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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 15 JUIN 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/00857 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OAG4
ARRET N°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 DECEMBRE 2018
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F 17/01283
APPELANTE :
Madame [U] [S]
née le 15 Mars 1989 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
SARL GMH
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Karen MENAHEM PAROLA, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER
Représenté par Me Benjamin ECHALIER, avocat au barreau de TOULOUSE
Ordonnance de clôture du 21 Mars 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 AVRIL 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.
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EXPOSE DU LITIGE
Madame [U] [S] a été engagée à compter du 2 mai 2015 en qualité de commis de cuisine par la société GMH selon contrat de travail à durée indéterminée moyennant une rémunération mensuelle brute de 1641,06 € pour une durée mensuelle de travail de 169 heures.
Le 4 août 2016 la salariée était convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire en raison d’un retard à la prise de poste le dimanche 24 juillet 2016.
Le 16 août 2016 l’employeur notifiait à la salariée un avertissement pour ce motif.
Le 4 novembre 2016 l’employeur adressait à la salariée une lettre recommandée avec demande d’avis de réception lui demandant de justifier de son absence depuis le 2 novembre 2016.
Le 14 novembre 2016 l’employeur lui adressait une deuxième mise en demeure aux mêmes fins.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 29 novembre 2016 l’employeur mettait en demeure la salariée de justifier des raisons de son absence pour la période du 2 au 24 novembre 2016 dès lors qu’elle lui avait seulement adressé un certificat médical d’arrêt travail pour la période du 24 novembre 2016 au 30 novembre 2016 inclus.
Le 2 décembre 2016 l’employeur mettait en demeure la salariée de justifier de son absence dès lors qu’elle aurait dû reprendre son poste le 1er décembre 2016.
Le 14 février 2017 l’employeur mettait en demeure la salariée de justifier de son absence à compter du 13 février 2017 mais également pour la période du 2 au 24 novembre 2016 à propos de laquelle il ne disposait d’aucun élément.
Le 12 juin 2017, Madame [U] [S] dénonçait au directeur général de l’établissement un harcèlement subi de la part de Monsieur [K] [C], son chef de cuisine.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 juin 2017 le directeur général de l’établissement indiquait à la salariée qu’il était très surpris du contenu de ce courrier dès lors qu’il l’avait rencontrée au cours de la 1re semaine du mois de juin ou sans qu’elle ne lui fasse état d’un quelconque comportement répréhensible d’un de ses collègues de travail. Il lui indiquait toutefois avoir pris bonne note de ses dires et qu’il ne manquerait pas de convoquer Monsieur [C] afin de recueillir ses explications.
Le 17 novembre 2017, Madame [U] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et de condamnation de ce dernier à lui payer avec exécution provisoire les sommes suivantes :
’16 410,60 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul,
‘3282,12 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 328,21 euros au titre des congés payés afférents,
‘1641,06 euros à titre d’indemnité compensatrice pour préjudice lié à la perte de chance d’utiliser son compte personnel de formation,
‘1500 euros au titre des dispositions de l’article sept cents du code de procédure civile.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 13 février 2018 l’employeur convoquait Monsieur [K] [C] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire.
Le 8 mars 2018 la SARL GMH notifiait à Monsieur [K] [C] un avertissement en indiquant que Madame [S] avait assigné la société devant le conseil de prud’hommes pour harcèlement moral subi de son fait, que même si les faits ne s’étaient pas déroulés tels que présentés par la salariée à son avocat, il avait pour sa part admis au cours de l’entretien préalable avoir envoyé des SMS durant les jours de repos de Madame [S]. Elle lui rappelait par ailleurs qu’il était indispensable qu’en sa qualité de chef de service ils crée une ambiance conviviale au sein de son équipe de cuisine, et ce également avec des collaborateurs qui s’avèrent être moins engagés ou moins fiables que les autres membres du personnel. Elle l’invitait en définitive à faire le nécessaire pour un redressement rapide et durable sous peine de sanction plus grave.
