Compétence et Intérêt à Agir : Éclaircissements sur les Règles de Procédure Civile

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Compétence et Intérêt à Agir : Éclaircissements sur les Règles de Procédure Civile

Dans le cadre d’un chantier de rénovation d’un appartement triplex, la SCI DU 66 BARRES DDFILP a engagé la société S.A.R pour divers travaux après avoir conclu un contrat avec la société DP AGENCE, architecte maître d’œuvre. Un procès-verbal de réception avec réserves a été signé le 18 février 2020, et les réserves ont été levées le 20 février 2020. La société S.A.R a ensuite demandé le règlement des retenues de garantie, et le 12 mai 2021, elle a mis en demeure la SCI DU 66 BARRES DDFILP pour des factures impayées. Après une assignation en référé, le juge a ordonné le paiement de 15.114,10 euros à la société S.A.R.

La société S.A.R a fait appel partiellement de cette décision, contestée par la SCI DU 66 BARRES DDFILP. Une saisie-attribution a été effectuée en avril 2022. La cour d’appel a confirmé l’ordonnance de janvier 2022 et a condamné la SCI à payer des frais supplémentaires.

Par la suite, la société S.A.R a assigné la SCI DU 66 BARRES DDFILP et la société DP AGENCE pour le paiement des sommes dues. La société DP AGENCE a également formulé une demande reconventionnelle contre la SCI pour des factures impayées.

Des incidents de procédure ont eu lieu, avec des demandes de compétence et d’irrecevabilité entre les parties. Le juge a rejeté les exceptions d’incompétence et de non-recevoir, ordonné la disjonction des instances et réservé les dépens. Les affaires ont été renvoyées à des audiences futures pour des conclusions supplémentaires.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Nanterre
RG
22/01626
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

7ème Chambre

ORDONNANCE DE MISE EN ETAT

Rendue le 12 Septembre 2024

N° R.G. : N° RG 22/01626 – N° Portalis DB3R-W-B7G-XI7A

N° Minute :

AFFAIRE

S.A.R.L. SOCIETE D’AMENAGEMENT ET DE RENOVATION

C/

S.C.I. SCI DU 66 BARRES DDFILP, S.A.R.L. DP AGENCE

Copies délivrées le :

Nous, Aurélie GRÈZES, Juge de la mise en état assistée de Virginie ROZERON, Greffière ;

DEMANDERESSE

SOCIETE D’AMENAGEMENT ET DE RENOVATION
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Alexandre MEYRIEUX de la SELEURL ODEON AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : B629

DEFENDERESSES

Société SCI DU 66 BARRES DDFILP
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentée par Maître Eva MARQUET de la SELARL CABOUCHE & MARQUET, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0531

Société DP AGENCE
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Catherine LE GUEN de la SCP ANCIENNEMENT AYME RAVAUD LE GUEN, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0413

ORDONNANCE

Par décision publique, rendue en premier ressort, contradictoire susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile, et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Les avocats des parties ont été entendus en leurs explications, l’affaire a été ensuite mise en délibéré et renvoyée pour ordonnance.

Avons rendu la décision suivante :

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre d’un chantier de rénovation de son appartement triplex, pour lequel un contrat d’architecte maîtrise d’œuvre avait été conclu avec la société DP AGENCE le 13 juin 2017, la SCI DU 66 BARRES DDFILP a fait appel aux services de la société S.A.R pour la réalisation des lots suivants : 1 (démolition), 7 (Gros œuvre, plâtrerie, isolation), 7 bis (Véranda), 16 (Carrelage), 41 (véranda complément), 45 (Terrasse protection étanchéité), 46 (Studio travaux divers), 47 (Démolition et travaux divers terrasse), 48 (Cheminée et parapluie), 49 (Chambres amis), 50 (Travaux divers), 70 (Travaux sup divers), 81 (Dallette coffre-fort), 82 (Grillage anti pigeons), 83 Bouchage trop plein terrasse).

Le 18 février 2020, un PV de réception avec réserves a été signé entre les parties, en présence de l’architecte, la société DP AGENCE, maitre d’œuvre en charge de l’exécution des travaux.

Le 20 février 2020, les réserves ont été levées pour l’ensemble des lots.

La société S.A.R. a adressé à la SCI DU 66 BARRES DDFILP des demandes de règlement des retenues de garantie par courriers des 20 février 2021 et 5 mars 2021.

Le 12 mai 2021, par l’intermédiaire de son Conseil, la société S.A.R a mis en demeure la SCI DU 66 BARRES DDFILP d’avoir à régler les factures impayées à hauteur de 92.578,75 euros, ainsi que la somme de 15.114,10 euros au titre des retenues de garantie sous huit jours.

Par acte d’huissier en date 9 septembre 2021, la société S.A.R a fait assigner la SCI DU 66 BARRES DDFILP, devant le juge des référés, afin de condamnation à titre provisionnel au paiement des retenues de garantie.

Selon une ordonnance rendue le 21 janvier 2022, le juge des référés a fait droit à la demande de règlement des retenues de garantie et a condamné la SCI DU 66 BARRES DDFILP à régler à la société S.A.R. la somme de 15.114,10 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2021.

Par déclaration en date du 25 février 2022, la société S.A.R. a fait appel partiel de cette ordonnance en ce qu’elle a :

– Mis à sa charge la somme de 3.206,11 euros à payer à la SCI DU 66 BARRES DDFILP à titre de provision à valoir sur le paiement du compte définitif général des lots 1, 7bis et 16,

– Mis à sa charge la somme de 1.500 euros à payer à la SCI DU 66 BARRES DDFILP à titre de provision à valoir sur le paiement des pénalités contractuels de retard relatif à l’exécution des travaux objets du lot n°7,

– L’a déboutée de sa demande présentée en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Dit qu’elle supportera la charge de ses dépens.

Le 5 avril 2022, une saisie-attribution à hauteur de 15.815,99 euros a dû être pratiquée entre les mains de la BANK AUDI FRANCE et a été dénoncée à la SCI DU 66 BARRES DDFILP le 7 avril 2022.

Par arrêt du 10 novembre 2022, la cour d’appel de VERSAILLES a confirmé l’ordonnance rendue le 22 janvier 2022 et statuant à nouveau a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la SCI DU 66 BARRES DDFILP au titre de la participation de la société S.A.R au compte prorata du lot n°7, et a condamné la SCI DU 66 BARRES DDFILP à payer à la société S.A.R la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Par acte d’huissier en date du 17 février 2022, la société S.A.R a fait assigner la SCI DU 66 BARRES DDFILP ainsi que la société DP AGENCE, devant le tribunal judiciaire de NANTERRE, aux fins de les voir condamner in solidum à lui régler les sommes restant impayées.

Selon des conclusions signifiées par voie électronique le 23 novembre 2022, la société DP AGENCE a formé, à titre reconventionnel, une demande de condamnation de la SCI DU 66 BARRES DDFILP à la somme de 135.785,84 euros correspondant au solde d’une facture impayée ainsi qu’à la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

*

Selon des conclusions d’incident signifiées par la voie électronique le 10 avril 2024, la SCI DU 66 BARRES DDFILP demande au juge de la mise en état, de :

– Déclarer le tribunal incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris, pour statuer sur la demande de condamnation de la SCI DU 66 BARRES DDFILP au paiement de la somme de 135.785,84 euros formée par la société DP AGENCE,

Subsidiairement,

– Déclarer irrecevable faute d’intérêt à agir la société DP AGENCE en sa demande de condamnation de la SCI DU 66 BARRES DDFILP au paiement de la somme de 135.785,84 euros,

Plus subsidiairement,

– Prendre la mesure d’administration judiciaire nécessaire pour régler le problème de connexité, voire de litispendance, entre les demandes de condamnation présentées par la société DP AGENCE à l’encontre de la société de la SCI dans la présente instance et les instances pendantes n° RG 22/01625, RG 22/01588 et RG 22/01587 devant le tribunal de céans afin que cette demande ne subsiste plus que dans une seule instance,

– Déclarer irrecevable la demande de condamnation de la SCI 66 BARRES DDFILP au paiement de la somme de 135.785,84 euros formée par la société DP AGENCE faute de constituer une demande incidente et en toute hypothèse, faute de lien suffisant avec la demande originaire,

En tout état de cause :

– Condamner la société DP AGENCE à payer à la SCI DU 66 BARRES DDFILP une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la société DP AGENCE aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Eva MARQUET, avocat aux offres de droit, dans les termes et conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

*

Selon des conclusions d’incident signifiées le 28 septembre 2023, la société DP AGENCE demande au juge de la mise en état, de :

– Déclarer compétent le tribunal judiciaire de Nanterre pour statuer sur la demande de condamnation formulée par la société DP AGENCE à l’encontre de la société SCI DU 66 BARRES DDFIL,

– Déclarer recevable la demande de condamnation formulée en deniers ou quittance par la société DP AGENCE à l’encontre de la société SCI DU 66 BARRES DDFIL,

– Rejeter la demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en réserver l’examen à la juridiction du fond,

– Réserver les dépens.

