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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/12175 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBDJC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/01388
APPELANT
Monsieur [Z] [C]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Anne BARRES DANIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2127
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/052679 du 03/12/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMES
Maître [E] [O] ès-qualités d’administrateur judiciaire de la SARL ISOPRO SECURITE PRIVEE IDF
[Adresse 3]
[Localité 4]
Non comparant, non représenté
La SCP BTSG prise en la personne de Maitre [K] [J] ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARl ISOPRO SECURITE PRIVEE IDF
[Adresse 1]
[Localité 7]
Non comparant, non représenté
SAS L’ANNEAU
[Adresse 10]
[Localité 9]
Non comparant, non représenté
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine VALANTIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– rendu par défaut
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [Z] [C] a été embauché par contrat à durée indéterminée du 15 janvier 2014 par la SARL Isopro Sécurité Idf, avec reprise d’ancienneté au 2 février 1998, en qualité d’agent de sécurité confirmé niveau 3 (indice 2) coefficient 140.
La société Isopro Sécurité Idf a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 18 janvier 2015, Me [O] étant nommé administrateur judiciaire, puis en liquidation judiciaire par jugement en date du 16 octobre 2018, Me [J] étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Suite à la perte, par la société Isopro Sécurité Idf, du marché du site de la BNF sur lequel M. [C] était affecté, son contrat de travail a été transféré à la SAS L’Anneau le 15 avril 2018, un avenant ayant été régularisé à cet effet le 15 février 2018 .
Le 29 mai 2018, M. [C] a été désigné en qualité de représentant syndical de la Fédération des Métiers de la Prévention et de la Sécurité de l’UNSA.
Contestant son avancement professionnel au sein de l’entreprise et réclamant à cet égard des rappels de salaire, outre une indemnité au titre du manquement à l’obligation de formation et d’adaptation ainsi que des dommages et intérêts pour discrimination syndicale, M. [C] a, par requête du 26 février 2018, saisi le conseil des prud’hommes de Paris, lequel par jugement du 20 mai 2019, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a :
– donné acte à M. [Z] [C] de sa décision de renoncer à toutes ses demandes à l’encontre de la société Isopro Sécurité Privée Idf, de son mandataire liquidateur et de l’AGS CGEA IDF OUEST ;
– mis hors de cause Maître [O], administrateur judiciaire ;
– débouté M. [Z] [C] de la totalité de ses demandes dirigées à l’encontre de la SAS L’Anneau ;
– laissé les dépens à la charge de M. [Z] [C].
Après une demande d’aide juridictionnelle effectuée le 17 octobre 2019 et accordée le 3 décembre 2019, M. [C] a, par déclaration du 11 décembre 2019, interjeté appel du jugement rendu par le conseil des prud’hommes, notifiée par lettre recommandée du 19 septembre 2019.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 mars 2020, M. [C] demande à la cour de :
CONSTATER le désistement d’instance de M. [C] à l’égard de la société Isopro Sécurité Idf prise en la personne de ses mandataires judiciaires et de l’AGS CGEA IDF OUEST.
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [C] de ses demandes ;
Statuant à nouveau,
ORDONNER à la société L’Anneau la délivrance d’un registre du personnel mentionnant l’ancienneté et la classification des salariés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.
FIXER le salaire de M. [C] à 1.693,60 euros par mois ;
CONDAMNER la société l’Anneau à verser à M. [C] les sommes suivantes :
– 8 796,60 euros à titre de rappel de salaires pour défaut d’avancement
– 879 euros au titre des congés payés y afférant
– 5 000 euros d’indemnités pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation de l’employeur
– 5 000 euros d’indemnités pour discrimination syndicale
– 2 000 euros au titre de l’article 700 du CPC outre les entiers dépens.
ORDONNER l’abondement du compte personnel formation de 100 heures de formation au titre du manquement aux entretiens périodiques
La déclaration d’appel ainsi que les conclusions de l’appelant ont été signifiées à la société L’Anneau et à Me [J], liquidateur de la société Isopro Sécurité Idf, qui n’ont pas constitué avocat.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 juillet 2020, l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST demande à la cour de :
A TITRE LIMINAIRE :
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile,
CONSTATER que l’appelant a renoncé à toutes demandes à l’encontre de l’AGS,METTRE l’AGS hors de cause,
EN TOUT ETAT DE CAUSE
DEBOUTER [Z] [C] de ses demandes ;
A défaut,
JUGER que s’il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans la limite de la garantie légale ;
JUGER que la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D3253-5 du code du travail ;
JUGER qu’en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l’article L3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en ‘uvre la responsabilité de droit commun de l’employeur ou article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie ;
STATUER ce que de droit quant aux frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’UNEDIC AGS ;
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 novembre 2021 et l’affaire a été fixée à l’audience du 6 octobre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
– sur la mise hors de cause de la société Isopro Sécurité Privée Idf, de ses mandataires et de l’AGS:
M. [C] s’étant désisté de toutes ses demandes à l’encontre de la société Isospro Sécurité Privée Idf, de ses mandataires, Me [O] et Me [J], et de l’AGS, il y a lieu d’ordonner leur mise hors de cause.
– sur les demandes formulées à l’égard de la société L’Anneau:
Si, lorsque le changement d’employeur résulte de l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail, le nouvel employeur est tenu par les obligations qui pesaient sur le précédent et si, à ce titre, le salarié repris peut exiger de lui la réparation d’un préjudice causé par l’employeur cédant en raison d’un manquement à ses obligations antérieures au transfert du contrat, cette obligation de prise en charge du passif antérieur ne concerne toutefois pas les transferts conventionnels qui sont régis par des accords collectifs et qui ne relèvent pas de l’article L 1224-1, à moins que cette conséquence ne soit conventionnellement ou contractuellement prévue.
