Compétence juridictionnelle et résolution contractuelle dans le cadre d’un litige de construction

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Compétence juridictionnelle et résolution contractuelle dans le cadre d’un litige de construction

Monsieur [V] [L] [P] et Madame [G] [I] [H], épouse [P], propriétaires d’un bien immobilier à Malakoff, ont engagé la société ATELIER DOH pour des travaux de démolition et de reconstruction, selon un devis de 703 408,38 € TTC. En novembre 2022, leur avocat a mis en demeure ATELIER DOH de nettoyer le chantier et de réparer des dommages causés aux voisins. Un audit structurel réalisé en mars 2023 a révélé des défauts nécessitant des investigations supplémentaires. En avril 2023, les époux ont de nouveau mis en demeure ATELIER DOH de fournir un planning de fin de travaux et de remédier aux manquements constatés. En mai 2023, face à l’absence de réponse, ils ont décidé de résoudre le contrat.

En juin 2023, ATELIER DOH a contesté les manquements. En octobre 2023, les époux ont réclamé des indemnités pour divers préjudices, incluant des travaux non réalisés et des loyers payés. L’assureur de ATELIER DOH a répondu que sa police ne couvrait pas les frais de finition des travaux. En janvier 2024, les époux ont été autorisés à assigner ATELIER DOH et ses assureurs.

Le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de ATELIER DOH en mars 2024. Les époux ont déposé une déclaration de créance pour un montant total de 260 212,08 € dans la procédure collective. Ils ont ensuite assigné le liquidateur de ATELIER DOH.

Les époux ont demandé au tribunal de constater la résolution du contrat et d’ordonner des indemnités pour les préjudices subis. ATELIER DOH et son assureur ont contesté les demandes des époux, arguant de l’irrecevabilité de leurs demandes et de l’absence de lien contractuel avec la société CUBE IN LIFE, maison mère de ATELIER DOH.

Le tribunal a mis en débat l’application de dispositions du code de la consommation et du code de la construction. Les époux ont demandé l’exclusion de ces dispositions des débats.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/01135
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

6ème chambre 1ère section

N° RG 24/01135 –
N° Portalis 352J-W-B7I-C33YS

N° MINUTE :

Assignation du :
30 janvier 2024

JUGEMENT
rendu le 24 septembre 2024
DEMANDEURS

Monsieur [V] [L] [P]
24 avenue du Général Leclerc
75014 PARIS

Madame [G] [I] [H] épouse [P]
24 avenue du Général Leclerc
75014 PARIS

représentés par Maître Bénédicte FLORY de l’AARPI DIXHUIT BOETIE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #A0756

DÉFENDEURS

S.A.S. ATELIER DOH prise en la personne de Mme [F] [W], liquidateur amiable, demeurant 56 rue Fontaine Varenne 93220 GAGNY

S.E.L.A.R.L. [O]-[D] prise en la personne de Maître [X] [D] es qualité de liquidateur judiciaire de la société ATELIER DoH, nom commercial CUBE IN LIFE
55 rue Aristide Briand
77100 MEAUX

représentées par Maître Ivan ITZKOVITCH de l’AARPI BOURGEOIS ITZKOVITCH DELACARTE COMME, avocats au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire #22

S.A.R.L. CUBE IN LIFE
Lieu-dit Joyeuse
33670 SADIRAC

Mutuelle SOCIETE MUTUELLE D’ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS ès-qualités d’assureur de la société CUBE IN LIFE
8 rue Louis Armand
75015 PARIS

représentées par Maître Natacha DEMARTHE-CHAZARAIN de la SELARL MINERVA AVOCAT, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #356

Société SMABTP recherchée en qualité d’assureur de la SAS ATELIER DoH
8 rue Louis Armand
75015 PARIS

représentée par Maître Jean-Pierre COTTE de la SELEURL Jean-Pierre Cotté Avocat, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0197

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Céline MECHIN, vice-président
Marie PAPART, vice-président
Clément DELSOL, juge

assistée de Catherine DEHIER, greffier, lors des débats et de Ines SOUAMES, greffier lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 11 juin 2024 tenue en audience publique devant Céline MECHIN, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

Décision du 24 septembre 2024
6ème chambre 1ère section
N° RG 24/01135 –
N° Portalis 352J-W-B7I-C33YS

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort
Décision publique
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Céline MECHIN, président et par Ines SOUAMES greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [V] [L] [P] et Madame [G] [I] [H], épouse [P] ont fait procéder à une opération de démolition puis de reconstruction d’un bien immobilier situé 6 rue André Coin à Malakoff (92) dont ils sont propriétaires.

Suivant devis N°I-21-09-01 daté du 25 novembre 2021, les époux [P] ont confié ces travaux à la société ATELIER DOH, pour un montant de 703 408,38 € TTC.

Par courrier dont il a été accusé réception le 29 novembre 2022, le conseil des époux [P], a mis en demeure la société ATELIER DOH de procéder au nettoyage du chantier ainsi qu’à la mise en œuvre de systèmes de protection afin de prévenir tout risque de chute et de remplacer à l’identique la table extérieure de leurs voisins qui avait été brisée.

Inquiets de la présence de défauts sur la structure de l’immeuble en cours de construction, les époux [P] en ont fait réaliser un audit structurel par la société SUCHET INGENIERIE laquelle a relevé, dans un rapport daté du 20 mars 2023, des défauts de réalisation apparents nécessitant des investigations complémentaires.

Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 3 avril 2023, retourné à son expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé », le conseil des époux [P] a mis en demeure la société ATELIER DOH de fournir un planning précis permettant un achèvement des travaux au 31 juillet 2023 ; de confirmer le complet paiement des sommes dues à Monsieur [A] [U], bureau d’études chargé de l’étude structure du bâtiment ; de remédier aux manquements constatés relatifs à l’hygiène et à la sécurité du chantier et de reprendre l’ensemble des désordres affectant la construction dont la constatation devait être effectuée par la société SUCHET INGENIERIE à ses frais, à peine de s’exposer à la résolution du contrat.

Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 17 mai 2023, retourné à son expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé », le conseil des époux [P], déplorant que les inexécutions contractuelles relevées dans la mise en demeure persistent, a informé la société ATELIER DOH que ses clients procédaient à la résolution du contrat et a invitée à assister à de nouveaux sondages qui seraient pratiqués en présence de la société SUCHET INGENIERIE et d’un huissier de justice le 30 mai 2023 à 10H.

Par courrier daté du 19 juin 2023, le conseil de la société ATELIER DOH a indiqué contester les manquements contractuels allégués, considérer en conséquence la mise en demeure adressée de nul effet et ne pouvant donc emporter la résolution du contrat.

Par courriers dont il a été accusé de réception le 12 octobre 2023, les époux [P] ont mis en demeure la société ATELIER DOH, la société CUBE IN LIFE, présentée comme la maison mère de cette dernière et leur assureur, la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, de leur payer les sommes suivantes :
– 126 816 € TTC au titre des travaux de reprise à entreprendre ;
– 12 573,90 € au titre des loyers payés entre mai et octobre 2023, à parfaire jusqu’à la réception des travaux sans réserve ;
– 18 000 € au titre du préjudice de jouissance entre mai et octobre 2023, à parfaire jusqu’à la réception des travaux sans réserve ;
– 20 000 € en réparation du préjudice moral ;
– 22 230,37 € TTC au titre des travaux payés mais non exécutés ;
– 15 000 € au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

Par courrier daté du 16 octobre 2023, la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, en sa qualité d’assureur de la société CUBE IN LIFE, a informé le conseil des époux [P] que la police d’assurance souscrite n’était pas susceptible de prendre en charge les frais nécessaires à la finition ou à la réalisation des travaux mais uniquement l’indemnisation de dommages consécutifs aux travaux, hors retard dans leur réalisation, précisant attendre la réclamation effectuée de ce chef et assortie des justificatifs.

Par courrier daté du 17 octobre 2023, le conseil de la société ATELIER DOH a mis en demeure les époux [P] de procéder à la réception des travaux.

Par ordonnance du 23 janvier 2024, les époux [P] ont été autorisés à assigner à jour fixe la société ATELIER DOH, la société CUBE IN LIFE et la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, en sa qualité d’assureur de la société ATELIER DOH et de la société CUBE IN LIFE.

Suivant actes de commissaire de justice délivrés les 30 janvier et 1er février 2024, les époux [P] ont fait assigner à jour fixe devant le tribunal judiciaire de Paris la société CUBE IN LIFE, la SMABTP en qualité d’assureur de la société CUBE IN LIFE, Madame [F] [W] en qualité de liquidateur amiable de la société ATELIER DOH et la SMABTP en qualité d’assureur de la société ATELIER DOH aux fins de constatation de la résolution du contrat et d’indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 25 mars 2024, le tribunal de commerce de Meaux a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de la société ATELIER DOH, fixant la date de cessation des paiements au 8 février 2024 et désignant en qualité de liquidateurs [E] [O] et [X] [D].

Par courrier daté du 16 avril 2024, le conseil des époux [P] a adressé à la société [O]-[D] une déclaration de créance au passif de la procédure collective de la société ATELIER DOH d’un montant total de 260 212,08 € TTC incluant :
– 175 536 € TTC au titre des travaux de reprise à entreprendre à majorer suivant l’évolution de l’indice BT01 et de la TVA ;
– 12 096,94 € TTC au titre des travaux payés non effectués ;
– 16 765, 20 € au titre des loyer payés entre mai et décembre 2023, à parfaire jusqu’à la réception des travaux sans réserve ;
– 24 000 € au titre du préjudice de jouissance entre mai et décembre 2023, à parfaire jusqu’à la réception des travaux sans réserve ;
– 20 000 € en réparation du préjudice moral ;
– 10 000 € au titre des frais d’avocat ;
– 1 380 € au titre des frais de constats ;
– 401,94 € au titre des frais de délivrance des assignations ;
– 32 € au titre des frais de plaidoirie.

