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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/01543 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HXQN
CRL/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CPH D’ORANGE
26 mars 2020
RG :19/00016
[D]
C/
S.A.S. ETS J. MEFFRE
Grosse délivrée
le 14/02/2023
à
M. [X]
Me [A]
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CPH D’ORANGE en date du 26 Mars 2020, N°19/00016
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 15 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 Janvier 2023 et prorogé ce jour ;
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur [P] [D]
né le 10 Octobre 1984 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par M. Daniel GENDRE (Délégué syndical ouvrier)
INTIMÉE :
S.A.S. ETS J. MEFFRE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Nicolas OOSTERLYNCK de la SCP PENARD-OOSTERLYNCK, avocat au barreau D’AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Novembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [P] [D] a été engagé par la SAS Ets J. Meffre initialement du 25 juin 2007 au 31 octobre 2007 suivant contrat de travail à durée déterminée saisonnier, puis à compter du 22 août 2008 suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de déballeur trieur manutentionnaire de melons.
M. [D] a fait l’objet de trois avertissements les 11 avril, 18 avril et 25 avril 2018 pour absence sur son lieu de travail.
Par lettre remise en main propre le 03 mai 2018, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, assortie d’une mise à pied à titre conservatoire. Par lettre en date du 25 mai 2018, il a été licencié pour faute grave .
M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orange par requête en date du 25 janvier 2019 en contestation de son licenciement pour faute grave, et aux fins d’obtenir le paiement de diverses sommes tant au titre d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, qu’à titre de rappel de salaires, en paiement d’heures supplémentaires sur les années 2016 et 2017.
Par jugement contradictoire du 26 mars 2020, le conseil de prud’hommes d’Orange a :
– débouté M. [P] [D] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la SAS ETS J. Meffre de sa demande reconventionnelle,
– condamné M. [P] [D] aux entiers dépens de l’instance.
Par acte du 02 juillet 2020, M. [P] [D] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée le 8 avril 2020 et retournée au greffe du conseil de prud’hommes avec la mention ‘NPAI DRP FD’ .
Par ordonnance en date du 16 août 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 02 novembre 2022 à 16 heures. L’affaire a été fixée à l’audience du 15 novembre 2022 à 14 heures.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 30 septembre 2020 reçu le 05 octobre 2020, M. [P] [D] demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud’hommes d’Orange le 26 mars 2020.
Statuant à nouveau,
– dire et juger que son licenciement ne repose pas sur une faute grave,
– dire et juger que le licenciement intervenu est sans cause réelle et sérieuse, et dans le cas de l’espèce particulièrement abusif,
– en conséquence, condamner la SAS J. Meffre à lui verser :
– 28 547,55 euros au titre d’indemnité de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, L1235-3 du code du travail, et subsidiairement du même chef, si la cour ne retient pas les heures supplémentaires : 22 669,02 euros, retenant le salaire moyen des trois derniers mois,
– 7 863,71 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement sur salaire moyen ragrée des heures supplémentaires, et subsidiairement du même chef, 6 244,53 euros sur salaire moyen sans les heures supplémentaires,
– 5 161,66 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 516,17 euros au titre des congés payés sur préavis,
– 2 196,50 euros au titre de rappel de la mise à pied conservatoire,
– 219,65 euros au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire,
– 14 993,59 euros au titre de rappel des heures supplémentaires sur les années 2016 et 2017
– 1 499,36 euros au titres des congés payés afférents
– 15 165,85 euros, au titre des dispositions de l’article L8223-1 du code du travail,
– ordonner à la SAS J. Meffre, la remise d’une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire rectifié, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter du 20ème jour suivant la décision à intervenir,
– le renvoyer devant le conseil de prud’hommes d’Orange aux fins d’une éventuelle liquidation d’astreinte,
– dire qu’il sera fait application des intérêts légaux, à compter de la date de réception par le défendeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation pour les sommes à caractère salarial, et à compter de la date du prononcé de la décision à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire,
– condamner la SAS J. Meffre à lui verser la somme de 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner SAS J. Meffre aux entiers dépens.
