Compte personnel de formation : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/00954

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Compte personnel de formation : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/00954
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AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/00954 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M3DC

Société INEO RHONE ALPES AUVERGNE

C/

[W]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 21 Janvier 2020

RG : F 18/02824

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 18 JANVIER 2023

APPELANTE :

Société INEO RHONE ALPES AUVERGNE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Valéry ABDOU de la SELARL ABDOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substitué par Me Ludivine MARTIN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[S] [W]

né le 06 juillet 1966 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Grégory KUZMA de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Yasmina BELKORCHIA, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Novembre 2022

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, présidente

– Nathalie ROCCI, conseiller

– Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 Janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La Société INEO RHONE ALPES AUVERGNE (ci-après dénommée INEO) exploite une entreprise de travaux d’installations électriques. Elle compte plus de 500 salariés et appartient au groupe international ENGIE.

M. [W] a été embauché suivant contrat à durée indéterminé le 28 août1989, en qualité de tuyauteur.

Le 28 mars 2011, M. [W] a été victime d’un accident du travail à l’occasion duquel il a chuté d’une nacelle par temps de pluie.

Constatant que M. [W] avait obtenu la reconnaissance de la qualité de travail handicapé à la suite de cet accident, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées a décidé le 12 janvier 2012 de l’orienter vers le milieu ordinaire de travail.

M. [W] a fait l’objet d’un bilan de compétences financé par la société INEO Rhône Alpes Auvergne du 27 février 2013 au 15 mai 2013.

Le contrat de travail de M. [W] a été suspendu du 2 juin 2014 au 30 juin 2016.

Dans le même temps, le 6 juin 2014, la médecine du travail a rendu un avis d’inaptitude du salarié à son poste, mais l’a déclaré apte à suivre la formation de ‘technicien de bureau d’études’ entreprise par ce dernier .

Le 20 juin 2014, la caisse primaire d’assurance maladie a notifié à M. [W] la prise en charge à 100% pour une durée de 22 mois de sa formation débutée le 2 juin 2014 pour un poste de technicien de bureau d’études en électricité.

Le 28 octobre 2016, M. [W] a fait l’objet d’un nouvel arrêt de travail, pour ‘ AVC + dépression’, avant de se voir reconnaître, le 23 mai 2017, en état d’invalidité par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Rhône.

A la suite d’une visite médicale de reprise du 28 juillet 2017, le docteur [V] [J] rendait l’avis suivant :

‘En respect de l’article R4624-42, à la connaissance des conditions de travail dans l’entreprise, après étude de poste, après échange avec l’employeur et suite à l’examen médical de ce jour, M.[W] est déclaré inapte à son poste de tuyauteur ainsi qu’à tout poste sur chantier nécessitant de la manutention lourde ou répétée, à tout poste nécessitant du déplacement éloigné, à tout poste de sécurité.

Pourrait exercer un poste a temps partiel en bureau d’étude, sans contrainte de stress ».

Le 7 septembre 2017, la société INEO a consulté ses délégués du personnel afin de recueillir leur avis sur la situation du salarié et son éventuel licenciement.

Par courrier du 8 septembre 2017, M. [W] a été informé de l’impossibilité de procéder à son reclassement.

Le salarié a été ainsi convoqué par courrier du 12 septembre 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s’est tenu le 21 septembre 2017.

Par un courrier du 25 septembre 2017, la société INEO a notifié à M. [W] son licenciement pour inaptitude à son poste de travail et impossibilité de reclassement.

Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [W] a saisi le conseil de Prud’hommes de Lyon le 19 septembre 2018 afin de solliciter :

– 12 436,98 euros dommages et intérêts au titre du non-respect de l’obligation de formation et de maintien dans l’employabilité ;

– 10364,15 euros de dommages et intérêts au titre du non-respect de l’obligation de réentraînement ;

– 41 456,60 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse pour absence de recherches de reclassement ;

– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 21 janvier 2020, le conseil de Prud’hommes a :

– débouté le salarié de sa demande au titre de l’obligation de formation et de maintien dans l’employabilité,

– condamné la société INEO à payer à M. [W] les sommes suivantes :

* 10 364,15 euros au titre du non-respect de l’obligation de réentraînement.

* 30 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– 1 500 euros au titre de |’article 700 du code de procédure civile.

La cour est saisie de l’appel interjeté le 6 février 2020 par la société INEO.

