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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 JANVIER 2023
N° RG 21/03655
N° Portalis DBV3-V-B7F-U4NV
AFFAIRE :
[U] [W]
C/
S.A.S. DIGITAL VIDEO SOLUTIONS – DVS FRANCE La SAS DIGITAL VIDEO SOLUTIONS ‘ DVS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Novembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : F18/03389
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
la ASSOCIATION BL & ASSOCIES
la SELARL VINCI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [U] [W]
né le 16 octobre 1974 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Aurore GUIDO de l’ASSOCIATION BL & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J095
APPELANT
****************
S.A.S. DIGITAL VIDEO SOLUTIONS – DVS FRANCE La SAS DIGITAL VIDEO SOLUTIONS
N° SIRET : 751 58 8 4 27
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Virginie BOUCHET de la SELARL VINCI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0047 substitué par Me Leslye BENHAMOU, avocat au barreau de PARIS
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 1er décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle MONTAGNE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Stéphanie HEMERY,
EXPOSE DU LITIGE
M. [U] [W] a été engagé par la société Digital Vidéo Solutions France SAS (ci-après dénommée DVS France) suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2012 en qualité de directeur technique, niveau 9, échelon 1, avec le statut de cadre.
L’article 7 de son contrat de travail prévoyait qu’il bénéficiait d’un forfait sur une base de 218 jours annuels travaillés.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale de commerces de gros.
Le contrat de travail a pris fin à la date du 30 décembre 2016.
M. [W] a bénéficié du dispositif du contrat de sécurisation professionnelle.
La société employait moins de onze salariés à la date de la rupture du contrat de travail.
M. [W] a créé une société dénommée DVS Paris, immatriculée le 7 novembre 2018.
Le 17 janvier 2019, M. [Y] a porté plainte au pénal, en qualité de gérant de la société DVS France, pour plusieurs infractions à l’encontre de X DVS Paris et autres.
Le 26 décembre 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin d’obtenir la condamnation de la société DVS France au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour travail dissimulé, pour non-respect de la procédure de licenciement ainsi que de diverses indemnités et sommes liées à l’exécution et à la rupture du contrat de travail.
Par jugement en date du 17 novembre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :
– fixé la rémunération mensuelle brute de M. [W] de 6 243,61 euros,
– dit et jugé les demandes de M. [W] au titre de la rupture de son contrat de travail sont prescrites,
– dit et jugé le protocole régularisé entre les parties le 3 janvier 2017 parfaitement valable,
– condamné la société Digital Vidéo Solution DVS France à verser à M. [W] les sommes suivantes :
* 6 123,31 euros à titre de 25,5 jours de congés payés,
* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé qu’aux termes des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l’employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail’) ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l’article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités,
– débouté M. [W] du surplus de ses demandes,
– débouté la société Digital Vidéo Solution DVS France de sa demande reconventionnelle,
– condamné la société Digital Vidéo Solution DVS France aux entiers dépens.
Par jugement en date du 13 décembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société DVS Paris à payer à la société DVS France la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, outre un montant de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’une somme de 71,36 euros au titre des dépens.