Or la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité liant les parties prévoit au contraire que tout litige portant sur la période précédant le transfert est de la responsabilité de l’entreprise sortante, aucune disposition contractuelle liant les parties n’ayant par ailleurs prévue la reprise par la société L’Anneau des manquements de la société Isopro Sécurité privée IDF.
La société L’Anneau ne peut en conséquence être tenue qu’aux manquements survenus postérieurement au 15 avril 2018, date du transfert effectif de son contrat de travail.
– sur les manquements à l’obligation de formation :
L’article L6321-1 du code du travail dispose:
‘L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.
Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l’article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences.’
L’article L 6315-1 du code du travail dispose par ailleurs :
‘I. A l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.
Cet entretien professionnel, qui donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, est proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité, d’un congé parental d’éducation, d’un congé de proche aidant, d’un congé d’adoption, d’un congé sabbatique, d’une période de mobilité volontaire sécurisée mentionnée à l’article L. 1222-12, d’une période d’activité à temps partiel au sens de l’article L. 1225-47 du présent code, d’un arrêt longue maladie prévu à l’article L. 324-1 du code de la sécurité sociale ou à l’issue d’un mandat syndical. Cet entretien peut avoir lieu, à l’initiative du salarié, à une date antérieure à la reprise de poste.
II. Tous les six ans, l’entretien professionnel mentionné au I du présent article fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cette durée s’apprécie par référence à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.
Cet état des lieux, qui donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus au I et d’apprécier s’il a :
1° Suivi au moins une action de formation ;
2° Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;
3° Bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.
Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque, au cours de ces six années, le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une formation autre que celle mentionnée à l’article L. 6321-2, son compte personnel est abondé dans les conditions définies à l’article L. 6323-13.
Pour l’application du présent article, l’effectif salarié et le franchissement du seuil de cinquante salariés sont déterminés selon les modalités prévues à l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale.
III. Un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche peut définir un cadre, des objectifs et des critères collectifs d’abondement par l’employeur du compte personnel de formation des salariés. Il peut également prévoir d’autres modalités d’appréciation du parcours professionnel du salarié que celles mentionnés aux 1° à 3° du II du présent article ainsi qu’une périodicité des entretiens professionnels différente de celle définie au I.’
En l’espèce, la société l’Anneau ne justifie aucunement avoir fait bénéficier à son salarié depuis le 15 avril 2018, d’un entretien professionnel consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi ni de la moindre formation, ce qui a causé à ce dernier, qui se plaint depuis plusieurs années de ne pas avoir pu bénéficier d’une quelconque évolution de carrière, un préjudice dont il est en droit de demander réparation.
Par infirmation du jugement entrepris, la société l’Anneau sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts.
M. [C] ayant été embauché par la société L’Anneau depuis moins de 6 ans , il ne peut toutefois prétendre à l’abondement de son compte personnel tel que prévu aux articles précités.
Il sera, en conséquence, débouté de la demande faite à ce titre.
– sur la discrimination syndicale:
Aux termes de l’article L 1132-1 du code du travail aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
L’article L 1134-1 précise que lorsque survient un litige sur ce point, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge devant former sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce, M. [C] invoque au soutien de ses demandes, n’avoir bénéficié, depuis la reprise de son contrat de travail par la société L’Anneau, et malgré la présente procédure, et alors qu’il a été désigné représentant syndical le 29 mai 2018, d’aucun entretien d’évaluation professionnelle, d’aucune formation et d’aucune évolution de carrière.
Ces éléments matériels pris dans leur ensemble laissent présumer l’existence d’une discrimination syndicale.
La société L’Anneau, qui n’a pas constitué avocat dans le cadre de la procédure, ne démontre pas que le salarié aurait bénéficié d’entretiens d’évaluation, de formations ou d’une évolution de carrière, ne justifie d’aucun élément objectif démontrant que ces manquements à l’égard du salarié seraient étrangers à toutes discrimination.
Il est ainsi établi que M. [C] a été victime de discrimination en raison de son activité syndicale.
Par infirmation de la décision entreprise, la société L’Anneau sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts.
M. [C] qui ne justifie néanmoins pas du moindre commencement de preuve de nature à établir qu’il aurait dû relever du coefficient 160 et que certains salariés situés dans une situation comparable à la sienne auraient bénéficié d’une évolution plus favorable, sera débouté de sa demande de production forcée du registre du personnel mentionnant l’ancienneté et la classification des salariés et de sa demande de rappel de salaire, et ce d’autant plus que ses plaintes relatives à son manque d’évolution sont antérieures de plusieurs années à la reprise de son contrat de travail par la société L’Anneau et à sa désignation en qualité de représentant syndical.
– sur l’article 700 du code de procédure civile:
Pour faire valoir ses droits en cause d’appel M. [C] a dû exposer des frais qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.
La société l’Anneau sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
PAR CES MOTIFS:
CONSTATE le désistement de M. [Z] [C] à l’égard de la SARL Isopro Sécurité Privée IDF, Me [O] en sa qualité d’administrateur et Me [J] en sa qualité de mandataire liquidateur, et de l’AGS CGEA IDF OUEST.
ORDONNE leur mise hors de cause.
INFIRME le jugement en ce qu’il a débouté M. [Z] [C] de ses demandes de dommages intérets pour manquements à l’obligation de formation et d’adaptation et pour discrimination,
Statuant des chefs infirmés à nouveau,
CONDAMNE la SAS L’Anneau à payer à M. [Z] [C] les sommes de:
– 2.500 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation;
– 2.500 euros de dommages et intérêts pour discrimination syndicale;
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus.
CONDAMNE la SAS L’Anneau à payer à M. [Z] [C] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la SAS L’Anneau aux entiers dépens.
La greffière, La présidente.