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17 MAI 2022
Arrêt n°
FD/NB/NS
Dossier N° RG 19/02156 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FKEY
ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE DE SAUVEGARDE DE L’ENFANT À L’ADULTE (ADSEA) DU CANTAL
/
[F] [Y]
Arrêt rendu ce DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Claude VICARD, Conseiller
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE DE SAUVEGARDE DE L’ENFANT À L’ADULTE (ADSEA) DU CANTAL
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Olivier FRANCOIS de la SCP BERNARD-FRANCOIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
Mme [F] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Comparante, assistée de Me Jean-louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMEE
Après avoir entendu Mme DALLE, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l’audience publique du 14 Mars 2022, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [F] [Y] a été embauchée le 5 juillet 2010 suivant contrat à durée indéterminée par L’ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE DE SAUVEGARDE DE L’ENFANT A L’ADULTE (ADSEA) DU CANTAL comme directrice du foyer d’accueil médicalisé ‘[5]’ à [Localité 9] (CANTAL).
A partir du 1er novembre 2010, elle a été nommée directrice générale de l’association ADSEA DU CANTAL.
Le 3 février 2016, Madame [Y] a été mise à pied, à titre conservatoire, par lettre recommandée avec avis de réception, et convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement.
Le 8 mars 2016, par lettre recommandée avec avis de réception, Madame [Y] a été
licenciée pour faute grave par l’association ADSEA DU CANTAL.
Le 25 avril 2016, par requête expédiée en recommandé, Madame [Y] a saisi le conseil de prud’hommes d’AURILLAC aux fins notamment de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire et de rappel de salaires.
L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue en date du 5 septembre 2016 et, comme suite au constat de l’absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 3 mai 2016), l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement contradictoire en date du 15 octobre 2019 (audience du 3 juin 2019), le conseil de prud’hommes d’AURILLAC a :
– Dit le licenciement intervenu à l’encontre de Madame [Y] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– Condamné l’Association Départementale de Sauvegarde de l’Enfant à l’Adulte
(ADSEA) du Cantal à payer et porter à Madame [Y] les sommes suivantes :
* 30 658,32 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
* 30 240 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis;
* 3 024 euros à titre d’indemnité de congés payés sur préavis;
* 5 697,39 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;
* 569,70 euros à titre d’indemnité de congés payés sur rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;
* 1 000 euros a titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
* 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné 1’Association Départementale de Sauvegarde de l’Enfant à l’Adulte (ADSEA) du Cantal à verser à Madame [Y] les intérêts de droit a compter de la notification de la décision, avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;
– Débouté Madame [Y] du surplus de ses demandes ;
– Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Le 14 novembre 2019, l’association ASDEA DU CANTAL a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 18 octobre 2019.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 31 juillet 2020 par l’association ADSEA DU CANTAL,
Vu les conclusions notifiées à la cour le 25 janvier 2022 par Madame [Y],
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 14 février 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, l’association ADSEA DU CANTAL demande à la cour de:
– Dire bien appelé, mal jugé ;
– Réformant le jugement dont appel :
– Dire et juger le licenciement pour faute grave de Madame [Y] parfaitement fondé ;
– En conséquence, débouter Madame [Y] de ses demandes en paiement :
– à titre d’indemnité de licenciement ;
– à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– à titre d’indemnité de congés payés afférents ;
– à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;
– à titre d’indemnité de congés payés afférents ;
– à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
– à titre d’indemnité article 700 du Code de Procédure Civile;
– Confirmant le jugement entrepris, débouter Madame [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;
– Plus généralement, débouter Madame [Y] de son appel incident et de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner Madame [Y] aux éventuels dépens de 1ère instance et d’appel.
L’association ADSEA DU CANTAL soutient tout d’abord que Madame [Y] a commis des manquements, exposés dans la lettre de licenciement, d’une gravité ayant justifié la mise à pied de la salariée et ajoute que dans son ensemble, la bonne marche de l’association a subi du fait de Madame [Y] d’importantes perturbations.
L’employeur fait valoir le premier grief invoqué à l’encontre de Madame [Y], à savoir qu’elle a mis en danger les salariés de l’association et s’est rendue coupable d’actes de harcèlement. Elle avance que la salariée, face à une dégradation des conditions de travail, n’a pas agi pour améliorer la situation. L’employeur produit diverses mises en demeure adressées par l’inspection du travail et par le médecin du travail, ainsi que des courriers de salariés qui confirment la gravité de la situation. L’employeur affirme qu’il s’agit d’une faute professionnelle, d’autant plus que Madame [Y] était parfaitement informée de la dégradation des conditions de travail, mais n’a pour autant pas décidé de prendre des mesures concrètes pour y remédier.
L’association ADSEA DU CANTAL ajoute que la prescription des faits ne peut lui être opposée, étant donné que le comportement fautif de la salariée s’est poursuivi jusqu’a la date de l’introduction de la procédure de licenciement, ce qui est confirmé par des pièces qu’elle verse aux débats.
Elle fait valoir en outre qu’un intervenant extérieur, le cabinet ALTER EGO, fait état de l’existence de comportements de harcèlement moral perpétrés par Madame [Y] qui ont eu pour effet de dégrader les conditions de travail et d’altérer la santé de son équipe. Par conséquent, elle souligne qu’il est avéré que la salariée est l’auteur d’agissements de harcèlement. L’employeur affirme avoir été informé de ce constat seulement en janvier 2016. Elle ajoute que les mises en demeure de l’inspection du travail ne faisaient pas état du fait que Madame [Y] était en réalité la responsable de la dégradation des conditions de travail.
Elle ajoute verser aux débats de nombreuses attestations qui corroborent la réalité des agissements de harcèlement moral de la salariée et qui corroborent ainsi le constat opéré par le cabinet ALTER EGO en janvier 2016.
L’employeur conclut que le grief d’insuffisance de gestion du personnel et d’agissements de harcèlement moral mettant en danger les salariés est parfaitement établi et avalise à lui seul le licenciement pour faute grave.
L’association ADSEA DU CANTAL soulève ensuite les onze griefs suivants évoqués dans la lettre de licenciement. Elle fait valoir qui’il est reproché à Madame [Y] d’avoir pris de son propre chef un certain nombre de décisions sans y être autorisée par les autorités compétentes. Ces décisions ont entraîné des dépenses d’un montant conséquent qui n’a cessé d’augmenter au fil des ans et qui ont été refusées par les financeurs de l’association. Or, ces dépenses refusées ont entraîné une baisse de la trésorerie de 25% entre 2015 et 2016, ce qui est confirmé par un compte-rendu du 30 septembre 2015 du conseil d’administration. L’employeur avance que la salariée n’a rien envisagé en ce qui concerne la trésorerie pour tenter d’améliorer la situation, ainsi qu’il en est attesté par une fiche de liaison en date du 21 janvier 2016. Dès lors, l’employeur fait valoir que Madame [Y] n’a pas rempli pleinement sa mission, ce qui constitue une négligence volontaire, de caractère disciplinaire.
Madame [Y] n’a pas anticipé le départ à la retraite du responsable d’animation, mais également ne s’est pas préoccupée de la réorganisation du restaurant d’application du PUY MARY. L’inaction fautive de la salariée a ainsi conduit à la fermeture de l’établissement. L’association conclut que ce grief est avéré par un compte-rendu de la réunion du conseil d’administration du 22 janvier 2016 et constitue une faute.
L’association ADSEA DU CANTAL fait valoir l’inaction de Madame [Y] relativement à du matériel informatique. Elle affirme que ce grief est important et est constitutif d’une faute car relève non pas d’une simple incompétence de la part de la salariée mais bien de négligences volontaires.
Madame [Y] a commis des erreurs comptables importantes relativement à des frais de sièges et a fait une nouvelle fois montre d’une grande inaction, ce qui constitue une faute.
Madame [Y] s’est rendue une nouvelle fois coupable d’inaction relativement à des procédures administratives. Les faits reprochés ne sont pas prescrits car l’inaction de la salariée s’est poursuivie jusqu’au prononcé du licenciement, ce qu’elle affirme être démontré par une fiche de liaison.
La salariée s’est rendue coupable d’une grande inaction relativement à un projet d’établissement en lien avec l’ARS. L’ADSEA soutient qu’il s’agit d’une nouvelle démonstration de l’inaction et du laisser-aller de la directrice générale, comportements fautifs à même de préjudicier gravement les intérêts de l’association et sa réputation vis-à-vis de l’ARS. Elle ajoute que le manquement est avéré et que les faits évoqués ne sont pas prescrits.
Madame [Y] a affirmé inexactement lors d’un comité de suivi du 23 septembre 2015 que les effectifs du personnel du siège et des établissements médico-sociaux avaient baissé de 13 équivalents temps plein durant les exercices 2014 et 2015, grâce à une réorganisation des services qu’elle avait menée. Elle affirme que cette transmission d’informations erronées est constitutive d’une faute car ces fausses informations ont déconsidéré l’association aux yeux de ses partenaires financiers et institutions de tutelle.