Suivant acte de Commissaire de Justice délivré le 17 avril 2024, les époux [P] ont fait assigner en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Paris la société [O]-[R] en qualité de liquidateur de la société ATELIER DOH.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 4 et notifiées par voie électronique le 30 mai 2024, les époux [P] demandent au tribunal de :

« REJETER la demande de la société CUBE IN LIFE et de la Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics SMABTP es qualité d’assureur de la société CUBE IN LIFE, demandant à ce que le Tribunal se déclare incompétent au profit de l’un ou l’autre des Tribunaux judiciaires de Meaux, Bobigny, Bordeaux ou Nanterre ;

SE DECLARER COMPETENT territorialement pour statuer sur la présente action ;

CONSTATER la résolution du contrat conclu entre la société ATELIER DoH par devis du 25 novembre 2021 avec M. [L] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] à la date du 22 mai 2023, aux torts exclusifs de la société ATELIER DoH ;

JUGER que les garanties de la société Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics SMABTP, es qualité d’assureur de la société ATELIER DoH et la société CUBE IN LIFE sont mobilisables;

DECLARER inopposables à M. [L] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] les clauses limitatives et exclusives de garanties dont se prévaut la Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics SMABTP, es qualité d’assureur de la société ATELIER DoH et la société CUBE IN LIFE, subsidiairement, les déclarer nulles, et par conséquent sans effet à l’égard de M. [L] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] ;

CONDAMNER in solidum la société CUBE IN LIFE et la Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics SMABTP, es qualité d’assureur de la société ATELIER DoH et la société CUBE IN LIFE, à verser à M. [L] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] les sommes suivantes, à titre de dommages intérêts, ces sommes emportant intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation introductive d’instance :
– 175.536,00 euros TTC, valeur juillet 2023, somme majorée suivant l’indice BT01 du coût de la construction jusqu’à complet paiement de la somme, somme majorée suivant l’évolution du taux de TVA en vigueur au jour du complet paiement de la somme ;
– la somme de 27.243,45,20 euros, pour les loyers payés entre les mois de mai 2023 et mai 2024, somme qui sera réévaluée jusqu’à réception sans réserve des travaux de reprise, sur la base de la somme mensuelle de 2.095,65 euros outre les réévaluations annuelles de loyer ;
– la somme de 39.000 euros (pour la période comprise entre le mois de mai 2023 et mai 2024), somme à parfaire qui sera réévaluée jusqu’à réception sans réserve des travaux de reprise, sur la base mensuelle de 3.000 euros au titre du préjudice de jouissance subi ;
– la somme de 20.000 euros en réparation de leur préjudice moral.

CONDAMNER in solidum, la société CUBE IN LIFE et la Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics SMABTP, es qualité d’assureur de la société ATELIER DoH et la société CUBE IN LIFE, à verser à M. [L] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] les sommes suivantes, en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance :
– la somme de 10.000 euros au titre des honoraires d’avocats ;
– la somme de 1.380,00 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens (constats d’huissiers).

FIXER au passif de la société ATELIER DoH, prise en la personne de son liquidateur judiciaire la SELRAL [O]-[R], les sommes suivantes, ces sommes emportant intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation introductive d’instance :
– 175.536,00 euros TTC, valeur juillet 2023, somme majorée suivant l’indice BT01 du coût de la construction jusqu’à complet paiement de la somme, somme majorée suivant l’évolution du taux de TVA en vigueur au jour du complet paiement de la somme ;
– 27.243,45 euros, pour les loyers payés entre les mois de mai 2023 et mai 2024, somme qui sera réévaluée jusqu’à réception sans réserve des travaux de reprise, sur la base de la somme mensuelle de 2.095,65 euros outre les réévaluations annuelles de loyer ;
– 39.000 euros (pour la période comprise entre le mois de mai 2023 et mai 2024), somme à parfaire qui sera réévaluée jusqu’à réception sans réserve des travaux de reprise, sur la base mensuelle de 3.000 euros au titre du préjudice de jouissance subi ;
– 20.000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
– 12.096,94 euros TTC au titre des travaux payés mais non effectués ;
– la somme de 10.000 euros au titre des honoraires d’avocats ;
– la somme de 1.380,00 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens (constats d’huissiers).
– les entiers dépens de l’instance ;

ORDONNER la jonction de la procédure par laquelle la SELARL [O] – [D], Société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège social est sis 55, rue Aristide Briand – 77100 MEAUX, inscrite au RCS de Meaux sous le numéro 478 547 243, prise en la personne de Me [X] [D], es qualité de liquidateur judiciaire de la société ATELIER DoH, a été mise en cause par M. [L] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] par assignation délivrée le 17 avril 2024 avec la présente affaire actuellement pendante devant le Tribunal judiciaire de Paris 6ème chambre – 1ère section sous le RG n°24/01135 ;

ORDONNER la capitalisation des intérêts ;

RAPPELER que l’exécution provisoire de la décision est de droit ;

DEBOUTER les défendeurs de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

DEBOUTER la société CUBE IN LIFE et la SMABTP es qualité d’assureur de la société CUBE IN LIFE de leurs demandes tendant à voir déclarer M. [L] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] irrecevables et non fondés à leur égard et les voir débouter des demandes formées à leur encontre ;

DEBOUTER la SMABTP es qualité d’assureur de la société CUBE IN LIFE de sa demande subsidiaire tendant à juger que la police n’a pas vocation à s’appliquer ;

DEBOUTER la SMABTP es qualité d’assureur de la société ATELIER DoH de ses demandes tendant à ce que ses garanties soient jugées non mobilisables, qu’elle soit mise hors de cause, et que les demandes portées à son encontre soient rejetées ;

DEBOUTER la SMABTP es qualité d’assureur de la société ATELIER DoH de sa demande subsidiaire tendant à juger que les désordres allégués par M. [L] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] ne sont pas démontrés et qu’il lui soit donné acte des limites de garanties et franchises stipulées dans sa police ;

DEBOUTER la société ATELIER DoH et la SELARL [O]-[D] de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