Par conclusions notifiées le 5 mai 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société INEO Rhône Alpes Auvergne demande à la cour de :

Sur l’obligation de formation, d’adaptation et de maintien dans l’emploi :

A titre principal,

– confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a considéré que la société INEO a respecté ses obligations en matière de formation et de maintien dans l’employabilité de M.[W], et de débouter ce dernier de sa demande en conséquence

A titre subsidiaire,

– ramener la demande d’indemnisation de M.[W] pour non-respect de l’obligation de formation et de maintien dans l’emploi à de plus justes proportions.

Sur l’obligation de réentraînement :

A titre principal,

– infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a considéré qu’elle avait manqué à son obligation de réentraînement à l’égard de son salarié

En conséquence,

– dire et juger qu’elle n’était pas tenue par une obligation de réentraînement, et

– débouter le salarié de sa demande d’indemnisation à ce titre.

A titre subsidiaire,

– dire et juger qu’elle a respecté son obligation de réentraînement et

– débouter le salarié de sa demande d’indemnisation correspondante,

A titre très subsidiaire,

– ramener la demande du salarié à de plus justes proportions.

Sur le licenciement de M.[W] :

A titre principal,

– infirmer le jugement de première instance, en ce qu’il a considéré que le licenciement de M.[W] était dépourvu de cause réelle et sérieuse

En conséquence,

– dire et juger que le licenciement de M.[W] pour inaptitude et impossibilité de reclassement est justifié et

– débouter le requérant de sa demande d’indemnisation à ce titre.

A titre subsidiaire,

– faire application de la loi applicable au 25 septembre 2017 concernant le licenciement de M. [W], et réduire en conséquence son indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 12 436,98 euros.

Par conclusions notifiées le 31 juillet 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. [W] demande à la cour de :

– confirmer le jugement du 21 janvier 2020 rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a dit et jugé :

– que la Société INEO n’a pas respecté son obligation de réentraînement et l’a condamnée à lui verser la somme nette de 10 364,15 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de réentraînement ;

– que la Société INEO a violé son obligation de recherche loyale d’un poste de reclassement ;

– que le licenciement qui lui a été notifié le 25 septembre 2017 est sans cause réelle et sérieuse.

– le réformer en ce qu’il lui a alloué la somme nette de 30 000,00 euros a titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau,

– condamner la Société INEO à lui verser la somme nette de 41 456,60 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

– infirmer le jugement du 21 janvier 2020 rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation,

– dire et juger que la Société INEO n’a pas respecté l’obligation de formation et d’adaptation à son égard

En conséquence,

– condamner la Société INEO à lui verser la somme nette de 12 436,98 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation et d’adaptation

– condamner la Société INEO à lui payer la somme de 3 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.

MOTIFS

I- Sur l’obligation de formation et la préservation de l’employabilité :

M. [W] soulève le manquement de la société INEO à son obligation de formation au visa des articles :

* L. 6111-1 du Code du travail :

‘La formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale. Elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle ainsi que de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. Elle constitue un élément déterminant de sécurisation des parcours professionnels et de la promotion des salaries.

Une stratégie nationale coordonnée est définie et mise en oeuvre par l’Etat, les régions et les partenaires sociaux, dans les conditions prévues au 2° de l’article L. 6123-1. Cette stratégie est déclinée dans chaque région dans le cadre du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle.

Elle comporte une formation initiale, comprenant notamment l’apprentissage, et des formations ultérieures, qui constituent la formation professionnelle continue, destinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s’y engagent.

En outre, toute personne engagée dans la vie active est en droit de faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle ou liée à l’exercice de responsabilités syndicales.

Afin de favoriser son accès a la formation professionnelle tout au long de la vie, chaque personne dispose des son entrée sur le marche du travail et jusqu’à la retraite, indépendamment de son statut, d’un compte personnel de formation qui contribue a l’acquisition d’un premier niveau de qualification ou au développement de ses compétences et de ses qualifications en lui permettant, à son initiative, de bénéficier de formations.

Peuvent être mobilisés en complément du compte les autres dispositifs de formation auxquels son titulaire peut prétendre ».

* L. 6321-1 du même code qui impose à l’employeur d’adapter les salariés à leur poste de

travail et à maintenir leurs capacités à occuper un emploi :

‘ L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

II peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’a la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l’article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences ».