L’association ADSEA DU CANTAL fait valoir un grief tenant à des problèmes relatifs à la déclaration unique de délégation (DUD). En effet, la salariée a produit ce document revêtu de sa signature le 18 février 2015 alors qu’il ne doit pas être signé par le cadre de direction afin d’éviter de lui donner une valeur contractuelle.
Madame [Y] n’a pas mis en place le tableau de permanence pour les vacances de fin d’année, tel que cela lui avait été demandé.
Madame [Y] a adopté un comportement d’évitement systématique aux questions qui lui sont posées par le conseil d’administration, a rejeté toute responsabilité sur des défauts d’action flagrant et s’est également octroyée une autonomie de décision au-delà de ce que permet le règlement. Ce comportement traduit un manque de loyauté vis-à-vis de l’employeur et a pour objectif de masquer son inaction et ses carences.
L’association ADSEA DU CANTAL fait valoir un douzième et dernier grief évoqué dans la lettre de licenciement, à savoir que Madame [Y] a utilisé de manière abusive les moyens mis à sa disposition, notamment en utilisant le compte ouvert de l’association pour faire le plein d’essence sur son véhicule personnel. L’employeur affirme verser aux débats de nombreux documents qui corroborent ce grief.
L’association ADSEA DU CANTAL déduit de l’ensemble de ces griefs évoqués que le licenciement pour faute grave de Madame [Y] est parfaitement justifié. Elle ajoute que les demandes indemnitaires de la salariée seront ainsi rejetées.
L’association ADSEA DU CANTAL soutient enfin que Madame [Y] ne rapporte jamais la preuve de ses assertions, à savoir que ladite association aurait exécuté de manière fautive le contrat de travail. Elle fait ainsi valoir que la salariée ne démontre jamais le fait que Monsieur [X], administrateur exerçant les fonctions de trésorier de l’association, se serait immiscé de façon inadmissible dans ses fonctions. L’association ADSEA DU CANTAL conclut que Madame [Y] verra sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail rejetée.
Dans ses dernières écritures, Madame [Y] demande à la cour de :
– Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’il a :
– Dit le licenciement intervenu à l’encontre de Madame [Y] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– Condamné en conséquence, l’association départementale de sauvegarde de l’enfant et de l’adulte (ADSEA) du CANTAL à payer et porter à Madame [Y] les sommes suivantes :
* 30 658,32 euros net à titre d’indemnité de licenciement ;
* 30 240 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
* 3024 euros brut à titre d’indemnité de congés payés afférents ;
* 5 697,39 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;
* 569,7 euros brut à titre d’indemnité de congés payés afférents ;
* 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile
– Le réformer pour le surplus.
Statuant à nouveau,
– Condamner la ADSEA DU CANTAL à porter et payer à Madame [Y] la somme de 80 000 euros net à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait du licenciement, outre intérêt de droit à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus, et avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales.
– Dire et juger que l’association départementale de sauvegarde de l’enfant et de l’adulte (ADSEA) du CANTAL s’est livrée à une exécution fautive du contrat de travail de Madame [Y]. En conséquence, condamner l’association départementale de sauvegarde de l’enfant à l’adulte du Cantal à payer et porter à Madame [Y] 30 000 euros net de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, outre intérêt de droit.
– Condamner l’association départementale de sauvegarde de l’enfant et de l’adulte (ADSEA) du CANTAL à payer et porter à Madame [Y] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
– Débouter l’association départementale de sauvegarde de l’enfant et de l’adulte (ADSEA) du CANTAL de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Madame [Y] soutient dans un premier temps que l’association ADSEA DU CANTAL exécutait de façon fautive le contrat de travail. Elle fait ainsi valoir que l’immixtion inadmissible du conseil d’administration dans ses fonctions était à l’origine d’une réelle souffrance au travail. Elle souligne qu’il est indéniable que l’employeur, via Monsieur [X], a porté atteinte à sa santé en s’immisçant dans ses fonctions et en l’empêchant d’exercer pleinement sa mission de directrice générale. Elle affirme qu’il est démontré par les pièces versées aux débats que Monsieur [X] remettait régulièrement en cause son travail et ses affirmations et interférait dans ses missions. Elle ajoute avoir subi des pressions et avoir présenté un syndrome anxio-dépressif réactionnel à des soucis professionnels nécessitant un suivi thérapeutique, et avoir été placée en arrêt maladie en 2015 et 2016.
La salariée souligne en outre que l’employeur, qui connaissait la situation et les difficultés rencontrées, n’a pris aucune mesure pour préserver sa santé et sa sécurité. En effet, elle fait valoir qu’elle a dénoncé à de nombreuses reprises à l’employeur le comportement de Monsieur [X]. Elle affirme verser aux débats différentes pièces qui corroborent ce point.
Au vu de ces éléments, Madame [Y] sollicite en conséquence la condamnation de l’employeur à lui payer des dommages et intérêts pour exécution fautive de son contrat de travail.
Madame [Y] soutient dans un deuxième temps que son licenciement doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle affirme, au soutien de son propos, que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement par l’employeur sont inopérants et sont en outre, pour la plupart, prescrits. Elle conteste chacun des griefs évoqués.
Concernant le premier grief, la salariée avance n’avoir jamais fait l’objet d’aucun reproche ni de la moindre sanction disciplinaire concernant des actes de harcèlement qu’elle aurait commis. Elle ajoute qu’elle ne peut être considérée comme la responsable de la dégradation des conditions de travail, dans la mesure où ces problèmes existaient avant son arrivée en juillet 2010 et dans la mesure où elle s’est efforcée de mettre en place des mesures en faveur des salariés visant à lutter contre les risques psychosociaux. Elle fait valoir que les conditions dégradées de travail étaient dues aux agissements de certains membres du conseil d’administration qui s’immisçaient dans le fonctionnement courant de l’association. Elle souligne notamment que Monsieur [X] en outrepassant ses pouvoirs, déstabilisait les salariés du siège. Elle ajoute avoir alerté régulièrement la direction de ces problèmes mais faisait face à l’inertie de celle-ci. Elle indique que ceci est confirmé par les pièces versées aux débats.
Madame [Y] soutient en outre que, contrairement a ce qui est avancé par l’étude du cabinet ALTER EGO, les attestations de différents salariés démontrent qu’elle était perçue par ceux-ci de manière positive. Elle conclut que cette étude est imprécise et peu crédible et ne peut dès lors justifier un licenciement pour faute grave. Elle ajoute que les attestations versées aux débats par l’employeur ne peuvent démontrer une insuffisance de sa part en termes de gestion de personnel, dès lors qu’elles sont peu nombreuses, vagues et peu crédibles. Elle souligne en outre que certains faits évoqués par ces attestations sont prescrits.
Madame [Y] conclut que ce grief est infondé et ne peut être retenu. Elle ajoute que par impossible, si la cour venait à retenir une carence de sa part dans le traitement des difficultés rencontrées par les salariées, ladite carence ne pourrait être considérée comme fautive. En effet, aucun acte délibéré et volontaire de sa part n’est démontré par l’employeur de sorte qu’il ne pourrait donc s’agir que d’insuffisance professionnelle injustement qualifiée de faute grave et donc entraînant la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Madame [Y] soutient ensuite que les différents griefs relatifs à sa prétendue inaction ne sont corroborés par aucun élément de preuve suffisant. Elle affirme qu’aucun faute ne peut lui être imputée relativement à une prétendue absence d’action sur la trésorerie, relativement à la fermeture du restaurant d’application du PUY MARY, au matériel informatique et aux frais de siège.
Elle ajoute au sujet des sixième et septième griefs, à savoir sa prétendue inaction concernant les procédures administratives et concernant le projet d’établissements, qu’ils sont également infondés et qu’ils sont en outre prescrits. Elle avance en outre que l’employeur n’apporte aucun élément tendant à démontrer ses allégations ni ne fait référence à aucun élément précis.
Concernant le huitième grief, Madame [Y] conteste avoir transmis de fausses informations. Elle affirme que le courrier conjoint de l’ARS et du conseil départemental ne fait état d’aucune erreur de sa part. Elle ajoute que l’employeur fait une mauvaise lecture de ce courrier et qu’il est ainsi faux de prétendre qu’elle aurait commis une approximation ou un manquement. Elle conclut que ce grief est également infondé.
Concernant le neuvième grief, Madame [Y] affirme que les faits allégués sont prescrits. De plus, elle soutient qu’il est confirmé par le conseil de l’association ADSEA DU CANTAL que sa signature, apposée sur la déclaration unique de délégation, s’imposait. Dès lors, aucun manquement ne peut lui être reproché.
Concernant le dixième grief, à savoir qu’il lui est reproché de ne pas avoir mis en place des tableaux de permanence, elle indique que là aussi les faits allégués sont prescrits. Elle ajoute que l’employeur n’apporte jamais de preuve suffisante de ces prétendus manquements et souligne qu’un courrier en date du 6 décembre 2015 démontre qu’elle n’a commis aucune faute.
