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VB/KG
MINUTE N° 22/688
NOTIFICATION :
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
– avocats
– délégués syndicaux
– parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
ARRET DU 16 Septembre 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/00838
N° Portalis DBVW-V-B7F-HP73
Décision déférée à la Cour : 04 Janvier 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE
APPELANTE :
Madame [D] [X]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Eric GRUNENBERGER, avocat au barreau de COLMAR
bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/000271 du 08/02/2022
INTIMEE :
S.A.S. SAMSIC II
Prise en la personne de son representant legal,
N° SIRET : 428 68 5 3 58
LA RIGOURDIERE [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Pierre-Jean DECHRISTE, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. EL IDRISSI, Conseiller
M. BARRE, Vice Président placé, faisant fonction de Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Mme [D] [X] a été embauchée par la société Samsic II en qualité d’agent très qualifié de service selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en date du 1er juin 2012 moyennant un salaire brut de 1 592,54 €. Mme [X] était employée en qualité d’agent de propreté sur le site de la centrale nucléaire de [Localité 3].
Par avenant en date du 1er juin 2017, Mme [X] a été affectée au foyer Aléos-les-Cigognes à [Localité 4].
Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Mulhouse d’une lettre réceptionnée par le greffe le 10 décembre 2018 tendant à ce qu’il soit jugé qu’elle est victime de harcèlement moral et qu’il lui soit accordé des dommages et intérêts.
Par jugement en date du 4 janvier 2021, le conseil de prud’hommes a :
– déclaré la demande Mme [X] recevable mais mal fondée,
– dit et jugé que Mme [X] ne présente pas de faits laissant supposer l’existence de faits de harcèlement,
– dit et jugé que Mme [X] n’a pas subi de harcèlement moral du 1er juin 2016 au 1er juin 2017 et que l’avenant a été signé légalement et aucunement en violation de l’article L. 1152-2 du code du travail,
– débouté Mme [X] de l’intégralité de ses demandes,
– rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [X] aux entiers frais et dépens.
Mme [X] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 4 février 2021.
Dans ses conclusions reçues au greffe par voie électronique le 3 mai 2021, elle demande à la cour de :
– juger son appel recevable et bien-fondé,
– infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
– dire et juger qu’elle présente des éléments de fait, précis, datés et circonstanciés laissant supposer l’existence d’un harcèlement,
– dire et juger qu’elle a subi un harcèlement moral incessant du 1er juin 2016 au 1er juin 2017, date de l’avenant lequel ne fait que traduire une mutation intervenue en violation des dispositions de l’article L. 1152-2 du code du travail, et par une répartition de son horaire de travail sur six jours sur sept,
– dire et juger que la Sas Samsic II a manqué à son obligation de sécurité en ne mettant pas en ‘uvre les mesures de prévention du harcèlement, prévues par l’article L. 1152-4 du code du travail,
– condamner la Sas Samsic II à lui payer :
– 45 000 € au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– 5 000 € au titre des dommages et intérêts pour non-respect de l’article
L.1152-4 du code du travail,
– condamner la Sas Samsic II à lui payer 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à hauteur de première instance et 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour, ainsi qu’aux entiers frais et dépens, y compris les frais et honoraires d’huissiers.
Au soutien de son appel, elle expose qu’aucun reproche ne lui avait été adressé entre le 1er juin 2012, date de son embauche, et le 31 mai 2016, et qu’à compter de cette date, son employeur n’a cessé de la persécuter, lui adressant d’innombrables courriers cherchant à la prendre systématiquement en défaut sur la base d’accusations mensongères et infondées.
Elle fait état d’un courrier du 1er juin 2016 de la société Samsic II lui demandant de justifier une absence alors qu’elle était en possession d’un certificat médical et qu’elle avait prévenu son employeur téléphoniquement de son absence puis d’un courrier du 15 juin 2016 lui reprochant l’absence du port de son équipement de protection individuelle à la suite d’une visite de terrain du 31 mai 2016. Elle déclare avoir répondu au grief formulé dans ce courrier.
Elle relève que dans son courrier du 19 juillet 2016, la société Samsic II écrivait souhaiter de sa part une attitude moins défensive et menaçante alors qu’elle n’avait fait que répondre aux griefs infondés qui lui avaient été reprochés.
Elle considère que ce courrier est révélateur du harcèlement mené par l’employeur à son encontre.