Le 15 décembre 2021, M. [W] a interjeté appel à l’encontre du jugement du conseil de prud’hommes.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 14 mars 2022, M. [W] demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– fixé sa rémunération mensuelle brute à 6 243,61 euros,
– dit et jugé ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail prescrites,
– dit et jugé le protocole régularisé entre les parties le 3 janvier 2017 parfaitement valable,
– limité à 6 123,31euros la condamnation de la société DVS France au titre des congés payés,
– et statuant à nouveau :
– annuler la transaction communiquée par la société DVS France prétendument signée le 3 janvier 2017,
– déclarer recevables ses demandes,
– condamner la société DVS France à lui verser les sommes suivantes :
* 75 403,98 euros à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires 2016, 2015 et 2014,
* 7 540,39 euros au titre des congés payés afférents,
* 15 438,75 euros à titre de contrepartie obligatoire en repos,
* 1 543,87 euros au titre des congés payés afférents,
* 51 355,20 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
* 77 032,80 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 8 559,20 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure,
* 25 677,60 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis (rappel),
* 2 567,76 euros au titre des congés payés afférents,
* 19 440,30 euros à titre d’indemnité compensatrice des congés payés non réglés,
* 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– fixer la moyenne des salaires à 8 559,20 euros bruts,
– débouter la société intimée de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– dire que les condamnations sont assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes,
– ordonner la capitalisation des intérêts par application de l’article L. 1343-2 du code civil,
– ordonner la remise d’un bulletin de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi conformes à la décision à venir sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard passé pour tout délai 15 jours après la notification de l’arrêt à intervenir, la Cour se réservant la faculté de liquider l’astreinte,
– condamner la société DVS France aux entiers dépens de l’instance.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 13 juin 2022, la société DVS France demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– fixé la rémunération mensuelle de M. [W] à 6 243,61 euros,
– dit et jugé que les demandes de M. [W] au titre de la rupture de son contrat de travail sont prescrites,
– dit et jugé que le protocole régularisé entre les parties le 3 janvier 2017 est parfaitement valable,
– débouté M. [W] du surplus de ses demandes,
– infirmer le jugement entrepris à ce qu’il a :
– l’a condamnée à régler à M. [W] :
* 6 123,31 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a déboutée de sa demande reconventionnelle,
– statuant à nouveau:
– in limine litis et à titre liminaire, dire et juger les demandes de M. [W] au titre de la rupture de son contrat de travail prescrites,
– dire et juger le protocole régularisé entre les parties le 3 janvier 2017 parfaitement valable et en faire application, à défaut, ordonner la restitution des sommes perçues à ce titre par M. [W],
– dire et juger l’intégralité des demandes de M. [W] irrecevables, en conséquence, débouter M. [W] de l’ensemble de ses chefs de demande,
– sur le fond, et en tout état de cause, dire et juger les demandes de M. [W] infondées,
– en conséquence, débouter M. [W] de l’ensemble de ses chefs de demande,
– ordonner à M. [W] de lui rembourser les sommes obtenues au titre de l’exécution provisoire à la suite du jugement de première instance,
– condamner M. [W] à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– condamner M. [W] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 22 novembre 2022.
MOTIVATION
Sur la validité de la transaction
Le salarié demande, pour la première fois en cause d’appel, l’annulation de la transaction du 3 janvier 2017.
Le salarié soulève la nullité de la transaction puisqu’il n’y a pas eu notification d’une lettre de licenciement avant la conclusion de cette transaction. Il ajoute qu’il n’y a pas eu de concessions de l’employeur, et qu’il n’a pas valablement donné son consentement à ce protocole.
L’employeur fait valoir que le salarié a signé une transaction qu’il a volontairement passé sous silence, indiquant découvrir le protocole à l’occasion de la présente instance. Il indique qu’il y a bien eu concessions réciproques et versement d’une indemnité en contrepartie de la renonciation du salarié à saisir le conseil de prud’hommes, le salarié ayant valablement consenti à la transaction.
Lorsque la transaction est destinée à traiter des conséquences d’un licenciement, elle ne peut être valablement conclue que lorsque le salarié a eu connaissance effective des motifs de la rupture par la réception de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception lui notifiant son licenciement.
En l’espèce, l’employeur ne rapporte pas la preuve qu’il a notifié la rupture du contrat de travail au salarié avant la signature de l’accord transactionnel, en l’absence de production de l’avis de réception de la lettre recommandée de licenciement, le salarié indiquant qu’aucune lettre de licenciement ne lui a été présentée.
Par conséquent, la transaction conclue le 3 janvier 2017 n’est pas valable, faute de respect par l’employeur de cette condition permettant de s’assurer que le salarié a eu connaissance effective des motifs de la rupture au préalable. Elle doit donc être annulée.
La transaction étant annulée, M. [W] doit être condamné à payer à la société DVS France la somme de 5 619 euros en remboursement de l’indemnité transactionnelle perçue à compter du 13 juin 2022, date de signification des conclusions valant demande.
La fin de non recevoir soulevée par l’employeur, tirée des termes de cette transaction doit être rejetée, en raison de l’annulation de la transaction.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail
L’employeur invoque la prescription des demandes au titre de la rupture du contrat de travail, l’action ayant été engagée plus d’un an après la rupture, et ce sur la base de la notification de la rupture du contrat de travail par lettre et de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle avec remise du document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle mentionnant le délai de contestation de 12 mois à compter de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.
Le salarié fait valoir que le délai n’a pas couru puisque son licenciement ne lui a pas été notifié par lettre. Il admet avoir bénéficié du dispositif de contrat de sécurisation professionnelle mais indique que le motif économique est inexistant, et en tout état de cause frauduleux, puisqu’il a continué de travailler en dehors de tout contrat de travail et que son poste n’a, de fait, jamais été supprimé.
Aux termes de l’article L. 1233-67 du code du travail, l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail. Toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. Ce délai n’est opposable au salarié que s’il en a été fait mention dans la proposition de contrat de sécurisation professionnelle.
Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis ouvre droit à l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement pour motif économique au terme du préavis ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu’aurait été l’indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l’employeur représentatif de cette indemnité mentionné au 10° de l’article L. 1233-68. Les régimes social et fiscal applicables à ce solde sont ceux applicables aux indemnités compensatrices de préavis.
Après l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, le bénéficiaire peut mobiliser le compte personnel de formation mentionné à l’article L. 6323-1.
Pendant l’exécution du contrat de sécurisation professionnelle, le salarié est placé sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle.
Le contrat de sécurisation professionnelle peut comprendre des périodes de travail réalisées dans les conditions prévues au 3° de l’article L. 1233-68.
La remise par l’employeur au salarié, lors de la proposition du contrat de sécurisation professionnelle, d’un document d’information édicté par les services de l’Unedic mentionnant le délai de prescription applicable en cas d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle constitue une modalité d’information suffisante pour rendre opposable au salarié le délai de recours qui lui est ouvert pour contester la rupture du contrat de travail ou son motif .
Il n’est pas contesté que M. [W] a bénéficié du dispositif de sécurisation professionnelle au titre du contrat de sécurisation professionnelle par notification du 15 mars 2017 et ce, à compter du 1er janvier 2017, sur la base d’une allocation journalière de 148,05 euros par mois.
L’employeur justifie d’un récépissé dont la date est illisible du document de présentation émis par les services de l’Unedic du contrat de sécurisation professionnelle mentionnant en page 3 le délai de prescription de 12 mois à compter de l’adhésion, d’une attestation Assedics datée du 31 décembre 2016 faisant mention de la convention de sécurisation professionnelle.
Il s’en déduit, indépendamment du fait que le motif économique invoqué soit ou non fondé et d’une éventuelle fraude, que le salarié a eu connaissance au plus tard le 31 décembre 2016 de ce délai de douze mois.
L’action ayant été engagée le 26 décembre 2018 devant le conseil de prud’hommes de Nanterre, soit plus d’un an après le point de départ du délai de prescription, la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail doit être accueillie. Les demandes au titre du bien fondé du licenciement et les demandes pécuniaires formées en conséquence sont donc irrecevables (indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité pour non-respect de la procédure, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents).
Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.
Sur les heures supplémentaires
Le salarié indique que la convention de forfait en jours qui lui a été appliquée, est prévue par la convention collective de commerces de gros, qui ne respecte pas les conditions de validité minimales de la mise en place des forfaits jours et est nulle. Il sollicite une somme de 75 403,98 euros au titre des heures supplémentaires qu’il considère avoir effectuées entre 2014 et 2016, outre un montant de 7 540,39 euros au titre des congés payés afférents. Il sollicite également une somme de 15 438,75 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires, outre un montant de 1 543,87 euros au titre des congés payés afférents.
L’employeur conclut au débouté de ces demandes en faisant valoir que le salarié a finalement reconnu qu’il avait bien signé une convention de forfait en jours, qu’il était rempli de ses droits. Il ajoute qu’en toute hypothèse, il prenait de grandes libertés avec son emploi du temps pour des rendez-vous personnels et qu’il n’avait pas un rythme de travail effréné comme invoqué.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
Pour être de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, ces accords doivent prévoir un suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs de temps travaillé transmis, permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.
La convention de forfait conclue sur la base d’un accord collectif qui ne répond pas à ces exigences est nulle.
En l’espèce, par arrêt en date du 26 septembre 2012 (n° de pourvoi 11-14540), la chambre sociale de la cour de cassation a considéré que ne respectent pas ces principes les stipulations non étendues de l’article 2.3 de l’accord ARTT du 14 décembre 2001 pris en application de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970, qui, dans le cas de forfaits en jours, se limitent à prévoir, s’agissant de la charge et de l’amplitude de travail du salarié concerné, un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique, et les stipulations de l’avenant du 26 janvier 2000 à l’accord d’entreprise du 17 février 1999, qui, s’agissant de l’amplitude des journées de travail et la charge de travail qui en résulte, ne prévoient qu’un examen trimestriel par la direction des informations communiquées sur ces points par la hiérarchie, dès lors qu’elles ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne réception, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
Il s’ensuit que le salarié est fondé à demander à ce que la convention de forfait annuel en jours incluse dans son contrat de travail soit considérée comme nulle et à ce que son temps de travail soit comptabilisé selon les règles du droit commun.
En application notamment de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Le salarié produit un décompte de 8 heures supplémentaires par semaine au taux majoré de 25% et de deux heures supplémentaires par semaine au taux majoré de 50% sur un total de 47 semaines par an pour les trois années de 2014 à 2016.
Il s’en déduit que le salarié produit des éléments suffisamment précis laissant supposer qu’il a accompli des heures supplémentaires non rémunérées.
L’employeur produit un extrait de l’agenda électronique de M. [W] de mars 2015 à fin 2016 montrant des interventions prévues sur des plages horaires de 8h à 17h en général et à plusieurs reprises des rendez-vous personnels pendant la journée.
Il critique le décompte du salarié faisant valoir que le salarié est de mauvaise foi, qu’il prenait de grandes libertés avec son emploi du temps s’absentant régulièrement pour raison personnelle, parfois plusieurs fois par jour.
Après pesée des éléments de preuve produits par l’une et l’autre des parties, la cour a la conviction que le salarié a accompli des heures supplémentaires non rémunérées nécessitées par l’accomplissement des tâches qui lui étaient confiées qu’elle évalue à 500 euros sur la période des années 2014 à 2016 incluses, outre 50 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement attaqué sera infirmé sur ces points.
En l’absence de dépassement du contingent annuel, la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos et des congés payés afférents sera rejetée.
Sur le travail dissimulé
Le salarié sollicite une indemnité pour travail dissimulé de janvier 2017 à novembre 2018, l’employeur n’ayant pas déclaré de salaire et n’ayant pas versé la moindre cotisation sociale.
L’employeur réfute toute heure supplémentaire non rémunérée. Il fait valoir que la mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli n’est pas punissable au titre du travail dissimulé puisque le salarié était cadre au forfait. Enfin, il relève, à titre subsidiaire, que le montant est erroné.
Aux termes de l’article L.8221-5 du code du travail, ‘est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales’.
Au regard de nombreux messages envoyés par M. [Y] à M. [W] par SMS à compter du 4 janvier 2017, il est établi que celui-ci a continué à le faire travailler après avoir rompu le contrat de travail.
Il n’est justifié de prestation de service de la société DVS Paris à la société DVS France à compter d’une facture du 13 décembre 2018 que pour la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018.
Il ressort des débats que le salarié démontre l’élément intentionnel de l’employeur qui a fait travailler le salarié sans déclaration à l’embauche, sans déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises sur ceux-ci.
Par conséquent, la société DVS France sera condamnée à payer à M. [W] la somme de 37 461,66 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, le salarié ne justifiant pas du surplus de sa demande.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur le rappel de congés payés
Le salarié sollicite le règlement de 68,5 jours de congés payés au titre des congés payés restants non réglés, soit la somme de 19 440,30 euros, sur la base du compteur de congés payés de son dernier bulletin de salaire. Il indique que l’employeur ne justifie pas de la prise de congés payés invoquée.
L’employeur indique avoir retrouvé les justificatifs d’absences non déclarées pour plus de 40 jours et qu’il a toujours soutenu ne rien devoir au salarié qui a pris l’intégralité de ses congés payés. Il relève que le salarié n’a pas dénoncé son solde de tout compte dans les six mois et a conclu un protocole transactionnel, qu’il est donc irrecevable en ses demandes.
En l’espèce, le solde de tout compte n’a d’effet libératoire que pour les sommes mentionnées. Or, les congés payés restants n’y figurent pas. La fin de non recevoir sur ce fondement soulevée par l’employeur sera donc rejetée.
Le dernier bulletin de paie du salarié fait apparaître un solde restant dû de congés payés de 68,5 jours.
L’employeur justifie que le salarié a acquis 132,5 jours au total pendant son contrat de travail, qu’il a pris au vu de ses bulletins de paie 67 jours de congés, le solde s’élevant à 65,5 jours.
Il invoque de façon imprécise des absences pour des motifs personnels, sans justifier que celles-ci auraient dû être considérées comme des périodes de congés payés.
Il s’en déduit qu’un solde de 65,5 jours de congés payés est dû au salarié, pour un montant de 15 728,51 euros.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur le principe mais infirmé sur le quantum.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
L’employeur sollicite une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, demande sur laquelle le conseil de prud’hommes a omis de statuer.
La procédure engagée par M. [W] est partiellement fondée et ne revêt pas un caractère abusif. L’employeur sera débouté de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.
Sur le cours des intérêts
En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes, auquel cas les intérêts sont dus à compter de cette dernière date, et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Il n’y a pas lieu de faire courir le point de départ à une date antérieure comme sollicité par le salarié.
La capitalisation des intérêts échus pour une année entière sera ordonnée, le conseil de prud’hommes ayant omis de statuer sur ce point.
Sur les autres demandes
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
La société DVS France succombant à la présente instance, en supportera les dépens d’appel. Elle devra régler, également, une somme de 3 000 euros à M. [W] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Rejette la fin de non recevoir tirée de la transaction, soulevée par la société Digital Vidéo Solution DVS France,
Confirme le jugement en ce qu’il a :
– déclaré les demandes de M. [W] au titre de la rupture de son contrat de travail prescrites,
– condamné la société Digital Vidéo Solution DVS France à verser à M. [W] un solde de congés payés et la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Digital Vidéo Solution DVS France aux entiers dépens.
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmé et y ajoutant :
Condamne la société Digital Vidéo Solution DVS France à payer à M. [U] [W] les sommes suivantes :
500 euros au titre des heures supplémentaires sur la période des années 2014 à 2016 incluses,
50 euros au titre des congés payés afférents,
15 728,51 euros au titre des congés payés restants,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes,
Condamne la société Digital Vidéo Solution DVS France à payer à M. [U] [W] la somme de 37 461,66 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Annule la transaction conclue le 3 janvier 2017 entre les parties,
Condamne M. [U] [W] à payer à la société Digital Vidéo Solution DVS France la somme de 5 619 euros en remboursement de l’indemnité transactionnelle, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2022,
Déboute M. [U] [W] de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos et des congés payés afférents,
Déboute la société Digital Vidéo Solution DVS France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,
Condamne la société Digital Vidéo Solution DVS France aux dépens d’appel,
Condamne la société Digital Vidéo Solution DVS France à payer à M. [U] [W] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, président, et par Madame Morgane BACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,