M. [P] [D] soutient que :
– il s’est trouvé en désaccord avec son employeur sur le décompte des heures de travail, et entre 2016 et 2017 il a tenu le décompte de ses heures de travail qu’il présente au soutien de sa demande de rappel de salaire pour ces deux années,
– la note du 22 janvier 2018 relative à la modification des horaires de travail est intervenue de manière unilatérale, sans respecter les dispositions de l’article 26 de la convention collective,
– suite à sa demande début 2018 de voir mettre en oeuvre le système existant dans l’entreprise de pointage, l’employeur ne va pas lui donner de réponse mais va modifier ses seuls horaires de travail, l’obligeant à venir travailler le samedi matin,
– lorsqu’il va notifier à son employeur que de tels agissements pourraient caractériser un harcèlement moral, il va se voir notifier le 11 avril 2018 un avertissement pour non respect de son planning, absence le samedi matin, qu’il va contester par courrier du 13 avril 2018, le 14 avril 2018, il va se voir notifier un nouvel avertissement pour le même motif, et le 25 avril 2018 un troisième également pour le même motif,
– si l’employeur dispose du pouvoir d’organisation et de discipline, il n’est pas ici en capacité de justifier de la pertinence de ses choix et les horaires qui lui ont été ainsi imposés sont un abus de droit,
– les délais de prévenance n’ont pas été respectés lors de la remise de ses plannings,
– l’attitude violente envers son supérieur, qu’il conteste, est censée s’être déroulée devant témoins mais aucune attestation en ce sens n’est produite alors que lui-même verse un témoignage qui décrit une situation inverse, soit son agression par M. [M],
– ses retards ont été sanctionnés par des avertissements qu’il a contestés et ne peuvent être invoqués comme grief pour caractériser la faute grave, et la SAS Ets J. Meffre ne rapporte aucune preuve de l’attitude agressive et violente putative’ qui lui est imputée,
– le doute qui subsiste sur la réalité du grief qui lui est imputé doit lui profiter,
– la réalité des heures supplémentaires dont il demande le paiement est établie par non seulement ses relevés horaires mais également les attestations qu’il verse aux débats,
– le fait que les plannings remis par l’employeur soient signés signifie uniquement qu’ils ont été remis, et non pas que seules les heures qui y sont mentionnées ont été effectuées,
– c’est la SAS Ets J. Meffre qui a fait le choix de ne plus utiliser le système de la pointeuse, alors que le contrat de travail prévoit qu’en cas de litige ce sont les relevés de la pointeuse qui font foi, et qui une fois le système à nouveau utilisé, soit à partir d’avril 2018, ne produit pas les dits relevés,
– le caractère intentionnel de la dissimulation des heures supplémentaires est caractérisé par l’absence de mention de celles-ci sur le bulletin de salaire, le choix de l’employeur de ne pas utiliser le système de pointeuse et a certainement été appliqué aux autres salariés, ce qui justifie l’octroi de l’indemnité prévue à l’article L 8232-1 du code du travail.
En l’état de ses dernières écritures en date du 21 décembre 2020, contenant appel incident, la SAS Ets J.Meffre demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes du 26 mars 2020,
– débouter M. [P] [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– y ajoutant, condamner M. [P] [D] à lui payer la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La SAS Ets J. Meffre fait valoir que :
– alors que M. [P] [D] a toujours travaillé le samedi matin, qui est un jour d’activité important en raison de la réception ce jour-là de denrées alimentaires qu’il convient de conditionner, il a refusé, de sa propre initiative de venir travailler les samedis matins d’avril 2018 de 9h à 12h,
– en raison de ses absences successives, elle lui a notifié trois avertissements, en lui rappelant que c’était du pouvoir de l’employeur de déterminer les horaires de travail nécessaires à la bonne marche de l’entreprise, et malgré ces avertissements, il ne s’est pas plus présenté le samedi suivant, 28 avril 2018, prétextant des mesures discriminatoires au motif qu’il serait le seul salarié à devoir travailler le samedi matin,
– les plannings des autres salariés et les bordereaux de livraison de commandes qu’elle verse aux débats démontrent qu’elle a une réelle activité le samedi matin,
– les contestations des avertissements par M. [P] [D] ne justifient pas son insubordination envers elle, ni ses absences,
– les tâches qu’il lui a été demandé d’effectuer étaient des tâches habituelles, et le travail du samedi n’était ni exceptionnel, ni inhabituel,
– le comportement violent et agressif envers son supérieur adopté par M. [P] [D] le 2 mai au 2018 au matin est confirmé par les témoins présents : M. [Z], M. [W], outre M. [M] lui-même,
– dans la suite de ce comportement, M. [P] [D] s’est adressé de manière désinvolte au directeur des ressources humaines avant l’entretien préalable, ainsi que cela résulte du compte-rendu d’entretien rédigé par le délégué du personnel présent,
– les revendications concernant le travail du samedi matin s’expliquent par le fait que M. [P] [D] exerçait une activité professionnelle parallèle, en qualité de commerçant exploitant un commerce de restauration rapide, ce qu’elle même a découvert en étant convoquée par la gendarmerie en qualité de témoin dans le cadre d’une enquête diligentée contre M. [P] [D] pour travail dissimulé, impliquant également M. [H] préparateur de pizzas non déclarés dans le cadre de l’enquête, et témoin de M. [P] [D] dans le cadre de la présente instance,
– s’agissant de la demande de rappel de salaire, il convient de se reporter à l’avenant au contrat de travail qui prévoit, conformément à la demande de M. [P] [D], de lisser sa rémunération, quelle que soit l’activité, sans tenir compte des périodes basses et hautes, avec un temps de travail annuel de 1.990 heures, soit 165,83 heures mensuelles, et M. [P] [D] ne justifie pas qu’il aurait dépassé ce contingent annuel d’heures de travail,
– les témoignages produits au soutien du décompte établi par M. [P] [D] pour les besoins de la cause sont des règlements de compte d’anciens salariés qui n’ont jamais saisi la juridiction prud’homale des irrégularités dont ils l’accusent, et qui ne démontrent en rien la réalité des heures revendiquées par M. [P] [D],
– la demande indemnitaire au titre du travail dissimulée n’est pas fondée, parce que les heures supplémentaires revendiquées n’ont pas été travaillées et subsidiairement parce que M. [P] [D] ne rapporte pas la preuve d’une volonté de dissimulation.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS
Demandes relatives à l’exécution du contrat de travail
* rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires
Aux termes de l’article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, la charge de la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties; il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, M. [P] [D] soutient que la SAS Ets J. Meffre lui est redevable d’une somme de 14.993,59 euros correspondant à 335,5 heures supplémentaires effectuées en 2016 et 398,5 heures supplémentaires effectuées en 2017, outre 1.499,35 euros de congés payés y afférents et produit à l’appui de ses prétentions :
– ses bulletins de salaire,
– des feuillets manuscrits, un par mois, avec des numérotations de jours et de semaine, portant mentions d’horaires, de déplacements et d’activité ( ‘Foot Avignon’ ou ‘Barcelon Wek-end’),
– des copies de pages manuscrites présentées comme étant des extraits de son agenda personnel,
– des tableaux de synthèse des décomptes manuscrits chiffrant les demandes,
– un document manuscrit inséré dans un formulaire de témoignage établi au nom de M. [K] [B] qui indique ‘ Depuis 2014 nous effectuons beaucoup d’heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées malgré plusieurs relances verbales. L’employeur n’a pas tenu compte de nos demandes, il répondait que ‘ celui qui n’est pas content dégage’!’, laquelle est rédigée en termes généraux et n’apporte aucun élément quant à la situation personnelle de l’appelant,
– une attestation manuscrite de M. [K] [B] qui indique avoir travaillé pour la SAS Ets J. Meffre de 2013 à 2018 ‘ le patron ne respectait pas les heures travailler, je travailler de 6h30 à 12h puis de 14h à 20h sans être payé pour les heures supplémentaires (…) Le patron m’a fait signer deux plannings juste après la mise à pied de [P] [D] qu’il n’a jamais respecté; Il m’a fait signer un troisième planning en juin 2018. Il y avait toujours des heures en plus qui n’était jamais payé’, laquelle est rédigée en termes généraux, présente sa situation personnelle et n’apporte aucun élément quant à la situation personnelle de l’appelant,
– une attestation de M. [S] [O] qui se présente comme ayant travaillé en qualité de saisonnier chez la SAS Ets J. Meffre et indique ‘j’ai été poussé d’arrêter pour plusieurs raisons, notamment les heures supplémentaires qui n’ont pas était payer , malgré plusieurs réclamations auprès de l’employeur,(…) On a eu recours à des horaires poussées ( de 6 h jusqu’à 20h) et le samedi ( de 6h à 13h sans aucune pause) (…)’, laquelle est rédigée en termes généraux, présente sa situation personnelle et n’apporte aucun élément quant à la situation personnelle de l’appelant,
– une attestation de M. [C] [N] qui indique avoir travaillé chez la SAS Ets J. Meffre en 2015 et 2016 et précise ‘ avoir rencontrer des problèmes sur la comptabilité des heure travailler. Les heure travailler ne corresponder jamais aux heures affichés sur la fiche de paie(…)” laquelle est rédigée en termes généraux, présente sa situation personnelle et n’apporte aucun élément quant à la situation personnelle de l’appelant,
– une attestation de M. [J] [E] qui indique avoir travaillé pour la SAS Ets J. Meffre en qualité de manutentionnaire de 2016 à novembre 2018 et précise ‘ j’ai constaté plusieurs problèmes notamment heures supplémentaires non payées et maltraite les ouvriers manque de respect il crie beaucoup après les ouvriers. Les horaires de 6h à 20h il nous a fait signer un planning non conforme aux heures travaillées chaque jour. (…)’, laquelle est rédigée en termes généraux, présente sa situation personnelle et n’apporte aucun élément quant à la situation personnelle de l’appelant,
– une attestation de M. [U] [T] qui indique avoir travaillé pour la SAS Ets J. Meffre de 2011 à 2015, soit sur une période antérieure à celle relative aux heures supplémentaires dont le paiement est sollicité dans le cadre de la présente instance,
– une attestation de M. [F] [V] qui se présente comme comptable de la SAS Ets J. Meffre depuis le 09/09/2002, indique qu’il a été en arrêt de travail du 28 février 2015 au 28 février 2017 suite à une agression de son employeur, et être en litige avec ce dernier devant le Pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon, précise ‘ il emploie tous les moyens pour licencier le salarié, c’est sa façon de faire et c’est actuellement malheureusement mon cas aussi’, verse un témoignage personnnel et accusateur sur les pratiques de son employeur , sans mention relative à la situation personnelle de l’appelant.
La SAS Ets J. Meffre conteste le décompte présenté, qu’il qualifie d’imprécis, et renvoie aux mentions de l’avenant au contrat de travail en date du 23 janvier 2012 prévoyant à la demande du salarié, la pratique d’un horaire lissé à la demande de M. [P] [D], prévoyant un quota annuel de 1.990 heures. Elle conteste la sincérité des témoignages présentés par M. [P] [D] et observe qu’aucun de leurs auteurs n’a effectué de démarches ou engagé de procédure pour obtenir le paiement des heures supplémentaires qu’ils disent avoir effectuées sans être payées.
L’avenant au contrat de travail en date du 23 janvier 2012, signé des deux parties mentionne :
‘ A la demande expresse de M. [D] qui souhaite percevoir une même rémunération lissée sur l’année indépendamment de l’horaire réellement effectué par lui, les deux parties se sont rencontrées afin de conclure l’avenant qui suit, objet des présentes.