Concernant le onzième grief, à savoir qu’elle aurait manqué à son devoir de loyauté, Madame [Y] fait valoir que l’employeur n’apporte pas de preuves suffisantes, datées et précises ou tangibles, pouvant justifier ce grief, ainsi qu’en a jugé le conseil de prud’hommes d’AURILLAC. Elle précise que certains faits évoqués par l’employeur au soutien de son propos sont prescrits et témoignent de l’acharnement dont elle fait l’objet.
Concernant le douzième et ultime grief invoqué par l’employeur, à savoir l’utilisation abusive de moyens mis à sa disposition, la salariée argue que l’employeur ne vient jamais étayer l’utilisation frauduleuse de la carte d’essence et ne justifie pas de ses allégations alors qu’il avait les moyens de le faire. Elle ajoute avoir utilisé fréquemment son véhicule personnel pour ses déplacements et indique avoir refusé un véhicule de fonction par souci d’économie. Ainsi, elle a fait réaliser d’importantes économies à l’employeur en se faisant rembourser seulement les frais d’essence. Elle affirme verser aux débats des pièces qui justifient des frais d’essence engagés. Elle fait valoir en outre que si elle avait engagé des frais excessifs, un dysfonctionnement aurait été révélé par un organe de contrôle. Elle conclut que l’employeur ne démontre jamais ses allégations, y compris par des éléments produits quatre ans après l’envoi de sa lettre de licenciement. Ainsi ce grief est également infondé.
Madame [Y] soutient que les reproches évoqués par l’employeur sont injustifiés. Elle ajoute que l’employeur échoue à démontrer qu’elle agissait suivant une volonté délibérée. Ainsi, le licenciement intervenu le 8 mars 2016 ne repose sur aucun motif et doit être requalifié en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Madame [Y] sollicite diverses sommes à titre indemnitaire et de rappel de salaires, ainsi que des dommages et intérêts pour rupture abusive, sommes qui sont la conséquence du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle affirme avoir subi un préjudice moral et financier indéniable, qui doit être réparé dans son entièreté.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
– Sur la rupture du contrat de travail –
Si l’employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu’il considère comme fautif, il doit s’agir d’un comportement volontaire (action ou omission). À défaut, l’employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire. La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni avoir déjà été sanctionnée.
Le code du travail ne donne aucune définition de la faute grave. Selon la jurisprudence, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat de travail.
La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d’appréciation ou l’insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis.
Il incombe à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave qu’il invoque. Le doute doit profiter au salarié.
En cas de faute grave, la mise en ouvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.
Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d’une telle mesure n’est pas obligatoire.
Suivant l’article 33 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966:
‘les mesures disciplinaires applicables aux personnels des établissements ou services s’exercent sous les formes suivantes:
– l’observation ;
– l’avertissement ;
– la mise à pied avec ou sans salaire pour un maximum de 3 jours ;
– le licenciement.
L’observation, l’avertissement et la mise à pied dûment motivés par écrit sont prononcés conformément au règlement établi et déposés suivant les dispositions légales.
Toute sanction encourue par un salarié et non suivie d’une autre dans un délai maximal de 2 ans sera annulée et il n’en sera conservé aucune trace.
Sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l’égard d’un salarié si ce dernier n’a pas fait l’objet précédemment d’au moins deux des sanctions citées ci-dessus, prises dans le cadre de la procédure légale.’
L’association ADSEA DU CANTAL soutient que Madame [Y] a commis des manquements, exposés dans la lettre de licenciement, d’une gravité ayant justifié la mise à pied de la salariée et ajoute que dans son ensemble, la bonne marche de l’association a subi du fait de Madame [Y] d’importantes perturbations.
Madame [Y] soutient que son licenciement doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle affirme, au soutien de son propos, que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement par l’employeur sont inopérants et sont en outre, pour la plupart, prescrits. Elle conteste chacun des griefs évoqués.
En l’espèce, Madame [F] [Y] a été embauchée le 5 juillet 2010 suivant contrat à durée indéterminée par l’ASSOCIATION DÉPARTEMENTALE DE SAUVEGARDE DE L’ENFANT A L’ADULTE (ADSEA) DU CANTAL comme directrice du foyer d’accueil médicalisé ‘[5]’ à [Localité 9] (CANTAL).
A partir du 1er novembre 2010, elle a été nommée directrice générale de l’association ADSEA DU CANTAL.
Le 3 février 2016, Madame [Y] a été mise à pied, à titre conservatoire, par lettre recommandée avec avis de réception, et convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement.
Le 8 mars 2016, par lettre recommandée avec avis de réception, Madame [Y] a été licenciée pour faute grave par l’association ADSEA DU CANTAL.
Le courrier de notification est ainsi libellé :
« Madame,
Nous faisons suite à l’entretien préalable qui s’est tenu dans les locaux de l’association le 22 février 2016 à l’occasion duquel vous ont été exposés les motifs nous conduisant à considérer l’existence d’agissements d’une gravité ayant justifié votre mise à pied.
La conduite de l’Association, dont la bonne marche a subi de votre fait d’importantes perturbations, nous amène à une décision de licenciement pour faute grave.
Les explications recueillies auprès de vous au cours de l’entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation.
Les divers griefs sont rappelés ci- dessous :
1) Insuffisance de gestion du personnel. Doléances de harcèlement. Mise en danger des salariés.
A l’occasion du Conseil d’Administration du 22 janvier 2016, vous avez présenté divers projets d’actions pour l’année à venir sans une seule fois évoquer un certain nombre de demandes du Conseil d’Administration dont en priorité le rétablissement d’une sérénité au siège de l’Association par la mise en ‘uvre de processus conduisant à l’amélioration des conditions de travail. Ceci afin d’éviter le fort absentéisme des personnels du siège, la multiplication des arrêts maladie de longue durée, la multiplication des procédures devant le Conseil de Prud’hommes.
Force est de constater que la résolution des difficultés majeures de fonctionnement du siège ne font pas partie de vos actions et de votre priorité. Il est seulement noté, dans votre document, le vague engagement d’améliorer l’ensemble du fonctionnement administratif du siège et des établissements ainsi que d’améliorer les conditions de travail pour tous.
Aucune mesure concrète n’est prise alors que l’Inspection du travail a adressé une mise en demeure le 23 novembre 2011 « de gérer et de réduire les risques psychosociaux en proposant un plan d’actions. »
Cette mise en demeure n’a jamais été adressée au Conseil d’Administration et son Président en ignorait l’existence.
Un cabinet spécialisé, AD CONSEIL, est intervenu et a mis en place des dispositifs en 2012 et 2013.
Néanmoins, lors du bureau du 16 avril 2014, il a été constaté que ceux-ci n’ont donné aucun résultat.
Le Conseil d’Administration déplore un fort taux d’absentéisme des personnels du siège qui s’est notamment aggravé lors du dernier trimestre 2015 à tel point que le CHSCT a demandé une réunion exceptionnelle qui s’est tenue le 13 novembre 2015 à laquelle a assisté le Président.
Depuis 2011/2012, les personnels du siège ont changé pour la plupart mais les anciens salariés sont en difficulté.
Lors du comité de pilotage des représentants du personnel le 26 janvier 2016,devant les représentants de la Médecine du Travail, les représentants du CHSCT ont indiqué qu’il n’y a pas d’amélioration de la situation « et même que c’est pire qu’auparavant pour les salariés du siège».
Nous avons été informés d’un courrier du 14 janvier 2016 signé par tous les salariés du siège adressé à l’Inspection du Travail pour « signaler l’état de souffrance au travail ».
L’Inspecteur du travail nous a, dans un courrier du 1er février 2016, informé de cette situation en rappelant que rien n’avait été fait depuis la mise en demeure qu’il avait déjà fait parvenir à l’association le 23 novembre 2011 dont le Conseil d’Administration ne connaissait pas la teneur.
Très clairement, l’Inspecteur du Travail reproche à l’association de ne pas avoir agi pour la mise en place d’actions de prévention, de formation et d’information, pour la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Un certain nombre de salariés ont engagé des actions judiciaires à l’encontre de l’association devant le Conseil de Prud’hommes et font état de souffrance au travail, de harcèlement, de tensions relationnelles constantes au siège et par votre fait.
Il ressort également de l’étude qui a été réalisée par le cabinet de conseil ALTER Ego dont les conclusions dénoncent très clairement une situation préoccupante que, dans votre rôle d’animateur des personnels du siège, vous faites figure de persécuteur.
2) Absence d’action sur la trésorerie
Lors du Conseil d’Administration du 22 janvier 2016, outre le fait qu’il était convenu d’une transmission des documents au Président et aux administrateurs une semaine avant la tenue de celle-ci, vous êtes seule à n’avoir pas respecté cette demande en communiquant la veille, le jeudi 21 janvier.
Encore une fois dans les actions et projets pour l’année 2016, rien n’est dit ni envisagé en ce qui concerne la trésorerie de l’association.
Alors que le compte rendu de la commission trésorerie du 5 juin 2015 évoquait les difficultés, aucune action n’a depuis lors été engagée et le Conseil d’Administration été contraint de constater la persistance de la carence dans le compte rendu que vous lui avez donné le 22 janvier 2016.
3) Restaurant d’application du Puy Mary
Lors du Conseil d’Administration du 22 janvier 2016, il a été constaté que rien n’a été fait en ce qui concerne cet établissement dont le responsable d’animation est parti à la retraite.