Elle ajoute que des heures de son compte personnel de formation lui ont été retirées et qu’il a fallu qu’elle dénonce cette attitude le 10 août 2016 pour que son compte formation soit recrédité.
Elle fait état d’un courrier du 8 octobre 2016 rappelant le respect des horaires de travail, alors qu’elle les avait toujours respectés, et précise que ce courrier nominatif avait pour objet de la culpabiliser à tort pour des faits qui ne lui sont nullement imputables et de la déstabiliser.
Elle indique avoir signé avec d’autres salariées une pétition le 3 novembre 2016, avoir été convoquée à un entretien par son employeur qui a refusé de les recevoir ensemble.
Elle souligne qu’aucun résultat quelconque de la prétendue enquête de l’employeur ne lui a été communiqué et qu’aucun résultat positif et aucune diminution du harcèlement n’ont été constatés.
Au contraire, elle dit avoir subi des représailles en étant affectée à un poste de travail le samedi matin aux lieu et place du vendredi après-midi et avoir saisi son employeur de la situation, la Cftc envoyant un courrier en son nom le 3 mai 2017
Elle déclare qu’en réponse, la société Samsic II, par un courrier du 5 mai 2017, lui a indiqué vouloir la rencontrer suite à l’enquête menée après le signalement du 3 novembre 2016 et que lors de l’entretien qui s’est déroulé avec la responsable du personnel, il lui a été imposé un délai de réflexion de trois jours pour signer un avenant de mutation afin de l’affecter au foyer Les cigognes de [Localité 4] et que dès le lendemain de l’entretien, elle s’est vue refuser l’accès à la centrale nucléaire de [Localité 3] où elle était affectée.
Elle dit en conséquence avoir été sanctionnée d’une mise à pied disciplinaire déguisée du 19 mai jusqu’au 31 mai 2017.
Elle constate que les pressions et le harcèlement moral sont tellement manifestes au sein de la société Samsic II que les membres du Chsct d’Edf [Localité 3] ont exercé un droit d’alerte le 6 décembre 2018 aux termes duquel, d’une part, il est notamment mentionné l’existence de pressions individuelles sur des salariés prestataires de l’entreprise Samsic depuis quelques mois, qu’en raison de la fermeture du Cnpe, le responsable du site de cette entreprise fait subir au personnel féminin un harcèlement moral en vue de les pousser à la démission, ceci permettant l’économie d’indemnités de licenciement, d’autre part, il est demandé que le responsable de ces agissements, M. [B], soit convoqué afin de l’enjoindre de cesser ce comportement et enfin, il y est précisé que ce n’est pas la première fois qu’une alerte concernant cette personne est faite.
Elle conteste la motivation du conseil de prud’hommes, lui reprochant de n’avoir pas pris en considération l’ensemble des pièces qui avaient été produites, notamment le courrier de la Cftc du 3 mai 2017 auquel la société Samsic II n’a pas répondu.
S’agissant de l’obligation de l’employeur de prendre des mesures de prévention, elle conteste que sa convocation suite à la pétition du 3 novembre 2016 puisse être qualifiée de mesure préventive.
Elle relève que pour des faits quasi identiques, le conseil de prud’hommes a reconnu le harcèlement moral subi par Mme [Z] et l’a indemnisée de son préjudice.
La Sas Samsic II s’est constituée intimée devant la cour le 21 avril 2021 et dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 10 février 2022, demande à la cour de :
– déclarer l’appel formé par Mme [X] mal fondé,
– le rejeter
– débouter Mme [X] de l’ensemble do ses demandes, fins et conclusions.
– condamner Mme [X] aux entiers frais et dépens,
– condamner Mme [X] à lui payer la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
A l’appui de ses conclusions elle fait valoir que Mme [X] ne justifie pas de faits laissant présumer une situation de harcèlement, se contentant de procéder par des affirmations sans conforter celles-ci par le moindre élément de preuve objectif.
Elle relève que les échanges de courriers avec Mme [X] portent sur des considérations d’ordre général et ne comportent aucun fait précis ni daté et que les attestations produites portent sur des appréciations relatives aux personnalités de M. [B] et Mme [F] ou les prétendues qualités professionnelles de Mme [X] et n’évoquent aucun fait susceptible de constituer un acte de harcèlement.
Elle souligne également que le droit d’alerte de membres du Chsct de [Localité 3] ne porte sur aucun fait que les membres du Chsct auraient pu constater personnellement mais que ceux-ci ne font que retranscrire des doléances et plaintes dont celles de Mme [X] et s’étonne qu’elle n’ait fait aucune démarche auprès du Chsct de son employeur.
Elle justifie son courrier du 1er juin 2016 par une absence du 13 mai 2016 non justifiée et précise qu’il n’a jamais été question de sanctionner Mme [X] pour ce motif mais d’obtenir la fourniture d’un certificat médical de nature à justifier l’arrêt de travail conformément aux dispositions de la convention collective applicable.
Elle déclare également qu’elle a dû rappeler le port des équipements de protection individuelle à Mme [X] après avoir constaté qu’elle ne les portait pas lors d’une visite de terrain le 31 mai 2016.
S’agissant de l’envoi du 18 octobre 2016 dont Mme [X] fait état, elle déclare que ce document constitue une circulaire adressée à tous les salariés dans le cadre de son pouvoir de direction rappelant l’horaire de fin de travail et ne peut en aucun cas être qualifiée de sanction.
Elle remarque que Mme [X], avec d’autres salariés, lui a adressé un courrier le 3 novembre 2016 faisant état de pressions, de menaces verbales de licenciement ou toute autre sanction et de l’utilisation à leur encontre d’informations d’ordre privé de la part de M. [B] et de Mme [F] alors que dans aucun de ses courriers antérieurs elle ne fait état de ces faits.
Elle fait valoir que dès réception de ce courrier du 3 novembre 2016, M. [G] [H], chef d’établissement, a invité les salariés, dont Mme [X], à un entretien personnel dont l’objet était de vérifier le bien-fondé des faits mentionnés dans le courrier et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires, entretiens qui se sont tenus après l’enquête du Chsct.
Elle conclut qu’il n’existe pas de présomption de pressions constitutive de harcèlement moral à l’égard de Mme [X].
Elle conteste toute passivité suite à la pétition qui lui a été adressée le 3 novembre 2016 par quatre salariés dont Mme [X] et ne pas avoir respecté les dispositions de l’article L. 1152-4 du code du travail, rappelant avoir entendu les salariés.
Elle fait en outre valoir que dans son procès-verbal du 2 mai 2017, le Chsct a conclu que les faits recueillis ne permettaient pas d’établir clairement que des pressions seraient exercées par les responsables hiérarchiques des quatre salariés.
Elle constate que certains salariés, dont les plaignantes, ont fait état au cours de leur entretien de doléances qui sont sans aucun rapport avec les faits de chantage ou menace au licenciement ou toute autre sanction dénoncés dans le courrier du 3 novembre 2016.
Elle relève que le problème était relatif au planning de travail des salariés, certains salariés indiquant que les quatre pétitionnaires utilisaient des considérations pratiques de fonctionnement au sein de l’entreprise comme sujet de harcèlement et qu’elles étaient en train de devenir harceleurs.
Elle expose que Mme [X] a accepté en pleine connaissance de cause l’avenant à son contrat de travail, écrivant le 22 mai 2017 accepter ” en tout bonne foi ” ce changement de poste et que cet avenant ne peut en aucun cas être analysé comme la conséquence d’une sanction.
Elle conteste enfin avoir manqué à son obligation de sécurité, rappelant avoir mené une enquête et déclare produire le Duerp.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il conviendra de se référer à leurs conclusions.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 29 avril 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 13 mai 2022.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 13 mai 2022, à laquelle les parties ont développé leur argumentation.
MOTIFS
– Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer (dans sa version applicable jusqu’au 10 août 2016) ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement (dans sa version applicable à compter du 10 août 2016).
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient à la cour d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.
Dans l’affirmative, il revient à la cour d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [X] fait valoir qu’après avoir refusé d’établir des attestations contre des salariés dans le cadre de procédures prud’homales les opposant à la société Samsic II, elle a fait l’objet de ” persécutions “, son employeur lui reprochant des griefs non justifiés comme une absence, le non-port d’équipement de protection individuelle, le non-respect des horaires de travail, d’avoir une attitude défensive et menaçante, lui imputant indûment des jours de formation sur son compte formation puis de ” représailles “, soit un changement de ses horaires de travail, une mise à pied déguisée et une mutation.
Pour justifier du harcèlement subi elle produit :
– une mise en demeure du 1er juin 2016 suite à une absence, sa réponse du 8 juin 2016 précisant qu’elle avait informé de son absence et un échange de courriers,
– une mise en garde du 15 juin 2016 pour l’absence de port de lunette de sécurité et sa réponse du 21 juin 2016 faisant état de l’absence d’équipement de ce type à sa disposition,
– un courrier du 10 août 2016 adressé à son employeur contestant l’imputation d’heures de formation sur son compte personnel de formation faisant état de pressions pour lui faire signer une autorisation en ce sens,
– un courrier du 18 octobre 2016 lui rappelant les horaires de travail au motif que les horaires n’étaient pas systématiquement respectés,
– un courrier signé par Mme [X] ainsi que Mme [N] [Z], Mme [R] [K] et Mme [O] [L] du 3 novembre 2016 faisant état de pressions constantes exercées par M. [B] et Mme [F],
– un courrier du syndicat Cftc du 3 mai 2017 à la société Samsic II dénonçant le fait que Mme [X] soit l’une des seuls salariés à travailler le samedi matin,
– un courrier du 22 mai 2017 relatif à une proposition d’avenant à son contrat de travail dans lequel elle demande des précisions,
– des documents médicaux dont des arrêts de travail du 29 août 2016 au 4 septembre 2016, du 16 septembre 2016 et du 24 au 25 août 2017 pour dépression,
– une attestation de Mme [Z] selon laquelle Mme [X] a été mutée en réponse à la pétition du 3 novembre 2016 dénonçant le harcèlement de M. [B] et de Mme [F], dans le but de leur faire peur et pour qu’elles se calment,
– une attestation de Mme [L] aux termes de laquelle elle a subi, comme Mme [X] et Mme [Z], des pressions de M. [B] et de Mme [F],
– un droit d’alerte du Chsct de [Localité 3] du 6 décembre 2018.
La cour relève que l’attestation de Mme [L] ne mentionne aucun fait précis et concret relatif à Mme [X] et que le droit d’alerte de membres du Chsct de la centrale de [Localité 3] du 6 décembre 2018, relatif à des pressions depuis plusieurs mois sur des salariés de la société Samsic II, un prestataire, ne se réfère à aucun fait concret, précis et daté alors que Mme [X] ne travaillait plus à la centrale de [Localité 3] depuis le 1er juin 2017 et qu’elle demande qu’il soit jugé qu’elle a subi des faits de harcèlement moral du 1er juin 2016 au 1er juin 2017.
Cependant, il sera jugé que Mme [X] présente par ailleurs des faits sur une période de plusieurs mois, matériellement établis qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer et de supposer l’existence d’un harcèlement.
La société Samsic II répond que les échanges de courriers avec Mme [X] étaient justifiés, que Mme [X] a signé l’avenant modifiant son lieu de travail, qu’elle a immédiatement réagi à la réception du courrier de Mme [X], Mme [Z], Mme [K] et Mme [L] du 3 novembre 2016 en convoquant chaque salariée et en avisant le Chsct qui a ultérieurement mené une enquête.
Il ressort des éléments du dossier qu’à compter du 1er juin 2016, date de la mise en demeure envoyée par la société Samsic II à Mme [X], de nombreux courriers ont été échangés par les parties.
Par courrier en date du 1er juin 2016 la société Samsic II a demandé à Mme [X] le justificatif de son absence non justifiée du 13 mai 2016, sous 48 heures, lui rappelant qu’un tel document aurait dû lui être envoyé dans les trois jours de l’absence conformément à l’article 4.9.1 de la convention collective des entreprises de propreté et services associés. L’envoi de la réponse de Mme [X] du 8 juin 2016 auquel était joint un certificat médical confirme qu’elle n’avait pas respecté ses obligations et qu’elle est dès lors mal fondée à reprocher à son employeur l’envoi de son courrier du 1er juin 2016.
Ainsi, il sera jugé que Mme [X] ne peut reprocher à la société Samsic II l’envoi de ce courrier, la cour relevant que le ton employé par Mme [X] est incisif, contestant par avance toute réduction de salaire qui pourrait être opérée du fait de son absence et toute sanction, rappelant qu’un licenciement doit être justifié de manière réelle et sérieuse et qu’une procédure doit être respectée et ajoutant que les difficultés futures de la société par la perte d’un marché ne pourraient justifier des licenciements.
Si dans son courrier de mise en garde du 15 juin 2016 la société Samsic II informe Mme [X] qu’elle a constaté qu’elle ne portait pas ses équipements de protection individuelle, en l’espèce ses lunettes de sécurité, le 31 mai 2016, la salariée, dans sa réponse du 21 juin 2016, fait état de ce qu’elle a demandé oralement la fourniture d’équipements de protection individuelle à plusieurs reprises, en vain.