Sans remettre en cause le principe d’une alternance de travail seloin une péride de haute et une de basse activité, et sans remettre en cause les dites périodes et le nombre d’heures de travail à accomplir, les parties ont convenu à la demande du salarié de lisser la rémunération annuelle de Monsieur [D] dans les conditions et selon les modalités suivantes :
en contrepartie de son travail, quelque soit la période à laquelle se rattache l’activité, Monsieur [D] perçoit une rémunération mensuelle nette de mille six cents euros à titre d’acompte de sa rémunération annuelle. Cette rémunération mensuelle nette de 1600 euros inclut la prime d’assiduité mensuelle de 150 euros laquelle pourra être réduite voire déduite en cas d’absence hors maladie et accident, au prorata de l’absence.
Pour la conformité et l’adéquation entre la rémunération annuelle nette de Monsieur [D] et le nombre d’heures de travail effectif, il est également prévu que la durée de travail est lissée sur le bulletin de salaire de sorte que sur l’année, la durée de travail effectif atteigne 1.990 heures, soit 165.83 heures mensuelles. (…)’
M. [P] [D] ne justifie pas d’un recours contre cette modification de son contrat de travail et l’examen des bulletins de salaire de M. [P] [D] y compris sur les années antérieures à la période litigieuse démontre l’application de cet avenant au contrat de travail, soit un temps de travail lissé sur l’année, sans distinction des périodes basses et hautes.
Les bulletins de salaire de décembre 2016 et décembre 2017 mentionnent un cumul d’heures inférieur au seuil de 1.990 heures, 1.778,04 en 2016 et 1.757,04 en 2017.
M. [P] [D] ne tient pas compte des dispositions de cet avenant dans la présentation de son décompte d’heures supplémentaires en appliquant les dispositions antérieures à la signature de celui-ci.
L’examen des décomptes produits par M. [P] [D] présente des incohérences et des doubles décomptes d’heures de travail puisque par exemple, alors qu’il bénéficie selon ses bulletins de salaires de 42 jours de congés annuels, sur le décompte manuscrit de l’année 2017 apparaissent 49 journées de congés, chacune comptabilisée comme correspondant à 7 heures travaillées, soit 42 heures revendiquées à tort comme ayant été travaillées.
Les mentions horaires sont toutes identiques, en période basse, et interrogent sur une mention systématique puisque certains horaires sont ensuite rayés lorsque renseignés sur des jours fériés. A l’inverse , il est fait mention de journées de travail sur des jours fériés en période basse, par exemple le 28 mars 2016, lundi de Pâques est comptabilisé pour 7,5 heures de travail. Il est également mentionné 3h30 de travail le samedi 27 février 2016 de 14h à 17h30 alors que M. [P] [D] n’a jamais indiqué avoir dû travailler un samedi après-midi, même en période haute.
M. [P] [D] n’apporte par ailleurs aucune explication sur le fait qu’il exerçait une activité de restauration depuis a minima juillet 2017, ainsi que cela résulte du procès-verbal d’audition de la directrice de la SAS Ets J. Meffre par les services de gendarmerie le 28 mars 2019, laquelle n’est pas compatible avec les décomptes horaires produits pour la même période, par exemple 62 heures travaillées la première semaine de juillet 2017, ou 64 heures travaillées entre le 1er août 6h et le 5 août 13h30.
Dès lors, et en l’absence d’éléments permettant d’objectiver la réalité des heures supplémentaires dont le paiement est revendiqué, c’est à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [P] [D] de sa demande de rappel de salaire et leur décision sera confirmée sur ce point.
* indemnité pour travail dissimulé
Par application des dispositions de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
L’article L 8223-1 du code du travail précise qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.
La demande d’indemnité fondée sur le non-paiement et l’absence de mention sur les bulletins de salaire d’heures supplémentaires effectuées et non rémunérées sera rejetée ensuite du rejet de la demande de rappel de salaire.
La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.