Ce départ à la retraite, su et connu depuis plusieurs mois, devait bien évidemment être anticipé très en amont pour la réorganisation de ce service ou l’embauche d’une personne nécessaire à l’encadrement.
Par ailleurs, lors du Conseil d’Administration du 22 janvier 2016, le Directeur du Pôle Médico-Social Enfant a semblé découvrir que le commissaire aux comptes avait demandé déjà à la fin de l’année 2014 puis à la fin de l’année 2015 dans sa « mission intérim CAC », un suivi comptable de l’activité commerciale, une organisation de la caisse, une mise en place des procédures de gestion du restaurant, un suivi individuel des diverses personnes en formation.
Non seulement, il n’y a plus de responsable et l’association est placée devant le fait accompli mais au surplus, la réorganisation indispensable n’a pas été entreprise depuis plus d’un an.
Nous avons dont été contraints de procéder à la fermeture de cet établissement, ce dont nous mesurons la difficulté que cela va occasionner aux élèves. Il est clair que rien n’a été fait concernant cet établissement, ce dont vous portez la responsabilité pour n’avoir pas suivi personnellement les mesures qui devaient être prises par et avec le Directeur de Pôle.
4) Système informatique
En 2011, vous avez décidé, sans l’accord des financeurs, le changement du
matériel informatique dont les logiciels et serveurs.
Ce matériel est aujourd’hui obsolète et les logiciels ne répondent plus aux besoins au bout de seulement 5 ans d’utilisation.
Ce contrat coûte à l’Association 5.148 € par mois, ce qui a impliqué une dépense depuis l’année 2011 de 308.880 €.
Nos Organismes financeurs considèrent la situation anormale et nous ont refusé toute participation à la dépense de réfection pourtant indispensable, de l’ensemble de ce système informatique.
Il se trouve que ce n’est pas par vous mais par les personnels utilisateurs que le Conseil d’Administration a eu connaissance des problèmes tenant à l’absence de fiabilité des logiciels, aux erreurs commises et aux constants soucis de manipulation.
Le Conseil d’Administration n’a pu que constater votre réticence pour la transmission des informations concernant le montage financier qui nous a conduits à ces dépenses exorbitantes.
Vous avez jusqu’à présent fait barrage à une évaluation rigoureuse de l’installation informatique et nous n’avez en aucune façon préparé le dossier pour nous permettre d’obtenir tout de même une prise en charge au moins partielle du changement de matériel compatible avec la dimension de l’association. A cet égard, une réunion de travail était prévue le 2 février 2016 pour étudier les possibilités et ce, consécutivement à un comité de suivi du 23 septembre 2015. Si l’association veut obtenir une participation fi nancière après un refus, ce doit être au moyen d’un dossier dont malheureusement vous ne vous êtes pas occupé.
Rien n’a été préparé à cet égard et votre fiche de liaison présentée au Conseil d’Administration le 22 janvier 2016, si elle évoque la renégociation des contrats de téléphonie fixe, n’évoque en aucune façon la problématique plus importante du système informatique de l’association.
5) Frais de siège
Vous avez mené seule et sans en référer au Conseil d’Administration en 2013 les discussions conduisant à l’arrêté de financement du 19 avril 2013 dont le Conseil n’a eu connaissance que le 17 octobre 2013 sans pouvoir exercer un quelconque recours qui était alors prescrit.
Ce dossier a été mal négocié aux dépens de l’ADSEA puisque l’association doit, sur ses produits financiers issus de sa gestion, participer à hauteur de 30 000 € par an aux frais de personnel et de fonctionnement du siège et d’autre part, l’ESAT doit participer à hauteur de 70 000€ par an également.
Cela signifie donc que chaque travailleur handicapé donne 1000€ par an de son travail pour financer les activités du siège.
Ce chiffre est très important et très au-dessus des moyennes nationales. Vous avez commis à cet égard une erreur grossière puisque l’assiette des charges sur laquelle s’applique le pourcentage des frais de siège n’a pas été dégrevée des aides aux postes et participations de l’Etat conduisant ainsi à des montants hors de proportion avec la réalité.
De ce fait, vous avez entendu disposer d’un montant sans considérer la manière de la fi nancer étant entendu qu’elle engageait pour l’avenir et fragilisait la situation de l’ESAT notamment dont la pérennité dépend de l’allègement de ces frais de siège.
Alors que l’agrément coure jusqu’en 2017, l’association devrait déjà travailler sur la renégociation avec les financeurs au regard de la réduction des marges de man’uvre.
Cela étant, cette question n’apparaît pas dans votre feuille de route présentée au Conseil d’Administration traduisant la déshérence du traitement de ce dossier aux lourdes implications financières.
6) Procédures
Au titre de l’exercice 2014, le Commissaire aux comptes a présenté aux administrateurs sa « synthèse phase intérim CAC » demandant la mise en place de procédures pour formaliser et harmoniser les modalités de fonctionnement de l’Association.
Ces formalisations sont exigées par l’IGAS afin d’harmoniser le fonctionnement de l’association et assurer la gestion du travail des 300 salariés exerçant dans des établissements disséminés sur l’ensemble du département. Au regard de la mise en place de toutes les procédures, le Commissaire aux comptes a fixé un délai à la fin de l’année 2015.
Vous avez vous-même dit que ce délai devait être écourté pour une mise en place au plus tard au mois de juin 2015.
Or, fin juillet, rien n’a été fait et le Commissaire aux comptes n’a reçu aucune information de votre part.
A la fin du mois de janvier 2016, la moitié des procédures seulement ont été réalisées sans être cependant validées conduisant le Commissaire aux comptes à interpeller le Conseil d’Administration en faisant part de ses réserves quant à la validation des comptes de l’année 2015.
Dans votre fiche de liaison présentée au Conseil d’Administration le 22 janvier 2016, vous vous êtes octroyé un délai pour « terminer la réalisation des procédures administratives pour juin 2016 », avec donc une année de retard au risque d’absence de certification des comptes de l’association.
Nous ne pouvons prendre le risque de telles anomalies et la mise en place des procédures aurait dû être terminée au plus tard à la fin de l’année 2015, ce qui ressort intégralement de votre responsabilité.
Parmi les missions essentielles de votre activité de direction, vous devez vérifier l’application des règles et normes de sécurité imposées par le droit du travail.
Or, à cet égard, nous constatons un grave manquement par la non-réalisation du Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels.
Nous vous rappelons que cela ressort de la responsabilité directe de l’employeur et que cette tâche est placée au sommet de la hiérarchie des principes généraux de prévention du Code du travail.
En l’absence du document ou de sa mise à jour, l’Inspection du travail peut dresser procès-verbal à l’encontre de l’association passible d’une contravention.
En outre, l’employeur peut être condamné pour délit d’entrave si le document n’est pas mis à la disposition de l’Inspection du travail, de la médecine du travail ou des représentants du personnel, que ce soient les DP ou le CHSCT.
Enfin, en cas d’accident du travail, à défaut d’établissement du document, les peines pénales à l’encontre de l’employeur sont aggravées.
Rien n’est indiqué une nouvelle fois dans votre fiche de liaison présentée au Conseil d’Administration du 22 janvier 2016 concernant un retard cumulé de 3 ans quant à l’établissement et la mise à jour de ce document.
7) Absence de projet d’établissement
Nous avons eu un changement d’agrément concernant l’ITEP de [Localité 7], l’IME de [Localité 6], les CESSAD de [Localité 6], [Localité 8] et [Localité 4].
Le tout a été validé par le Conseil d’Administration en décembre 2014. Il y a bien évidemment urgence à produire les projets d’établissement, ce qui n’est pas fait, en dépit des demandes réitérées de l’ARS.
De même en ce qui concerne l’établissement de [Localité 9]. L’appel à projet de 8 places supplémentaires a été proposé conjointement par l’ARS et le Conseil Départemental et n’a fait l’objet d’aucune application de votre part.
Le 12 mai 2015, nous avons demandé au Directeur de Pôle un avis technique avant le dépôt de dossier.
Nous n’avons eu aucune réponse de sa part et nous n’avons eu aucune maîtrise de ce dossier de votre part également au Conseil d’Administration du 27 mai 2015. Le dossier a été retravaillé le 16 juin avant présentation à la Commission départementale sans l’avis technique des deux responsables hiérarchiques de cette structure compte tenu d’une absence totale d’implication.
Il vous est ainsi reproché de n’avoir pas satisfait à votre obligation première en vertu du règlement de proposer, d’organiser, d’animer et mettre en ‘uvre les stratégies propres à la réalisation du projet associatif.
8) Transmission d’informations erronées
A l’occasion du Comité de suivi du 23 septembre 2015 et devant l’ensemble des financeurs et administrateurs tels que l’ARS, le Conseil Départemental, les responsables de l’Education nationale et la Direction Régionale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, vous avez affirmé que les effectifs du personnel du siège et des établissements médico-sociaux avaient baissé de 13 équivalent temps plein durant les exercices 2014 et 2015, grâce à une réorganisation des services que vous auriez menée.