DEBOUTER la société ATELIER DoH, la SELARL [O]-[D], la société CUBE IN LIFE et la SMABTP es qualité d’assureur des sociétés ATELIER DoH et CUBE IN LIFE de leurs demandes relatives à l’article 700 du code de procédure civile et des dépens. »

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2024, la société ATELIER DOH, représentée par la SELARL [O]-[D] demande au tribunal de :

« RECEVOIR ATELIER DoH en ses demandes, fins et conclusions et l’y dire bien fondée ;

REJETER l’ensemble des demandes, fins et conclusions formulées par Monsieur etMadame [P] ;

CONDAMNER les demandeurs aux entiers dépens et à verser au défendeur la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile. »

Dans ses dernières conclusions notifiées voie électronique le 17 avril 2024, la SMABTP, en qualité d’assureur de la société ATELIER DOH demande au tribunal de :

« A TITRE PRINCIPAL :

JUGER que les garanties de la Société SMABTP, es-qualité d’assureur de la Société ATELIER DOH ne sont pas mobilisables ;

Et en conséquence :

METTRE hors de cause la société SMABTP, es-qualité d’assureur de la société ATELIER DOH ;

DEBOUTER les parties de toutes demandes portées à l’encontre de la Société SMABTP, es-qualité d’assureur de la Société ATELIER DOH;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

CONSTATER les désordres allégués par les époux [P] ne sont pas démontrés ;

DONNER ACTE à la SMABTP en sa qualité d’assureur de la société ATELIER DOH des limites de garanties et franchises stipulées dans sa police ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONDAMNER les époux [P], ou tout autre succombant à verser à la SMABTP, es-qualité d’assureur de la société ATELIER DOH, la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens. »

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 mars 2024, la société CUBE IN LIFE et son assureur la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS demandent au tribunal de :

« SE DECLARER INCOMPETENT au profit de l’un ou l’autre des Tribunaux judiciaires de MEAUX, BOBIGNY, BORDEAUX ou NANTERRE ;

CONSTATER l’absence de lien contractuel entre Monsieur et Madame [P] et la société CUBE IN LIFE ;

JUGER que Monsieur et Madame [P] ne peuvent se prévaloir de la théorie du mandat apparent, ceux-ci ne pouvant légitimement croire dans les circonstances de l’espèce qu’ils traitaient avec la société CUBE IN LIFE ;

JUGER toutes les demandes de Monsieur et Madame [P] irrecevables et non fondées à l’encontre de la société CUBE IN LIFE;

DECLARER toutes demandes de Monsieur et Madame [P] irrecevables et non fondées à l’encontre de la SMABTP en sa qualité d’assureur de la société SUBE IN LIFE ;

En conséquence,

METTRE hors de cause la société CUBE IN LIFE et la SMABTP en sa qualité d’assureur de la société CUBE IN LIFE ;

DEBOUTER Monsieur et Madame [P] de leurs demandes en ce qu’elles sont formées contre la société CUBE IN LIFE et la SMABTP en sa qualité d’assureur de la société CUBE IN LIFE;

A titre subsidiaire

A supposer que le Tribunal vienne à considérer que la société CUBE IN LIFE est intervenue sur le chantier – ce qui n’est démontré par aucune pièce

PRENDRE ACTE des limites contractuelles de la police souscrite par la société CUBE IN LIFE auprès de la SMABTP ;

JUGER que la police n’a pas vocation à s’appliquer.

A titre plus subsidiaire

CONDAMNER la SMABTP ès-qualités d’assureur de la société CUBE IN LIFE dans les strictes limites de la police souscrite par la société CUBE IN LIFE.

En tout état de cause

CONDAMNER in solidum Monsieur et Madame [P] à payer à la société CUBE IN LIFE et à la SMABTP ès-qualité d’assureur de la société CUBE IN LIFE la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

LES CONDAMNER également in solidum aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Natacha DEMARTHE – CHAZARAIN, membre de la SELARL MINERVA AVOCAT, Avocat, aux offres de droit conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile. »

Par message électronique adressé aux parties le 29 août 2024, le tribunal a indiqué mettre dans les débats l’application au litige des dispositions d’ordre public du code de la consommation, et notamment des dispositions des articles L. 216-2 et suivants ainsi que celles du code de la construction et de l’habitation et notamment des articles L. 230-1 et suivants, les avisant qu’elles pouvaient, si elles le souhaitaient, adresser leurs observations de ce chef au tribunal par une note en délibéré avant le 15/09/2024.

Par note en délibéré adressée par voie électronique le 13 septembre 2024, les époux [P] ont demandé au tribunal d’exclure des débats l’application au litige de l’article L. 216-2 du code de la consommation et les dispositions du code de la construction et de l’habitation.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes des parties tendant à voir « juger », « déclarer » ou « constater » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions des articles 4 et 30 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droit spécifique à la partie qui en fait la demande. Elles ne feront alors pas l’objet d’une mention au dispositif.

1. Sur l’exception d’incompétence soulevée par la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS et la société CUBE IN LIFE

Aux termes de l’article 42 du code de procédure civile : « La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.
S’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux.
Si le défendeur n’a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s’il demeure à l’étranger. »

Aux termes de l’article R. 114-1 du code des assurances « Dans toutes les instances relatives à la fixation et au règlement des indemnités dues, le défendeur est assigné devant le tribunal du domicile de l’assuré, de quelque espèce d’assurance qu’il s’agisse, sauf en matière d’immeubles ou de meubles par nature, auquel cas le défendeur est assigné devant le tribunal de la situation des objets assurés.»

