Comparution « audiovisuelle » pénale : censure du Conseil constitutionnel

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Comparution « audiovisuelle » pénale : censure du Conseil constitutionnel
Ce point juridique est utile ?

La refonte de l’article 706-71 du code de procédure pénale par l’ordonnance du 25 mars 2020, élargissant « la comparution audiovisuelle » avait soulevé le haro des avocats pénalistes. Cette disposition vient d’être censurée par le Conseil constitutionnel car contraire à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Sont garantis par cette disposition les droits de la défense.

Le nœud de l’indignation  

L’article 706-71 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019, permet, dans certaines hypothèses et sous certaines conditions, de recourir à un moyen de télécommunication audiovisuelle au cours de la procédure pénale.

Tel est notamment le cas, sous réserve de l’accord du procureur de la République et de l’ensemble des parties, pour la comparution du prévenu devant le tribunal correctionnel si celui-ci est détenu. Il en va de même lors du débat contradictoire préalable soit au placement en détention provisoire d’une personne détenue pour une autre cause soit à la prolongation de la détention provisoire, l’intéressée pouvant cependant s’y opposer, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison de risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion.

L’article 5 de l’ordonnance du 25 mars 2020 prévoit que par dérogation à cet article, il peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle devant l’ensemble des juridictions pénales, autres que les juridictions criminelles, sans qu’il soit nécessaire de recueillir l’accord des parties :  

« En cas d’impossibilité technique ou matérielle de recourir à un tel moyen, le juge peut décider d’utiliser tout autre moyen de communication électronique, y compris téléphonique, permettant de s’assurer de la qualité de la transmission, de l’identité des personnes et de garantir la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats. Le juge s’assure à tout instant du bon déroulement des débats et le greffe dresse le procès-verbal des opérations effectuées.

Dans les cas prévus au présent article, le juge organise et conduit la procédure en veillant au respect des droits de la défense et en garantissant le caractère contradictoire des débats ».

Ces dispositions contestées, applicables pendant l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020 et pendant un mois après la fin de celui-ci, permettent de recourir, sans l’accord des parties, à un moyen de télécommunication audiovisuelle devant l’ensemble des juridictions pénales autres que criminelles.

Ces dispositions visent à favoriser la continuité de l’activité des juridictions pénales malgré les mesures d’urgence sanitaire prises pour lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19. Elles poursuivent ainsi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et contribuent à la mise en œuvre du principe constitutionnel de continuité du fonctionnement de la justice.

Comparaître physiquement devant son juge : un droit de la défense  

Les avocats ont reproché à ces dispositions de permettre à la chambre de l’instruction de statuer par visioconférence sur la prolongation d’une détention provisoire, sans faculté d’opposition de la personne détenue, ce qui pourrait avoir pour effet de priver cette dernière, pendant plus d’une année, de la possibilité de comparaître physiquement devant son juge. Il en résulterait une atteinte aux droits de la défense que les objectifs de bonne administration de la justice et de protection de la santé publique ne pourraient suffire à justifier.

Censure du Conseil constitutionnel

En premier lieu, le champ d’application des dispositions contestées s’étend à toutes les juridictions pénales, à la seule exception des juridictions criminelles. Elles permettent donc d’imposer au justiciable le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle dans un grand nombre de cas. Il en va notamment ainsi de la comparution, devant le tribunal correctionnel ou la chambre des appels correctionnels, d’un prévenu ou de la comparution devant les juridictions spécialisées compétentes pour juger les mineurs en matière correctionnelle.

Le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle peut également être imposé lors du débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire d’une personne ou à la prolongation d’une détention provisoire, quelle que soit alors la durée pendant laquelle la personne a, le cas échéant, été privée de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur la détention provisoire.

En second lieu, si le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle n’est qu’une faculté pour le juge, les dispositions contestées ne soumettent son exercice à aucune condition légale et, qu’il s’agisse des situations mentionnées au paragraphe précédent ou de toutes les autres, ne l’encadrent par aucun critère.

Il résulte de tout ce qui précède que, eu égard à l’importance de la garantie qui peut s’attacher à la présentation physique de l’intéressé devant la juridiction pénale t en l’état des conditions dans lesquelles s’exerce le recours à ces moyens de télécommunication, ces dispositions portent une atteinte aux droits de la défense que ne pouvait justifier le contexte sanitaire particulier résultant de l’épidémie de covid-19 durant leur période d’application. Elles doivent donc être déclarées contraires à la Constitution.


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