La cour constate que la société Samsic II ne justifie pas que Mme [X] était en possession de l’ensemble des équipements de protection individuelle le 31 mai 2016, la fiche individuelle de dotation des équipements établie au nom de Mme [X] produite datant du 3 juin 2016 et ne portant pas mention de dotation avant cette date.
Ainsi, la société Samsic II ne justifie pas avoir doté Mme [X] de lunettes de sécurité avant le 3 juin 2016.
S’agissant des heures de formation, il est justifié que la société Samsic II a réintégré les heures litigieuses sur le compte personnel de formation de Mme [X] le 3 octobre 2016, aucun élément démontrant que la société Samsic II aurait fait pression sur sa salariée pour qu’elle signe un document l’autorisant à soustraire des heures de formation sur son compte personnel.
Si le courrier en date du 18 octobre 2016 rappelant les horaires d’intervention sur le site de [Localité 3] est adressé nominativement à Mme [X], sa forme et son envoi à tous les salariés du site de [Localité 3], et non uniquement et spécifiquement à Mme [X], démontrent que cette lettre doit être qualifiée de circulaire ou de note de service et qu’elle ne constitue pas un rappel dirigé à l’égard de Mme [X] à la suite d’un manquement de sa part.
La cour constate que Mme [X] répond à chaque courrier de son employeur, interprétant chacune des informations qui lui sont transmises.
Dans ces conditions et ce contexte d’échange, la mention apposée en fin de courrier de la société Samsic II en date du 19 juillet 2016 selon laquelle il est souhaité de Mme [X] ” une attitude moins défensive et menaçante ” ne peut être interprétée comme un fait de harcèlement mais comme une réponse aux courriers de Mme [X], la cour constatant que la société Samsic II écrit également dans ce courrier que ” les propos tenus à votre encontre ne doivent pas être sortis d’un contexte pouvant leur donner un côté plus impactant et grave “.
S’agissant du courrier du 3 novembre 2016 signé par Mme [N] [Z], Mme [D] [X], Mme [O] [L] et Mme [R] [K] faisant état de pressions exercées par M. [U] [C] et Mme [M] [F], la société Samsic II a convoqué Mme [X] pour recueillir ses explications dès la réception de ce courrier et a saisi le Chsct qui a entendu l’ensemble du personnel travaillant sur le site de [Localité 3].
Dans le cadre de son entretien avec la mission du Chsct, Mme [X] a déclaré que son travail lui plaisait mais qu’elle avait l’impression qu’il y avait deux clans, que certains salariés bénéficiaient de traitement de faveur en matière d’horaires ou de pauses, que ses demandes de congés ponctuels étaient refusés et qu’elle avait une communication difficile avec sa cheffe.
Si les entretiens menés par le Chsct montrent une situation détériorée au sein de la société Samsic II, le Chsct a conclu que les faits recueillis ne permettaient pas d’établir clairement que des pressions étaient exercées par les responsables hiérarchiques.
Si les signataires du courrier du 3 novembre 2016 font état lors de leurs entretiens individuels de faveurs accordées à certains salariés en matière de pause, de planning ou de prise de congés, Mme [A] [W] animatrice Qse et membre du Chsct relève au cours de son audition par le Chsct le 4 avril 2017 que Mme [K], qui n’a pas obtenu l’avancement qu’elle espérait, s’était alliée avec Mmes [Z], [X] et [L], qu’elles ont utilisé des considérations pratiques de fonctionnement comme sujets de harcèlement et que les ” supposées harcelées ” devenaient progressivement les ” harceleurs “, Mme [V] mentionnant que Mmes [K], [Z], [X] et [L] exerçaient des pressions sur les autres salariés.
Il résulte par ailleurs de l’entretien de M. [T] [P], chef d’équipe, avec les membres du Chsct le 4 avril 2017 que ” le planning tel qu’il est établi tient compte de la connaissance du poste par les personnes concernées. Les changements de planning sont justifiés par nos impératifs de fonctionnement. Les congés sont accordés en fonction de la charge de travail et les demandes du client “. Il fait par ailleurs état d’arrangements notamment pour les congés, ce que confirme M. [S] [E].