Cette fausse information a valu à l’ADSEA une réponse conjointe de l’ARS et du Conseil Départemental le 18 janvier 2016 indiquant que les effectifs ont en réalité diminué non pas de 13 mais de 1,22 ETP et que surtout les documents que vous aviez promis lors de cette réunion tels que les tableaux de répartition et d’évaluation des cadres n’ont jamais été transmis.
Des telles approximations et manquements déconsidèrent l’association aux yeux de ses prestataires, financeurs et institutions de tutelles.
9) Problèmes de la Déclaration Unique de délégation
Celle-ci a été élaborée par une commission d’administrateurs du nouveau Conseil d’Administration.
Les travaux ont débuté en septembre 2013 et des réunions régulières ont eu lieu pour aboutir enfin le 21 janvier 2014 à un document que vous avez refusé d’accepter s’il ne portait pas votre signature.
Or, selon les recommandations qui nous étaient données, il devait rester acquis que la DUD est un acte unilatéral de l’association qui ne doit pas être signé par le cadre de direction afin d’éviter de lui donner la valeur contractuelle qu’elle n’a pas vocation à avoir.
Or, ne tenant aucun compte de cette observation, vous avez produit un document le 18 février 2015 avec votre signature.
A la suite de l’intervention véhémente des administrateurs, vous avez retiré votre signature.
Cependant, en ce qui concerne la DUD des directeurs de Pôles, vous avez persisté dans votre idée avec obstination en leur faisant signer le document qui, comme pour vous-même, ne devait pas l’être.
10) Tableau de permanence
En mai 2015, vous avez été absente pour congés maladie pendant un mois. Cela a été l’occasion de constater qu’il n’existait pas de délégation et modalités pour assurer la continuité du service en votre absence.
Un courrier vous a été adressé le 12 mai 2015 à cet effet. Vous y avez répondu le 28 mai et une réunion a eu lieu le 24 juin en raison du contenu de cette correspondance visant particulièrement les administrateurs. Nous déplorons que vous ayez cru bon transmettre le courrier qui vous était destiné aux directeurs de Pôle.
Surtout, il vous est reproché de n’avoir toujours pas mis en place le tableau de permanence tel que cela avait été décidé au moins de juin et ce, à l’occasion des vacances de fin d’années en décembre 2015.
Une nouvelle fois, nous constatons que les démarches qui vous sont présentées ne sont jamais suivies d’effet.
11) Défaut de loyauté et d’information au Conseil d’Administration
Nous avons constaté de manière permanente des insuffisances dans l’instruction des dossiers et vous adoptez une stratégie d’évitement systématique aux questions qui vous sont posées sans jamais par ailleurs retenir votre propre responsabilité sur des défauts d’action flagrant.
Cela a conduit le Conseil d’Administration a envisagé des décisions inappropriées ou à mal orienter sa réflexion.
A cet égard, la gestion du projet immobilier de [Localité 8] a été plutôt désastreuse avec le recours inopportun à un architecte parisien que vous avez choisi et dont les travaux ont d’une part été insatisfaisants et dont il a, d’autre part, fallu se séparer aux frais de l’association.
L’affaire [P] a également été exclusivement gérée par vous-même nous conduisant à affronter une procédure dont nous ne pouvons que redouter l’issue. En ce qui concerne certains cadres, vous leur avez alloué des congés supplémentaires contre l’avis des techniciens du siège et hors convention collective et règles de droit du travail.
De telles pratiques ne peuvent être tolérées d’autant lorsque le Conseil d’Administration n’en est pas informé.
Le recrutement de cadres doit respecter un protocole. Cela a été le cas lorsqu’a été embauchée la Directrice administrative et financière.
En revanche, en ce qui concerne le recrutement du responsable des ressources humaines, cela s’est fait sans respect de la procédure prévue par le règlement général de fonctionnement de l’association.
En ce qui concerne les licenciements, vous seule prenez la décision sans en référer au Conseil d’Administration et sans respect des procédures.
Nous ne pouvons admettre que les informations qui doivent nécessairement être soumises au CA fassent l’objet d’un filtre sélectif masquant vos carences ou vous octroyant une autonomie de décision au-delà de ce que permet le Règlement.
12) Utilisation abusive de moyens
Vous utilisez le compte ouvert à une station d’essence au nom de l’association sans prendre en compte les avertissements répétés du commissaire aux comptes et de la DAF notamment pour faire le plein de votre véhicule personnel.
Nous avons par ailleurs noté divers achats effectués qui restent aujourd’hui non déterminés en raison de ce que les justificatifs n’ont jamais été transmis au service de comptabilité. Nous estimons ainsi que la carte a été utilisée pour vos besoins personnels sans autorisation ni possibilité de contrôle.
Pour l’ensemble des motifs ci-dessus énoncés, votre licenciement est effectif pour faute grave justifiant par ailleurs la mise à pied dont vous avez été l’objet et qui par la présente, est confirmée.
Vous ne percevrez donc ni préavis, ni indemnités de licenciement. La mesure prend effet ce jour.
Le service RH tiendra à votre disposition les documents relatifs à la rupture de votre contrat à savoir votre attestation POLE EMPLOI, votre certificat de travail et vos reçus pour solde de toute compte.
Nous vous indiquons par ailleurs que vous pouvez consulter sur le site www.moncompteformation.gouv.fr le relevé de vos heures acquises au titre du compte personnel de formation.
Nous vous informons que vous pouvez bénéficier de la portabilité des garanties de la prévoyance et de la mutuelle sous réserve que vous soyez prise en charge par POLE EMPLOI.
Ce maintien des garanties va de la rupture du contrat de travail à la reprise d’un autre emploi pour une durée proportionnelle à votre ancienneté dans notre association, dans la limite maximale de 12 mois.
La mutualisation vous permet de bénéficier de ces garanties à titre gratuit.
Nous vous rappelons qu’en cas de cessation de versement des allocations POLE EMPLOI ou qu’en cas de reprise, le maintien des garanties cesse de plein droit et vous ne serez plus couverte par le régime de prévoyance de l’association.
Veuillez recevoir, Madame, l’expression de nos salutations distinguées.
[L] [R]
Président de l’ADSEA ».
Il ressort ainsi de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que les douze griefs suivants sont évoqués par l’employeur pour justifier le licenciement pour faute grave de la salariée:
– insuffisance de gestion du personnel, doléances de harcèlement, mise en danger des salariés ;
– absence d’action sur la trésorerie ;
– manquements en lien avec le restaurant d’application du Puy Mary ;
– manquements en lien avec le système informatique ;
– négociation fautive des frais du siège ;
– inaction sur la mise en place de procédures pour formaliser et harmoniser les modalités de fonctionnement de l’association ;
– absence de projet d’établissement ;
– transmission d’informations erronées ;
– manquements liés à la déclaration unique de délégation ;
– inaction en lien avec l’établissement d’un tableau de permanence ;
– défaut de loyauté et d’information vis-à-vis du conseil d’administration ;
– utilisation abusive de moyens de l’association.
Les griefs ainsi évoqués par l’employeur seront examinés successivement.
– Sur l’insuffisance de gestion du personnel, le harcèlement et la mise en danger des salariés –
En matière de harcèlement, le chef d’entreprise est tenu à une obligation de sécurité de résultat. Sa responsabilité ne peut être ainsi écartée que s’il a mis en oeuvre toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, notamment des actions d’information et de formation, et a mis fin au harcèlement dès qu’il en a été avisé.
Le défaut de prévention (action en amont) ou défaillance de l’employeur dans son obligation de sécurité en matière de harcèlement moral ou sexuel ouvre droit pour le salarié à une réparation du préjudice résultant de ce manquement de l’employeur, réparation qui est distincte de celles liée aux conséquences du harcèlement moral ou sexuel effectivement subi.
La prévention du harcèlement, moral ou sexuel, à l’encontre des salariés de l’entreprise est confiée au chef d’entreprise à qui il appartient de prendre toute mesure en ce sens, mais également d’infliger des sanctions disciplinaires aux salariés auteurs de tels agissements.
L’obligation de sécurité de résultat étant désormais appréciée par rapport non à la réalisation du risque, soit la commission effective de faits de harcèlement à l’encontre d’un salarié, mais par rapport aux diligences de l’employeur, la responsabilité de ce dernier ne peut être ainsi écartée que s’il a mis en oeuvre toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, notamment des actions d’information et de formation, et a mis fin au harcèlement dès qu’il en a été avisé.
La Cour de cassation considère qu’une organisation du travail ou un style de management peut être une source de harcèlement moral, indépendamment de toute intention malveillante. Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Un employeur peut ainsi être condamné pour manquement à son obligation de sécurité en matière de prévention des risques psycho-sociaux, par exemple en cas de souffrance au travail ou de dégradation des conditions de travail induites par un mode de management ou d’organisation du travail, sans qu’il soit besoin de caractériser des faits de harcèlement.
Même sans faute de sa part, l’employeur doit être tenu pour responsable des faits de harcèlement commis par l’un de ses collaborateurs à l’égard d’autres salariés. La Cour de cassation l’a jugé en se plaçant sur le terrain de l’obligation de sécurité et de l’obligation de prévention qui en est le corollaire.
Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4121-1 du code du travail : ‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d’information et de formation ; 3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’.
Aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 4121-2 du code du travail : ‘L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-2 et L. 1152-3 ; Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.’.
L’employeur est tenu vis-à-vis de ses salariés d’une obligation de sécurité dans le cadre ou à l’occasion du travail. Cette obligation spécifique a été consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation qui a désormais abandonné le fondement contractuel de l’obligation de sécurité de l’employeur pour ne retenir que le fondement légal, tiré notamment des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, interprété à la lumière de la réglementation européenne concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs. Cette obligation de sécurité dont doit répondre l’employeur s’applique à toute situation de risque en matière de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs.
Tenu d’une obligation de sécurité, il appartient donc à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en justifiant, d’une part, avoir pris toutes les mesures de prévention prévues notamment par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, d’autre part, dès qu’il est informé de l’existence de faits susceptibles de constituer une atteinte à la sécurité ou la santé, physique et mentale d’un salarié, avoir pris les mesures immédiates propres à les faire cesser.
La responsabilité de l’employeur est engagée vis-à-vis des salariés (ou du salarié) dès lors qu’un risque pour la santé ou la sécurité des travailleurs (du travailleur) est avéré. Il n’est pas nécessaire que soit constaté une atteinte à la santé, le risque suffit.
L’obligation de sécurité de l’employeur, ou obligation pour celui-ci de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, couvre également les problèmes de stress ou mal-être au travail, plus généralement la question des risques pyscho-sociaux liées aux conditions de travail, aux relations de travail ou à l’ambiance de travail. Dans ce cadre, il appartient à l’employeur de mettre en place des modes d’organisation du travail qui ne nuisent pas à la santé physique et mentale des salariés et de réagir de façon adaptée en cas de risque avéré.
La jurisprudence qualifie l’obligation de sécurité de l’employeur d’obligation de résultat. Selon la Cour de cassation, cette obligation de sécurité est désormais de résultat non au regard du risque effectivement encouru par le salarié, ou de l’atteinte à sa santé subi par le salarié, mais de son objet (prévention et cessation du risque). Le résultat attendu de l’employeur est de prévenir, par des moyens adaptés, tout risque lié non seulement à l’exécution de la prestation de travail mais également à l’environnement professionnel dans lequel elle est délivrée. Il s’agit pour l’employeur de prévenir, de former, d’informer et de mettre en place une organisation et des moyens adaptés. Le résultat dont il est question dans la notion d’obligation de résultat n’est pas l’absence d’atteinte à la santé physique et mentale, mais l’ensemble des mesures prises de façon effective par l’employeur dont la rationalité, la pertinence et l’adéquation sont analysées et appréciées par le juge. L’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail. Ainsi, en cas de risque avéré ou réalisé pour la santé ou la sécurité du travailleur, l’employeur engage sa responsabilité, sauf s’il démontre qu’il a pris les mesures générales de prévention nécessaires et suffisantes pour l’éviter, ce qu’il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement.
Au titre de son obligation de sécurité, il appartient à l’employeur de repérer les situations de tension et, le cas échéant, d’ouvrir rapidement une enquête. L’inertie de l’employeur en présence d’une situation susceptible d’être qualifiée de souffrance au travail, dont il a connaissance, alors qu’il est tenu légalement d’assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés et d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, engage nécessairement sa responsabilité, quand bien même il ne serait pas l’auteur des faits dénoncés.
L’employeur fait valoir un premier grief à l’encontre de Madame [Y] consistant en une insuffisance de gestion du personnel, des actes de harcèlement et une mise en danger des salariés. L’association avance que la salariée, face à une dégradation des conditions de travail, n’a pas agi pour améliorer la situation. L’employeur fait état de diverses mises en demeure adressées par l’inspection du travail et par le médecin du travail, ainsi que de courriers de salariés qui confirment la gravité de la situation. L’employeur affirme qu’il s’agit d’une faute professionnelle, d’autant plus que Madame [Y] était parfaitement informée de la dégradation des conditions de travail, mais s’est volontairement abstenue de prendre des mesures concrètes pour y remédier.
L’association ADSEA DU CANTAL ajoute que la prescription des faits ne peut lui être opposée, étant donné que le comportement fautif de la salariée s’est poursuivi jusqu’a la date de l’introduction de la procédure de licenciement et que l’employeur n’a pris connaissance de la réalité et de l’étendue des faits fautifs commis par la salariée qu’à l’occasion de la remise du rapport du cabinet ALTER EGO en janvier 2016. En effet, un intervenant extérieur, le cabinet ALTER EGO, a fait état de l’existence de comportements de harcèlement moral perpétrés par Madame [Y] qui ont eu pour effet de dégrader les conditions de travail et d’altérer la santé de son équipe. Par conséquent, elle souligne qu’il est avéré que la salariée est l’auteur d’agissements de harcèlement. L’employeur affirme avoir été informé de ce constat seulement en janvier 2016. Elle ajoute que les mises en demeure de l’inspection du travail ne faisaient pas état du fait que Madame [Y] était en réalité la responsable de la dégradation des conditions de travail.
Il verse aux débats de nombreuses attestations qui corroborent la réalité des agissements de harcèlement moral de la salariée.
L’employeur conclut que le grief d’insuffisance de gestion du personnel et d’agissements de harcèlement moral mettant en danger les salariés est parfaitement établi et avalise à lui seul le licenciement pour faute grave.
Concernant le premier grief, Madame [Y] réplique n’avoir jamais fait l’objet d’aucun reproche ni de la moindre sanction disciplinaire concernant des actes de harcèlement qu’elle aurait commis. Elle ajoute qu’elle ne peut être considérée comme la responsable de la dégradation des conditions de travail, dans la mesure où ces problèmes existaient avant son arrivée en juillet 2010 et où elle s’est efforcée de mettre en place des mesures en faveur des salariés visant à lutter contre les risques psychosociaux.
Elle fait valoir que les conditions dégradées de travail étaient dues aux agissements de certains membres du conseil d’administration qui s’immisçaient dans le fonctionnement courant de l’association. Elle souligne notamment que Monsieur [X], en outrepassant ses pouvoirs, déstabilisait les salariés du siège. Elle ajoute avoir alerté régulièrement la direction de ces problèmes mais faisait face à l’inertie de celle-ci.
Madame [Y] soutient en outre que, contrairement a ce qui est avancé par l’étude du cabinet ALTER EGO, les attestations de différents salariés la concernant sont positives. Elle conclut que cette étude est imprécise et peu crédible et ne peut dès lors justifier un licenciement pour faute grave. Elle ajoute que les attestations versées aux débats par l’employeur ne peuvent démontrer une insuffisance de sa part en termes de gestion de personnel, dès lors qu’elles sont peu nombreuses, vagues et peu crédibles. Elle souligne en outre que certains faits évoqués par ces attestations sont prescrits.
Madame [Y] conclut que ce grief est infondé et ne peut être retenu. Elle ajoute que si par impossible, la cour venait à retenir une carence de sa part dans le traitement des difficultés rencontrées par les salariés, ladite carence ne pourrait être considérée comme fautive. En effet, aucun acte délibéré et volontaire de sa part n’est démontré par l’employeur de sorte qu’il ne pourrait donc s’agir que d’insuffisance professionnelle injustement qualifiée de faute grave et donc entraînant la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Sur la prescription –
Aux termes de l’article L.1332-4 du code du travail, ‘aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.’
Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois décompté selon les règles données et courant à compter du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié.
Si un fait fautif ne peut plus donner ‘à lui seul’ à une sanction au-delà du délai de 2 mois, l’employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu’un nouveau fait fautif est constaté, à conditions toutefois que les deux fautes procèdent d’un comportement identique. Par ailleurs, l’employeur peut prendre en compte un fait antérieur à 2 mois, dans la mesure où le comportement du salarié a persisté dans ce délai.
Le harcèlement moral suppose l’existence d’agissements répétés, peu importe que les agissements soient ou non de même nature, qu’ils se répètent sur une brève période ou soient espacés dans le temps. Le harcèlement moral se caractérise donc par la conjonction et la répétition de certains faits laissés à l’appréciation souveraine des juges du fond. Un acte isolé ne répond pas à la définition du harcèlement moral.
Madame [Y] soulève la prescription des faits reprochés qui sont anciens, les risques psycho-sociaux au sein de l’ADSEA étant antérieurs à son arrivée en juillet 2010. Par ailleurs, elle précise qu’une prolongation de sa mission lui a été proposée en 2015.
L’association ADSEA DU CANTAL considère que la prescription des faits ne peut lui être opposée, étant donné que le comportement fautif de la salariée s’est poursuivi jusqu’a la date de l’introduction de la procédure de licenciement et que l’employeur n’a pris connaissance de la réalité et de l’étendue des faits fautifs commis par la salariée qu’à l’occasion de la remise du rapport du cabinet ALTER EGO en janvier 2016.