Par jugement du 19 décembre 2018, le conseil de prud’hommes de Montpellier déboutait la salariée de l’ensemble de ses demandes.
Celle-ci a relevé appel de la décision du conseil de prud’hommes le 5 février 2019.
Le 13 mai 2019 le médecin du travail déclarait la salariée inapte à son poste en précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Madame [S] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 23 mai 2019.
Aux termes de ses dernières écritures régulièrement notifiées par RPVA le 9 avril 2019, Madame [S] conclut à l’infirmation du jugement entrepris, à la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul ainsi qu’à la condamnation de la société GMH à lui payer les sommes suivantes :
’15 000 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,
’16 000 € à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement,
‘1641,06 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 164,10 euros au titre des congés payés afférents,
‘564,09 € à titre d’indemnité licenciement,
‘1500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle sollicite également la condamnation l’employeur à lui remettre sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, les documents sociaux de fin de contrat rectifiés.
Dans ses dernières écritures régulièrement notifiées par RPVA le 14 avril 2021, la société GMH conclut à la confirmation du jugement entrepris ainsi qu’à la condamnation de Madame [S] à lui payer une somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture était rendue le 21 mars 2022.
SUR QUOI
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, madame [S] prétend qu’elle subissait régulièrement des réflexions et des humiliations de la part de son chef de cuisine se traduisant notamment par des insultes, des appels pendant les jours de repos pour subir des réprimandes, l’interdiction de parler avec les autres salariés, l’annulation de congés ou l’obligation de porter un calot contrairement aux autres salariés. Elle ajoute que l’employeur lui adressait un rappel à l’ordre écrit pour seulement quatre minutes de retard le 24 juillet 2016 et que cette sanction lui était notifiée sur les seules indications de Monsieur [L], que pendant son arrêt maladie elle recevait également quatre mises en demeure de justifier de son absence alors même que depuis le 15 septembre 2016 elle bénéficiait d’arrêts de travail ininterrompus, et ce alors qu’elle transmettait toujours ses arrêts de travail et qu’elle n’a reçu aucune sanction pour absence injustifiée
Pour étayer ses affirmations, madame [S] produit notamment
– une attestation de madame [R] [N], cuisinière au sein de l’établissement, indiquant qu’à l’occasion d’une réunion du service elle avait assisté à un procès de madame [S] par le chef de cuisine, l’humiliant jusqu’aux larmes, et confirmant l’interdiction qui lui était faite par le chef de cuisine de communiquer avec les autres salariés, ainsi qu’une attestation de Monsieur [A] [I], sommelier, confirmant également l’interdiction qui lui était faite par le chef de cuisine de communiquer avec les autres salariés et indiquant qu’elle était la seule à se faire réprimander pour non port du calot en des termes outranciers tels que « tu n’es qu’une commis de merde ».
– un courrier du 12 juin 2017 aux termes duquel Madame [U] [S] dénonçait au directeur général de l’établissement un harcèlement subi de la part de Monsieur [K] [C], son chef de cuisine.
– une attestation de paiement des indemnités journalières pour la période du 19 septembre 2016 au 24 juillet 2017.
– un courrier adressé à la salariée par la société GMH le 22 juin 2017, se référant à son courrier du 20 juin 2017 faisant état de sa surprise relativement aux faits dénoncés et indiquant que Monsieur [C] serait convoqué afin que ses explications soient recueillies.
– un avertissement du 16 août 2016 aux termes duquel l’employeur reproche à Madame [S] un retard à la prise de poste le dimanche 24 juillet 2016.
– Les mises en demeure de justifier des motifs de son absence adressées à la salariée par la société GMH les 4 novembre 2016, 14 novembre 2016, 29 novembre 2016, 2 décembre 2016 et 14 février 2017.
