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COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 19 JUILLET 2022
N° RG 21/00272 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GTX2
[C] [Y]
C/ S.A.R.L. TECHNIQUE ET SECURITE
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 01 Décembre 2020, RG F 18/00276
APPELANT :
Monsieur [C] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Virginie VABOIS, avocat au barreau d’ANNECY
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/002284 du 05/07/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CHAMBERY)
INTIMEE et APPELANTE INCIDENT :
S.A.R.L. TECHNIQUE ET SECURITE
dont le siège social est sis [Adresse 1]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELARL EPSILON, avocat au barreau d’ANNECY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 12 Avril 2022, devant Madame Elsa LAVERGNE, Conseiller désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s’est chargée du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Madame Sophie MESSA, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Elsa LAVERGNE, Conseiller,
********
Faits et procédure
M. [C] [Y] a été embauché par la Sarl Technique et Sécurité à compter du 12 janvier 2014 par contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité d’agent de sécurité et SSIAP1, niveau III, échelon 2, coefficient 140. Le contrat prévoyait une rémunération brute de 9,93 euros de l’heure soit 119,16 euros brut mensuel, pour un horaire mensuel de 12 heures, avec la possibilité, d’effectuer des heures complémentaires en fonction des demandes des clients.
L’entreprise emploie entre 20 et 49 salariés. La convention collective des entreprises de prévention et de sécurité est applicable.
M. [Y] a adressé un courrier en mars 2018 à son employeur concernant le solde de ses congés payés et sur la prise en charge de ses heures de formation. La Sarl Technique et Sécurité répondait par courrier à ses questions.
Par un courrier du 10 août 2018, M. [Y] demandait à son employeur de régulariser ses droits à salaire et formation.
La société lui a proposé de mettre fin à son contrat de travail par rupture conventionnelle.
Par requête du 27 novembre 2018, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes d’Annecy pour diverses demandes en lien avec l’exécution de son contrat de travail. Suite à l’audience de conciliation, le contrat de travail s’est poursuivi.
Par un courrier du 17 juin 2019, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé le 26 juin 2019 et reporté au 28 juin 2019. M. [Y] ne s’est pas présenté à l’entretien.
Par lettre recommandée du 8 juillet 2019, M. [Y] s’est vu notifier son licenciement pour faute grave pour des faits d’insubordination.
Par jugement en date du 1er décembre 2020, le conseil de prud’hommes d’Annecy a :
– jugé le licenciement de M. [Y] sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la Sarl Technique et Sécurité à payer à M. [Y] les sommes suivantes :
* 756 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 252,70 euros brut au titre de l’indemnité de préavis, outre 25,27 euros brut au titre des congés payés sur préavis,
* 173,10 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement,
* 350 euros au titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d’embauche,
* 1 780,40 euros brut à titre de rappels sur les heures complémentaires, outre 178,04 euros bruts au titre de congés payés afférents,
– dit que les sommes allouées à M. [Y] porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement conformément à l’article 1153-1 du code civil,
– débouté M. [Y] de ses demandes au titre du travail dissimulé, du remboursement des frais professionnels, des dommages et intérêts pour défaut de formation, et de sa demande pour licenciement irrégulier,
– condamné la Sarl Technique et Sécurité à fournir à M. [Y] l’attestation Pôle emploi rectifiée sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du 21ème jour après le prononcé du présent jugement,
– dit que le conseil se réserve le droit de liquider la dite astreinte,
– débouté M. [Y] de ses autres demandes,
– limite l’exécution provisoire de plein droit du présent jugement aux sommes visées par l’article R.1454-28 3° du code du travail,
– condamné la Sarl Technique et Sécurité à payer à Maitre [U] la somme de 1 000 euros pour ses honoraires en application des dispositions de l’article 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle,
– donné acte à Maitre [U] de ce qu’elle s’engage à renoncer à la part contributive de l’Etat au cas où elle poursuivrait à son profit le recouvrement de cette somme,
– condamné la Sarl Technique et Sécurité aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 5 février 2021 par RPVA, M. [C] [Y] a interjeté appel de la décision en ce qu’elle :
– lui a alloué 350 euros au titre de dommages et intérêts pour absence de visite
médicale d’embauche,
– l’a débouté de sa demande principale de requalification de son contrat de travail
en contrat à temps complet et de sa demande de rappel de salaire, de sa demande,
à titre subsidiaire, de requalification du contrat à temps partiel à hauteur de la
durée légale minimum,
– l’a débouté de sa demande au titre du travail dissimulé, de remboursement des
frais professionnels, de dommages et intérêts pour défaut de formation, de
remboursement de frais de recyclage de formation obligatoire,
– a dit et jugé que le licenciement n’était pas irrégulier en la forme, que le
licenciement était sans cause réelle et sérieuse (et non nul), et l’a débouté de sa
demande d’indemnité de licenciement nul et de licenciement irrégulier.
Le 4 août 2021, la Sarl Technique et Sécurité a formé appel incident.
Dans ses conclusions notifiées le 5 mai 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, M. [C] [Y] demande à la cour, concernant les seuls chefs critiqués, de :
– condamner la Sarl Technique et Sécurité à lui payer la somme de 1 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale à l’embauche et de suivi médical régulier,
– requalifier le contrat de travail à temps partiel de M. [Y] en un contrat de travail à temps complet et condamner la Sarl Technique et Sécurité à lui payer 51 909, 84 euros bruts à titre de rappels de salaire après requalification, outre 5 190,98 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– à titre subsidiaire, requalifier le contrat de travail à temps partiel de M. [Y] à hauteur de la durée légale minimum, à savoir à hauteur de 24 heures hebdomadaires (103,2 heures mensuelles) de travail à effet du mois de septembre 2016 et en conséquence condamner la Sarl Technique et Sécurité à lui payer 31 016,37 euros bruts à titre de rappels de salaire sur la base d’une durée de 103,2 heures mensuelles, outre 3 101,63 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– juger que la Sarl Technique et Sécurité s’est rendue coupable de l’infraction de travail dissimulé et la condamner à payer à M. [Y] la somme de 758,10 euros nets au titre de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé,
– condamner la Sarl Technique et Sécurité à payer à M. [Y] les sommes de :
* 1.360 euros nets à titre de remboursement des frais professionnels engagés,
* 430 euros nets à titre de remboursement des frais de formation engagés,
*1 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour défaut de formation,
– déclarer le licenciement pour faute grave de M. [Y] nul, subsidiairement, dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
– déclarer le licenciement pour faute grave irrégulier en la forme,
– en conséquence, condamner la Sarl Technique et Sécurité à payer à M. [Y] les sommes suivantes :
* 2 000 euros nets au titre de l’indemnité de licenciement nul,
* 126,35 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier en la forme,
* 252,70 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 25,27 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,
* 173,10 euros nets au titre de l’Indemnité légale de licenciement,
– ordonner la remise d’un bulletin de paie mentionnant l’ensemble des condamnations salariales ainsi que d’une attestation Pôle Emploi rectifiée, sous astreinte journalière de 100 euros, dans un délai de 10 jours à compter dans la notification de la décision à intervenir,
– sur les frais irrépétibles : Si l’aide juridictionnelle totale ou partielle est accordée à M. [Y], fixer les honoraires de Maitre [U] à hauteur de 2 500 euros et donner acte à Maitre [U] de ce qu’elle s’engage à renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle, dans les conditions prévues à l’article 108 du décret du 19 décembre 1991, si elle parvient, dans les douze mois de la délivrance de l’attestation de fin de mission, à recouvrer la somme ainsi allouée, à défaut, si l’aide juridictionnelle totale ou partielle n’est pas accordée à M. [Y] condamner la Sarl Technique et Sécurité à payer à M. [Y] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la Sarl Technique et Sécurité aux entiers dépens de procédure,
– dire et juger que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal.
Au moment de son embauche, M. [Y] n’a pas bénéficié d’une visite médicale contrairement à ce que prévoyait l’ancien article R.4624-18 du code du travail.
Durant ses cinq ans de travail, il n’a rencontré la médecine du travail que le 28 février 2019. Le médecin du travail a indiqué que le salarié devait être suivi régulièrement.
La jurisprudence considère que l’employeur ne peut reporter sa responsabilité sur la médecine du travail en invoquant une surcharge de ses services. C’est à l’employeur de convoquer le salarié à la médecine du travail.
Le salarié souffrait de lombalgies invalidantes chroniques qui ont conduit le médecin du travail à émettre des réserves sur son aptitude à occuper son poste. Il a donc bien subi un préjudice physique.
Le contrat de travail doit être requalifié en contrat à temps complet car il ne prévoit pas la répartition de la durée de travail ( absence de mention sur la répartition du temps de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois), ni les modalités selon lesquelles les horaires de travail lui sont communiqués par écrit, ni les limites dans lesquelles les heures complémentaires peuvent être effectuées, La clause de l’article 8 du contrat de travail octroie à l’employeur le droit de mobiliser le salarié en fonction des nécessités de la société, selon la jurisprudence ce type de clause est nulle.
Il ne pouvait connaître son rythme de travail en avance, il était à la disposition de son employeur, la durée de son travail variait en fonction du mois. Il travaillait plus de 12 heures par mois et était rémunéré à hauteur de 11 heures jusqu’en décembre 2018, puis à hauteur de 12 heures à partir de janvier 2019.
Les jours et horaires d’intervention variaient, les plannings n’étaient pas toujours communiqués avant le début de chaque mois. Il subissait des changements de plannings.
Selon la jurisprudence, l’employeur doit apporter la preuve de la durée de travail convenue avec le salarié et du fait que le salarié pouvait, par avance, connaître son rythme de travail.
Le salarié confirmait la réception de ses plannings car il en avait l’obligation suite à la note de services du 2 janvier 2018. Il a émis des réserves.
À titre subsidiaire, le contrat devra être requalifié en un contrat à temps partiel d’une durée de 24 heures conformément à la loi. Depuis le 8 août 2016, la législation prévoit que la durée minimale d’un contrat à temps partiel est de 24 heures hebdomadaires donc ce contrat est illicite.
En 2016 et 2017, le salarié a effectué 143,10 heures complémentaires non rémunérées.
La société a comptabilisé sur un compteur temps les heures complémentaires durant la relation contractuelle sans justifier d’un accord d’aménagement du temps de travail d’actualisation des temps partiels, ce qui est illicite. L’employeur a donc dissimulé une partie de l’emploi du salarié.
M. [Y] a engagé des frais professionnels qui ne lui ont pas été remboursés : des frais d’entretien de la tenue professionnelle, les tenues professionnelles supplémentaires ou encore les frais de déplacement.
Les agents de sécurité titulaire d’une formation SSIAP 1et d’une formation de SST doivent mettre à jour leur formation tous les trois ans pour la première et tous les deux ans pour la seconde, sinon la formation n’est plus valable.
Sans agissement de l’employeur après demande du salarié, ce dernier s’est inscrit lui-même aux sessions de recyclage de ses formations mais l’employeur a refusé de prendre en charge le coût des sessions.
En l’absence de répartition de la durée de travail du salarié, le prétendu refus d’effectuer une prestation le 11 juin 2019 ne peut justifier une cause réelle et sérieuse du licenciement. Le salarié a fait part, dès réception de son planning, de son indisponibilité à cette date.
Le licenciement pour faute grave lui a été notifié après la saisine du conseil de prud’hommes, c’est une atteinte à la liberté de M. [Y] d’agir en justice.
Les prétendues absences injustifiées des 5, 12 et 19 décembre 2018 sont prescrites compte tenu du délai de prescription applicable en matière disciplinaire de 2 mois à compter de la connaissance des faits. Il ne s’agit pas d’une cause réelle et sérieuse.
Le licenciement est irrégulier en la forme car l’entretien préalable a été fixé en dehors du temps de travail puis reporté à une date à laquelle le salarié n’était pas disponible et la lettre de licenciement notifiée n’est pas signée.