Il convient de relever que, parmi les fautes reprochées à la salariée dans le cadre du premier grief retenu par l’employeur, le harcèlement moral se caractérise par un ensemble d’agissements réitérés, ces agissements pouvant ou non être de même nature et s’étaler plus ou moins brièvement dans le temps, qui doivent faire l’objet d’une analyse dans leur intégralité.
En raison de la nature même des faits reprochés ainsi que de leur révélation à l’occasion de la remise d’un rapport provenant du cabinet ALTER EGO courant janvier 2016, il convient d’écarter le moyen tiré de la prescription de deux mois prévue par l’article L.1332-4 du code du travail en ce qui concerne le premier grief reproché à la salariée, la mise à pied à titre conservatoire de la salariée étant en date du 3 février 2016 et son licenciement en date du 8 mars 2016.
– Sur le fond –
Il résulte de la lecture des pièces versées de part et d’autre que les conditions de travail au sein de l’ADSEA du Cantal ont été marquées par une souffrance au travail et des risques psycho-sociaux importants depuis au moins l’année 2011. Cela ressort notamment:
– d’une mise en demeure adressée le 23 novembre 2011 par l’inspectrice du travail à l’association relevant l’absence de prise en compte des risques psycho-sociaux et l’inexécution d’obligations légales en dépit des demandes réitérées de l’inspection ;
– de l’appel à un cabinet spécialisé, AD CONSEIL, qui a déposé un rapport le 22 mars 2013 faisant état d’un ‘niveau de stress élevé’, d’une ‘communication ascendante et descendante défaillante’ ainsi que d’une ‘méfiance envers la gouvernance’ ;
– d’un courrier collectif adressé au président de l’ADSEA le 23 octobre 2015 émanant de plusieurs salariés de la structure et relatif à une situation de souffrance et à des conditions de travail difficiles ;
– d’une recrudescence d’arrêts maladies au cours de l’année 2015 ;
– de l’organisation de plusieurs réunions ordinaires ou extraordinaires du CHSCT courant 2015 ;
– d’une nouvelle mission d’analyse au sujet des risques psycho-sociaux confiée au cabinet ALTER EGO courant janvier 2016.
L’ADSEA du Cantal reproche à Madame [Y] d’avoir contribué au mal-être et à la souffrance des salariés ainsi mis en avant, d’une part, par une inaction volontaire de sa part, et, d’autre part, en y contribuant activement elle-même en tant qu’auteur des faits.
S’agissant d’une inaction volontaire de la salariée constitutive d’une faute, il résulte de tout ce qui précède qu’au moment du licenciement de Madame [Y] plusieurs tentatives pour remédier à la situation de souffrance professionnelle constatée ont été mises en place, notamment par l’organisation de réunions du CHSCT et l’appel à deux cabinets spécialisés, extérieurs à la structure, qui ont remis des rapports sur ce sujet. Madame [Y] se prévaut en outre d’avoir initié une démarche d’accompagnement avec une association locale et d’avoir averti l’ARS et la préfecture de ces difficultés.
Dès lors, au vu des démarches entreprises au sein de la structure ADSEA pour remédier aux problématiques liées aux risques psycho-sociaux, le grief tenant à une insuffisance professionnelle volontaire, constitutive d’une faute, dans la gestion du personnel par Madame [Y] n’est pas établi.
En ce qui concerne la mise en danger des salariés par des actes de harcèlement commis directement par Madame [Y], l’employeur s’appuie principalement sur les conclusions du cabinet ALTER EGO ainsi que sur diverses attestations.
Le cabinet de conseil ALTER EGO, consultant extérieur spécialisé en management, est en effet intervenu au sein du siège de l’ADSEA du Cantal courant janvier 2016 pour améliorer le fonctionnement du comité de pilotage du siège. Son rapport a été établi le 23 janvier 2016 et comportait notamment les constatations suivantes:
‘(…) – Carence dans le management de l’équipe par la direction générale.
– Des réunions programmées et déprogrammées, des ordres du jour à faible valeur décisionnelle, parfois des participants qui n’ont pas leur place.
– Peu de relations transversales entre ‘résidents’ et ‘non-résidents’ deux mondes!
– Conflits opérationnels et techniques avec la direction générale sur le besoin ressenti de tout voir, tout contrôler et un discours plus responsabilisant: stress et souffrances générées par la crainte de faire autant que de ne pas faire! (…)
– Un contexte managérial ressenti comme oppressant et désagréable (…).’
Concernant plus particulièrement Madame [Y], le commentaire suivant précisait: ‘alerte sérieuse sur la posture professionnelle et l’équilibre personnel. Piste managériale: reconsidérer l’exercice de la gouvernance dans la fiche de fonction au regard du profil de personnalité professionnelle.’
Les propositions et perspectives énoncées à l’issue du rapport étaient les suivantes:
‘Piste 1: Redéfinir l’organisation de la gouvernance en s’assurant de la conformité des profils de personnalités aux fonctions
Piste 2: Travailler sur la remise en confiance des membres de l’équipe, cohésion d’équipe, en veillant aux préconisations de la fiche vigilance et alerte
Piste 2′: Vérifier que l’équipe de la nouvelle gouvernance dispose de tous les outils et des formations nécessaires à la mise en oeuvre d’un management de projet. (…)’
Suite à la remise de ce rapport, par courrier en date du 28 janvier 2016 adressé à Monsieur [R], président de l’ADSEA du Cantal, le cabinet ALTER EGO précisait enfin les éléments suivants:
‘Monsieur le Président,
Par la présente et à l’issue de ma mission DLA, je souhaite témoigner d’une situation préoccupante au sein des relations entre le personnel du siège et la directrice générale.
Cette mission consistait en une action de conseil en management: améliorer le fonctionnement du siège et mettre en place des outils en vue d’optimiser les relations entre ses membres.
Cependant, au fil des rencontres, j’ai recueilli des témoignages de mal être avec même parfois de grande souffrance, exprimés par un nombre significatif de membres de l’équipe désignant pour origine principale leur directrice générale dans la gestion de ses relations interpersonnelles.
A ce titre, le contenu de certains propos exprimés dépassait à mon sens mon champ d’intervention sur les dysfonctionnements classiques entre les personnes en situation de travail ; même si souvent ils peuvent être complexes et sources de conflits.
En tout état de cause, l’étude des personnalités professionnelles en présence a mis en lumière certains aspects qui posent la question de la légitimité du maintien de la directrice générale dans tout ou partie des missions exprimant des modalités de gouvernance et d’autorité. C’est la conclusion de ma mission: l’amélioration du fonctionnement du siège passe par cette étape.’
Il ressort ainsi tant du contenu du rapport du cabinet ALTER EGO, remis à l’ADSEA du Cantal le 23 janvier 2016, que du courrier ultérieur en date du 28 janvier 2016 que le mal-être et la souffrance ressentis par les salariés de la structure trouvaient pour origine principale la gestion des relations interpersonnelles de la directrice générale, Madame [Y], au sujet de laquelle le cabinet émettait une ‘alerte sérieuse’ s’agissant à la fois de sa posture professionnelle et de son équilibre personnel. Le rapport et le courrier du cabinet indiquent également comme piste première de réforme de la situation la nécessité de ‘redéfinir la gouvernance’, la question de la légitimité du maintien de la directrice générale dans ses missions se posant.
L’employeur verse également aux débats plusieurs attestations de salariés faisant état d’acharnement, de pressions, d’humiliations, de brimades ainsi que d’une certaine agressivité, ces comportements imputés à Madame [Y] étant réitérés. Plusieurs salariés affirmaient en outre avoir fait l’objet d’arrêts de travail et/ou d’un traitement médicamenteux psychotrope liés à cette situation.
Madame [E], directrice adjointe, indique à ce sujet: ‘je considère avoir subi du harcèlement moral de la part de Madame [Y], Directrice générale, de fin 2010 à 2016. Ce qui a entraîné une dégradation de mes conditions de travail. J’ai reçu des remarques désobligeantes, des mails même les week-ends et jours fériés, des appels téléphoniques, et ce de manière répétée. J’ai dû me protéger, rester en permanence à l’affût et sur la défensive. Ces agissements pouvaient survenir à tout moment et par n’importe quel moyen. J’ai vécu une situation de stress permanent au travail.’
Madame [W], salariée au siège, fait état ‘d’objectifs irréalisables… et incitatifs à la faute’, de ‘remarques désobligeantes en réunion, critiques et dévalorisations systématiques et répétitives’ et du fait que ‘malgré l’aide du CHSCT, du médecin du travail et de mon médecin généraliste (prescription d’anti-dépresseurs…), ces conditions stressantes et déstabilisantes ont persisté en portant atteinte à ma dignité et en altérant ma santé physique et mentale.’ Elle précise que la dégradation de ses conditions de travail est directement liée à l’arrivée en poste de Madame [Y].