Madame [S] établit par les attestations précises, circonstanciées et concordantes de deux salariés du même service avoir été mise à l’écart de la collectivité des salariés. Elle justifie également des propos insultants tenus à son encontre. Elle établit par ailleurs avoir été sanctionnée d’un rappel à l’ordre écrit pour un retard dont elle indique qu’il n’a pas dépassé quatre minutes et rapporte également la preuve d’une succession de mises en demeure de justifier des raisons de son absence dont elle était destinataire à une période au cours de laquelle elle démontre avoir fait l’objet d’un arrêt de travail ininterrompu. Elle établit ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.
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En défense, la société GMH conteste que d’autres salariés que ceux intervenant en cuisine aient pu être témoins directs des faits dénoncés. Elle fait valoir que nombre des attestations produites par madame [S] sont imprécises, que le port du calot s’inscrit dans le respect des règles d’hygiène applicables et du pouvoir de direction, et qu’en réalité la salariée semble avoir pris ombrage de la nécessité d’une distance hiérarchique entre elle-même, le chef, et le second de cuisine. Elle ajoute que si le chef de cuisine adressait un SMS à madame [S] pour lui faire part de son mécontentement alors qu’elle avait été vue sur les réseaux sociaux comme étant en boîte de nuit alors qu’elle était censée souffrir d’une cheville, elle ne pouvait se prévaloir d’un harcèlement moral tandis que les témoignages qu’elle verse aux débats font état d’un climat de travail exigeant mais sain et qu’elle n’a jamais informé la direction des difficultés relationnelles qu’elle avait eues avec le chef de cuisine. La société GMH expose que la salariée n’a jamais cru devoir contester le rappel à l’ordre de 2016 avant juin 2017, que s’agissant de son propre courrier de juin 2017, madame [S] ne l’a produit qu’à sa demande en cours de délibéré du jugement du conseil de prud’hommes alors qu’il s’agit d’un document élaboré pour les besoins de la cause qui n’a rien d’authentique. Pour autant, à réception de la saisine du conseil de prud’hommes la société a décidé d’entendre Monsieur [L] sur les faits dénoncés et l’a sanctionné d’un avertissement, si bien que le seul envoi d’un SMS hors du temps de travail ne pouvait constituer un harcèlement moral. Elle indique enfin que la salariée ne produit pas d’élément médical susceptible d’établir un lien entre ses arrêts maladie et le contexte professionnel.
A l’appui de ses moyens, la société GMH produit :
– une attestation de monsieur [X], employé en qualité de salarié plongeur saisonnier de juin 2016 septembre 2016, lequel atteste n’avoir été témoin d’aucun des agissements dénoncés et fait état d’une bonne communication entre le chef et Madame [S].
– une attestation de Monsieur [F], second de cuisine, lequel atteste de la bonne ambiance facilitée par le chef de cuisine et n’avoir été témoin d’aucune situation de harcèlement sur la personne de Madame [S].
– une attestation de Monsieur [O], apprenti, lequel atteste de l’esprit d’équipe au sein de la cuisine et de l’initiative prise par le chef pour redresser la barre et organiser une réunion afin de fixer à chacun des objectifs quand la situation s’est un peu détériorée.
– une attestation de monsieur [L] établie le 24 avril 2018 aux termes de laquelle celui-ci indique notamment qu’il n’avait jamais obligé aucun cuisinier à mettre un calot, que les dates de congés de la salariée n’avaient jamais été confirmées, que les salariés étaient dégoûtés de voir la photo de Madame [S] sur son compte facebook en boîte de nuit alors qu’elle était censée être plâtrée et en arrêt maladie, qu’elle ne savait pas rester à sa place mais que tout le monde était logé à la même enseigne.