Les règles de l’art. R. 114-1, impératives dans les litiges entre assureurs et assurés quand ils ont trait à la fixation et au règlement de l’indemnité, ne s’imposent pas à la victime exerçant l’action directe, et celle-ci peut aussi se prévaloir des règles des articles 42 et suivants du code de procédure civile (Civ. 1ere, 14 décembre 1983, Bull. civ. I, N° 296 ; Civ. 2ème 16 juillet 2020 N° 19-18.795).

En l’espèce, le litige porte sur l’action directe des époux [P] à l’encontre du constructeur, de sa maison mère et de leur assureur, elle n’est donc pas diligentée par un assuré contre son assureur aux fins de paiement d’une indemnité. Ainsi, les époux [P] avaient le choix de saisir la juridiction du lieu où demeure l’un des défendeurs. Le siège social de la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS étant situé à Paris, la présente juridiction est compétente pour statuer sur le litige.

L’exception d’incompétence soulevée par la société CUBE IN LIFE et la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS est ainsi rejetée.

2. Sur la résolution du contrat

Aux termes de l’article 1217 du code civil : «  La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. »

Aux termes de l’article 1226 du code civil :
« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution. »

Aux termes de l’article L. 216-2 du code de la consommation, en vigueur jusqu’au 1er octobre 2021 : « En cas de manquement du professionnel à son obligation de livraison du bien ou de fourniture du service à la date ou à l’expiration du délai prévus au premier alinéa de l’article L. 216-1 ou, à défaut, au plus tard trente jours après la conclusion du contrat, le consommateur peut résoudre le contrat, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par un écrit sur un autre support durable, si, après avoir enjoint, selon les mêmes modalités, le professionnel d’effectuer la livraison ou de fournir le service dans un délai supplémentaire raisonnable, ce dernier ne s’est pas exécuté dans ce délai.
Le contrat est considéré comme résolu à la réception par le professionnel de la lettre ou de l’écrit l’informant de cette résolution, à moins que le professionnel ne se soit exécuté entre-temps.
Le consommateur peut immédiatement résoudre le contrat lorsque le professionnel refuse de livrer le bien ou de fournir le service ou lorsqu’il n’exécute pas son obligation de livraison du bien ou de fourniture du service à la date ou à l’expiration du délai prévu au premier alinéa de l’article L. 216-1 et que cette date ou ce délai constitue pour le consommateur une condition essentielle du contrat. Cette condition essentielle résulte des circonstances qui entourent la conclusion du contrat ou d’une demande expresse du consommateur avant la conclusion du contrat. »

Le devis N°I-21-09-01 établi à l’entête de la société ATELIER DOH le 25 novembre 2021, signé par cette dernière et le maître d’ouvrage, ne mentionne aucun délai d’exécution. Il n’est pas contesté que les époux [P], consommateurs, bénéficient des dispositions d’ordre public du code de la consommation. Ils doivent donc disposer d’une information précise sur la durée d’exécution des travaux.

Or, bien que par courrier daté du 3 avril 2023 ces derniers aient mis en demeure la société ATELIER DOH de fournir un planning, la société ne justifie avoir établi aucun document en ce sens et s’est contentée d’indiquer en réponse, par un courrier électronique daté du 7 avril 2023, que les difficultés rencontrées étaient indépendantes de sa volonté et qu’elle faisait au mieux pour que les travaux puissent avancer. En privant les époux [P] de toute information et de tout engagement sur la durée des travaux de construction prévus et restant à accomplir, la société ATELIER DOH a commis une faute d’une telle gravité qu’elle justifiait à elle seule la résolution du contrat.

Au surplus, il y a lieu de souligner que la société ATELIER DOH, qui se présente elle-même comme le maître d’œuvre des travaux dans son compte-rendu de chantier établi le 30 mai 2022, a pourtant établi un devis intégrant la réalisation totale de ces derniers par ses soins pour une somme de 703 408,38 € TTC qui n’est pas conforme aux dispositions légales protectrices et d’ordre public des articles L. 230-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation applicables dans le cadre d’une opération de construction d’une maison individuelle comme il est d’évidence le cas en l’espèce. Le fait qu’elle ait ensuite fait appel à des sous-traitants est sans incidence sur la qualification du contrat. Ces manquements constituent également une faute d’une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat.

Il convient par conséquent de constater la résolution du contrat au 22 mai 2023, date à laquelle la poste a tenté de délivrer à la société ATELIER DOH le courrier du conseil des époux [P] aux fins de résolution.

3. Sur les responsabilités engagées

Aux termes de l’article 1103 du code civil « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

3.1 Sur la responsabilité de la société ATELIER DOH

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »

La preuve de faits peut résulter d’un rapport d’expertise non judiciaire, dès lors qu’il a été soumis à la libre discussion des parties (3 e Civ., 11 mai 2010, pourvoi n° 09-12.235) et qu’il a été établi contradictoirement ou que, bien que non établi contradictoirement, il est complété par d’autres éléments de preuve (Ch. Mixte, 28 septembre 2012, pourvoi n° 11-18.710, Bull. 2012, n° 2).

