Compétence territoriale et exécution des décisions : enjeux et conséquences

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Compétence territoriale et exécution des décisions : enjeux et conséquences

Monsieur [S] [Z] a assigné la SAS SOLRENOV pour obtenir la fixation d’une astreinte, se basant sur un jugement du tribunal judiciaire de Libourne du 6 janvier 2022, qui condamnait la société à exécuter des travaux liés au réseau d’assainissement. Après le décès de Monsieur [Z], son fils [R] [Z] a pris la relève dans la procédure. Lors de l’audience du 2 juillet 2024, le demandeur a demandé le rejet de l’exception d’incompétence de la juridiction, affirmant que la société n’avait pas respecté le jugement initial et que le tribunal de Bordeaux était compétent. La défenderesse, de son côté, a plaidé l’incompétence de la juridiction, soutenant que la cour d’appel était déjà saisie de la demande d’astreinte et qu’elle avait exécuté les travaux. L’affaire a été mise en délibéré pour le 10 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG
23/05688
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 10 Septembre 2024

DOSSIER N° RG 23/05688 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YAKU
Minute n° 24/ 305

DEMANDEUR

Monsieur [S] [Z]
né le [Date naissance 1] 1933 à [Localité 8], décédé le [Date décès 7] 2023
demeurant [Adresse 3]

INTERVENANT VOLONTAIRE

Monsieur [R] [Z], es qualité d’héritier de Monsieur [S] [Z]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 4]

représenté par Maître Olivier NICOLAS de la SELARL DUCASSE NICOLAS SICET, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

S.A.S. SOLRENOV, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 504 261 405, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 6]
[Localité 5]

représentée par Maître Xavier SCHONTZ de la SELARL GALY & ASSOCIÉS, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 02 Juillet 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 10 Septembre 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 10 septembre 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un jugement du tribunal judiciaire de Libourne en date du 6 janvier 2022, Monsieur [S] [Z] a fait assigner la SAS SOLRENOV par acte de commissaire de justice en date du 5 juillet 2023 afin de voir fixée une astreinte. Monsieur [Z] est décédé le [Date décès 7] 2023. Son fils [R] [Z], héritier, est intervenu à la cause.

A l’audience du 2 juillet 2024 et dans ses dernières conclusions, le demandeur sollicite le rejet de l’exception d’incompétence de la présente juridiction et qu’il soit constaté que le jugement du tribunal judiciaire de Libourne du 6 janvier 2022 a condamné la société SOLRENOV à :
– exécuter à ses frais les travaux de reprise du réseau d’assainissement et du rejet des eaux usées initialement prévus au devis et ceci conformément aux préconisations du SPANC
– reprendre à ses frais le remblaiement du réseau d’assainissement du réseau d’évacuation d’eaux pluviales et l’enlèvement des gravats
– lever à ses frais les réserves mentionnées au procès-verbal de réception
Il demande qu’elle soit également condamnée aux dépens et au paiement d’une somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, le demandeur soutient que le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux est territorialement compétent puisque le siège social de la défenderesse est dans son ressort. Sur la compétence matérielle, il soutient qu’en dépit de l’appel incident qu’il a formé à la suite de la société SOLRENOV contre la décision du 6 janvier 2022, la défenderesse ne s’est pas exécutée, ce qui a induit la radiation de son appel. Au fond, il fait valoir que la défenderesse a finalement exécuté les travaux litigieux mais très récemment, justifiant ainsi la saisine de la présente juridiction.

A l’audience du 2 juillet 2024 et dans ses dernières écritures, la défenderesse conclut à l’incompétence de la présente juridiction et au fond au rejet de toutes les demandes, à la condamnation du demandeur aux dépens et au paiement d’une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La défenderesse fait valoir que le tribunal judiciaire avait déjà été saisi d’une demande en fixation d’une astreinte et que dès lors l’option procédurale de l’article R121-2 du Code des procédures civiles d’exécution ne permettait pas la saisine de la présente juridiction. Elle soutient par ailleurs que la cour d’appel est saisie de la demande de fixation d’une astreinte et a seule compétence pour y répondre. Au fond, elle soutient avoir exécuté les travaux litigieux.

L’affaire a été mise en délibéré au 10 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

– Sur la compétence
L’article R 121-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit :
« A moins qu’il n’en soit disposé autrement, le juge de l’exécution territorialement compétent, au choix du demandeur, est celui du lieu où demeure le débiteur ou celui du lieu d’exécution de la mesure. Lorsqu’une demande a été portée devant l’un de ces juges, elle ne peut l’être devant l’autre.
Si le débiteur demeure à l’étranger ou si le lieu où il demeure est inconnu, le juge compétent est celui du lieu d’exécution de la mesure. »
L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “Tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.
Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.”
Il est constant que le jugement du 6 janvier 2022 a statué sur la précédente demande de fixation d’une astreinte en rejetant cette demande « à ce stade de la procédure ».
Il est également constant que la présente instance est distincte de la précédente, au vu du temps écoulé depuis, la demande en fixation d’une astreinte ayant été introduite devant le seul juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux.
La société SOLRENOV, défenderesse, a été attraite devant la juridiction du lieu de son siège social.
Le juge de l’exécution bordelais est donc territorialement compétent.
Il est par ailleurs constant que par une ordonnance du 26 avril 2023, la cour d’appel de Bordeaux a radié l’appel interjeté par la société SOLRENOV. La cour d’appel n’est donc plus saisie d’aucune demande au titre de l’astreinte depuis cette date.
La présente juridiction a donc toute compétence matérielle et territoriale pour statuer sur la demande.
– Sur la liquidation de l’astreinte et la fixation d’une astreinte définitive
L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “Tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.
Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.”

L’article L131-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L’astreinte est indépendante des dommages-intérêts.
L’astreinte est provisoire ou définitive. L’astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n’ait précisé son caractère définitif.
Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l’une de ces conditions n’a pas été respectée, l’astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire”.

Enfin, l’article R121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que :
« Le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution. »

Il est constant que les parties admettent dans leurs écritures et justifient de la réalisation des travaux listés dans le jugement précité par la société SOLRENOV.

La demande principale est donc sans objet dans la mesure où il n’entre pas dans l’office du juge de l’exécution de constater les énonciations d’une décision dotée de l’autorité de chose jugée. Elle sera par conséquent rejetée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

La SAS SOLRENOV justifie s’être très récemment exécutée, les pièces versées aux débats datant de la toute fin juin 2024 alors que l’assignation a été signifiée le 5 juillet 2023. Il est donc équitable qu’elle subisse les dépens, la présente instance ayant été rendue nécessaire par son inertie. Elle sera également condamnée au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la présente juridiction compétente pour statuer sur la demande de Monsieur [R] [Z], intervenant volontaire es qualité d’héritier de Monsieur [S] [Z] ;
DEBOUTE Monsieur [R] [Z], intervenant volontaire es qualité d’héritier de Monsieur [S] [Z], de sa demande tenant au constat des dispositions du jugement du tribunal judiciaire de Libourne du 6 janvier 2022 ;
CONDAMNE la SAS SOLRENOV à payer à Monsieur [R] [Z], intervenant volontaire es qualité d’héritier de Monsieur [S] [Z], la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS SOLRENOV aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


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