– la convocation de monsieur [L] le 13 février 2018 à un entretien préalable prévu le 16 février 2018 au motif qu’il avait été signalé à la société des faits de « harcèlement moral sur un commis de cuisine-Mademoiselle [U] [S] avec convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Montpellier »
– L’avertissement qu’elle notifiait à Monsieur [K] [C] le 8 mars 2018 en rappelant que Madame [S] avait assigné la société devant le conseil de prud’hommes pour harcèlement moral subi de son fait, que même si les faits ne s’étaient pas déroulés tels que présentés par la salariée à son avocat, il avait pour sa part admis au cours de l’entretien préalable avoir envoyé des SMS durant les jours de repos de Madame [S]. Elle lui rappelait par ailleurs qu’il était indispensable qu’en sa qualité de chef de service il crée une ambiance conviviale au sein de son équipe de cuisine, et ce également avec des collaborateurs qui s’avèrent être moins engagés ou moins fiables que les autres membres du personnel. Elle l’invitait en définitive à faire le nécessaire pour un redressement rapide et durable sous peine de sanction plus grave.
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Si le port du calot relevait de prescriptions d’hygiène du travail que l’employeur était en droit d’imposer à la salariée, il ressort cependant de la propre attestation de Monsieur [L] que cette obligation n’était imposée à aucun salarié, et que, tandis que la salariée à justifié avoir fait l’objet de reproches en des termes outranciers à cet égard, aucun élément permettant d’établir qu’elle n’ait pas été la seule à subir ce traitement n’est produit par l’employeur.
L’employeur ne rapporte pas davantage la preuve de la réalité du retard qu’il imputait à la salariée aux termes d’un avertissement que celle-ci estime injustifié alors qu’il adressait à deux reprises à madame [S] des mises en demeure de justifier de son absence avant même le terme du délai de 48 heures au cours d’un arrêt de travail ininterrompu depuis plusieurs mois.
La sociétéGMH concède en outre que la salariée a été destinataire de SMS pendant son arrêt maladie, Monsieur [C] ajoutant lui-même pour justifier de ses agissements à cet égard que les salariés étaient dégoûtés de voir la photo de Madame [S] sur son compte facebook en boîte de nuit alors qu’elle était censée être plâtrée et en arrêt maladie. Or l’employeur qui n’a fait procéder à aucune visite médicale de contrôle ne justifie ni de l’abus allégué ni même de la réalité de la publication sur le compte Facebook dont aucun extrait n’est versé aux débats.
Il ressort par ailleurs des pièces produites que l’entreprise comptait de 20 à 49 salariés, que le 12 juin 2017 la salariée dénonçait à l’employeur un harcèlement moral subi de la part de Monsieur [K] [C], son chef de cuisine. La société GMH, qui conteste l’authenticité de ce courrier au motif qu’il aurait été tardivement produit aux débats devant le premier juge et ne constituerait qu’un document élaboré pour les besoins de la cause, justifie cependant avoir très précisément répondu à la salariée le 22 juin 2017 en faisant référence au courrier que lui avait adressée Madame [S] le 12 juin 2017 afin de dénoncer le harcèlement moral subi. Aux termes du courrier qu’elle adressait à la salariée 22 juin 2017, la société GMH indique en effet qu’elle ne manquerait pas de convoquer Monsieur [C] afin de recueillir ses explications. Elle ne justifie toutefois d’aucune saisine des délégués du personnel sur le fondement de l’article L 2313-16 alinéa 2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, ni d’aucune des mesures de prévention prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail, ni même d’une convocation de monsieur [L] à bref délai après la réponse faite à la salariée dans la mesure où comme l’explique la société, elle a attendu d’être elle-même assignée devant le conseil de prud’hommes pour y procéder huit mois après réception de la lettre de madame [S].