Il est constant que sauf atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l’instauration d’une nouvelle répartition du travail relève du pouvoir de direction de l’employeur. A défaut d’une clause contractuelle expresse excluant le travail du samedi, en demandant aux salariés de travailler ce jour ouvrable, l’employeur fait usage de son pouvoir de direction.
En l’espèce, si Mme [X] fait état de ce qu’elle travaillait le samedi, il ressort du courrier de la Cftc du 3 mai 2017 qu’elle était amenée à travailler un samedi par mois de 8 heures à 11 heures au lieu du vendredi de 13 heures à 16 heures et que si son contrat de travail mentionne des horaires du lundi au vendredi de 8 heures à 12 heures et de 13 heures à 16 heures, il y est précisé que ” par accord des parties, et pour tenir compte des impératifs de la société et de ceux liés au secteur d’activité, la répartition des horaires ne constitue pas un élément essentiel de la conclusion du présent contrat “.
La cour constate que la modification des horaires de Mme [X] est justifiée par la société Samsic II par des impératifs de fonctionnement, que le travail un samedi matin par mois est corrélativement compensé par un vendredi après-midi non travaillé et que la salariée ne justifie par aucun élément que son changement d’horaire était incompatible avec sa vie personnelle et familiale ou portait une atteinte excessive à son droit au repos.
Enfin, comme le souligne la société Samsic II, Mme [X] écrit dans son courrier du 22 mai 2017 ” j’ai pris bonne note de votre proposition d’avenant à mon contrat de travail à durée indéterminée, entraînant le changement de mon lieu de travail [‘] Je tiens tout de même à préciser à nouveau qu’en aucun cas, je ne suis responsable de cette situation, et c’est en toute bonne foi que j’accepte ce changement de poste’ “, la cour observant que l’avenant a été signé quelques jours plus tard le 1er juin 2017, soit après un délai de réfelxion, et que Mme [X] n’a pas contesté les termes de l’avenant ultérieurement à sa signature.
Il sera dans ces conditions jugé que le changement de lieu de travail de Mme [X] ne constitue pas une sanction à son encontre.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, il est établi que la mise en garde de la société Samsic II du 15 juin 2016 relative à l’absence de port des équipements de protection individuelle n’était pas fondée, la société Samsic II, renversant la présomption de l’existence d’un harcèlement moral au préjudice de Mme [X] pour les autres faits invoqués par la salariée.
Un fait unique ayant été retenu, il y a lieu de juger que Mme [X] n’a pas subi de faits de harcèlement moral et de rejeter sa demande de paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera en conséquence confirmé sur ce point.
– Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [X] pour non-respect des dispositions de l’article L. 1152-4 du code du travail :
Selon l’article L. 1152-4 du code du travail, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
En l’espèce, Mme [X] ne fait état d’aucun élément autre que l’existence d’une situation de harcèlement moral pour qualifier le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
En l’absence de harcèlement moral, il n’est pas démontré que l’employeur n’a pas respecté son obligation de protéger la santé et la sécurité de Mme [X], la cour relevant au surplus qu’à réception du courrier collectif signé par différentes salariées dont Mme [X] du 3 novembre 2016, la société Samsic II a pris la décision de les entendre pour recueillir leurs explications sur les agissements dénoncés puis a saisi le Chsct qui a établi un compte rendu le 4 avril 2017.
Le jugement sera confirmé en ce que la demande de dommages et intérêts formés par Mme [X] sur le fondement de l’article L. 1152-4 du code du travail a été rejetée.
– Sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
Mme [X], qui succombe, a été condamnée à bon droit aux dépens de première instance et sera condamnée aux dépens d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile, et sa demande de frais irrépétibles sera rejetée, nonobstant les situations économiques respectives des parties.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Samsic II, à laquelle Mme [X] sera condamnée à payer une somme de 600 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Mulhouse du 4 janvier 2021 en ce qu’il a été dit que Mme [D] [X] n’a pas subi de harcèlement moral du 1er juin 2016 au 1er juin 2017, en ce que Mme [D] [X] a été déboutée de l’intégralité de ses demandes, en ce que les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées et en ce que Mme [D] [X] a été condamnée aux entiers frais et dépens,
Y ajoutant,
Condamne Mme [D] [X] aux dépens d’appel,
Condamne Mme [D] [X] à payer à la Sas Samsic II la somme de 600 € (six cents euros) en l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute Mme [D] [X] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile .
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 16 septembre 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame [O] Thomas, Greffier.
Le Greffier, Le Président,