11 janvier 2018 qu’elle a atteint les 42 points nécessaires pour le passage au niveau 2C ; si, dans ses conclusions, Mme [K] critique les évaluations, ayant refusé de signer certaines d’entre elles, et compare ses évaluations à celles de certaines de ses collègues passées au niveau 2C alors qu’elle les juge moins performantes qu’elle, notamment en matière d’encaissement, il demeure qu’elle n’a pas engagé de procédure de contestation de ses évaluations, de sorte que la cour ne peut que se fonder sur le nombre de points attribués.

Il convient donc de débouter Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination et de sa demande de rappel de salaire au niveau 2C, pour la période non prescrite à compter du 6 juin 2015.

2 – Sur l’inégalité de traitement :

A titre subsidiaire, Mme [K] évoque le principe prétorien ‘à travail égal, salaire égal’, et réclame un rappel de salaire de 3.184,56 € outre congés payés et un rappel de prime de 4.200 € outre congés payés.

En application de la règle ‘à travail égal, salaire égal’, l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés de l’un ou l’autre sexe, pour autant que les salariés en cause soient placés dans une situation identique.

Il incombe au salarié qui se prétend victime de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération directe ou indirecte. Il appartient alors à l’employeur de prouver que la situation critiquée est justifiée par des raisons objectives, pertinentes et matériellement vérifiables. Si cette preuve n’est pas rapportée, l’employeur doit verser un rappel de salaire pour compenser la différence invoquée.

Mme [K] se compare avec 4 salariées qui sont également hôtesses d’accueil:

– Mme [N], embauchée en 2007, passée au niveau 2C en 2013 puis au niveau 2D depuis 2015 ;

– Mme [R], embauchée en 1997, passée au niveau 2C en 2009 puis au niveau 2D depuis 2012 ;

– Mme [Z], embauchée en 1999, au niveau 2D depuis 2011 ;

– Mme [J], embauchée en 2000, au niveau 2C depuis 2014.

 

Pour expliquer le fait que ces salariées aient obtenu le niveau 2C avant Mme [K] voire soient passées au niveau 2D, la SASU Auchan Hypermarché fournit les éléments suivants :

– Mme [N] est titulaire d’une licence en sciences du langage et du CAPES de documentaliste ; elle a occupé des fonctions de technicienne administrative et comptable ; elle a des missions annexes, notamment de formation, de communication, de gestion de la page Facebook du magasin, de rédaction de courriers clients, de gestion des inconnus et illisibles et de vente de cartes cadeaux ; lors de ses évaluations, elle a obtenu le nombre de points nécessaire pour accéder au niveau supérieur ;

– Mme [R] a des missions d’animation de réunion en sus de ses fonctions d’hôtesse, et elle est relais du secteur caisse, en charge des horaires de l’accueil, caisses minute et services ; lors de ses évaluations, elle a obtenu le nombre de points nécessaire pour accéder au niveau supérieur ;

– Mme [Z], en sus de ses fonctions d’hôtesse d’accueil, est relais accueil, polyvalente en zone et travaille sur le logiciel de temps de travail tempo ; lors de ses évaluations, elle a obtenu le nombre de points nécessaire pour accéder au niveau supérieur ;

– Mme [J] s’occupe également de l’animation du club enfants [4] ; lors de ses évaluations, elle a obtenu le nombre de points nécessaire pour accéder au niveau supérieur ;

– Mme [K] n’est titulaire que d’un BEP administration commerciale et comptable ; elle n’a pas de missions de formations, ni de missions annexes ; ce n’est qu’en 2017 qu’elle a obtenu le nombre de points nécessaire pour le niveau 2C.

En réponse, Mme [K] indique que :

– Mme [N] commettait des erreurs de caisse ;

– Mme [R] a été licenciée pour faute grave par lettre du 11 octobre 2016 ;

– Mme [Z] n’a été chargée du logiciel qu’après son passage au niveau 2D ; ses évaluations mentionnaient des écarts de caisse ;

– Mme [J] faisait des erreurs de caisse ; elle a reçu un avertissement par lettre du 8 avril 2020 ;

– Mme [K] anime la réunion en rayon et forme les hôtesses de caisse pour l’accueil ainsi qu’en attestent Mmes [R] et [J] ; la SASU Auchan Hypermarché refuse de confier de nouvelles missions à Mme [K] malgré ses demandes.

Sur ce, la cour relève que :

– nonobstant les appréciations littérales, les erreurs de caisse qu’elles ont pu commettre et les sanctions disciplinaires, Mmes [N], [R], [Z] et [J] ont obtenu un nombre de points supérieur à Mme [K], ce qui est une donnée objective que la cour ne peut pas remettre en cause ;

– Mme [K] ne conteste pas que Mmes [N], [R] et [J] avaient d’autres missions en sus de celles d’hôtesse d’accueil ;

– le fait que Mme [R] ait été licenciée en 2016 pour des pratiques frauduleuses sur une carte de fidélité créée à son profit sous une fausse identité, n’enlève rien au fait qu’auparavant, elle donnait toute satisfaction dans ses multiples missions ;

– indépendamment de la question du logiciel, Mme [K] ne conteste pas que Mme [Z] avait bien des missions autres en sus de celles d’hôtesse d’accueil ;

– Mme [J] n’a reçu un avertissement en 2020 que pour deux absences injustifiées, ce qui n’était pas de nature à remettre en cause la qualité de son travail ;

– certes, Mme [K] forme les nouvelles salariées embauchées dans leur prise de poste à l’accueil ; toutefois, la GDI de 2016 mentionnait bien que, pour progresser, Mme [K] devait prendre une mission individuelle comme l’ensemble des hôtesses d’accueil au niveau 2C, et que Mme [K] ne souhaitait pas prendre ces missions ; les GDI antérieures ne mentionnaient pas de demande de Mme [K] afin de prendre de nouvelles missions.

Ainsi, la SASU Auchan Hypermarché justifie que le fait que Mme [K] ait obtenu le niveau 2C après les 4 salariées auxquelles elle se compare est justifié par des raisons objectives.

Confirmant le jugement, la cour déboutera Mme [K] de ses demandes fondées sur une inégalité de traitement.

3 – Sur la dégradation de l’état de santé :

En application de l’article L 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il lui incombe d’établir que, dès qu’il a eu connaissance du risque subi par le salarié, il a pris les mesures suffisantes pour y remédier.

Mme [K] allègue une dégradation de son état de santé. Néanmoins, les pièces médicales versées aux débats ne permettent pas de faire le lien entre les conditions de travail et l’état de santé :

– les Drs [F] et [W] [E], médecins généralistes, disant suivre Mme [K] pour un syndrome anxiolytique, n’ont fait que reprendre les dires de Mme [K] évoquant un harcèlement sur le lieu de travail, un burn out et une discrimination ;

– le médecin du travail et le psychologue du travail ont constaté la souffrance au travail exprimée par Mme [K], mais n’ont pas personnellement constaté ses conditions de travail.

Mme [K] reproche d’abord à la SASU Auchan Hypermarché d’être restée passive suite à une fausse accusation d’agression, accusation dont elle aurait fait l’objet fin 2017 lors d’une formation, question évoquée lors d’une réunion des délégués du personnel du 28 novembre 2017, et la société n’ayant diligenté une enquête qu’en avril 2018, ‘ce d’autant que Mme [L] a reconnu que Mme [K] n’avait pas levé la main sur Mme [C]’, alors que ‘Mme [K] avait déjà été stigmatisée ce qui avait donné lieu à une note sur le registre des dangers graves et imminents du 22 mars 2016’, et qu’il ‘était à craindre que Mme [L] n’ait pas été sanctionnée’, ce qui aurait dégradé son état de santé et conduit à des arrêts maladie.