Demandes relatives à la rupture du contrat de travail
S’agissant d’un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en rapporter la preuve.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.
La gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l’entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d’éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l’employeur.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 25 mai 2018 qui fixe les limites du litige, a été rédigée dans les termes suivants :
«Monsieur,
Nous faisons suite à l’entretien préalable du 16 mai 2018, au cours duquel nous avons recueilli vos observations sur les faits à l’origine de la convocation.
Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants:
Nous avons eu à regretter ces derniers temps un comportement caractéristique d’actes d’insubordination manifestes qui compromettent le bon fonctionnement de l’entreprise.
Le 7, 14, 21 et 28 avril 2018, vous ne vous êtes pas présenté au travail à 9 heures, conformément au planning horaire du mois d’avril 2018 que nous avons tenté de vous remettre en main propre le 3 avril 2018, mais que vous avez refusé de récupérer, en indiquant que vous refusiez de venir travailler le samedi.
Vos absences injustifiées des 7, 14 et 21 avril nous ont conduit à vous adresser trois avertissements aux termes desquels nous vous invitions à prendre en compte nos observations, ce qui n’a pas été le cas, puisque vous étiez encore absent le 28 avril 2018 au matin.
Le lundi 30 avril 2018 au matin, nous vous avons remis en mains propres votre planning de travail du mois de mai 2018.
Le mercredi 2 mai 2018, alors que votre horaire de travail débutait à 8h30, vous vous êtes présenté à 7h27. Le chef d’entrepôt vous a signifié que vous deviez vous présenter à 8h30.
Vous lui avez répondu dans les termes suivants : « ce n’est pas tes affaires ».
Monsieur [M] vous ayant rappelé qu’il était le responsable, vous vous êtes rapproché de lui et avez adopté un comportement menaçant à son égard, avant de lui dire en arabe « casse toi », « va te faire foutre et tu me casses les couilles ».
Ces faits se sont déroulés en présence de plusieurs témoins.
Votre comportement violent et menaçant a gravement mis en cause la bonne marche de l’entreprise. Outre le fait qu’il est caractéristique d’une insubordination à l’égard de votre employeur, il est de nature à porter atteinte à la sécurité du responsable d’entrepôt.
C’est pourquoi compte tenu de la gravité de vos fautes, et malgré vos explications lors de notre entretien préalable, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, y compris durant la période de préavis.
Votre licenciement prend donc effet immédiatement, dès la première présentation de cette lettre, sans indemnité de licenciement ni de préavis, étant précisé en outre que le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé.
Néanmoins, nous vous informons que vous avez acquis 72 heures au titre du compte personnel de formation et que vous en conserveez le bénéfice.
Toutes les sommes vous restant dues vous seront adressées par courrier, avec vos certificats de travail, solde de tout compte et attestation destinée à Pôle emploi.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur, nos salutations les meilleures.».
Il résulte de la lettre de licenciement que la SAS Ets J. Meffre reproche à M. [P] [D] deux griefs : une absence le samedi 28 avril 2018 malgré trois avertissements pour le même motif les trois samedis précédents et un acte d’insubordination sous forme de violence envers son responsable.
* s’agissant de l’absence le samedi 28 avril 2018
M. [P] [D] ne conteste pas son absence mais soutient qu’il lui a été demandé, à lui uniquement, en dehors de tout respect légal, règlementaire, conventionnel et contractuel de travailler le samedi matin, et qu’il a contesté les trois avertissements dont il a fait l’objet pour les trois samedis précédents.
Ceci étant, les décomptes d’heures de travail produits par M. [P] [D] au soutien de sa demande de rappel de salaire mentionnent des heures de travail les samedis matins pendant la période basse, en avril, novembre et décembre 2016, et en octobre, novembre et décembre 2017, étant observé qu’il était en congés en avril 2017 ; de même que les témoignages produits au soutien de cette demande dans lesquels leurs auteurs indiquent avoir travaillé les samedis matins.