Parallèlement, et alors que la société GMH sanctionnait monsieur [C] d’un avertissement le 8 mars 2018 pour n’avoir pas su créer une ambiance conviviale en sa qualité de chef de service et pour avoir adressé à la salariée des SMS durant ses jours de repos, la société GMH qui prétend que l’ensemble des faits dénoncés par la salariée ne serait cependant pas établi ne produit pas d’élément susceptible de fonder cette analyse et d’infirmer les attestations précises et circonstanciées de madame [S] sur les injures proférées à son encontre, sur la différence de traitement subie par rapport à d’autres salariés quant à l’application de règles d’hygiène, d’octroi de congés, ou sur les conditions dans lesquelles s’est tenue une réunion de recadrage du service alors que dans le même temps elle invitait monsieur [C] à créer une ambiance conviviale au sein de son équipe de cuisine, et ce également avec des collaborateurs qui s’avèrent être moins engagés ou moins fiables que les autres membres du personnel ainsi qu’à faire le nécessaire pour un redressement rapide et durable sous peine de sanction plus grave.
Or la relation de travail s’est poursuivie jusqu’à la déclaration d’inaptitude intervenue le 13 mai 2019 sans que l’employeur qui, informé dès le 12 juin 2017 de la situation de harcèlement moral dénoncée, ait entrepris des investigations sur les faits dénoncés jusqu’à sa convocation devant le conseil de prud’hommes alors qu’il avait pris conscience du comportement inadéquat de son chef de cuisine à l’égard de la salariée, puisque sans justifier de la moindre audition ou investigation antérieure, il convoquait directement monsieur [L] le 13 février 2018, à un entretien préalable à une sanction, et qu’après avoir sanctionné celui-ci d’un avertissement, il ne justifie d’aucune mesure de médiation ou de modification des caractéristiques du poste permettant d’éviter que le harcèlement ne perdure, ce dont il résulte que le mode de management retenu est par lui-même constitutif d’un harcèlement moral qui n’avait pas cessé à la date de rupture du contrat de travail.
A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société GMH échoue à démontrer que les faits matériellement établis par la salariée sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En effet, les agissements dénoncés par Madame [S] et qui ont été établis étaient susceptibles d’altérer sa santé, si bien que le harcèlement moral est établi.
C’est pourquoi, tandis que ce harcèlement n’avait pas cessé à la date de la rupture du contrat de travail, les agissements dénoncés et établis étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail à la date à laquelle le licenciement est intervenu.
Il convient par conséquent d’infirmer le jugement entrepris et de faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul au 23 mai 2019 ainsi qu’à la demande de dommages-intérêts réparant le préjudice subi en raison d’un harcèlement moral.
À la date de la rupture du contrat de travail la salariée avait une ancienneté de quatre ans dans une entreprise employant au moins 11 salariés. Elle bénéficiait d’un salaire mensuel brut de 1641,06 euros non discuté. Elle ne produit pas d’élément sur sa situation actuelle.
Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande d’indemnité pour licenciement nul à concurrence d’un montant de 9846,36 euros, ainsi que dans la limite des prétentions des parties à la demande d’indemnité compensatrice de préavis pour un montant de 1641,06 euros, outre 164,10 euros au titre des congés payés afférents et à la demande d’indemnité de licenciement pour un montant de 564,09 euros.
Il convient par ailleurs de faire droit à la demande de dommages-intérêts en raison du préjudice subi du fait d’un harcèlement moral, et compte tenu de sa durée, d’allouer à la salariée à ce titre, une somme de 2000 euros.
La remise des documents sociaux de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt étant de droit, il convient de l’ordonner, sans pour autant qu’il y ait lieu au prononcé d’une astreinte.
Compte tenu de la solution apportée au litige, la société GMH supportera la charge des dépens ainsi que de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer à la salariée qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montpellier le 19 décembre 2018 ;
Et statuant à nouveau,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul au 23 mai 2019 ;
Condamne la société GMH à payer à Madame [U] [S] les sommes suivantes :
‘9846,36 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,
‘1641,06 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 164,10 euros au titre des congés payés afférents,
‘564,09 euros à titre d’indemnité de licenciement,
‘2000 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,
Ordonne la remise à Madame [U] [S] par la société GMH des documents sociaux de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt ;
Condamne la société GMH à payer à Madame [U] [S] une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la société GMH aux dépens ;
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,