Les fautes précédemment décrites ayant justifié la résolution du contrat engagent la responsabilité contractuelle de la société ATELIER DOH à l’égard des époux [P] qui sont dès lors bien fondés à solliciter l’indemnisation des préjudices qu’ils subissent du fait de la résolution du contrat avant son terme.

S’agissant des malfaçons dont ils se prévalent, les époux [P] produisent aux débats un audit structurel établi par la société SUCHET INGENIERIE le 20 mars 2023 aux termes duquel :
– le surfaçage de la dalle du rez-de-chaussée n’est conforme à aucune règle et ne permet pas de couler une chape dans de bonnes conditions ;
– le chaînage au niveau du plancher haut du rez-de-chaussée est insuffisant ;
– le mur mitoyen droit du rez-de-chaussée présente une chicane alors qu’il devrait y avoir un poteau permettant d’assurer la continuité du mur d’après les plans ;
– les escaliers installés ne sont pas conformes aux plans et présentent une échappée de 1,70 m au lieu de 2 m ;
– les trumeaux au 1er étage ont été réalisés en parpaings alors que le plan prévoyait l’utilisation de briques thermiques et les parpaings utilisés sont liés à la colle au lieu de joints en mortier ;
– les murs mitoyens ne comprennent pas de harpage entraînant des risques de fissures ;
– le chaînage est réduit au niveau des planchers du 1er étage suite à l’appui des hourdis au-delà de la face intérieure du mur, le remplissage sous le hourdi étant en outre incomplet ou hétéroclite mettant en cause la bonne tenue du mur ;
– le mur mitoyen de gauche n’est pas aligné entre le rez-de-chaussée et le R+1 ;
– des agrégats sont apparents sur les poteaux et les poutres de la façade, signe d’une vibration insuffisante voir absente pouvant avoir des conséquences au niveau de sa résistance ;
– une succession de coffrages en façade avec un désaffleurement au droit de chaque reprise;
– des aciers des poutres apparents, aucune cale de coffrage n’ayant été mise en œuvre lors de certains coulages ;
– les seuils de baies vitrées ont été réalisés à l’aide de planelles posées à plat, contrairement au cahier des charges de ce produit ;
– le poteau situé à l’extrême gauche de la façade serait mal implanté, présente une recharge d’environ 2 cm sur les deux faces visibles qui n’a aucune tenue et une partie du coffrage est toujours en place ;
– les mêmes types de désordres qu’au 1er étage sont relevés aux 2è et 3è étages ;
– la façade n’est pas droite, et est inclinée vers l’extérieur du bâtiment aux 2è et 3è étage, elle engendre un désaffleurement au 2è étage qui n’est pas calfeutré ;
– les trumeaux en façade des 2è et 3è étage, ont été réalisés en briques thermiques mais les joints horizontaux sont incomplets et les joints verticaux inexistants ;
– le poteau situé à l’extrême droite de la façade présente un défaut de vibration non conforme aux normes nécessitant une analyse par un laboratoire ;
– des vérifications doivent être effectuées au niveau de la terrasse végétalisée et il n’existe pas de continuité au droit de la chicane;
– l’édicule en terrasse de l’escalier présente des défauts dont un rang de planelles en parpaing non compatible avec la colle utilisée pour la brique, un chaînage avec des morceaux de briques qui doit être repris pour constituer une vraie lisse haute en béton continu, le linteau de la porte ne repose pas sur les briques et les deux vides laissés doivent être rebouchés pour rétablir l’appui ;
– les murs mitoyens qui doivent être enduits ne présentent pas une surface plane ;
– le mur mitoyen de gauche présente un décalage à certains niveaux;
– de nombreuses briques désaffleurent sur le mur mitoyen du fond de la parcelle.

Les constatations effectuées dans cet audit structurel sont confirmées par les constats de commissaire de justice réalisés les 16 février et 12 mai 2023, dont il convient de préciser que le second a été établi après que la société ATELIER DOH ait été convoquée à y participer. Dès lors, l’inachèvement des travaux et l’état de ces derniers au moment de la résolution du contrat sont établis.

Toutefois, seul le rapport de la société SUCHET INGENIERIE fait état de malfaçons au niveau de la structure du bâtiment nécessitant des travaux de reprises, étant précisé que les devis des sociétés LES BATISSEURS VENITIENS et GREMEL CONSTRUCTION établis pour y procéder sont fondés sur cette étude et ne procèdent pas à une analyse distincte et circonstanciée de l’état des existants, si ce n’est la mention d’un désordre complémentaire à soumettre à la société SUCHET INGENIERIE. Les correspondances émanant de la société ATELIER DOH, si elles font état de difficultés en cours de chantier, ne précisent pas les malfaçons qu’elle déplore. N’étant corroboré par aucune autre analyse technique, le rapport de la société SUCHET INGENIERIE ne suffit donc pas à établir les malfaçons alléguées, ce d’autant plus que les normes qui n’auraient pas été respectées ne sont pas produites.

Les époux [P] seront donc déboutés des demandes qu’ils présentent aux fins d’indemnisation au titre des malfaçons dont serait affectée la construction.

3.2. Sur la responsabilité de la société CUBE IN LIFE au titre de la théorie du mandat apparent

Il est établi et au demeurant non contesté que les sociétés ATELIER DOH et CUBE IN LIFE sont deux personnes morales distinctes.

Le devis N°I-21-09-01 signé par les époux [P] est établi à l’en-tête de la société ATELIER DOH, mentionne l’adresse ainsi que le numéro d’enregistrement au registre du commerce et des sociétés de cette dernière et porte la mention « ATELIER DOH » au-dessus de la signature de l’entreprise. Si figurent également le logo et le nom de la société CUBE IN LIFE au-dessus de cette en-tête, il n’est fait aucune référence aux coordonnées, au numéro d’enregistrement au registre du commerce et des sociétés ou à l’identité du représentant légal de cette société. Il en va de même des plans de la maison qui, s’ils portent le logo de la société CUBE IN LIFE, ne mentionnent que les coordonnées de la société ATELIER DOH. Enfin, le devis n’est signé que par la représentante légale de la société ATELIER DOH.

Si les époux [P] produisent aux débats des extraits de sites internet et de publications sur les réseaux sociaux mentionnant que la société ATELIER DOH est une des agences de la société CUBE IN LIFE ou encore qu’elle gère pour son compte les travaux de leur maison, ils ne rapportent toutefois pas la preuve qu’ils auraient signé le contrat avec la société ATELIER DOH en pensant que leur cocontractant serait la société CUBE IN LIFE. Le fait que l’étude de sol ne mentionne pas la société ATELIER DOH mais en qualité d’architecte « [F], CUBE IN LIFE », s’il aurait pu induire en erreur le bureau d’étude cocontractant, est sans effet sur les relations contractuelles des époux [P] et de leur constructeur. Au demeurant, l’ensemble des réclamations des maîtres d’ouvrage ont été adressées exclusivement à la société ATELIER DOH jusqu’à la résolution du contrat.

Ainsi, les éléments produits aux débats ne permettent ni de démontrer que les époux [P] pouvaient légitimement penser conclure un contrat de construction avec deux sociétés distinctes ni que la société ATELIER DOH disposait d’un mandat apparent lui permettant de représenter la société CUBE IN LIFE. Les époux [P] seront donc déboutés des demandes qu’ils forment à l’encontre de la société CUBE IN LIFE.

4. Sur la garantie de la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS

Aux termes de l’article L. 124-3 du code des assurances : « Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. L’assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n’a pas été désintéressé, jusqu’à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l’assuré. »

Aux termes de l’article 1315 du code civil « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

Il appartient à l’assureur qui évoque une exclusion de garantie de produire la police d’assurance souscrite (Civ. 3e 29 mai N°2002 01-00.350).

La responsabilité de la société CUBE IN LIFE n’étant pas engagée, la garantie de la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS n’est pas due au titre de la police d’assurance souscrite par la société CUBE IN LIFE.

S’agissant de la police souscrite par la société ATELIER DOH, il n’est pas contesté que cette dernière a souscrit une garantie nommée « GLOBAL CONSTRUCTEUR » conformément aux conditions particulières datées du 15 avril 2022 et aux conditions générales P2346C auxquelles elles renvoient.

Les garanties souscrites au titre des dommages à l’ouvrage après réception n’ont pas vocation à s’appliquer en l’espèce, les travaux n’ayant pas été réceptionné et le contrat ayant été résolu avant qu’ils soient terminés. En revanche, la garantie étendue au titre des dommages avant réception prévue aux conditions particulières est susceptible de s’appliquer.

Si la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS évoque les exclusions de garantie prévues aux conditions générales, force est de constater qu’elle n’en rapporte pas la preuve, les conditions générales produites aux débats portant la référence P2346B et non P2346C et n’étant pas signées des parties.

Ainsi, la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS doit sa garantie aux époux [P] au titre des préjudices pour lesquels la responsabilité de son assuré est engagée. La SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS ne précisant pas le montant des limites de garantie et franchises dont elle sollicite l’application, elles ne seront pas prises en compte dans le cadre du présent litige.

5. Sur l’indemnisation et l’obligation à la dette

Les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte, ni profit. (Civ. 3e 5 juillet 2001, N° 99-18.712)

S’agissant des travaux payés non exécutés
Nul ne conteste qu’au jour de la résolution du contrat, les époux [P] s’étaient déjà acquittés de la somme totale de 367 974,60 € TTC auprès de la société ATELIER DOH, correspondant à la réalisation de 306 645,51 € HT de travaux. S’ils affirment que seule la moitié des travaux a été réalisée pour un montant qu’ils estiment à 296 564,72 € HT, les époux [P] ne produisent aux débats aucune évaluation des travaux effectués ni même aucun détail des prestations qui auraient été indûment facturées.

Les époux [P] échouent ainsi à rapporter la preuve d’un paiement indu et seront donc déboutés de leur demande aux fins que leur soit restituée la somme de 12 096,94 € TTC.

Sur les frais de location et le préjudice de jouissance
Il est établi par les constats de commissaires de justice que la maison des époux [P] n’est actuellement pas habitable, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté.

Les frais de relogement allégués par les époux [P] ne pourront être pris en compte dès lors qu’à l’appui de cette demande, ils ne produisent aux débats que les quittances de loyers adressées à la société BOULMICH’MOTO représentée par Monsieur [V] [P]. Ils ne produisent en outre pas le bail permettant de démontrer que ce local qui semble donc correspondre à un local commercial, leur soit loué en tout ou partie à usage d’habitation dans l’attente que les travaux soient terminés. En toute hypothèse, les époux [P] ne peuvent à la fois solliciter leur indemnisation en raison de la perte de jouissance intégrale de leur maison et de leur nécessité de se reloger dans l’attente que les travaux soient achevés, ce qui leur procurerait une double indemnisation au titre du même préjudice.

Le préjudice de jouissance des époux [P] est pour l’instant total, la maison n’étant pas achevée ni même hors d’eau et hors d’air. Pour justifier de la valeur de leur bien, les époux [P] se contentent de produire aux débats une annonce concernant la location d’une maison meublée à Malakoff pour un loyer mensuel de 2 500 € par mois charges comprises, laquelle ne permet ni d’avoir la certitude que le bien figurant sur l’annonce soit effectivement loué à ce prix, ni de savoir si ce prix correspond à la valeur locative moyenne des biens du secteur ayant les mêmes caractéristiques que celle des époux [P], en l’absence de termes de comparaison avec ces derniers. S’agissant d’une maison d’habitation située à Malakoff, de trois étages, outre un toit terrasse, comprenant 3 chambres, étant précisé que sa surface habitable projetée n’est pas mentionnée dans les pièces produites, le préjudice de jouissance mensuel sera évalué à
1 600 €.

En l’absence de précision quant au délai d’achèvement des travaux dans les pièces contractuelles produites, le point de départ de ce préjudice sera fixé au 22 mai 2023, date de la résolution du contrat. Ce préjudice sera arrêté à la date du présent jugement, lequel permet aux époux [P] de faire poursuivre les travaux par une autre entreprise dès lors que la résolution du contrat n’est plus contestable. Le préjudice de jouissance est donc arrêté au 24 septembre 2024, ce qui correspond à une durée de 16 mois et 2 jours. Il s’élève ainsi à la somme de 25 706,66 € (1 600 x 16 + 1 600 / 30 x 2).

Sur le préjudice moral
Le préjudice moral, distinct du trouble de jouissance et de l’encourt de l’intérêt légal sur les sommes susvisées est caractérisé par la multiplication des démarches amiables et judiciaires qu’ont été dans l’obligation d’entreprendre les époux [P] pour faire valoir leurs droits ; l’anxiété résultant immanquablement des manquements contractuels d’un professionnel de la construction qui les a privés des règles protectrices d’ordre public prévues par le code de la consommation et le code de la construction et de l’habitation et de l’incertitude imposée par l’opiniâtreté de celui-ci à ne pas s’engager sur les délais de réalisation des travaux quant à leur achèvement.

Une somme de 15 000 € leur sera donc octroyée en réparation de leur préjudice moral.

Décision du 24 septembre 2024
6ème chambre 1ère section
N° RG 24/01135 –
N° Portalis 352J-W-B7I-C33YS

*

La société ATELIER DOH et la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS doivent être tenues in solidum de la réparation de ces préjudices ainsi que des condamnations qui seront prononcées au titre des frais irrépétibles et dépens.

La SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS sera donc condamnée à payer les sommes suivantes aux époux [P], lesquelles seront également fixées au passif de la procédure collective de la société ATELIER DOH :
– 25 706,66 € au titre de leur préjudice de jouissance ;
– 15 000 € en réparation de leur préjudice moral.

Les intérêts courent de plein droit à compter de la date de la présente décision conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil. La capitalisation des intérêts étant sollicitée, elle sera ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

6. Sur les dépens et frais irrépétibles

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

La société ATELIER DOH et la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS qui succombent supporteront donc in solidum les dépens.

Les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer:
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; (…)
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s’il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat. »

En équité et eu égard à la situation économique des parties, La SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS sera condamnée à payer 8 380 € aux époux [P], somme qui sera également fixée au passif de la procédure collective de la société ATELIER DOH.

La société CUBE IN LIFE sollicitant exclusivement la condamnation des époux [P] au titre des frais irrépétibles, lesquels ne succombent pas et ne sont pas condamnés aux dépens, elle sera déboutée de cette demande.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

REJETTE l’exception d’incompétence soulevée par la société CUBE IN LIFE et la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS ;

CONSTATE la résolution du contrat souscrit entre la société ATELIER DOH et Monsieur [V] [L] [P] et Madame [G] [I] [H], épouse [P] pour la démolition des existants et la construction d’une maison individuelle au 22 mai 2023 ;

DEBOUTE Monsieur [V] [L] [P] et Madame [G] [I] [H], épouse [P] de l’ensemble des demandes qu’ils forment à l’encontre de la société CUBE IN LIFE et de la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS en sa qualité d’assureur de la société CUBE IN LIFE ;

DIT que la société ATELIER DOH et la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS en sa qualité d’assureur de la société ATELIER DOH sont tenues in solidum de la réparation des préjudices subis par Monsieur [V] [L] [P] et Madame [G] [I] [H], épouse [P] ;

FIXE les sommes suivantes au passif de la procédure collective de la société ATELIER DOH, au profit de Monsieur [V] [L] [P] et Madame [G] [I] [H], épouse [P] et condamne in solidum la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS à s’en acquitter :
– 25 706,66 € au titre de leur préjudice de jouissance ;
– 15 000 € en réparation de leur préjudice moral ;
– 8 380 € au titre des frais irrépétibles ;

RAPPELLE que les intérêts courent de plein droit à compter de la date de la présente décision;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

CONDAMNE in solidum la société ATELIER DOH et la SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS au paiement des dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société CUBE IN LIFE de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile ;

REJETTE le surplus des demandes.

Fait et jugé à Paris le 24 septembre 2024

Le Greffier Le Président


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