Compétence de l’Avocat : le juge des honoraires incompétent
Compétence de l’Avocat : le juge des honoraires incompétent
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Il n’appartient pas au juge de l’honoraire d’apprécier, même de manière indirecte, la responsabilité professionnelle d’un avocat en prenant en compte les critiques émises sur la qualité de sa prestation et les manquements allégués par le client à son égard.

il n’appartient ni au bâtonnier, ni au premier président de statuer sur la responsabilité professionnelle des avocats intervenus, seule une action devant le tribunal judiciaire pouvant éventuellement prospérer.

Dès lors, la demande d’un client tendant à contester l’efficacité et la qualité des diligences accomplies par un avocat formulée devant le juge de l’honoraire ne peut être que rejetée.


COUR D’APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence – Taxes









RG 23/00005 – N° Portalis DBVY-V-B7H-HFWI

ORDONNANCE





Nous, Marie-France BAY RENAUD, première présidente de la Cour d’Appel de CHAMBERY, assistée de Sophie MESSA, greffière, avons rendu, le VINGT JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS, après débats tenus publiquement le 25 Avril 2023, l’ordonnance suivante opposant :





-SARL AST SERVICES, située [Adresse 3])

représentée par M. [D] [G] (gérant)

demanderesse au recours





à :



SELARL [O] [K] (société d’avocats)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Charlène BERTA-GRANGER, avocate inscrite au barreau D’ANNECY

défenderesse au recours

Exposé du litige






”’





Exposé du litige’:



La SARL AST SERVICES a confié à Maître [O] [K] la défense de ses intérêts dans un contentieux relevant du droit de la contrefaçon.

Contestant les honoraires de Maître [O] [K], la SARL AST SERVICES a saisi Madame la bâtonnière de l’ordre des avocats d’Annecy qui a, suivant ordonnance rendue le 29 décembre 2022, débouté le requérant de ses demandes, fixé le montant des honoraires de la SELARL [O] [K] à 13 448,66 euros HT après remboursement de la TVA non applicable.

La SARL AST SERVICES a contesté devant le premier président la décision du bâtonnier. Les parties ont été régulièrement convoquées par le greffe à l’audience du 25 avril 2023.

Moyens

la SARL AST SERVICES fait valoir qu’elle sollicite la restitution des honoraires versés et des factures de l’huissier instrumentaire à hauteur de 3’610,72 euros puisque Maître [O] [K] a manqué de transparence en omettant les difficultés rencontrées par l’huissier de justice en charge de l’exécution de l’ordonnance, que Madame le bâtonnier de l’ordre des avocats a mal interprété sa demande, ne regardant que les factures et les tarifs non contestés sans étudier le problème de fond, à savoir l’exécution problématique de l’ordonnance mal rédigée de Maître [K] par l’huissier [W], que le résultat fut catastrophique, que Maître [K] a perdu le procès et lui des sommes importantes, dont la facture réglée à l’huissier.



Elle expose qu’elle aurait aimé un estimatif des honoraires.



Maître [O] [K] sollicite la confirmation de l’ordonnance de la bâtonnière de l’ordre des avocats du barreau d’Annecy et fait valoir que la juridiction du premier président n’est pas compétente pour statuer sur la responsabilité professionnelle de l’avocat.

Motivation




MOTIVATION’:



Sur la recevabilité du recours’:



Il résulte des dispositions de l’article 176 du décret n° 91-1197 du 27’novembre’1991 rappelé dans le courrier de notification du bâtonnier’que la décision ordinale est susceptible de recours devant le premier Président de la cour d’appel dans le délai d’un mois, lequel court à compter de la notification de la décision déférée.

L’examen de la procédure révèle que la décision déférée a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception, signée par la SELARL [K] le 5 janvier 2023, étant précisé que la notification à la société AST SERVICES est illisible’; dès lors que les documents communiqués ne permettent pas d’établir avec certitude la date de la notification de la décision à la société AST SERVICES, il convient de déclarer recevable le recours formé devant la première présidence par lettre recommandée transmise le 31 janvier 2023 au tribunal judiciaire d’Annecy et reçue à la cour d’appel le 6 février 2023,



Sur la contestation de la décision déférée :



A titre préliminaire, il convient de rappeler que la procédure de taxation des honoraires’d’avocats est prévue par les dispositions du décret n° 91 1197 du 27 novembre 1991.

Aux termes de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

En l’espèce, aucune convention d’honoraire n’a été conclue entre Maître [O] [K] et la SARL AST SERVICES.

Or, l’absence d’une convention d’honoraire n’empêche pas le conseil d’obtenir une rémunération pour les diligences réalisées au profit de son client. Celle-ci doit être fixée en considération des critères énoncés à l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, que sont les usages, la situation de fortune du client, la difficulté de l’affaire, les frais exposés par l’avocat, sa notoriété et les diligences qu’il accomplies.

En outre, en l’absence de convention d’honoraire mais en cas de règlement intégral des honoraires facturés, le client est présumé les avoir acceptés. Dans ce cas seul un manquement au devoir d’information dans les mentions obligatoires des factures peuvent permettre leur contestation en application de l’article L441-9 du code de commerce.

En l’espèce, la SARL AST SERVICES a payé l’intégralité des factures qui lui ont été soumises par Maître [O] [K].

L’article L.441-9 du code de commerce prévoit qu’une facture doit comporter les mentions suivantes’: «’le nom des parties ainsi que leur adresse et leur adresse de facturation si elle est différente, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de services, à l’exclusion des escomptes non prévus sur la facture’».

Sur les 8 factures produites, quatre d’entre elles, les factures n°20190183, n°20190399, n° 20190791 et n°20191058, ne répondent pas à ces critères.

Maître [O] [K] a une expérience et une notoriété reconnue dans le barreau de Chambéry dont il fait partie depuis 1997 et apporte au soutien de ses prétentions l’ensemble des diligences qu’il a réalisé pour le compte de la SARL AST SERVICES’: une requête aux fins de constat d’huissiers, des conclusions devant le juge des référés du tribunal de commerce d’Annecy, des conclusions récapitulatives devant le juge des référés du tribunal de commerce d’Annecy, une requête en saisie revendication et une assignation devant le tribunal de commerce d’Annecy, représentant un total de 60 heures de travail auxquelles s’ajoutent environ 5 heures de tâches administratives.

En l’état et en l’absence d’éléments sur la situation financière de la SARL AST SERVICES, il convient d’apprécier le taux horaire de 230 euros HT appliqué pour le travail de l’avocat et le montant de 80 euros HT pour le secrétariat comme justifiés.

Il est rappelé qu’il n’appartient pas au juge de l’honoraire d’apprécier, même de manière indirecte, la responsabilité professionnelle d’un avocat en prenant en compte les critiques émises sur la qualité de sa prestation et les manquements allégués par le client à son égard.

En l’espèce, la SARL AST SERVICES critique le principe même de l’honoraire en ce que son conseil Maître [O] [K] aurait commis une faute professionnelle manquant de transparence vis-à-vis des difficultés d’exécution rencontrées en cours de procédure et de l’inefficacité des mesures mise en ‘uvre.

Or, il n’appartient ni au bâtonnier, ni au premier président de statuer sur la responsabilité professionnelle des avocats intervenus, seule une action devant le tribunal judiciaire pouvant éventuellement prospérer.

Dès lors, la demande tendant à contester l’efficacité et la qualité des diligences accomplies par Maître [O] [K] sera rejetée.

Il convient de confirmer la décision de Madame la bâtonnière de l’ordre des avocats du barreau d’Annecy.



La partie qui succombe supporte les dépens.


Dispositif

PAR CES MOTIFS,



Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en matière de contestation d’honoraires,



DÉCLARONS recevable le recours formé par la SARL AST SERVICES à l’encontre de la décision de la bâtonnière de l’ordre des avocats au barreau d’Annecy en date du 29 décembre 2022,

CONFIRMONS l’ordonnance de taxe de la bâtonnière de l’ordre des avocats au barreau d’Annecy en date du 29 décembre 2022,



CONDAMNONS la SARL AST SERVICES aux dépens.



DISONS qu’en application de l’article 177 du décret du 27 novembre 1991, la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec accusé de réception.



Ainsi prononcé le vingt Juillet deux mille vingt trois par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, et signé par Marie-France BAY RENAUD, première présidente, et Sophie MESSA, greffière.





LA GREFFIERE LA PREMIERE PRESIDENTE


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