Ainsi, Mme [K] mélange plusieurs événements :

– des mentions sur le cahier du CHSCT des 22 mars 2016 et 4 décembre 2017, mentionnant ‘le ressenti d’insécurité de Mme [K]’ et sa ‘souffrance physique et morale face aux diverses attaques à son encontre’ ;

– lors de la réunion des délégués du personnel du 28 novembre 2017, il a été noté que l’hôtesse qui animait une formation Vision 2025 avait été agressée verbalement à plusieurs reprises par un délégué du personnel ; force est de constater que cette note était particulièrement imprécise quant à cette agression, les noms des personnes n’étant même pas indiqués ; par courrier du 28 décembre 2017, Mme [X], la formatrice, a indiqué qu’elle avait mal vécu des propos négatifs sur cette formation mais que le terme d”agression verbale’ dont elle aurait été victime de la part de Mme [K] n’était pas approprié ; Mme [K] a alors estimé que son mal-être n’avait pas suffisamment été pris en compte par la société ; par courrier du 5 avril 2018, la SASU Auchan Hypermarché a indiqué à Mme [K] qu’elle l’avait reçue mi-décembre 2017 et avait organisé une médiation avec Mme [X], qui s’était soldée positivement, mais que, pour répondre à sa demande, elle allait organiser une enquête ;

– le compte-rendu du CHSCT du 30 juin 2018, relatif à cette enquête, mentionnait qu’il existait un conflit interpersonnel entre Mme [K] et Mme [L] (élue CFTC), et que Mme [X] s’était retrouvée seule à la formation face une assemblée nombreuse et face à Mme [K] dont la communication était ‘directe et frontale’ ;

– un nouveau procès-verbal du CHSCT du 24 octobre 2018 mentionnait que Mme [K] revenait sur son conflit avec Mme [L], et que M. [B] disait avoir reçu en entretien Mme [L] mais estimait que son contenu était confidentiel.

Aucune carence de la SASU Auchan Hypermarché n’est donc établie à ce titre.

Mme [K] se plaint également que Mme [L] lui ait refusé de venir à l’arbre de Noël de 2019 pour cause d’inscription tardive (cf. son mail du 23 novembre 2016 adressé à M. [B]). Toutefois, la SASU Auchan Hypermarché n’est pas restée inactive puisque, par mail du même jour, le RRH a proposé à Mme [K] un rendez-vous pour évoquer le problème.

Mme [K] se plaint enfin d’avoir été appelée ‘la rebeux qui crie’ et ‘la folle’ par M. [A] (directeur du magasin des années Charles de Fitte). Mme [Y] atteste de ces propos tenus devant elle. Ce fait regrettable mais isolé que la salariée n’a d’ailleurs pas fait remonter à la direction de la société alors qu’elle alertait sur d’autres éléments n’est pas établi comme en lien avec la dégradation de l’état de santé alors que la cour ne retient pas les autres éléments articulés.

Confirmant le jugement, la cour déboutera donc Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité.

4 – Sur l’abondement du compte personnel de formation :

En première instance, et dans ses premières conclusions en cause d’appel notifiées le 22 juin 2021, Mme [K] ne faisait aucune demande au titre de l’abondement du CPF. Ce n’est que dans ses conclusions d’appel n° 2 notifiées le 8 avril 2022 qu’elle a pour la première fois formé une demande à ce titre.

La SASU Auchan Hypermarché soulève l’irrecevabilité de la demande, comme étant nouvelle en appel, et en vertu du principe de concentration des demandes.

Mme [K] réplique que sa demande est recevable comme ayant un lien avec la discrimination, mais elle est muette sur le moyen tiré de la concentration des demandes.

Or, en application de l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-1 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond ; demeurent recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Ainsi, en application du principe de concentration des demandes, la cour ne peut donc que juger irrecevable la demande.

5 – Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Mme [K], partie perdante, supportera les dépens de première instance et d’appel et ses propres frais irrépétibles. L’équité commande de laisser à la charge de la SASU Auchan Hypermarché ses propres frais.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Déclare non prescrite la demande de dommages et intérêts fondée sur la discrimination,

Déclare prescrite la demande de rappel de salaire fondée sur la discrimination pour la période antérieure au 6 juin 2015,

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts au titre du compte personnel de formation,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne Mme [H] [K] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset.

 


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