Dans ses conclusions notifiées le 4 août 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, la Sarl Technique et Sécurité demande à la cour de :
– déclarer recevable l’appel incident formé par la Sarl Technique et Sécurité,
– infirmer le jugement rendu en ce qu’il a :
– condamné la Sarl Technique et Sécurité à payer à M. [Y] la somme de
350 euros au titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale
d’embauche,
– dit que le licenciement de M. [Y] est sans cause réelle et sérieuse, et condamné
la société à lui verser les indemnités consécutives,
– condamné la société à lui verser 1 780,40 euros brut à titre de rappels sur les
heures de complémentaires, outre 178,04 euros bruts au titre de congés payés
afférents,
– dit que les sommes alloués à M. [Y] porteront intérêts au taux légal à compter
du jour du prononcé du présent jugement,
– condamné la Sarl Technique et Sécurité à fournir à M. [Y] l’attestation Pôle
emploi rectifiée sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du 21ème
jour après le prononcé du présent jugement,
– condamné la Sarl Technique et Sécurité à payer à Maitre [U] la somme de
1 000 euros pour ses honoraires et l’a condamnée aux entiers dépens,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [Y] de ses autres demandes,
– statuant à nouveau sur les chefs critiqués,
– dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [Y] est justifié,
– débouter M. [Y] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner M. [Y] à payer à la Sarl Technique et Sécurité, la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Le salarié n’a jamais fait part du moindre préjudice suite à l’absence de visite médicale à l’embauche. La société n’a jamais manqué à ses obligations, les formalités d’embauche entraînent la demande d’examen médical d’embauche.
Le 28 février 2019, il a été reconnu apte à son poste de travail.
Les ordonnances produites par le salarié proviennent d’un médecin généraliste et l’une date de 2013 et les deux autres de 2019. Entre temps, il n’a pas souffert de lombalgies comme il le dit.
Il ne justifie pas d’un préjudice personnel, certain et direct en lien avec l’absence de visite médicale d’embauche.
M. [Y] a toujours travaillé à temps partiel, les horaires étaient fixés chaque mois pour le suivant et étaient communiqués par mail tous les mois. Des précisions pouvaient être apportées. Le salarié était informé de ses plannings et horaires. Il les réceptionnait sans remarque.
Dès novembre 2017, il a pu cumuler un second emploi. Il n’était pas tenu de se tenir à disposition de la société. Un seul changement de planning a eu lieu en septembre 2017. Il pouvait prévoit son rythme de travail à l’avance.
L’absence des mentions légales n’emporte qu’une présomption simple de travail à temps complet que l’employeur peut renverser par tout moyen.
Le défaut de la mention dans le contrat des limites d’accomplissement des heures complémentaires ne peut suffire à réputer le contrat à temps plein.
Le fait de travailler davantage que les heures prévues par le contrat de travail n’est pas illicite et ne peut entraîner la requalification du contrat en un contrat à temps complet.
Aucune heure complémentaire n’a été revendiquée auparavant.
Le contrat ayant été conclu le 10 janvier 2014, soit avant la date d’application de la loi du 14 juin 2013, la durée minimale de 24 heures n’est pas applicable. La convention collective ne prévoit pas de durée minimale de travail.
Il bénéficiait d’une priorité pour occuper un poste dont la durée est au moins égale à la durée minimale légale mais il n’en a pas fait la demande.
Les décomptes d’heures de la société montrent qu’il a récupéré 86 heures en 2018, le salarié ne les a jamais contestées.
M. [Y] ne peut solliciter à la fois la requalification de son contrat en contrat à temps plein et le paiement d’heures complémentaires.
L’appelant doit apporter la preuve de l’élément intentionnel du travail dissimulé, ce qui n’est pas le cas.
Les frais professionnels sont remboursés uniquement sur justificatifs, conformément à la note de service du 02 janvier 2018, le salarié n’en apporte aucun.
Le salarié a suivi une formation à titre personnel, il a signé la formation en son nom propre et l’a suivie en dehors de tout plan de formation. La société prend uniquement en charge les formations faites dans le cadre du plan de développement des compétences de l’entreprise.
Le salarié a eu des comportements insubordonnés et déplacés graves, il a manqué a ses obligations contractuelles et de loyauté en refusant de respecter ses plannings et d’exécuter une mission le 31 mai 19. Il a fait l’objet d’un avertissement le 05 avril 2019.
Les 5, 12 et 19 décembre il s’est absenté sans justification.
Il s’est engagé contractuellement à respecter ses plannings. Le refus du salarié ne doit pas être être fautif et déloyal.
La prescription de faits fautifs ne peut exister dès lors que les faits perdurent dans le temps.
L’absence de signature de la lettre de licenciement est une simple erreur formelle. Le code du travail n’interdit pas la fixation de l’entretien préalable en dehors du temps de travail.
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 7 janvier 2022.
Motifs de la décision
– Sur l’exécution du contrat de travail
– sur le défaut de visite médicale d’embauche et de suivi médical
Aux termes de l’article R. 4624-10 du code du travail, dans sa version antérieure au 1er janvier 2017, compte tenu de la date d’embauche de M. [Y], en l’espèce, le salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai, par le médecin du travail. La finalité de cet examen, définie par l’article R4624-11 du même code, est notamment de s’assurer que le salarié est médicalement apte au poste proposé.
Si le respect de ces dispositions participe de l’obligation générale de sécurité imposée à l’employeur, qui n’est d’ailleurs plus considérée comme une obligation de résultat, il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un préjudice découlant directement de l’absence de visite médicale d’embauche, notamment le fait d’avoir être privé de la possibilité de voir apprécier la conformité du poste à son état, en lien avec sa situation individuelle ou les conditions particulières de travail.
En l’espèce, il est constant que l’employeur a manqué à cette obligation, en ce que Monsieur [Y], employé pour assurer des missions de gardiennage et de sécurité au profit d’établissements privés ou pour des événements publics, n’a pas été soumis à une visite médicale préalable à son embauche, le 12 janvier 2014, ni au cours de sa période d’essai d’une durée de 2 mois. La simple mention type de l’enregistrement de cette formalité, dans la déclaration préalable à l’embauche URSSAF, produite au débat, ne suffit pas à démontrer l’exécution de cette obligation par l’employeur, ce d’autant que la visite n’a pu être effectuée, en l’espèce, pour des motifs non développés par les parties.
Le seul document justifiant d’un examen initial de la médecine du travail, produit aux débats, date du 28 février 2019 et confirme l’aptitude de Monsieur [Y] pour le poste d’agent de sécurité, ajoutant certaines recommandations : « il est fortement recommandé d’alterner les positions debout et assis et d’éviter la station debout fixe prolongée, une pause après 6 heures de travail est nécessaire, à suivre ».
Les parties ne justifient pas du contexte dans lequel Monsieur [Y] a été amené à consulter la médecine du travail plus de 5 années après le début d’exécution du contrat de travail, alors même que le contenu de ses missions d’agent de sécurité n’a manifestement pas évolué.
Le salarié produit au débat des certificats médicaux, dont l’un, de médecine générale, antérieur à l’embauche décrivant des « lombalgies invalidants chroniques », et deux établis par un médecin neuro-psychiatre en janvier et juillet 2019, prescrivant des traitements médicamenteux, sans éclaircir le lien avec des postures adoptées dans le cadre de son activité professionnelle. Il est relevé que la médecine du travail, à la même période (février 2019), le déclarait apte à exercer son poste. Par ailleurs, Monsieur [Y] qui ne démontre pas avoir alerté son employeur sur d’éventuelles contraintes médicales propres, au cours des premières années d’exercice, produit le justificatif d’un seul arrêt de travail d’une durée de 5 jours, en janvier 2017, sans en développer les motifs.
Ainsi, si l’absence de visite médicale préalable à l’embauche est incontestable, Monsieur [Y] ne démontre pas l’existence d’un préjudice réel, découlant de ce manquement et de l’absence de suivi médical postérieur, justifiant indemnisation, notamment d’un préjudice physique lié à une inaptitude méconnue par l’employeur, d’une dégradation de son état ou d’un préjudice d’anxiété lié au risque d’être exposé à certaines pathologies, en tenant compte de ses conditions d’exercice professionnel.
La décision déférée sera donc infirmée, en ce qu’elle a n’a pas tiré les conséquences des motifs pertinents développés, en constatant qu’aucun préjudice n’était justifié par Monsieur [Y], tout en lui octroyant la somme de 350 euros indemnisant l’absence, en soi, de visite médicale.
M. [Y] sera débouté de sa demande d’octroi de 1000 euros à titre de dommages et intérêts sur ce fondement.
– sur la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet
Il résulte de l’article de l’article L. 3123-6 du code du travail que le contrat de travail à temps partiel doit être établi par écrit et préciser notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les intervalles du mois. Il n’impose toutefois pas à l’employeur de mentionner dans le contrat de travail les horaires de travail, ce d’autant que la fixation précise de ce cadre n’est pas toujours envisageable selon les secteurs d’activité. Toute modification de la répartition de la durée du temps de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois doit être notifiée au salarié en respectant un délai de prévenance.
Il importe, de manière globale, que le salarié dispose d’informations suffisantes sur son rythme prévisible de travail lui permettant de connaître ses périodes non travaillées, au cours desquelles il n’a pas à se tenir à la disposition de son employeur, à défaut de quoi la requalification en contrat de travail à temps complet est encourue.
Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la durée exacte du temps de travail convenue et de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition.
Il ressort des pièces produites que le contrat signé par M. [Y] mentionne uniquement l’horaire mensuel de travail, fixée à 12 heures, et la possibilité d’effectuer des « heures complémentaires », en fonction des demandes des clients. Il prévoit également que la répartition de l’horaire pourra être modifiée selon les nécessités de la société, sous réserve d’une notification à l’employé «au moins sept jours avant la date à laquelle la modification doit prendre effet ».
Si ces formulations sont imprécises, il convient de relever que l’activité même exercée par M. [Y], rythmée par les événements organisés par les différents clients de la société, nécessitant une prestation de sécurité (salons, festivals, évènements sportifs) rend difficile la définition exacte, au contrat, de la répartition des heures de travail, dont le quantum mensuel total, est quant à lui, clairement fixé. Cette durée du travail a également été rappelée à M. [Y] par courrier de l’employeur en date du 19 octobre 2018.
Par ailleurs, il est constant que M. [Y] a exécuté de nombreuses heures au delà du temps de travail prévu au contrat, selon les besoins du service, ce qui, en soi, ne suffit pas à caractériser l’existence d’un contrat à temps plein, mais donne droit à des compléments de salaire, dès lors que le recours aux heures complémentaires n’a pas eu pour effet de porter la durée du travail au delà de la durée légale.
Il résulte des pièces produites que le salarié a été destinataire de plannings mensuels informant des événements programmés, heures de début et fin de service (avril-mai 2016, janvier-mai- septembre 2017, décembre 2018, janvier à juin 2019), majoritairement adressés en fin de mois pour le mois suivant. Ces plannings ont été complétés par des envois de courriels de l’employeur informant d’éventuels changements ou précisions, en amont des dates de missions programmées, dont le salarié a systématiquement confirmé la bonne réception, ce qui a pu donner lieu, précisément, à des échanges plus longs sur la disponibilité de M. [Y]. Ce dernier verse également aux débats quelques fiches de mission, qui lui ont été remises par la société, donnant connaissance de consignes particulières. Ces informations complémentaires, livrées parfois en début de mois, pour le mois en cours, portaient essentiellement sur des précisions d’organisation ( horaire, point de rendez vous, trajet, tenue..) ne remettant pas en cause l’équilibre global des plannings préalablement communiqués, notamment quant au nombre de missions à effectuer.
Les échanges produits aux débats confortent la communication fluide et réactive instaurée entre l’employeur et le salarié, en vue de l’organisation des différents évènements, programmés parfois sur plusieurs jours, et susceptibles de modifications, inhérentes au type d’activité lui même. Il résulte également de ces échanges de courriels, que l’employeur rappelait régulièrement la nécessité d’organiser les temps de pause, en lien avec le chef d’équipe, afin que la durée quotidienne de travail effectif ne dépasse pas 12 heures par jour, conformément à la convention collective applicable.
Ainsi, l’employeur démontre que Monsieur [Y] disposait de suffisamment d’informations pour anticiper son rythme de travail, dans un délai de prévenance adapté, en tenant compte des spécificités de l’activité, et ne se trouvait pas à sa disposition permanente.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [Y] de ses demandes de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, et de versement des rappels de salaires afférents.
– sur l’application de la durée minimale de travail issue de la loi du 14 juin 2013
La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 « relative à la sécurisation de l’emploi » a institué une durée minimale de travail pour les contrats à temps partiel. L’article 12 de cette loi a modifié le code du travail en ce sens :« Art. L. 3123-14-1. – La durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à vingt-quatre heures par semaine ou, le cas échéant, à l’équivalent mensuel de cette durée ou à l’équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l’article L. 3122-2 ».
Ce même article a prévu les modalités d’entrée en vigueur de ce nouveau régime en ces termes :
« VIII. ‘ L’article L. 3123-14-1 et le dernier alinéa de l’article L. 3123-17 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur le 1er janvier 2014. Pour les contrats de travail en cours à cette date, et jusqu’au 1er janvier 2016, sauf convention ou accord de branche conclu au titre de l’article L. 3123-14-3 du même code, la durée minimale prévue audit article L. 3123-14-1 est applicable au salarié qui en fait la demande, sauf refus de l’employeur justifié par l’impossibilité d’y faire droit compte tenu de l’activité économique de l’entreprise. ».
Cependant, afin de donner un délai supplémentaire aux branches professionnelles pour mettre en ‘uvre ces nouvelles dispositions, et dans le prolongement d’un communiqué de presse du ministère du travail daté du 10 janvier 2014, le législateur a entendu différer l’entrée en vigueur de ce dispositif.
Dans ce contexte, l’article 20 de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a complété le dispositif prévu par la loi du 14 juin 2013 en prévoyant que ces dispositions étaient suspendues, jusqu’au 30 juin 2014, tout en précisant, de manière explicite, que cette suspension prenait effet « à compter du 22 janvier 2014 » (date de présentation de la loi en conseil des ministres).
Il résulte de la combinaison de ces différents textes, que l’application de la durée minimale de travail à temps partiel ne concerne pas les contrats en cours au 1er janvier 2014, ni ceux conclus à compter du 22 janvier 2014, soumis à un régime transitoire ayant fait l’objet de modifications ultérieures, mais doit être respectée pour les embauches ayant eu lieu entre le 1er janvier et le 21 janvier 2014. En effet, aucune disposition légale postérieure ne permet de revenir sur l’application régulière du dispositif prévu par loi du 14 juin 2013, publiée au journal officiel, sur cette courte période qui a précédé la suspension évoquée.
En l’espèce, le contrat de Monsieur [Y] a été signé le 10 janvier 2014, avec prise d’effet au 12 janvier 2014, soit au cours de la période d’application de la loi du 14 juin 2013, dont les dispositions devaient être respectées par l’employeur, en l’absence de régime plus favorable prévu par la convention collective applicable et de demande écrite et motivée du salarié, portant sur une durée de travail inférieure à 24 heures. Par ailleurs, l’accord implicite du salarié, qui s’est soumis au cadre horaires imposé par l’employeur, ne permettait pas d’écarter l’application de dispositions d’ordre public.
Ainsi, le contrat de M. [Y] ne pouvait valablement prévoir un temps de travail de 12 heures mensuelles et celui ci est fondé à réclamer un rappel de salaires à hauteur de sa demande, dont le montant lui même n’a pas fait l’objet d’observations de la part de l’employeur, soit 31 016, 37 euros bruts, outre 310,16 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement du conseil de prud’hommes d’Annecy sera infirmé en ce sens.
– sur les heures complémentaires
Il résulte des articles L 3123-7 et suivants du code du travail, que chacune des heures complémentaires accomplies par le salarié à temps partiel donne lieu à une majoration de salaire, dont le taux peut être prévu par une convention ou un accord de branche. A défaut, il est de 10% pour chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite du 1/10ème prévu au contrat de travail est de 25 % pour chacune des heures accomplies entre le 1/10ème et le tiers des heures prévues au contrat de travail.
En dehors des aménagements conventionnels autorisés, les dispositions légales relatives aux heures complémentaires constituent des dispositions d’ordre public auxquels il ne peut être dérogé. Elles ont pour objet de limiter le nombre d’heures que peut effectuer un salarié à temps partiel au-delà de la durée prévue à son contrat.
En l’espèce, le volume d’heures complémentaires invoqué par Monsieur [Y] n’est pas contesté par l’employeur. Il résulte, d’ailleurs, de la comparaison entre les plannings versés pour la période de référence, les décomptes produits par Monsieur [Y], et des mentions sur ses bulletins de paye.
L’employeur invoque la mise en place d’un système de récupération de ces heures complémentaires, sur les mois au cours desquels aucune mission n’était confiée à Monsieur [Y], ou celui-ci ne se rendait pas disponible pour les missions envisagées. Les heures complémentaires effectuées étaient ainsi compensées par le maintien d’une rémunération pour 12 heures de travail chaque mois, que ces heures aient été effectivement travaillées ou non. Cette pratique, reposant sur la mise en ‘uvre d’un « compteur temps » mensuel, par l’employeur, échappant, ce faisant, au paiement d’heures majorées, constitue un aménagement particulier du temps de travail, lequel n’a pas fait pas l’objet d’une mention particulière au contrat, ni d’un accord écrit entre les parties, au cours de l’exécution de la relation contractuelle.
Conformément à la décision rendue par le conseil de prud’hommes sur ce point, Monsieur [Y] est bien fondé à réclamer le paiement, selon le cadre légal sus-rappelé, des heures complémentaires justifiées, soit un montant de 1780,40 euros bruts, outre les congés payés afférents.
– sur le travail dissimulé
L’article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas de d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
En l’espèce, il n’est pas contesté, au regard des pièces produites, que les bulletins de paie délivrés à M. [Y] pour la période de janvier 2016 à septembre 2018 mentionnaient un volume horaire de base de 11 heures, inférieur à celui prévu au contrat de travail. L’employeur a régularisé la situation postérieurement, ce qui ressort des bulletins de paie produits, et du courrier officiel adressé au salarié le 19 octobre 2018. En outre, l’employeur a méconnu les règles relatives aux heures complémentaires, croyant pouvoir mettre en place un système de compensation des heures complémentaires effectuées, ce qui lui vaut d’être condamné à verser des rappels de salaires.
Pour autant, il ne peut se déduire de ces éléments que la société a mis en ‘uvre, en toute connaissance de cause, des procédés frauduleux pour dissimuler le quantum d’heures de travail réellement accomplies par Monsieur [Y].
Aussi, en l’absence de démonstration de l’élément intentionnel requis, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [Y] de sa demande de dommage et intérêts pour travail dissimulé.
– sur le remboursement de frais professionnels
Il est admis que la charge des frais professionnels nécessaires à l’exécution du contrat de travail ou de rembourser les dépenses engagées par le salarié pour le compte de l’entreprise est une prolongation de l’obligation de paiement du salaire. Le salarié doit justifier des dépenses réelles exposées pour les besoins de l’activité et dans l’intérêt de l’employeur.
En l’espèce, M. [Y] réclame le remboursement des frais exposés pour l’entretien de sa tenue de travail, pour l’achat de tenues supplémentaires (vêtements de ville et chaussures) et pour certains déplacements sur ses lieux d’intervention qu’il déclare avoir effectués par ses propres moyens.
S’agissant des effets vestimentaires, il est constant que l’entreprise a mis à sa disposition, lors de l’embauche, une tenue spécifique adaptée aux missions confiées, comprenant une parka, des polos, pulls et un badge, soit la « tenue sécurité » à laquelle il est fait référence dans les courriels portant sur les modalités des missions. En outre, le règlement intérieur de l’entreprise, en vigueur depuis le 1 avril 2019, mentionne en son article 13, que la société « pour des raisons d’hygiène, ne fournit que les vêtements du haut du corps. Les pantalons et chaussures noires sont à la charge du salarié ».
Si Monsieur [Y] fait référence à des costumes de ville qu’il aurait été contraint de financer pour exercer certaines missions, ce qui est conforté par deux mails datés de septembre 2017 mentionnant le port d’une « tenue costume », il ne justifie pas des frais réellement exposés (factures d’achat).
S’agissant des trajets effectués, il résulte de l’article 10 du règlement intérieur de la société portant sur l’usage des véhicules de service, et des écrits versés aux débats (courriels mentionnant un départ « du bureau » ou le numéro de la voiture de service à prendre) que l’employeur mettait à disposition de Monsieur [Y] un véhicule d’entreprise pour rejoindre ses lieux de mission. Pour autant, il a pu être contraint d’utiliser son véhicule personnel en fonction des disponibilités des véhicules de service (mail du secrétariat de l’entreprise en date du 18 février 2019 : « ce n’est pas la première fois que vous prenez votre véhicule personnel pour vous rendre sur votre lieu de travail. Pour preuve, dans un précédent mail, vous nous aviez demandé le remboursement de ces frais de déplacement. »)
A cet égard la note de service du 02 janvier 2018 rappelle que les frais sont remboursés sur justificatifs (tickets nominatifs, tickets de péage).
M. [Y] sollicite un montant forfaitaire et n’apporte aucun justificatif quant au véhicule utilisé ou à la prestation de travail concernée par ces frais.
En conséquence, en l’absence de tout élément produit par M. [Y] au soutien de ses demandes de remboursement de frais professionnels, la décision du conseil de prud’hommes, qui l’a débouté de ces chefs, sera confirmée.
– sur le remboursement de frais de formation et la demande de dommages et intérêts pour défaut de formation
Il résulte des articles L 6312-1 et L 6321-1 du code du travail que l’accès des salariés à des actions de formation professionnelle est assuré à l’initiative de l’employeur, qui assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à l’occuper, le cas échéant, dans le cadre d’un plan de développement des compétences, à l’initiative du salarié, qui mobilise le compte personnel de formation ou dans le cadre des contrats de professionnalisation.
Il résulte des documents produits que M. [Y] a effectué une formation de sauveteur secouriste au travail de 14 heures, du 5 au 6 septembre 2017 puis une session de remise à niveau SSIAP1 de 21 heures entre le 7 et le 13 septembre 2017. Ces formations ont été effectuées avec un organisme privé de formation, en exécution d’un contrat de formation professionnelle régi par les articles L 6353-3 et L 6353-7 du code de travail, souscrit au nom du salarié, qui s’est vu également facturer lesdites sessions en son nom personnel. Si ces formations ne sont pas sans lien avec l’emploi occupé par M. [Y], il ne résulte pas des éléments produits qu’elles étaient nécessaires au maintien de l’activité de celui ci. Par ailleurs, elles ne se sont pas inscrites dans un plan de formation à l’initiative de l’employeur, mais ont été dispensées dans un cadre individuel, sur demande du salarié, qui a pris l’initiative de s’inscrire sans validation de son employeur, ce qui résulte des courriels produits au débat. A l’issue de leur mise en oeuvre, l’employeur a, au moins à deux reprises, exprimé son refus de les rembourser : par courriel du 13 avril 2018, indiquant à cette occasion qu’il avait appris, incidemment, l’inscription de M. [Y] sur ces sessions, puis par courrier du 19 octobre 2018, rappelant que le salarié les a suivies en dehors de son temps de travail, et de sa propre initiative.
Ainsi, il ne résulte pas des éléments produits que ces sessions entraient dans le champ de l’obligation de formation reposant sur l’employeur, afin de garantir l’adaptation de M. [Y], au poste occupé, ce d’autant qu’elles ont été effectuées sur initiative individuelle du salarié, en toute connaissance de cause, celui-ci devant, dès lors, en supporter le coût personnellement.
Par conséquent, le jugement déféré sera complété en ce qu’il a omis de débouter, en son dispositif malgré les mentions figurant aux motifs, M. [Y] de sa demande de remboursement des frais de formation engagés à hauteur de 430 euros, et confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêt, à hauteur de 1 000 euros, pour défaut de formation.
– Sur la rupture du contrat de travail :
– sur la régularité de la procédure de licenciement
Il résulte des dispositions des articles L. 1232-2 et suivants du code du travail que l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation.
L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
La procédure vise notamment à garantir au salarié la connaissance, dans des délais de prévenance suffisants, des faits reprochés, et la possibilité, au besoin en étant assisté, de s’expliquer sur les motifs invoqués. L’entretien préalable est une garantie offerte au salarié à laquelle il peut renoncer sans que son absence ne puisse constituer une faute. Il doit en principe avoir lieu pendant les heures de travail, sauf contraintes inhérentes à des conditions particulières de travail (travail de nuit ou horaires très réduits, par exemple).Cependant la loi n’impose aucune règle pour la fixation du lieu et du moment qui peuvent être retenus par l’employeur.
La preuve de l’irrégularité de la procédure de licenciement incombe au salarié
En l’espèce, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement par lettre recommandée avec avis de réception, datée du 17 juin 2019, l’entretien étant prévu le 26 juin suivant, soit dans les délais légaux. Compte tenu des conditions mêmes d’activité, et du faible quantum d’heures effectuées par M. [Y] sur le mois en cours (juin 2019 ‘ une seule mission de 11,5 heures effectuée le 11 juin 2019), l’employeur pouvait valablement le convoquer en dehors du temps de travail. Par ailleurs, celui-ci a concédé un report de la date prévue, sur demande du salarié, qui a proposé, sans justifier de motif légitime, deux nouvelles échéances. L’employeur, dans l’exercice de son pouvoir de sanction, qui n’était pas tenu de proposer une date recueillant l’accord préalable du salarié ne justifiant pas d’une indisponibilité absolue, et qui a, par ailleurs, respecté le cadre procédural requis,a fixé une seconde date le 28 juin 2019, ménageant un délai d’organisation suffisant, soit plus de 5 jours après la demande de report. M. [Y] ne s’est pas présenté, et ne justifie pas des motifs ayant fait obstacle à sa venue, de sorte qu’il est présumé, au regard des éléments décrits, avoir renoncé à s’y rendre. L’employeur pouvait valablement poursuivre la procédure de sanction.
En outre, l’article L 1232-6 du code du travail rappelle que l’employeur qui décide de licencier le salarié, lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception, qui comporte l’énoncé des motifs invoqués. Le défaut de signature ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse mais constitue une irrégularité de procédure justifiant l’octroi de dommages et intérêts si le salarié démontre l’existence d’un préjudice propre.
Il n’est pas contesté que la lettre de licenciement datée du 08 juillet 2019, régulièrement notifiée à Monsieur [Y], comprend le nom du gérant de l’entreprise (Monsieur [Z]) sans apposition d’une signature manuscrite, contrairement aux formalités rigoureusement suivies pour la lettre de convocation à l’entretien préalable.
Néanmoins, Monsieur [Y] ne justifie pas de l’existence et de l’étendue d’un préjudice qui résulterait de cette irrégularité de procédure.
Par conséquent, le jugement du conseil de prud’hommes d’Annecy, qui a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier sera confirmé.
– sur les motifs du licenciement
L’article L1232-1 du code du travail rappelle que tout licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse. Celle ci s’entend d’une cause objective, reposant sur des griefs suffisamment précis, vérifiables et établis, qui constituent la véritable raison du licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits, imputable au salarié, constituant une violation des obligations s’attachant à son emploi, d’une importance telle qu’il rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis et justifie ainsi la cessation immédiate du contrat de travail. Le refus réitéré par un salarié d’exécuter des tâches relevant de son contrat de travail, caractérise la faute grave.
Le juge doit apprécier si la sanction prononcée est proportionnée à la nature et à la gravité des faits reprochés.
La charge de la preuve repose exclusivement sur l’employeur. En application de l’article L 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement datée du 8 juillet 2019, fixant les limites du litige, expose les faits reprochés à Monsieur [Y] :
– le refus d’exécuter une mission pour le festival d’animation d'[Localité 4]
prévue le 11 juin 2019, l’employeur reprochant à Monsieur [Y] le fait qu’il
ait d’abord refusé de l’exécuter sans motif légitime, par courriel des 31 mai
2019 et 7 juin 2019, puis qu’il se soit absenté « lors de la mission
concernée, vous n’avez pas hésité à vous absenter au mépris de nos réponses, des
consignes données de vos engagements contractuels. », et ce, malgré des
avertissements préalables les 18 mars 2019 et 31 mai 2019.
– « une attitude insubordonnée à la limite de la provocation dont notamment les 14 février, 31 mai ou encore le 22 mars », l’employeur notant que Monsieur [Y] leur avait répondu de « trouver un autre bouche-trou »
– des absences injustifiées les 5,12 et 19 décembre 2018 pour lesquelles le
salarié n’a pas fait parvenir de documents, malgré les demandes de l’employeur.
D’une manière globale, il résulte des développements précédents que les divers échanges entre Monsieur [Y] et la société l’employant (plannings, fiches de mission, courriels), ménageaient un délai de prévenance suffisant et permettaient au salarié d’organiser son temps de travail. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces produites que l’employeur lui aurait confié des missions ne correspondant pas à sa qualification, telle qu’elle figure au contrat de travail, en qualité d’agent de sécurité et SSIAP1. Ce reproche avait déjà fait l’objet d’un échange entre le service des ressources humaines de l’entreprise et le salarié, antérieurement aux incidents reportés dans la lettre de licenciement, le 30 novembre 2018 (la responsable des ressources humaines écrivait par mail « vous avez été engagé en tant qu’agent de sécurité SSIAP1, il est donc tout à fait normal de vous proposer des vacations en tant qu’ADS »).
S’agissant des faits précisément reprochés au salarié, l’employeur ne produit aucun élément sur l’incident du 14 février 2019, ce grief sera ainsi écarté.
En revanche, Monsieur [Y] ne conteste pas avoir refusé d’exécuter la mission confiée pour le 11 juin 2019 et ne justifie pas d’un motif légitime qui lui permettait de s’affranchir de ses obligations.
Il apparaît, égard à la teneur des échanges versés aux débats, que Monsieur [Y] formulait des reproches récurrents à l’encontre de son employeur, contestant soit les conditions des déplacements professionnels, soit le contenu même des missions confiées. Le ton employé dans les messages adressés en réponse à son employeur illustre ces tensions montantes.
S’agissant de cette prestation, elle a fait l’objet d’un premier échange de courriels le 31 mai 2019, Monsieur [Y] ayant répondu, sans autres explications, après réception du planning qu’il était « indisponible » à cette date. L’employeur a immédiatement répondu qu’il s’étonnait de cette indisponibilité et l’a rappelé à ses obligations, en lui demandant de respecter le planning adressé, à défaut de quoi, il s’exposait à une sanction disciplinaire. Monsieur [Y] n’a, pour autant, pas hésité à répondre sur un ton peu respectueux au mail qui a suivi, le 07 juin 2019, qui avait vocation à lui fournir les précisions utiles sur la mission devant être exécutée moins d’une semaine après : « bonjour, pas concerné et de toute façon la tenue vestimentaire que vous imposez ne fait pas partie des accessoires qui ont été fournis par la SNEC ».
Il résulte des pièces produites que ce manquement s’inscrit dans un contexte d’écarts réitérés. Il s’agit notamment du refus d’une précédente prestation programmée pour le 30 mars 2019, ayant donné lieu à de vifs échanges: mails de Monsieur [Y] du 22 mars 2019 à 11h « en conséquence pour faire vos prestations avec déplacements professionnels à la charge du salarié, je vous prie de trouver un autre bouche-trou », puis 11h32, Monsieur [Y] persistant dans son attitude « en conséquence je confirme que dorénavant aucune prestation déplacement professionnel ne sera acceptée ». Ce refus a d’ailleurs fait l’objet d’une demande d’explication de la part de l’employeur, envoyée par lettre recommandée le 5 avril 2019.
Il s’agit également de trois absences non justifiées les 5, 12 et 19 décembre 2018 lesquelles ne sont pas contestées par Monsieur [Y] dans ses écritures, et qui interviennent peu de temps après l’échange susvisé avec le service des ressources humaines qui lui rappelait que les missions confiées correspondaient à ses qualifications. L’employeur produit, concernant ces absences injustifiées, la copie des courriers de recadrage adressés à Monsieur [Y] les 12 décembre 2018 et 5 avril 2019.
Si ces absences datent de plus de deux mois au jour de l’engagement de la procédure de licenciement, la prescription ne peut être opposée dès lors que ces fautes s’inscrivent dans un phénomène répétitif, en lien avec des refus réitérés de Monsieur [Y] d’accomplir les missions prévues à son planning, la dernière faute similaire, ayant bien, quant à elle, été constatée moins de deux mois avant l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement.
L’employeur parvient donc à démontrer, sur une période d’environ 6 mois, au moins à deux reprises, des refus d’exécution des missions programmées, sans motif légitime, trois absences restées injustifiées malgré les demandes, par courriers officiels, adressés par l’employeur et de vifs échanges avec le salarié, contestant, de manière infondée, les modalités d’exécution du travail proposé, et ce faisant, remettant en cause le pouvoir d’organisation de l’employeur.
Ces éléments caractérisent des manquements graves et répétés de Monsieur [Y] à l’exécution des obligations lui incombant dans le cadre de son contrat de travail, justifiant la cessation immédiate du contrat et un licenciement pour faute grave, en l’absence d’évolution perceptible et de prise en compte des avertissements antérieurs.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera, par conséquent, infirmé, en ce qu’il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamné la société à verser au salarié diverses sommes en résultant, et à lui fournir une attestation Pôle Emploi rectifiée.
– Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Chacune des parties succombant partiellement dans ses demandes, il apparaît équitable de ne pas faire application des dispositions prévues à l’article 700 du code de procédure civile et d’ordonner un partage des dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud’hommes d’Annecy en date du 1er décembre 2020, en ce qu’il a :
– condamné la Sarl Technique et Sécurité à payer à Monsieur [C] [Y] la somme de 350 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d’embauche,
– débouté Monsieur [C] [Y] de sa demande de rappel de salaires correspondant à l’application d’une durée minimale de travail hebdomadaire de 24 heures,
– jugé le licenciement de Monsieur [C] [Y] sans cause réelle et sérieuse et condamné, en conséquence, la Sarl Technique et Sécurité à lui verser les sommes suivantes :
. 756 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle
et sérieuse,
. 252,70 euros brut au titre de l’indemnité de préavis, outre 25,27 euros brut au
titre des congés payés sur préavis,
. 173,10 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– condamné la Sarl Technique et Sécurité à fournir à M. [Y] l’attestation Pôle emploi rectifiée sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du 21ème jour après le prononcé du présent jugement,
– condamné la Sarl Technique et Sécurité à payer à Maitre [U] la somme de 1 000 euros pour ses honoraires en application des dispositions de l’article 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle,
Statuant à nouveau sur les points infirmés,
DEBOUTE Monsieur [C] [Y] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’absence de visite médicale d’embauche,
DECLARE les dispositions de la loi du 14 juin 2013 relatives à la durée minimale de travail hebdomadaire de 24 heures, applicable au contrat de travail à temps partiel liant les parties,
CONDAMNE en conséquence, la Sarl Technique et Sécurité à verser à Monsieur [C] [Y] la somme de 31 016,37 euros bruts à titre de rappels de salaire, outre 3 101,63 euros bruts au titre des congés payés afférents,
DECLARE le licenciement pour faute grave fondé,
DEBOUTE, en conséquence, Monsieur [Y] de ses demandes d’indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DIT n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré sur le surplus,
Y ajoutant,
DEBOUTE Monsieur [C] [Y] de sa demande de remboursement de la somme de 430 euros au titre des frais de formation professionnelle,
CONDAMNE Monsieur [C] [Y] et la Sarl Technique et Sécurité, chacun pour moitié, aux dépens d’appel.
Ainsi prononcé publiquement le 19 Juillet 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Delphine AVERLANT, faisant fonction de Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.