*

Selon des conclusions d’incident signifiées par la voie électronique le 30 mai 2024, la société S.A.R. demande au juge de la mise en état, de :

– Renvoyer l’affaire au fond à une date proche avec fixation d’un calendrier de procédure comportant injonction à la SCI DU 66 BARRES DDFILP de conclure sur les demandes formées par la société S.A.R. dans son assignation du 17 février 2022,

– Condamner la société SCI DU 66 BARRES DDFILP à verser à la société S.A.R. la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’incident a été plaidé à l’audience du 3 juin 2024 et mis en délibéré au 12 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article 789 du Code de procédure civile dans sa version issue du décret n°2024-673 du 3 juillet 2024, entré en vigueur le 01/09/2024 et applicable aux instances en cours,  » Le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;

2° Allouer une provision pour le procès ;

3° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;

4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;

5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction ;

6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

Par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond.

Dans le cas visé au précédent alinéa, la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats. Les parties sont alors tenues de reprendre la fin de non-recevoir dans les conclusions adressées à la formation de jugement.  »

1. Sur l’exception d’incompétence

La SCI DU 66 BARRES DDFILP soutient que le tribunal judiciaire de NANTERRE n’est pas compétent pour statuer sur la demande en paiement de sa note d’honoraires formée par la société DP AGENCE au motif que le contrat d’architecte en date du 13 juin 2027 comporte une clause d’attribution de compétence au profit du tribunal judiciaire de PARIS.

Cependant, il n’est ni allégué ni établi que la SCI DU 66 BARRES DDFILP aurait la qualité de commerçant. Dès lors, la clause attributive de compétence est réputée non écrite en application de l’article 48 du code de procédure civile.

La SCI DU 66 BARRES DDFILP, ayant son siège social à NEUILLY-SUR-SEINE, le tribunal judiciaire de NANTERRE est bien compétent pour statuer sur la demande en paiement.

En conséquence, il convient de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la SCI DU 66 BARRES DDFILP.

2. Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile,  » Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.  »

En l’espèce, la SCI DU 66 BARRES DDFILP soutient que la société DP AGENCE n’a pas intérêt à réclamer paiement de ses honoraires dans quatre instances distinctes d’une seule et même créance alléguée.

Cependant, la société DP, qui forme ses demandes en paiement en deniers et quittance, ne peut être déclarée irrecevable en ses demandes au seul motif qu’elle les forme dans quatre instances distinctes.

Il convient en conséquence de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la SCI DU 66 BARRES DDFILP.

3. Sur la mesure d’administration judiciaire

L’article 368 du CPC prévoit que  » les décisions de jonction ou disjonction d’instances sont des mesures d’administration judiciaire « .

En l’espèce, il apparaît opportun d’ordonner la disjonction de l’instance concernant les demandes formées par la société DP AGENCE à l’encontre de la SCI DU 66 BARRES DDFILP compte tenu des demandes identiques en paiement présentées par la société DP AGENCE dans quatre instances distinctes.

4. Sur les autres demandes

Les dépens seront réservés.

Les circonstances de l’espèce ne justifient pas de faire droit aux demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de de la mise en statuant, publiquement, par ordonnance contradictoire, susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile ;

REJETTE l’exception d’incompétence soulevée par la SCI DU 66 BARRES DDFILP ;

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la SCI DU 66 BARRES DDFILP ;

ORDONNE la disjonction de l’instance en ce qui concerne les demandes présentées par la société DP AGENCE à l’encontre de la SCI DU 66 BARRES DDFILP sous le RG 24/07523 ;

REJETTE les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RESERVE les dépens ;

RENVOIE le RG 22/01626 à l’audience de mise en état du 2 décembre 2024 pour les conclusions de la SCI DU 66 BARRES DDFILP, avec injonction de conclure ;

RENVOIE le RG 24/07523 à l’audience de mise en état du 2 décembre 2024 pour jonction avec les RG 24/07520, RG 24/07515 et le RG 24/07518 ;

signée par Aurélie GRÈZES, Vice-Présidente, chargée de la mise en état, et par Virginie ROZERON, Greffière présente lors du prononcé.

LA GREFFIERE

LA JUGE DE LA MISE EN ETAT


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