M. [W] soutient :

– qu’il n’a bénéficié d’une formation qu’en 2014, à la suite de son grave accident du travail et sous l’égide de la sécurité sociale ; qu’il a lui-même pris en main sa propre formation à la suite de son accident du travail ;

– qu’il a sollicité une formation au titre de son DIF en matière de panneaux solaires photovoltaïques le 20 avril 2009, qui lui a été refusé par l’employeur ;

– que les attestations de suivi de formation produites par l’employeur pour prouver qu’il a rempli son obligation relèvent de son obligation légale d’habiliter ses salariés à effectuer certaines tâches et de son obligation générale de sécurité, mais en aucun cas de son obligation de formation; qu’il s’agit pour l’essentiel d’attestations concernant l’habilitation nécessaire pour la norme NFC 18 510, la sensibilisation du personnel des entreprises extérieures aux risques chimiques, ou encore la conduite de certains appareils de levage.

M. [W] conclut que les formations dont la société INEO justifie constituent des prescriptions légales obligatoires et indispensables pour qu’il puisse effectuer les missions de son poste, tant pour l’habilitation électrique que pour le travail en hauteur ou l’utilisation de certains équipements.

La société INEO soutient que M. [W] a bénéficié de nombreuses formations tout au long de sa carrière et produit en pièce n°15 l’ensemble des justificatifs relatifs à cette formation depuis le 20 novembre1990 et jusqu’au 15 mars 2010, correspondant à 17 formations.

La société INEO fait valoir en outre :

– qu’elle n’était pas tenue de faire droit à la demande formulée au titre du droit individuel à la formation dés lors que ladite formation était prévue pendant le temps de travail ce qui était susceptible de perturber son organisation ;

– qu’elle a financé le bilan de compétences de M. [W], a accepté de suspendre son contrat de travail pour les besoins de sa formation et a accompagné ses démarches aux fins de reconversion professionnelle ;

– que M. [W] ne saurait invoquer un préjudice résultant d’un manque de formation ayant nui à son reclassement alors même que l’absence de reclassement ressort de sa propre carence dans la validation de sa formation de technicien de bureau d’étude en électricité.

****

Il résulte des dispositions des articles L 6111-1 et L. 6321-1 du code du travail sus-visé que l’obligation de formation qui pèse sur l’employeur est protéiforme. Ainsi, l’employeur est tenu d’une part par deux obligations qui s’imposent à lui, soit :

– assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et

– veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution de l’emploi, de nouvelles technologies à mettre en oeuvre le cas échéant.

L’employeur peut, en outre, et là il ne s’agit que d’une faculté, proposer des formations qui participent d’une part au développement des compétences, y compris numériques, d’autre part à la lutte contre l’illetrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

En l’espèce les attestations de formation dont justifie la société INEO répondent aux exigences d’adaptation de M. [W] à son emploi et à l’obligation d’assurer son employabilité, s’agissant de formations à l’habilitation électrique, à la conduite et la surveillance de plate-forme élévatrice mobile de personnes, notamment et il en ressort que le salarié a bénéficié d’une actualisation de ses connaissances dans ces domaines.

En revanche, il résulte des éléments du débat que la société INEO n’a pas proposé à M. [W] de formations destinées à développer ses compétences et qu’elle a refusé une formation au titre du droit individuel à la formation qu’elle n’était cependant pas tenue d’accepter.

Le rapport de stage préparatoire à la formation de technicien de bureau d’études en électricité que M. [W] a intégré le 2 juin 2014 révèle qu’à l’entrée de cette formation, les connaissances du salarié étaient faibles dans tous les domaines, y compris en ce qui concerne les bases de l’électricité, les notions d’énergie, de puissance, de tension, notamment.

Si ce rapport souligne aussi les difficultés d’apprentissage, notamment en mathématiques, du salarié et des difficultés personnelles qui ont ralenti sa progression, le rapport conclut que M. [W] a fait preuve de persévérance pour combler partiellement ses lacunes, qu’un accompagnement reste indispensable, qu’il s’agit d”un stagiaire sérieux, à l’écoute des conseils et remarques’; qui devra ‘poursuivre ses efforts pour entreprendre la formation de technicien de bureau d’études en électricité dans de meilleurs conditions’.

La bonne volonté du salarié ainsi mise exergue, sa capacité à combler une partie de ses lacunes, la durée particulièrement longue de la relation contractuelle ainsi que l’embauche de M. [W] par la société INEO à l’âge de 23 ans, sont autant d’éléments en faveur de l’existence, chez ce salarié d’une marge de progression. Or, l’employeur ne justifie d’aucune action de formation visant à développer les compétences d’un salarié entré très jeune à son service et qui n’a eu de fait, aucune perspective d’évolution de carrière en 28 ans de relation contractuelle.

Ces éléments caractérisent un manquement à l’obligation de formation et le préjudice pour M. [W] s’analyse comme une perte de chance d’évolution professionnelle résultant de l’absence de développement des connaissances, qui sera réparé par une indemnité de 1 500 euros.

Le jugement déféré qui a débouté M. [W] de cette demande sera infirmé en ce sens et la demande sera rejetée pour le surplus.

II- Sur l’obligation de réentraînement :

M. [W] soulève par ailleurs un manquement de l’employeur à son obligation de réentraînement au visa des articles suivants :

* L5213-3 du Code du travail concernant la réadaptation des travailleurs handicapés :

‘Tout travailleur handicapé peut bénéficier d’une réadaptation, d’une rééducation ou d’une formation professionnelle ».

* L5213-5 du même Code, aux termes duquel les établissements ou groupe d’établissements appartenant à une même activité professionnelle de plus de 5 000 salariés assurent, après avis médical, le réentraînement au travail et la rééducation professionnelle de ses salariés malades ou blessés;

* L5213-6 du Code du travail qui impose de mettre en oeuvre les ‘ mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° a 4° et 9° a 11 de l’article L5273-13 d’accéder à l’emploi ou de conserver un emploi (…) » et prévoit que le ‘ refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d’une discrimination au sens de l’article L7 733-3 ».

* R5213-22 du Code du travail qui précise l’objet du réentraînement :

‘Le réentraînement au travail prévu à l’article L5213-5 a pour but de permettre au salarié qui a du interrompre son activité professionnelle à la suite d’une maladie ou d’un accident, de reprendre son travail après une période de courte durée son poste de travail antérieur ou, le cas échéant, d’accéder directement à un autre poste de travail ».

* R5213-23 du même Code, les obligations de réentraînement sont satisfaites par :

1° La création d’un atelier spécial de rééducation et de réentraînement au travail ;

2° L’aménagement dans l’entreprise de postes spéciaux de rééducation et de réentraînement;

3° La mise en oeuvre simultanée de ces deux types de mesures ».

M. [W] soutient que :

– la société INEO Rhône Alpes Auvergne relève bien d’un groupe de sociétés exerçant la même activité inhérente aux travaux électriques ;

– la société INEO Rhône Alpes Auvergne présente des liens suffisants avec les autres établissements du groupe ENGIE exerçant la même activité professionnelle ;

– la société INEO produit un accord d’entreprise en faveur de personnes en situation de handicap au sein de l’UES ENGIE INEO du 29 mars 2017 succédant à deux accords antérieurs sur le même thème, lequel accord mentionne expressément l’article L. 5213-5 du code du travail relatif à l’obligation de réentraînement ;

La société INEO soutient à titre principal qu’elle n’est pas soumise à l’obligation de réentraînement dés lors que le périmètre d’appréciation du nombre de salariés pour l’application des dispositions sus-visées est l’entreprise et non le groupe auquel elle appartient. La société INEO fait grief à M. [W] de ne pas établir que les établissements exploités par elle ont des liens suffisants avec d’autres établissements du groupe ENGIE exerçant la même activité professionnelle, de sorte qu’ils forment un ensemble de 5 000 salariés consacrés à la même activité professionnelle.

A titre subsidiaire, la société INEO soutient qu’elle s’est néanmoins acquittée de cette obligation, notamment au travers de sa mission Handicap, et ce dans le prolongement de ses engagements en faveur des travailleurs en situation de handicap. Elle invoque le bilan de compétence effectué et la formation de technicien de bureau d’études en électricité.

La société INEO ajoute que suite à l’échec de M. [W] quant à la validation de sa formation, elle a, avec sa mission handicap, cherché de nouvelles possibilités de développement professionnel que M. [W] a refusé en déclarant qu’il ne comptait pas retravailler.

****

Il résulte des pièces versées aux débats que la société INEO a régulièrement signé avec les organisations syndicales, des accords d’entreprise en faveur des personnes en situation de handicap; que l’accord du 19 mai 2014 applicable au sein du groupe Cofely INEO, mention faisant référence aux sociétés du périmètre de l’UES, visait expressément les dispositions de l’article L.5212-13 du code du travail, ainsi que le même accord signé le 29 mars 2017 et applicable à l’ensemble des entités composant l’UES ENGIE INEO.

Il en résulte que sont bénéficiaires des dispositions de accords sus-visés toutes les personnes bénéficiaires de l’obligation d’emploi selon les termes de l’article L. 5212-13 du code du travail et notamment les salariés ayant une reconnaissance de qualité de travailleurs handicapé octroyée par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées ou encore les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10% et titulaires d’une rente attribuée au titre du régime général de sécurité sociale ou de tout autre régime de protection sociale obligatoire.

Le jugement a donc exactement relevé que M. [W], reconnu travailleur handicapé en 2014, était fondé à invoquer l’obligation de réentraînement à la charge de la société INEO en application des accords sus-visés.

Il résulte des dispositions sus-visées et notamment des articles R.5213-23 à R. 5213-26 du code du travail que les obligations de réentraînement au travail et la rééducation professionnelle sont satisfaites par :

‘1° La création d’un atelier spécial de rééducation et de réentraînement au travail ;

2° L’aménagement dans l’entreprise de postes spéciaux de rééducation et de réentraînement ;

3° La mise en oeuvre simultanée de ces deux types de mesures ».

Le médecin du travail et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (rédaction de l’article R. 5213-24 du code du travail antérieure au décret n°2017-1819 du 29 décembre 2017), sont consultés sur les moyens les mieux adaptés aux conditions d’exploitation et à la nature des activités professionnelles visant le réentraînement au travail et la rééducation professionnelle.

Le jugement déféré qui a constaté que la société INEO ne justifiait du respect d’aucune des obligations sus-visées, et en a déduit qu’elle avait manqué à son obligation de réentraînement au travail, a fait une juste application des dispositions en vigueur et la justification d’un bilan de compétences et de la suspension du contrat de travail pour les besoins du suivi d’une formation de technicien en bureau d’études, sont largement insuffisantes pour satisfaire à l’obligation de réadaptation et de rééducation définie par l’article L. 5213-3 reposant sur l’employeur.

Le jugement déféré sera confirmé sur le principe mais l’indemnité allouée à M. [W] sera ramenée à de plus justes proportions. La société INEO sera en conséquence condamnée à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros à ce titre.

– Sur le licenciement :

Il résulte des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d’une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.

En vertu de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société INEO a licencié M. [W] au motif de son inaptitude médicale et de l’impossibilité de son reclassement.

M. [W] soutient que la société INEO a été défaillante dans ses recherches de reclassement et qu’elle n’a formulé aucune proposition de reclassement Il fait valoir que l’employeur a omis d’interroger le médecin du travail sur un point essentiel résultant de l’avis d’inaptitude du 28 juillet 2017 lequel préconisait ‘un poste à temps partiel en bureau d’études, sans contrainte de stress.’

M. [W] fait valoir par ailleurs qu’en dépit de capacités physiques et professionnelles restantes, il ne lui a été proposé aucun poste, ni aucune possibilité de reclassement par aménagement d’un poste existant alors que :

– la société INEO appartient au groupe ENGIE qui compte de très nombreuses filiales ;

– la société INEO s’est abstenue de verser aux débats, son registre du personnel ainsi que celui de l’ensemble des sociétés du groupe, pour la période du 1er mai 2017 au 30 septembre 2017 ;

– les représentants du personnel ont rendu un avis défavorable en soulignant qu’aucune étude et aménagement de poste n’avait été envisagé ;

– qu’il a obtenu le 27 octobre 2016 un titre professionnel de ‘technicien de bureau d’études en électricité ‘ de niveau IV.

La société INEO soutient qu’elle a mis en oeuvre toutes les diligences nécessaires afin de reclasser M. [W] au sein du groupe en :

– sollicitant par mail du 10 août 2017 toutes les entités du groupe ENGIE ;

– relançant par mail du 21 août 2017 les entités autour de [Localité 4] compte tenu de l’absence de mobilité géographique mentionnée dans la fiche de reclassement renseignée par le salarié.

La société INEO soutient que ses recherches étaient limitées par plusieurs éléments contraignants :

– l’absence de mobilité du salarié,

– l’échec de M. [W] dans sa formation de technicien de bureau d’études qui ne lui a pas permis d’obtenir la qualification souhaitée,

– les limitations posées par le médecin du travail dans son avis d’inaptitude.

La société INEO souligne qu’il ne saurait lui être reproché par ailleurs de ne pas avoir sollicité de préconisations en matière de formation de la part du médecin du travail compte tenu de la formation effectivement suivie par le salarié.

Enfin, la société INEO soutient que l’avis des délégués du personnel est mal fondé ; qu’au regard de la loi applicable au moment de la première reconnaissance de l’inaptitude, soit le 6 juin 2014, aucune obligation de réaliser une étude de poste ne pouvait lui être imposée.

****

Aux termes de l’article L.1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige : ‘Lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin de travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail’.

Si la société INEO justifie en l’espèce avoir interrogé par mail du 10 août 2017 les entités du groupe ENGIE, elle ne verse cependant aux débats aucun élément permettant de vérifier d’une part que la recherche est complète, d’autre part qu’aucun poste susceptible de convenir à M. [W] ne s’est libéré.

La société INEO se réfère à l’avis d’inaptitude du 6 juin 2014 pour soutenir qu’aucune obligation d’étude de poste ne pesait sur elle. Mais l’obligation de l’employeur doit être appréciée en l’espèce au regard de l’avis d’inaptitude du 28 juillet 2017, lequel évoque expressément une aptitude résiduelle ‘sur un poste a temps partiel en bureau d’étude, sans contrainte de stress ‘.

Il en résulte que la société INEO n’est pas fondée à invoquer les restrictions de l’avis d’inaptitude dés lors que :

– l’obligation de reclassement s’imposait à l’employeur même en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise ;

– l’aptitude résiduelle était en l’espèce explorée dans le cadre d’une formation de technicien en bureau d’études techniques.

La société INEO ne saurait davantage se prévaloir de l’échec de M. [W] dans sa formation dés lors que ce dernier justifie avoir obtenu le 27 octobre 2016, une certification relative au titre de ‘technicien du bureau d’études en électricité’ de niveau IV, et qu’une étude de poste à l’aune d’une part des préconisations du médecin du travail, d’autre part, de cette certification, aurait dû être réalisée par l’employeur.

La cour observe que tel est le sens de l’avis défavorable rendu par les délégués du personnel le 7 septembre 2017, déplorant l’absence d’étude de poste.

Il en résulte que la société INEO ne justifie pas d’une recherche loyale et sérieuse de reclassement de M. [W], et que le jugement déféré qui a constaté le manquement à l’obligation de reclassement a, par une exacte appréciation des éléments de fait et de droit, jugé que le licenciement de M. [W] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– Sur les dommages-intérêts :

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, sont applicables aux licenciements prononcés après le 23 septembre 2017 et par conséquent au présent litige, M. [W] ayant reçu notification de son licenciement le 25 septembre 2017.

Compte tenu de l’effectif de la société INEO, dont il n’est pas contesté qu’il est habituellement de plus de 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [W] âgé de 51 ans lors de la rupture, de son ancienneté de plus de vingt-huit années, M. [W] peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 mois et 19,5 mois de salaire brut.

Compte tenu des éléments du débat, la cour estime que le préjudice résultant pour M. [W] de la rupture du contrat de travail a été quelque peu sous-évalué par le conseil de prud’hommes.

Il convient de porter à la somme de 38 000 euros le montant des dommages et intérêts alloués à M. [W] en réparation du préjudice consécutif au caractère abusif du licenciement, sur la base d’un salaire mensuel brut de 2 072,83 euros.

– Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d’indemnisation.

– Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société INEO les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à M. [W] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société INEO Rhône Alpes Auvergne, partie perdante au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté M. [W] de sa demande au titre du manquement de l’employeur à son obligation de formation, sauf à réduire l’indemnité allouée au titre du manquement à l’obligation de réentraînement et sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice causé par le licenciement injustifié,

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société INEO Rhône Alpes Auvergne à payer à M. [W] les sommes suivantes :

* 1 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à l’obligation de formation de l’employeur

* 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement de l’employeur à son obligation de réentraînement

* 38 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le licenciement injustifié,

ORDONNE d’office à la société INEO Rhône Alpes Auvergne le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [W] dans la limite de trois mois d’indemnisation,

CONDAMNE la société INEO Rhône Alpes Auvergne à payer à M. [W] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,

CONDAMNE la société INEO Rhône Alpes Auvergne aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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