Par suite, la revendication de M. [P] [D] selon laquelle il lui aurait été demandé à lui seul en réponse à ses revendications et de manière discriminatoire de travailler les samedis est dénuée de fondement, tant en regard des horaires de travail qu’il soutient avoir exercé les années précédentes que des témoignages qu’il produit.
Son absence après trois avertissements pour ce même motif ne présente aucun caractère légitime.
Le grief est par suite caractérisé.
* s’agissant de l’insubordination envers son responsable
Pour démontrer la réalité de ce grief, la SAS Ets J. Meffre verse aux débats :
– une attestation de M. [L] [M], chef d’entrepôt, qui indique que ‘le 2 mai 2018, [P] [D] est venu travailler a 7h30 alors qu’il devai venir a 8h30, comme je suis chef de l’entrepot je lui est dis que c’était 8h30 son début, il est venu méchament face a moi et ma insulté en arabe et ma di, casse toi va te faire tu me casse les couilles. Je parle arabe c’était la 3ème fois que je lui disais de venir travailler aux heures de son plan, et le samedi matin aussi, qu’il coute jamais et me dise c’est pas toi qui paye je m’en fous tu donnes pas d’ordre alors que je suis son supérieur’,
– une attestation de M. [C] [W], chauffeur qui indique que le 2 mai 2018 ‘[P] [D] s’est rapproché de [L] méchemant et la insulté en arabe, lui disant casse toi va te faire foutre en arabe, je parle les deux langues donc j’ai compris”
– une attestation de M. [I] [Z], responsable logistique qui indique qu’il a entendu une dispute le 2 mai 2018 au matin entre M. [P] [D] et M [L] [M] ‘ le responsable du personnel rappelait à Mr [D] qu’il ne respectait pas ses horaires. C’est alors que j’ai vu Mr [D] s’approcher progressivement vers Mr [M] lui disant qu’il n’avait pas d’ordre à recevoir de lui vu que ce n’était pas lui qui le ‘paye’; De plus il se mit à l’insulter en arabe, langue que je comprends vu que je suis moi-même marocain. J’ai pu comprendre ‘ casse toi’ ‘va te faire foutre’ ‘tu me casses les couilles’ devant plusieurs personnes’.
Pour contester ce grief, M. [P] [D] reproche à l’employeur de mentionner dans la lettre de licenciement des propos tenus en arabe sans citer la source de la traduction, évoque une agressions ‘putative’ à l’encontre de M. [M] verse en ce sens une attestation établie par M. [K] [H] qui indique sur un document manuscrit sur papier libre inséré dans un formulaire de témoignage écrit ‘ je pense avoir assisté à une agression verbale et menaçante sur Monsieur [D] de la part de Monsieur [M] [L], ce dernier a dit ‘ tu n’a rien à faire ici, tu dois revenir à 8h30 alors que c’était l’heure d’arrivée de la majorité des employés ( 7h30)’ puis il s’est montré brutal en lui disant de quitter l’entreprise en formulant la phrase suivante ‘me casse pas les couilles’ ( en arabe)’.
Outre le fait que le témoignage de M. [H] est hypothétique ( ‘je pense avoir assisté’) il est en totale contradiction avec les trois témoignages versés aux débats par l’employeur et par rapport auxquels il n’existe aucun motif pour remettre en cause leur sincérité, M. [P] [D] n’apporte aucune explication pertinente qui justifierait de remettre en cause la sincérité des témoignages produits par l’employeur notamment quant à la capacité de leurs auteurs à comprendre des propos tenus en langue arabe.
En conséquence, ce grief est également démontré.
Les deux griefs ainsi établis caractérisent une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat.
Il s’en déduit que la faute grave motivant le licenciement est établie.
La décision déférée ayant statué en ce sens et débouté M. [P] [D] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires subséquentes sera confirmée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 mars 2020 par le conseil de prud’hommes d’Orange,
Condamne M. [P] [D] à verser à la SAS Ets J. Meffre la somme de 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne M. [P] [D] aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,