Madame [K], directrice administrative et financière, témoigne ainsi:
‘[Les réunions que la directrice générale tenait] s’apparentaient à un tribunal où à tour de rôle les cadres de l’association se faisaient prendre à partie avec une manière très humiliante de déformer la réalité et de donner de mauvaises intentions aux gens. Cette façon d’humilier les personnes était très déstabilisante car les autres cadres présents ne pouvaient prendre la défense de la personne attaquée sous peine d’être à leur tour pris à partie. Au bout d’un moment, les réunions devenaient donc de longs monologues de Madame [Y] où chacun attendait que ça se passe en baissant la tête en espérant ne pas être pris à partie. Il m’a été reproché à plusieurs reprises lors de ces réunions de trop prendre de notes ou de sourire à un collègue, ou de faire ‘une tête qui veut dire que t’es pas d’accord’ selon les propres termes de Madame [Y]. (…) [La seule présence de Madame [Y]] dans les locaux du siège mettait une tension palpable, sa façon de claquer les portes, de taper des pieds dans les escaliers ne permettaient pas de travailler sereinement. Nous n’osions plus nous parler sous peine d’avoir des reproches de sa part.’
Monsieur [J], responsable informatique, atteste: ‘suite à ces entretiens tendus et au projet de renouvellement du logiciel métier, l’attitude directe de Madame [Y] a encore évolué à mon égard. Mise en place de jeux psychologiques avec menace de perte de poste, dénigrement du travail systématique, décalage ou annulation des réunions de travail de dernière minute, ordres contradictoires et déstabilisation agressive, humiliante et négative à chaque réunion, jeu de regard à chaque passage devant mon bureau.’ Il précise avoir fait l’objet d’un arrêt maladie pendant une période de 4 mois avec traitement médicamenteux psychotrope.
En réponse à ces éléments, Madame [Y] remet en cause le sérieux du rapport rédigé par le cabinet ALTER EGO et s’étonne de l’envoi d’un courrier postérieur au rapport au président de l’ADSEA. Elle rappelle que plusieurs centaines de salariés de l’association dépendaient d’elle et estime que les quelques attestations produites par l’employeur sont insuffisantes à établir les faits reprochés.
Elle verse par ailleurs trois attestations de subordonnés la décrivant comme une personne juste, bienveillante et à l’écoute. Cependant, ces attestations émanent toutes de personnes extérieures à l’ADSEA qui ont travaillé avec elle antérieurement ou postérieurement à ses fonctions de directrice générale dans l’association.
Surtout, elle produit plusieurs courriels et échanges d’où il ressort l’existence de fortes tensions entre le conseil d’administration et le ‘siège’, représenté par la directrice générale, cette dernière faisant état d’une ingérence et d’un glissement des positions de nature à déstabiliser les salariés, de problèmes de communication et d’un excès de pouvoir récurrent du conseil d’administration.
Enfin, Madame [Y] indique qu’elle a aussi fait l’objet d’un arrêt maladie pour ‘syndrome anxio-dépressif réactionnel, soucis professionnels’ et s’est vu prescrire des psychotropes. Pour autant, les seuls arrêts de travail versés au dossier par la salariée faisant état d’un syndrome anxio-dépressif en lien avec des problèmes professionnels sont postérieurs à sa mise à pied à titre conservatoire en date du 3 février 2016.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les relations et les conditions de travail au sein de l’ADSEA du Cantal ont été marquées à l’évidence par une forte souffrance et un mal-être en lien avec des risques psycho-sociaux qui ont pris une telle ampleur qu’ils ont dégradé les liens et les conditions d’exercice professionnel à plusieurs niveaux, entre les salariés et la gouvernance du siège mais sans doute aussi entre le siège et le conseil d’administration.
Madame [Y], en sa qualité de directrice générale, bénéficiait de fonctions de responsabilité importantes au siège mais devait également subir des conditions de travail détériorées en lien avec le conseil d’administration, ce qui devait certainement la mettre dans une situation intermédiaire inconfortable, ceci dans un contexte général difficile.
Tout en tenant compte de cette situation professionnelle complexe, il convient néanmoins de relever que le rapport et le courrier concordants établis par le cabinet ALTER EGO mettent gravement en cause Madame [Y] aussi bien dans sa posture professionnelle que dans sa gestion des relations interpersonnelles au sein de l’association. En outre, le cabinet ALTER EGO n’est pas isolé dans cette analyse, le rapport établi par le cabinet AD AD CONSEIL le 22 mars 2013 faisant déjà état d’un ‘niveau de stress élevé’, d’une ‘communication ascendante et descendante défaillante’ ainsi que d’une ‘méfiance envers la gouvernance’ et alors que la situation a pu vraisemblablement s’empirer dans l’intervalle.
Ces éléments d’analyse et d’appréciation, issus de cabinet extérieurs, spécialisés dans les domaines du management et des relations professionnelles, sont enfin confirmés par des attestations particulièrement précises et circonstanciées émanant de personnes travaillant de façon rapprochée et quasi quotidienne avec la salariée, comme sa directrice adjointe, la directrice administrative et financière ou le responsable informatique.
Au vu de l’ensemble de ces éléments et des principes de droit sus-visés, l’ADSEA du Cantal établit la preuve des fautes commises par Madame [F] [Y], consistant en des faits de harcèlement moral et de mise en danger des salariés de l’association, ces fautes étant d’une gravité telle qu’elles rendaient impossible le maintien de la salariée dans l’association et la poursuite du contrat de travail, notamment au vu des risques psycho-sociaux potentiels pour les autres salariés de la structure et de l’obligation de sécurité de l’employeur en cette matière. Le licenciement pour faute grave de Madame [F] [Y] est ainsi justifié par ce seul grief, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres moyens surabondamment évoqués par l’association.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a dit que le licenciement intervenu à l’encontre de Madame [F] [Y] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, la cour dit que le licenciement pour faute grave de Madame [F] [Y] était justifié.
Il échet également d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné l’Association Départementale de Sauvegarde de l’Enfant à l’Adulte (ADSEA) du Cantal à payer et porter à Madame [F] [Y] les sommes de 30.658,32 euros à titre d’indemnité de licenciement, de 30.240 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de 3.024 euros à titre d’indemnité de congés payés sur préavis, de 5.697,39 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, de 569,70 euros à titre d’indemnité de congés payés sur rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et, statuant à nouveau, de débouter Madame [F] [Y] de l’intégralité de ses demandes indemnitaires conséquentes à la rupture du contrat de travail.
– Sur la demande à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail –
L’association ADSEA DU CANTAL soutient que Madame [Y] ne rapporte jamais la preuve de ses assertions, à savoir que ladite association aurait exécuté de manière fautive le contrat de travail. Elle fait ainsi valoir que la salariée ne démontre jamais le fait que Monsieur [X], administrateur exerçant les fonctions de trésorier de l’association, se serait immiscé de façon inadmissible dans ses fonctions. L’association ADSEA DU CANTAL conclut que Madame [Y] verra sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail être rejetée.
Madame [Y] réplique que l’association ADSEA DU CANTAL exécutait de façon fautive le contrat de travail. Elle fait ainsi valoir que l’immixtion inadmissible du conseil d’administration dans ses fonctions était à l’origine d’une réelle souffrance au travail. Elle souligne qu’il est indéniable que l’employeur, via Monsieur [X], a porté atteinte à sa santé en s’immisçant dans ses fonctions et en l’empêchant d’exercer pleinement sa mission de directrice générale. Elle affirme qu’il est démontré par les pièces versées aux débats que Monsieur [X] remettait régulièrement en cause son travail et ses affirmations et interférait dans ses missions. Elle ajoute avoir subi des pressions et avoir présenté un syndrome anxio-dépressif réactionnel à des soucis professionnels nécessitant un suivi thérapeutique, et avoir été placée en arrêt maladie en 2015 et 2016.
La salariée souligne en outre que l’employeur, qui connaissait la situation et les difficultés rencontrées, n’a pris aucune mesure pour préserver sa santé et sa sécurité. En effet, elle fait valoir qu’elle a dénoncé à de nombreuses reprises à l’employeur le comportement de Monsieur [X]. Elle affirme verser aux débats différentes pièces qui corroborent ce point.
Au vu de ces éléments, Madame [Y] sollicite en conséquence la condamnation de l’employeur à lui payer des dommages et intérêts pour exécution fautive de son contrat de travail.
La cour ayant déjà retenu que le licenciement pour faute grave de Madame [F] [Y] était justifié, il convient de la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
– Sur les frais irrépétibles et les dépens –
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.
Il y a lieu de condamner Madame [F] [Y] au paiement des dépens en cause d’appel.
En équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
– Infirme le jugement déféré en ce qu’il a dit que le licenciement intervenu à l’encontre de Madame [F] [Y] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, dit que le licenciement pour faute grave de Madame [F] [Y] était justifié ;
– Infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné l’Association Départementale de Sauvegarde de l’Enfant à l’Adulte (ADSEA) du Cantal à payer et porter à Madame [F] [Y] les sommes de 30.658,32 euros à titre d’indemnité de licenciement, de 30.240 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de 3.024 euros à titre d’indemnité de congés payés sur préavis, de 5.697,39 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, de 569,70 euros à titre d’indemnité de congés payés sur rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et, statuant à nouveau, déboute Madame [F] [Y] de l’intégralité de ses demandes indemnitaires conséquentes à la rupture du contrat de travail ;
– Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions;
Y ajoutant,
– Condamne Madame [F] [Y] au paiement des dépens en cause d’appel ;
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN