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Dès lors qu’il ne peut y avoir lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas, il convient de considérer que les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail (indemnisation du journaliste par la commission arbitrale) sont applicables aux journalistes professionnels au service d’une entreprise de presse quelle qu’elle soit.
Il ressort des dispositions de l’article L. 7112-3 du code du travail que, s’agissant des journalistes professionnels, lorsque l’employeur est à l’initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’années de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est alors fixé à quinze, sauf décision de la commission arbitrale pour le surplus.
L’article L. 7111-3 du code du travail qui fixe le champ d’application des dispositions du code du travail particulières aux journalistes professionnels définit ceux-ci comme toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes ou périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
Les articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail ne prévoient pas expressément que leur champ d’application serait limité aux entreprises de journaux et périodiques de sorte que, si une restriction apparaît dans l’article L. 7112-2 du code du travail relatif au préavis, elle ne saurait être étendue aux articles L. 7112-3 et L. 7112-4.
Or, il apparaît constant en l’espèce que, ainsi que l’objectivent notamment les attestations, contrat de travail et documents de fin de contrat mais également les avis d’imposition versés aux débats, le salarié, titulaire de la carte d’identité des journalistes professionnels depuis le 15 avril 1990, avait pour activité principale, régulière et rétribuée, préalablement à son licenciement le 5 avril 2018, une activité salariée de rédactrice pour le compte de l’agence de presse PLEINS TITRES dont elle tirait l’essentiel de ses revenus.
______________
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Lyon, Chambre sociale a, 11 mai 2022, n° 19/03953
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/03953 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MNAY
[N]
SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES
C/
Société [M] [C]
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 16 Mai 2019
RG : F18/02125
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 11 MAI 2022
APPELANTS :
[T] [N] épouse [Y]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Géraldine HUET de la SELARL SOREL-HUET-LAMBERT MICOUD, avocat au barreau de LYON substituée par Me Nancy LAMBERT-MICOUD, avocat au barreau de LYON
SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES
[Adresse 2]
[Localité 8]
représenté par Me Géraldine HUET de la SELARL SOREL-HUET-LAMBERT MICOUD, avocat au barreau de LYON substituée par Me Nancy LAMBERT-MICOUD, avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
Société [M] [C] représenté par Me [M] [C], ès qualités de mandataire ad’hoc de la société PLEINS TITRES
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Sylvain FLICOTEAUX de la SELARL DELMAS FLICOTEAUX, avocat au barreau de LYON,
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Février 2022
Présidée par Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
— Joëlle DOAT, présidente
— Nathalie ROCCI, conseiller
— Antoine MOLINAR-MIN, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 11 Mai 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Président et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
[T] [N] épouse [Y] a été embauchée à compter du 1er octobre 1994 en qualité de rédactrice 2ème échelon par la SARL PLEINS TITRES, suivant contrat de travail écrit à durée indéterminée du 28 septembre 1994 soumis à la convention collective nationale des journalistes (IDCC 1480).
Au dernier état de la relation de travail, [T] [N]-[Y] occupait, au sein de la SARL PLEINS TITRES, l’emploi de journaliste-rédacteur.
Par jugement du 21 mars 2018, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL PLEINS TITRES et désigné Maître [L] [U] en qualité de mandataire-liquidateur.
Maître [U], en qualité de mandataire-liquidateur de la SARL PLEINS TITRES, a notifié à [T] [N]-[Y] son licenciement pour motif économique par correspondance du 5 avril 2018, de sorte que la relation de travail a pris fin le 5 juin 2018.
Le 17 juillet 2018, [T] [N] épouse [Y] a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de rappel d’indemnité de licenciement.
Le syndicat national des journalistes est intervenu volontairement à l’instance.
Par jugement en date du 16 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon ‘ section encadrement, a :
DIT ET JUGÉ que l’article L. 7112-3 du code du travail ne s’appliquait pas aux journalistes des agences de presse ;
DIT ET JUGÉ l’intervention volontaire du syndicat national des journalistes irrecevable ;
En conséquence,
DÉBOUTÉ [T] [N] épouse [Y] de sa demande de solde d’indemnité de licenciement calculée par référence à l’article L. 7112-3 du code du travail ;
DÉBOUTÉ les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTÉ les parties du surplus de leurs demandes ;
LAISSÉ les dépens à chacune des parties.
[T] [N]-[Y] et le syndicat national des journalistes ont interjeté appel de cette décision le 7 juin 2019.
Par jugement en date du 11 juin 2020, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif et désigné la SELARL [M] [C] en qualité de mandataire ad’hoc pour représenter la SARL PLEINS TITRES à l’occasion des procédures judiciaires toujours pendantes.
Par leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 3 janvier 2022 et auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, [T] [N] et le syndicat national des journalistes sollicitent de la cour de :
JUGER recevable l’appel qu’ils ont interjeté à l’encontre du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon le 16 mai 2019 ;
JUGER que la cour est saisie d’une critique à l’encontre du chef de jugement qui a rejeté la demande de Madame [Y]-[N] au titre d’une indemnité de licenciement fondée sur l’article L. 7112-3 du code du travail ;
DIRE l’appel bien fondé ;
RÉFORMER le jugement querellé ;
FIXER la créance de [T] [N] épouse [Y] au passif de la liquidation judiciaire de PLEINS TITRES à 18 686,90 euros, l’article L 7112-3 du code du travail s’appliquant à tout employeur dont l’agence de presse PLEINS TITRES ;
CONDAMNER Maître [M] [C] ès qualités à payer à [T] [N] épouse [Y] 3 000 euros en application de l’article 700 du CPC, et aux dépens ;
JUGER recevable l’intervention volontaire du SNJ aux côtés de [T] [Y] épouse [N] ;
Par conséquent,
FIXER la créance du SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES au passif de la liquidation judiciaire de PLEINS TITRES à 1 000 euros ;
CONDAMNER Maître [L] [U] ès qualités payer au SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES 2 000 euros en application de l’article 700 du CPC, et aux dépens ;
DÉBOUTER Maître [M] [C], ès qualités, et le CGEA-AGS de l’ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions ;
DIRE la décision à intervenir opposable au CGEA AGS de CHALON SUR SAONE dans la limite des textes et plafonds légaux.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 23 décembre 2021 et auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SELARL [M] [C], ès qualités de mandataire ad’hoc de la SARL PLEINS TITRES, sollicite de la cour de :
CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a :
— Dit et jugé l’intervention volontaire du syndicat national des journalistes irrecevable,
— Débouté [T] [N] épouse [Y] de sa demande de solde d’indemnité de licenciement calculée par référence à l’article L. 7112-3 du code du travail,
— Débouté Madame [Y] et le syndicat national des journalistes de leur demande au titre de l’article 700 du CPC ;
RÉFORMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a débouté le liquidateur judiciaire de la société PLEINS TITRES de ses demandes formulées au titre de l’article 700 du CPC ;
RÉFORMER le jugement en ce qu’il a laissé les dépens à chacune des parties ;
Statuant de nouveau de ces chefs,
CONDAMNER Madame [Y] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;
CONDAMNER le syndicat national des journalistes à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;
CONDAMNER solidairement Madame [Y] et le SNJ aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de Maître AGUIRAUD, avocat sur son affirmation de droit.
Enfin, par conclusions notifiées par voie électronique le 29 novembre 2019, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l’UNEDIC ‘ DELEGATION AGS-CGEA DE CHALON-SUR-SAONE sollicite de la cour de :
DÉCLARER recevable, mais mal fondé l’appel interjeté par Madame [Y] ;
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon le 16 mai 2019 ;
DÉBOUTER les appelants de l’ensemble de leurs demandes ;
Et en tout état de cause,
DIRE ET JUGER que l’article 700 du code de procédure civile n’est pas garanti par l’AGS, de même que les dommages-intérêts sollicités par le SNJ ;
DIRE ET JUGER que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21 et L. 3253-15 du code du travail et L. 3253-17 du code du travail ;
DIRE ET JUGER que son obligation de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;
LA METTRE hors dépens.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 13 janvier 2022, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 16 février 2022.
SUR CE :
— Sur le montant de l’indemnité de licenciement due à [T] [N]-[Y] :
[T] [N]-[Y] soutient notamment, à l’appui de sa demande, que :
— les dispositions du jugement ayant dit et jugé « que l’article L. 7112-3 du code du travail ne s’applique pas aux journalistes des agences de presse » ne constituent pas un chef de jugement de sorte qu’elles ne peuvent être revêtues de l’autorité de la chose jugée, d’une part, et que l’absence de critique explicite les visant dans la déclaration d’appel n’a pas pour effet de limiter le périmètre de l’appel interjeté ;
— tant la liquidation judiciaire de PLEINS TITRES que l’AGS/CGEA n’ont jamais contesté qu’elle tirait l’essentiel de ses revenus de son activité exercée pour le compte de PLEINS TITRES ;
— l’article L.7111-3 du code du travail définit le journaliste professionnel, pour l’application de l’ensemble des dispositions figurant aux articles L.7111-1 et suivants, comme « toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources », ce qui correspondait à la réalité de la relation de travail avec la SARL PLEINS TITRES ;
— il n’y a pas lieu d’interpréter l’article L. 7111-3 par rapport aux disposition de l’article L. 7111-2 qui se rapportent à la situation juridique différente et particulière du préavis, et de faire une distinction entre le journaliste, qui écrit directement dans un journal ou un périodique, et celui qui le fait par l’intermédiaire d’une agence de presse ;
— Elle a effectué les démarches pour saisir la Commission arbitrale des journalistes, même si celle-ci n’est compétente que pour statuer sur le solde de l’indemnité de licenciement au-delà des 15 premières années.
La SELARL [M] [C], en qualité de mandataire liquidateur de la SARL PLEINS TITRES fait notamment valoir, en réponse, que :
— les appelants n’ayant pas interjeté appel des dispositions du jugement ayant « Dit et jugé que l’article L. 7112-3 du code du travail ne s’applique pas aux journalistes des agences de presse », ces dispositions sont désormais définitives ;
— les dispositions de l’article L. 7112-3 du code du travail ont un champ d’application spécifique, limité aux seuls journalistes salariés d’entreprises de journaux et périodiques, à l’exclusion des agences de presse, telles que la SARL PLEINS TITRES, qui n’avait pas d’activité de « publication de presse » au sens de la loi du 1er août 1986 ;
— en tout état de cause, il résulte des dispositions de l’article L. 7112-4 du code du travail que seule la commission arbitrale ‘ que la salariée n’a pourtant pas estimé devoir saisir ‘ est compétente pour déterminer le montant de l’indemnité éventuellement due à un journaliste professionnel ayant plus de quinze années d’ancienneté ;
Enfin, l’UNEDIC ‘ DELEGATION AGS-CGEA DE CHALON-SUR-SAONE fait valoir en substance, que :
— c’est seulement lorsque l’activité de l’entreprise est une activité de publication de presse, que l’indemnité de licenciement spécifique trouve à s’appliquer ;
— l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse définit une publication de presse comme un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général ou de catégories de publics et paraissant à intervalles réguliers ; or, les agences de presse, telles que PLEINS TITRES, relèvent pour leur part de l’ordonnance n° 45-2646 du 2 novembre 1945 portant réglementation des agences de presse qui les définit comme « les entreprises commerciales qui collectent, traitent, mettent en forme et fournissent à titre professionnel tous éléments d’information ayant fait l’objet sous leur propre responsabilité d’un traitement journalistique et dont la moitié au moins du chiffre d’affaires provient de la fourniture de ces éléments à des entreprises éditrices de publications de presse, au sens de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 ».
* * * * *
Il convient de rappeler à titre liminaire que les demandes de « constater », « dire et juger », « dire que » ou de « donner acte » qui, nonobstant leur reprise éventuelle au dispositif du jugement déféré, constituent tout au plus des rappels de moyens, ne sont pas des prétentions en justice au sens des dispositions des articles 562, 901 et 954 du code de procédure civile notamment.
Il ne peut ainsi être sérieusement soutenu que les dispositions du jugement déféré, par lesquelles le conseil de prud’hommes a estimé devoir dire et juger « que l’article L. 7112-3 du code du travail ne s’applique pas aux journalistes des agences de presse », seraient revêtues de l’autorité de la chose jugée.
Et il ressort des dispositions de l’article L. 7112-3 du code du travail que, s’agissant des journalistes professionnels, lorsque l’employeur est à l’initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’années de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est alors fixé à quinze, sauf décision de la commission arbitrale pour le surplus.
L’article L. 7111-3 du code du travail qui fixe le champ d’application des dispositions du code du travail particulières aux journalistes professionnels définit ceux-ci comme toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes ou périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
Il doit être relevé, à cet égard, que les articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail ne prévoient pas expressément que leur champ d’application serait limité aux entreprises de journaux et périodiques de sorte que, si une restriction apparaît dans l’article L. 7112-2 du code du travail relatif au préavis, elle ne saurait être étendue aux articles L. 7112-3 et L. 7112-4.
Et, dès lors qu’il ne peut y avoir lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas, il convient de considérer que les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail sont applicables aux journalistes professionnels au service d’une entreprise de presse quelle qu’elle soit.
Or, il apparaît constant en l’espèce que, ainsi que l’objectivent notamment les attestations, contrat de travail et documents de fin de contrat mais également les avis d’imposition versés aux débats, [T] [Y]-[N], titulaire de la carte d’identité des journalistes professionnels n°65912 depuis le 15 avril 1990, avait pour activité principale, régulière et rétribuée, préalablement à son licenciement le 5 avril 2018, une activité salariée de rédactrice pour le compte de l’agence de presse PLEINS TITRES dont elle tirait l’essentiel de ses revenus.
Il ressort dès lors des énonciations qui précèdent que, compte-tenu de son ancienneté au service du même employeur et de la rémunération moyenne qu’elle percevait de son activité salariée pour le compte de la SARL PLEINS TITRES, à hauteur de la somme de 2 620,90 euros bruts par mois, [T] [Y]-[N] aurait au moins dû pouvoir prétendre à une indemnité de licenciement d’un montant de 39 313,50 euros, à hauteur de quinze mensualités de sa rémunération moyenne, par application des dispositions précitées de l’article L. 7112-3 du code du travail.
Et, dès lors que la salariée a perçu la somme de 20 626,60 euros à titre d’indemnité de licenciement ensuite de la rupture de son contrat de travail le 5 avril 2018, il convient de fixer la créance de [T] [Y]-[N] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PLEINS TITRES à la somme de 18 686,90 euros au titre du solde de l’indemnité légale de licenciement lui étant due.
— Sur l’intervention du syndicat national des journalistes :
Le syndicat national des journalistes fait notamment valoir, au soutien de sa demande indemnitaire, que :
— ses statuts précisent que le syndicat est représenté en justice par son premier secrétaire général tandis que, par délibération du 11 septembre 2018, le bureau national a décidé d’intervenir volontairement aux côtés de [T] [Y]-[N] dans le litige dont elle a saisi le juge prud’homal ;
— le litige soumis à la cour à l’initiative de [T] [Y]-[N] porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession de journaliste, dès lors que le liquidateur judiciaire de PLEINS TITRES considère qu’un journaliste travaillant pour le compte d’une agence de presse ne bénéficie pas des mêmes droits que celui employé par une entreprise de journaux et périodiques, alors même qu’ils exercent la même profession et dépendent de la même convention collective, ainsi que des dispositions du code du travail réglementant le statut du journaliste professionnel.
La SELARL [M] [C], en qualité de mandataire ad’hoc de la SARL PLEINS TITRES, fait notamment valoir, en réponse, que :
— le syndicat national des journalistes ne justifie d’aucun mandat spécial valable de son bureau national lui permettant d’intervenir volontairement à la procédure aux fins de contester la non-application de l’article L. 7112-3 du code du travail, le mandat qu’elle produit étant limité à l’intervention du syndicat devant le conseil de prud’hommes, d’une part, et n’étant fondé que sur une délibération du bureau national portant sur l’application des dispositions de la convention collective ;
— le SNJ est dépourvu d’intérêt à agir dès lors que la demande de la salariée porte sur les conséquences de la rupture de son contrat de travail, qui constituent des droits exclusivement attachés à la salariée ne mettant pas en cause l’intérêt collectif de la profession.
* * * * *
Il ressort de l’article L. 2132-3 du code du travail que les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.
Et il apparaît à cet égard que, par délibération du 11 septembre 2018, le bureau national du syndicat national des journalistes a décidé d’intervenir volontairement à l’instance prud’homale opposant [T] [Y]-[N] au mandataire-liquidateur de la SARL PLEINS TITRES.
Or, nonobstant la circonstance que cette décision aurait été motivée par le fait que la salariée « n’aurait perçu qu’une partie du total de leurs indemnités dues selon la convention collective nationale des journalistes », le mandat ainsi donné au représentant du syndicat national des journalistes pour intervenir volontairement à l’instance introduite par [T] [Y]-[N] aux fins de condamnation de son ancien employeur à lui verser le solde de l’indemnité de licenciement à laquelle elle estimait pouvoir légalement prétendre, habilitait nécessairement celui-ci à intenter les voies de recours contre la décision rendue sur cette action.
Et, contrairement à ce que fait valoir le mandataire ad’hoc de la SARL PLEINS TITRES en liquidation, la méconnaissance par l’employeur du périmètre d’application des dispositions de l’article L. 7112-3 du code du travail est très directement de nature à porter un préjudice à l’intérêt collectif de la profession dont le syndicat national des journalistes assure la défense.
Il convient par conséquent de dire l’intervention volontaire du syndicat national des journalistes recevable et, au regard de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession dont il assure la défense, telle qu’elle ressort des énonciations qui précèdent, de fixer à la somme de 1 000 euros sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PLEINS TITRES.
— Sur la garantie de l’UNEDIC ‘ DELEGATION AGS-CGEA DE CHALON-SUR-SAONE :
L’AGS fait valoir que :
— l’action ne peut en aucun cas conduire à sa condamnation directe mais uniquement, le cas échéant, à la fixation de créances salariales à la liquidation judiciaire de la société PLEINS TITRES ;
— il résulte de l’article L. 3253-8 du code du travail que l’AGS ne garantit que les sommes résultant de l’exécution et de la rupture du contrat de travail, ce qui implique qu’elle ne couvre pas, en tout état de cause, les dommages-intérêts réclamés par le SNJ.
* * * * *
Il ressort des dispositions de l’article L. 3253-1 du code du travail que les créances résultant du contrat de travail sont garanties, y compris en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l’employeur. Les dispositions combinées des articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du code du travail prévoient ainsi que tout salarié bénéficie d’une assurance pour les sommes qui lui sont dues en exécution ou du fait de la rupture du contrat de travail à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Mais les sommes dues en application de l’article 700 du code de procédure civile, dès lors qu’elles sont nées d’une procédure judiciaire et ne sont pas dues en exécution du contrat de travail, n’entrent pas dans le champ de la garantie due par l’assurance garantie des salaires, défini par les dispositions précitées.
Il convient de rappeler, enfin, que les créances résultant du contrat de travail doivent être payées en priorité sur les fonds disponibles de la société placées en liquidation, et ce n’est qu’en leur absence que le représentant des créanciers peut en demander l’avance à l’AGS.
— Sur les demandes accessoires :
La SELARL [M] [C], en qualité de mandataire ad’hoc de la SARL PLEINS TITRES en liquidation, partie perdante au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doit être condamnée à supporter les dépens de l’instance.
Et il serait inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce et des situations économiques des parties, de laisser à la charge des appelants l’intégralité des sommes qu’ils ont respectivement été contraints d’exposer en justice pour la défense de leurs intérêts, en première instance puis en cause d’appel, de sorte qu’il convient de condamner la SELARL [M] [C], en qualité de mandataire ad’hoc de la SARL PLEINS TITRES en liquidation, à verser à [T] [Y]-[N] et au syndicat national des journalistes les sommes de 2 500 euros et 1 500 euros, respectivement, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement déféré ;
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT recevable l’intervention volontaire à l’instance du syndicat national des journalistes ;
ENJOINT à la SELARL [M] [C], en qualité de mandataire ad’hoc de la SARL PLEINS TITRES en liquidation, de procéder à l’inscription au passif de cette société, au profit de [T] [Y]-[N] de la somme de dix-huit mille six-cent quatre-vingt-six euros et quatre-vingt-dix centimes (18 686,90 euros) à titre de solde d’indemnité légale de licenciement ;
DIT que cette créance sera garantie par l’AGS dans les conditions prévues par la loi ;
CONDAMNE la SELARL [M] [C], en qualité de mandataire ad’hoc de la SARL PLEINS TITRES en cours de liquidation à verser à [T] [Y]-[N] la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
ENJOINT à la SELARL [M] [C], en qualité de mandataire ad’hoc de la SARL PLEINS TITRES en liquidation, de procéder à l’inscription au passif de cette société, au profit du syndicat national des journalistes, de la somme de mille euros (1 000 euros) à titre de réparation de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession ;
CONDAMNE la SELARL [M] [C], en qualité de mandataire ad’hoc de la SARL PLEINS TITRES en cours de liquidation à verser au syndicat national des journalistes la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la SELARL [M] [C], en qualité de mandataire ad’hoc de la SARL PLEINS TITRES en cours de liquidation des demandes qu’elle formait sur le même fondement ;
CONDAMNE la SELARL [M] [C], en qualité de mandataire ad’hoc de la SARL PLEINS TITRES en cours de liquidation, au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE