Your cart is currently empty!
Une prestation d’analyse des devis soumis par des clients / assurés ne constitue pas une publicité comparative mais a pour seul objectif d’offrir aux assurés, une base objective de comparaison.
La directive 2006/114/CE du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative rappelle en son article 2 a) que la publicité peut être définie comme « toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations » et dans son article 2 c) définit la publicité comparative comme « toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent ».
Enfin, la publicité comparative est illicite au regard des dispositions de l’article L 122-1 du code de la consommation (qui reprend en substance les dispositions de l’article 4 a) de la Directive de 2006 précitée) lorsqu’elle est trompeuse ou n’est pas objective.
En l’espèce, il est plus précisément reproché à Santéclair de pratiquer de la publicité comparative illicite lorsque, sur délégation des Mutuelles ou Assurances de prévoyance, elle procède à la comparaison des devis soumis par les patients avec les honoraires proposés par des praticiens adhérents au réseau SantéClair pour le même type d’actes.
Or, cette prestation d’analyse des devis soumis par les assurés ne constitue pas une publicité comparative mais a pour seul objectif d’offrir aux assurés, comme l’ont dit à bon droit les premiers juges dans le jugement déféré : « un concours strictement technique afin d’informer utilement les patients sur les montants pécuniaires qui resteront à leur charge et sur les possibilités leur permettant le cas échéant de les diminuer sur le plan tarifaire. »
Au vu de ce qui précède, aucun des arguments invoqués par la FSDL pour justifier les actes anticoncurrentiels qui lui sont reprochés n’a été retenu. La FSDL a donc engagé sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l’article 1240 du code civil au préjudice de SantéClair, en commettant des pratiques anticoncurrentielles sanctionnées par l’article L.420-1 du code de commerce.
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRET DU 08 JUIN 2022
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/22620 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBETA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/16527
APPELANTE
FEDERATION DES SYNDICATS DENTAIRES LIBERAUX
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044,
Ayant pour avocat plaidant Me Luc-Marie AUGAGNEUR de la SELARL CORNET VINCENT SEGUREL, avocat au barreau de LYON
INTIMEE
SA SANTECLAIR
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social : [Adresse 2]
immatriculée au RCS de NANTES sous le numéro 428 704 977
Représentée par Me Francis PUDLOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0122
Ayant pour avocat plaidant Me Mélissa SAVOY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0122
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et Mme Camille LIGNIERES, Conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre
Mme Sophie DEPELLEY, Conseillère
Mme Camille LIGNIERES, Conseillère
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Meggy RIBEIRO
ARRÊT :
— contradictoire
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Mme Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
les parties :
Le Syndicat Fédération des syndicats dentaires libéraux (ci-après dénommée FSDL) est une organisation syndicale représentative des chirurgiens dentistes.
La S.A. Santéclair (ci-après dénommée Santéclair) exerce une activité commerciale de mise à disposition d’un réseau de professionnels de santé auprès d’assurés afin de leur proposer des tarifs préférentiels et un reste à charge diminué. Ses actionnaires sont Allianz, MAAF-MMA, MGP et IPECA. Elle agit principalement pour le compte d’organismes complémentaires d’assurance maladie.
le contexte du litige :
Santéclair a créé 8 réseaux de soins dans différents domaines de la santé, dont le réseau dentaire et d’implantologie dentaire, créés respectivement depuis 2003 et 2012 et qui seuls intéressent le présent litige. Les contrats de partenariats conclus entre Santéclair et les chirurgiens-dentistes sont non-exclusifs et prévoient des contrôles de qualité, la mise en place du tiers-payant, une modération tarifaire avec des maximas et une orientation des bénéficiaires vers des professionnels membres du réseau.
Le 12 février 2009, le Conseil de la concurrence (devenu Autorité) a sanctionné le Conseil National de l’Ordre des chirurgiens-dentistes (CNOCD) pour appel au boycott de Santéclair. Le CNOCD a été condamné au versement d’une amende de 76.000 euros. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Paris le 19 janvier 2010.
La loi Le Roux du 19 décembre 2013 a autorisé la mise en place de réseaux de soins par les mutuelles et les remboursements différenciés selon le choix de l’assuré quant au professionnel de santé hors ou dans le réseau. Le Conseil constitutionnel a déclaré cette loi conforme à la Constitution (n°2013-686 DC 23 janvier 2014).
La FSDL intervient auprès des conseils départementaux et du CNOCD, cette Fédération s’est opposée à l’adoption de la loi Le Roux et au développement de réseaux de santé.
La FSDL reproche notamment à Santéclair de démarcher activement les patients et de détourner la clientèle des chirurgiens-dentistes non-membres du réseau.
Dans ce contexte, plusieurs plaintes disciplinaires ont été déposées à l’encontre de chirurgiens-dentistes partenaires de Santéclair, leur étant reproché de pratiquer des prix en dessous du marché en échange d’un rabattage de clientèle par Santéclair.
L’Autorité de la concurrence, dans sa décision n°20-D-17 du 12 novembre 2020 relative à des pratiques mises en ‘uvre dans le secteur de la chirurgie dentaire, a infligé une sanction pécuniaire de 680 000 euros à la CNSD (Confédération nationale des syndicats dentaires), une des deux principales organisations de la profession dentaire, pour avoir cherché à entraver l’activité des réseaux de soins au moyen de diverses actions, notamment en invitant les praticiens à cesser toute collaboration avec ces réseaux, en communiquant via les chirurgiens dentistes, auprès des patients pour qu’ils ne se tournent pas vers des praticiens affiliés à ces réseaux et en exerçant des pressions sur les partenaires commerciaux potentiels de ces réseaux.
— la procédure :
Concernant le présent litige, Santéclair s’estime victime d’un appel au boycott de la part de la FSDL depuis 2013, essentiellement par des annonces postées sur les réseaux sociaux ou par des courriels adressés aux chirurgiens-dentistes.
C’est dans ce contexte que par acte du 29 janvier 2015, Santéclair a fait assigner la FSDL devant le tribunal de grande instance de Paris au visa des articles 1382 et 1383 du code civil [ancien] et de l’article L.420-1 du code de commerce, lui reprochant une action concertée visant à limiter son accès au marché de la complémentaire santé ou le libre exercice de la concurrence, une action de boycott et d’appel à la rupture à l’égard de ses adhérents et partenaires contractuels chirurgiens-dentistes et des actes de concurrence déloyale du fait même de cet appel au boycott.
Par jugement du 22 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :
VU les dispositions de l’article 1240 du code civil et de l’article L.420-
1 du code de commerce ainsi que de l’article 101/1 du traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
DIT que la FÉDÉRATION DES SYNDICATS DENTAIRES
LIBÉRAUX (FSDL) a commis des agissements fautifs depuis 2013 au
préjudice de la SA SANTÉCLAIR, consistant à « Limiter l’accès au
marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres
entreprises », au sens des dispositions précitées de l’article L.420-1 du
code de commerce.
ORDONNE en conséquence à la FSDL de cesser à l’égard de la société
SANTÉCLAIR tout agissement visant, d’une part à menacer
systématiquement de poursuites disciplinaires devant le Conseil
national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes ou devant les diverses
instances régionales de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes tout
chirurgien-dentiste pour le seul fait de son adhésion ou de son projet
réel ou supposé d’adhésion aux réseaux sus-mentionnés de partenariat
mis en place par la société SANTÉCLAIR, et d’autre part à lancer des
mots d’ordre de boycott à l’encontre de l’ensemble des interlocuteurs
contractuels et fonctionnels de la société SANTÉCLAIR.
ASSORTIT l’ensemble de la mesure d’interdiction qui précède d’une
mesure d’astreinte provisoire d’un montant de 15.000 € par infraction
constatée, cette mesure d’astreinte devant courir à l’expiration d’un
délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement.
CONDAMNE la FSDL à payer au profit de la société SANTÉCLAIR
la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts, en réparation de
son préjudice.
ORDONNE à la FSDL de publier le dispositif de la présente décision
sur son site Internet à ses frais exclusifs, cette mesure de publicité
devant être opérée par le moyen d’un lien hypertexte devant figurer sur
la page d’accueil de ce site Internet dans un délai de deux mois à
compter de la signification de la présente décision, sous réserve que
celle-ci soit définitive, et pendant une durée de trois mois à compter de
cette dernière date.
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande reconventionnelle formée par
la FSDL à l’encontre de la société SANTÉCLAIR en allégation de
déséquilibres significatifs à propos du contrat de partenariat susmentionné.
DÉBOUTE l’ensemble des autres demandes reconventionnelles
formées par la FSDL à l’encontre de la société SANTÉCLAIR à propos
du contrat de partenariat susmentionné.
CONDAMNE la FSDL à payer au profit de la société SANTÉCLAIR
une indemnité de 15.000 €, sur le fondement de l’article 700 du code de
procédure civile.
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus ample ou contraires.
ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision, à
l’exception de la mesure de publication du dispositif de la présente
décision sur le site Internet de la FSDL.
CONDAMNE la FSDL aux entiers dépens de l’instance, avec
application en tant que de besoin des dispositions de l’article 699 du
code de procédure civile au profit de Me Francis PUDLOWSKI, Avocat
au barreau de Paris.
Le 6 décembre 2019, la Cour est saisie de l’appel interjeté par la FSDL du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date du 22 octobre 2019.
Vu les dernières conclusions de la Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL), appelante, déposées et notifiées le 2 septembre 2020 par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu les articles L.1110-8, 1er alinéa, R4127-210, R4127-215, R.4127-224, R4127-262 et R4127-240 du Code de la santé publique,
Vu l’article L.863-8 du Code de la sécurité sociale,
Vu les articles L.122-1 (ancien L.121-8), L.121-6 (ancien L.122-11), L.121-1 (ancien L.120-1), L.121-2 (art. L.121-1, I), L.121-4 (ancien L.121-1-1), L.121-4 (ancien L.121-1-1) et L.121-7 (ancien L.122-11-1) du Code de la consommation,
Vu l’article1382 (devenu l’article 1240) du Code civil,
Vu les pièces,
Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris en date du 22 octobre
2019 dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Dire que la FSDL n’a commis aucune infraction aux articles L.420-1 du Code de commerce ou 101 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne et rejeter la demande de SANTECLAIR ;
Dire que la société SANTECLAIR a commis différentes fautes de nature à engager sa responsabilité en :
o procédant à des actes de démarchage de patients sur le marché des soins dentaires,
o Maintenant un numerus clausus après l’entrée en application de la loi du 27 janvier
2014,
o se livrant à une pratique de compérage,
o se livrant à des actes de publicité comparative,
o se livrant à des pratiques commerciales agressives ;
o Procédant à un dénigrement de la profession de chirurgien-dentiste ;
Enjoindre à la société SANTECLAIR de cesser l’ensemble de ces pratiques sous astreinte de
5.000 € par infraction constatée, en particulier en cessant de recevoir et d’utiliser les données
personnelles de santé des assurés à d’autres fins que la liquidation des prestations, notamment
la prospection ;
Condamner la société SANTECLAIR à payer à la FEDERATION DES SYNDICATS DENTAIRES LIBERAUX la somme 500.000 € en réparation du préjudice subi ;
Condamner la société SANTECLAIR à payer à la FEDERATION DES SYNDICATS DENTAIRES LIBERAUX la somme de 30.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la société SANTECLAIR aux entiers dépens de l’instance ;
Débouter la société SANTECLAIR de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la FSDL ;
Mettre à la charge de la société SANTECLAIR, en cas d’exécution forcée de la décision à
intervenir, les sommes retenues par l’Huissier de Justice instrumentaire au titre de l’article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001.
Vu les dernières conclusions de la société Santéclair, intimée, déposées et notifiées le 2 février 2021 par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu l’article 1240 du code civil ;
Vu l’article L.420-1 du Code de commerce ;
Vu l’article 101/1 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne
— CONFIRMER le jugement rendu le 22 octobre 2019 en ce qu’il a :
— DIT que la FSDL a commis des agissements fautifs depuis 2013 au préjudice de la
SA SANTECLAIR, consistant à « Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de
la concurrence par d’autres entreprises », au sens des dispositions précitées de
l’article L.420-1 du code de commerce
— ORDONNE en conséquence à la FSDL de cesser tout agissement visant, d’une
part, à menacer systématiquement de poursuites disciplinaires devant le Conseil
national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes ou devant les diverses instances
régionales de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes tout chirurgien-dentiste
pour le seul fait de son adhésion ou de son projet réel ou supposé d’adhésion aux
réseaux sus-mentionnés de partenariat mis en place par la société SANTECLAIR,
et d’autre part à lancer des mots d’ordre de boycott à l’encontre de l’ensemble des
interlocuteurs contractuels et fonctionnels de la société SANTECLAIR.
— ASSORTI l’ensemble de la mesure d’interdiction qui précède d’une mesure
d’astreinte provisoire d’un montant de 15.000 euros par infraction constatée, cette
mesure d’astreinte devant courir à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter
de la signification du jugement
— ORDONNE à la FSDL de publier le dispositif du jugement rendu le 22 octobre
2019 sur son site Internet à ses frais exclusifs, cette mesure de publicité devant être
opérée par le moyen d’un lien hypertexte devant figurer sur la page d’accueil de ce
site internet dans un délai de deux mois à compter de la présente décision, et ce
pendant une durée de trois mois à compter de cette dernière date
— DECLARE IRRECEVABLE la demande reconventionnelle formée par la FSDL
à l’encontre de la société SANTECLAIR en allégation de déséquilibres
significatifs à propos du contrat de partenariat susmentionné
— DEBOUTE l’ensemble des autres demandes formées par la FSDL à l’encontre de
la société SANTECLAIR
— CONDAMNE la FSDL à payer au profit de la société SANTECLAIR une
indemnité de 15.000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure
civile
— REFORMER le jugement du 22 octobre 2019 en ce qu’il a condamné la FSDL à payer
au profit de la société SANTECLAIR la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice
En conséquence,
— CONDAMNER la FSDL à verser à SANTECLAIR la somme de 100.000€ à titre
de dommages et intérêts en réparation de son préjudice
En tout état de cause,
— CONDAMNER la FSDL à verser à SANTECLAIR la somme complémentaire de
15.000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des
frais irrépétibles exposés en cause d’appel
— CONDAMNER la FSDL aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR,
A titre liminaire, la Cour relève que la FSDL qui indique avoir interjeté appel du jugement dans toutes ses dispositions, n’a toutefois pas à hauteur d’appel formulé sa demande reconventionnelle de première instance qui a été dite irrecevable par le tribunal sur les déséquilibres significatifs du contrat de partenariat du réseau Santéclair.
Sur la demande au principal : les pratiques anticoncurrentielles au préjudice de la FSDL au préjudice de SantéClair
Santéclair reproche à la FSDL des actes, essentiellement tendant à un appel au boycott, qui constitueraient, selon elle, des pratiques illicites prévues par l’article L420-1 du code de commerce disposant que :
« Sont prohibées même par l’intermédiaire direct ou indirect d’une société du groupe
implantée hors de France, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet
d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les
actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment
lorsqu’elles tendent à :
1° Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres
entreprises’ ».
Santéclair reproche également à la FSDL des actes de dénigrement à son égard et celui de ses adhérents qui participeraient aux pratiques anticoncurrentielles commises à son préjudice.
En réplique, la FSDL nie d’une part, être l’auteur d’un boycott ou de tout dénigrement visant à évincer un opérateur du marché et d’autre part, invoque comme fait justificatif la défense des règles déontologiques qui n’auraient pas été respectées par Santéclair.
La FSDL explique qu’elle n’a pas souhaité évincer un opérateur du marché mais se serait limitée de souligner un risque, notamment déontologique. Pour la Fédération, inviter des praticiens à agir devant les juridictions disciplinaires lorsqu’ils sont victimes d’un détournement de patientèle ne peut pas constituer un boycott ; en assistant des praticiens qui font appel à elle, la Fédération ne ferait que remplir sa mission syndicale.
Sur ce ;
— sur les faits reprochés à la FSDL
Les faits reprochés à la FSDL par SantéClair et qui peuvent être imputables directement à la Fédération sont essentiellement les suivants :
— les messages mis en ligne sur la page Facebook de la FSDL en date du 28 octobre 2013 et toujours en ligne le 3 juillet 2014 selon PV de constat par huissier de justice (pièce 20 de Santéclair) suivants:
« SANTECLAIR : je fais appel aux confrères dont les patients ont reçu une lettre via
Santéclair en réponse à leur demande de renseignement sur leur devis. Si le nom de
chirurgiens-dentistes partenaires est donné au patient pour que celui-ci se détourne de
son praticien habituel, ce dernier doit porter plainte contre les dentistes nommés dans ce
courrier auprès du conseil de l’Ordre Départemental pour détournement de patientèle,
compérage et publicité interdite par le Code de déontologie. La FSDL qui vient de
consulter le Conseil National de l’Ordre, vous soutiendra dans cette action qui mettra un
terme à ces pratiques inadmissibles ».
« Les chirurgiens-dentistes qui participent volontairement ou involontairement à ce
détournement de patients devront en répondre devant les Conseils de l’Ordre
Départementaux puis les Régionaux. Nous ne pouvons attaquer Santéclair, de ce fait
avec l’appui du Conseil National de l’Ordre, nous ferons condamner les confrères
complices de ce système » (pièce 22 de Santéclair).
— une Newsletter envoyée courant octobre/novembre 2013 à des chirurgiens-dentistes figurant sur le listing de la Fédération (pièces 23 et 24 de la FSDL) :
« APPEL A LA RESISTANCE CONTRE SANTECLAIR
Chères cons’urs, chers confrères,
Dont les patients ont reçu une lettre via SantéClair en réponse à leur demande de
renseignement sur leur devis.
Si le nom de chirurgiens-dentistes partenaires est donné au patient pour que celui-ci se
détourne de son praticien habituel, VOUS devez porter plainte contre les dentistes
nommés dans ce courrier auprès du conseil de l’Ordre Départemental pour
détournement de patientèle, compérage et publicité interdite par le Code de déontologie.
La FSDL qui vient de consulter le Conseil National de l’Ordre, vous soutiendra dans
cette action qui mettra un terme à ces pratiques inadmissibles »
— Campagne de janvier 2014 sur la page Facebook de la FSDL :
le 28 janvier 2014 est postée sur la page Facebook de la FSDL un document intitulé « Analyses des conséquences de création des réseau de soins tels que Santéclair, concluant « … « Sans praticien adhérent, il n’y a pas de réseau. Les chirurgiens-dentistes qui ont cédé en signant des contrats liberticides bafouent notre code de déontologie et la confraternité ».
— la campagne menée sur le réseau social Facebook en avril 2014 :
— message du Président de la FSDL posté le 2 avril 2014 en ces termes:
« Actuellement, dans toute la France, des cons’urs et des confrères portent plainte
contre des partenaires du réseau SantéClair pour détournement de patientèle,
compérage, publicité et non communication des contrats auprès de l’Ordre
départemental’ Ces conciliations aboutissent 9 fois sur 10 à la résiliation du contrat’
Hier, plusieurs praticiens attaqués se sont rebiffés, et l’un d’eux, adhérent à la FSDL
(‘) est même venu avec son avocat pour contre attaquer contre notre représentant
FSDL (qui venait soutenir notre adhérent) avec l’aide de SantéClair. Le combat sera
rude et la FSDL sera malmenée mais c’est le prix à payer pour empêcher la
généralisation de ces pratiques ignobles’ Faites passer le message, la guerre est
déclarée et il y aura des dommages collatéraux »
— l’appel au boycott des fournisseurs de SANTECLAIR par message posté sur la page Facebook de la FSDL le 4 décembre 2014 : (pièce 76 de SantéClair)
— message du Président de la FSDL indiquant :
« A tout (sic) ceux qui colportent le bruit que la FSDL aurait des partenaires douteux,
nous répondons que tout organisme ayant un lien direct ou indirect avec SantéClair ne travaillera plus avec nous ».
Est joint à ce message, un courrier type adressé par la société l’Office des Professions Libérales (OPL) aux chirurgiens-dentistes ayant souscrit une assurance responsabilité civile auprès d’elle, en date du 3 décembre 2014 comme suit :
« Docteur,
Nous vous adressons ci-joint l’appel de cotisations 2015 concernant votre contrat
responsabilité civile professionnelle.
Au cours de l’année 2014 des réseaux de soins se sont développés à l’initiative de
certaines compagnies d’assurance. On retrouve dans cette liste les principaux assureurs
français tels que ALLIANCE, AXA, GMF, MAAF, MMA,” et COVEA RISK.
Votre syndicat, la Fédération des Syndicats Dentaires Libéraux (FSDL) dénonce et lutte
contre ces pratiques antilibérales qui visent à détourner la patientèle des praticiens
libéraux vers des chirurgiens-dentistes affiliés à ces réseaux.
En cohérence, la FSDL nous a demandé en tant que courtier représentant votre
syndicat, de proposer une alternative auprès d’un assureur indépendant non impliqué.
En conséquence, l’OPL est en mesure de proposer pour toutes les nouvelles adhésions ».
Les messages, annonces et Newsletters ci-dessus ont tous été postés sur la page officielle Facebook de la FSDL, réseau accessible au public, ils tendent tous à un appel au boycott du réseau Santéclair par les chirurgiens-dentistes eux-mêmes, ou par les fournisseurs des chirurgiens-dentistes adhérents audit réseau.
En effet, ces messages destinés aux chirurgiens-dentistes revenaient concrètement à leur demander de résilier leur partenariat avec le réseau de soins SantéClair ou à les dissuader d’y adhérer, ainsi que d’inciter tout partenaire commerciaux de Santéclair à se détourner des praticiens ayant adhéré au réseau Santéclair.
Le boycott est défini par une jurisprudence établie comme une action délibérée en vue d’évincer un opérateur du marché.
En choisissant de prendre position contre le réseau de soins SantéClair comme elle l’a fait, la FSDL n’a pas agi dans le cadre de sa mission de défense des intérêts des membres de la profession concernée mais est intervenue sur le marché concerné, ou plus précisément sur les marchés concernés, dont la définition n’est pas discutée par les parties, et qui peuvent être retenus au vu des éléments du dossier comme le marché français des services relevant de la pratique de l’art dentaire, et le marché français de l’assurance complémentaire santé. ( §559 à 562 ADLC, Décision n° 20-D-17 du 12 novembre 2020, concernant un autre organisme syndical dans le secteur dentaire, la CNSD, et notamment la plateforme SantéClair : pièce 149 de SantéClair)
La FSDL, organisation syndicale représentative des chirurgiens-dentistes, est un organisme collectif prenant des décisions qui, bien que se présentant comme des actes unilatéraux, résultent d’un accord de volonté de ses membres et qui sont, à ce titre, susceptibles de relever des règles de prohibition des ententes. (ADLC, Décision n°18-D-06 du 23 mai 2018, concernant un autre organisme collectif)
En effet, il est établi que s’agissant de pratiques mises en ‘uvre par des organismes collectifs, tels que des syndicats, associations ou ordres professionnels, ces organismes représentent la collectivité de leurs membres et qu’une pratique susceptible d’avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel mise en oeuvre par un tel organisme révèle nécessairement une entente entre ses membres. (C Cass,16 mai 2000, Ordre national des pharmaciens n° 9812.612)
Or, les pratiques de boycott ont, de par leur nature, un objet anticoncurrentiel. Ces pratiques ont également des effets potentiels anticoncurrentiels, puisqu’elles visent à évincer un opérateur du marché. Elles ont par ailleurs des effets indirects, par exemple en dissuadant de potentiels entrants sur le marché ou encore en privant les consommateurs de la possibilité d’avoir accès aux services ou aux entreprises boycottés. (§626 ADLC, Décision n° 20-D-17 du 12 novembre 2020, concernant des appels à boycott, contre le réseau SantéClair notamment, de la part d’un autre organisme syndical dans le secteur dentaire, la CNSD : pièce 149 de SantéClair)
— sur les moyens de défense de la FSDL
Afin de justifier les actes litigieux qui lui sont reprochés, la FSDL fait valoir qu’elle a agi dans sa mission de défense des règles déontologiques de la profession des chirurgiens-dentistes remise en cause par les pratiques du réseau SantéClair du fait de la violation des règles déontologiques, du recours au maintien du numerus clausus, d’un démarcharge actif et des pratiques commerciales déloyales, d’un dénigrement de la profession et d’une publicité comparative illicite.
*la violation des règles déontologiques par SantéClair :
L’appelante soutient que SantéClair viole le code de déontologue instaurées notamment par l’article L.4112-7 du code de la santé publique interdisant notamment la publicité, le compérage, le détournement de clientèle ou l’abaissement des honoraires en vue de détourner la clientèle.
Or, comme le relève à bon droit l’intimée, ces règles déontologiques s’imposent aux praticiens et non à l’égard de SantéClair qui est une entreprise commerciale.
En tout état de cause, la conformité des modalités de fonctionnement des réseaux litigieux a été examinée par le Conseil d’État, dans une décision de principe du 4 février 2000 (CE, 4 février 2000, CNSD, n° 189657 citée dans la Décision de l’ADCL en pièce 149 de SantéClair). Le Conseil d’Etat a ainsi jugé qu’ « un protocole d’accord signé entre un syndicat de dentistes et une mutuelle visant à améliorer l’accès des adhérents de cette mutuelle à certains traitements de prothèses dentaires en plafonnant le coût de tels soins ne méconnaît pas les principes d’indépendance professionnelle des praticiens, d’interdiction de tous procédés, directs ou indirects, de publicité, ni d’interdiction de détournement ou de tentative de détournement de clientèle. De même, le Conseil d’Etat a relevé dans ce même arrêt que : « la circonstance que l ‘amélioration du remboursement de certains soins prothétiques liée à l’adhésion [à un] protocole pourrait constituer un élément du choix de leur chirurgien – dentiste par les patients ne saurait être regardée comme constituant un détournement ou une tentative de détournement de clientèle. »
*le principe du libre choix du patient remis en cause par le recours à un numerus clauses et à des pratiques commerciales déloyales de Santéclair :
— concernant le maintien du numerus clausus,
Tout d’abord, l’appelante reproche à SantéClair, à travers les réseaux litigieux, de maintenir un numerus clausus désormais interdit dans ces secteurs, via l’organisation de ses réseaux régionaux.
Il n’est pas contesté que la loi Le Roux du 27 janvier 2014 n° 2014-57 prohibe expressément l’instauration d’un numerus clausus dans les réseaux de soin et réserve la limitation du nombre de partenaires aux seuls réseaux optiques en prévoyant à l’article L863-8 du code de la sécurité sociale :
« Ces conventions [entre mutuelles/assurances et professionnels de santé] ne peuvent comprendre aucune stipulation portant atteinte au droit fondamental de chaque patient au libre choix du professionnel, de l’établissement ou du service de santé et aux principes d’égalité et de proximité dans l’accès aux soins. »
SantéClair, pour sa défense, soutient à bon droit qu’il ne peut lui être reproché l’application d’une loi pour des conventions en cours (jusqu’en décembre 2014 en l’espèce) et précise que par son appel d’offres organisé pour l’année 2015, entre le 15 février 2015 et le 30 avril 2015, elle s’est mise en conformité avec l’interdiction instaurée par la loi Le Roux en supprimant le numerus clausus dans le processus de sélection.
Il résulte en effet de la lecture de l’appel d’offre 2015 du réseau d’implantologie applicable à partir du 30 avril 2015 que son nouveau règlement cadre prévoit une admission dans le réseau de : « tous les dossiers complets, adressés à temps et répondant aux critères sélectionnés ».
Les dossiers admis, qui souscrivent aux critères objectifs définis dans l’appel d’offres, sont répartis géographiquement par Santéclair selon les besoins de la patientèle.
« Les implantologues candidats seront intégrés au réseau d’implantologie SANTECLAIR
dans la limite des places disponibles dans chaque zone géographique conformément au maillage de ce réseau ». (Pièce 106 Santéclair : Règlement cadre des appels d’offres régionaux du réseau d’implantologie orale SANTECLAIR, 2015)
Pour éviter toute tension dans l’accès du patient aux praticiens adhérents au réseau Santéclair, l’article 3 du règlement indique le nombre minimum de partenaires, souhaités par région, déterminé au prorata du nombre d’habitants.
Et l’article 5.3 du règlement stipule : « En cas de résiliation de l’accord de partenariat avec un implantologue partenaire dans une région entrainant la baisse du nombre de partenaires en deçà du nombre minimum prévu dans la région, Santéclair fera appel aux candidatures mises en attente. », c’est à dire celles ayant obtenu moins de 5/10 aux critères définis dans l’appel d’offres. « Dès lors qu’il n’y aura plus de candidatures en attente, Santéclair pourra procéder à un nouvel appel d’offres régional selon les modalités définies par le règlement cadre des appels d’offres régionaux. »
Au vu de ces éléments, il n’est pas démontré par l’appelante que la répartition des dossiers admis, sans nombre minimum, selon un maillage régional du réseau Santéclair déterminé par les besoins de la patientèle locale, fait obstacle ou restreint le patient dans son choix de patriciens disponibles à proximité de son domicile. L’adhésion au réseau reste donc ouvert aux praticiens souhaitant y adhérer et le principe de l’interdiction du numerus clausus protecteur des patients est respecté.
— concernant le démarchage actif et les pratiques commerciales déloyales de SantéClair,
Le respect du principe du libre choix du praticien prévu par l’article L 1110-8 du code de la santé publique auquel est tenu SantéClair, serait, selon l’appelante, mis à mal par le démarchage actif et les pratiques commerciales déloyales de SantéClair, plus particulièrement via la plateforme téléphonique du réseau dont le fonctionnement est décrit dans un procès-verbal de constat 4 février 2015 produit par l’appelante. (pièce C2 de la FSDL)
Cependant, il ressort des éléments de ce procès-verbal de constat décrivant le fonctionnement de la plateforme téléphonique de Santéclair que celle-ci ne délivre des informations que sur demande de ses adhérents lesquels envoient d’abord les devis établis par leurs chirurgiens dentistes à leur OCAM (Organisme d’Assurance Complémentaire) et Santéclair n’examine que les devis transmis par les OCAM. Santéclair contacte ensuite les patients, par courrier, courriel ou par téléphone, pour les informer du montant de leur prise en charge et de leur reste à charge et leur indique également, le cas échéant, qu’ils peuvent bénéficier d’un traitement équivalent et moins onéreux. Il s’agit d’une information objective qui peut conduire certains patients à solliciter des informations complémentaires sur cette modalité de prise en charge, Santéclair les renvoie alors vers des chirurgiens dentistes de son réseau situés à proximité de leur domicile. La liste des partenaires Santéclair n’est donc diffusée qu’à la demande du patient, et ce dernier reste libre de recourir au praticien de son choix. En effet, aucun élément au dossier ne permet de prouver l’existence de cas de refus de remboursement complémentaire hors réseau SantéClair.
Il est donc démontré que le principe du libre du choix du patient est respecté par SantéClair et que le démarchage actif et les pratiques commerciales déloyales allégués à l’encontre de SantéClair ne sont pas caractérisés.
*le dénigrement de la profession :
Le dénigrement consiste à jeter le discrédit sur une personne en répandant à son propos, ou au sujet de ses produits ou de ses méthodes commerciales, des critiques ou des informations malveillantes.
En l’espèce, la FSDL reproche à SantéClair de mener une campagne de dénigrement à l’égard des chirurgiens-dentistes, du fait de :
— propos tenus en public par la directrice présidente de SantéClair dénigrant la profession,
— caricatures diffusées sur le site Facebook de SantéClair attribuant aux chirurgiens dentistes et à leurs syndicats des propos qui ne sont pas les leur et visant à les discréditer,
— incitation d’articles de presse dénigrants.
Concernant les propos tenus par sa directrice présidente lors d’une table ronde organisée par la commission des affaires sociales le 19 juin 2013 indiquant « une hépatite C sur deux serait transmise chez le dentiste » et que « 30% des dévitalisations préalables à la pose d’une couronne ne serait pas de qualité » (pièces E 11 de la FSDL), il n’est nullement démontré d’une part, que ces faits rapportés sont fallacieux, et d’autre part que ces dires sont tenus dans un but malveillant envers la profession.
Concernant les caricatures parues sur le site Facebook de SantéClair en 2013 et 2015 (pièce D-8 de la FSDL), il a déjà été jugé de manière pertinente dans un litige opposant la CNSD (Confédération nationale des syndicats dentaires) à Santéclair que les caricatures en question ne visaient nullement les chirurgiens-dentistes hors du réseau SantéClair mais évoquaient en général tous les professionnels de la santé, que ces caricatures sont « modérées et ne présentent aucun caractère d’agressivité, qu’ elles présentent, sous une forme humoristique, la problématique du coût des soins de santé », dans une décision de l’Autorité de la concurrence du 24 octobre 2016 (déc. n°16-D-23, §112 ‘ pièce 114 de SantéClair), laquelle a été confirmée par la cour d’appel de Paris dans son arrêt rendu le 1er février 2018 . (pièce 139 de SantéClair)
Enfin, il est reproché à l’intimée de faire publier sous l’influence de M. [E] [V], journaliste faisant fonction de « community manager » de SantéClair, une tribune parue en décembre 2013 dans la revue 60 Millions de consommateurs intitulée « les dentistes plombent le budget des ménages », tribune relayée par des communiqués de presse : « Soins dentaires, les dérives inacceptable, ou sur internet : « Des soins … qui font mal au portefeuille » qui seraient dénigrantes pour la profession des chirurgiens-dentistes. (pièces D9 et E1 à E4 de la FSDL)
Cependant, M. [V] est journaliste et non porte-parole de la FSDL. En outre, la tribune litigieuse s’appuie sur des données chiffrées issues essentiellement des SNIRAM (Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie) et si elle est critique sur la pratique tarifaire des de certains dentistes, elle avait essentiellement pour but d’alerter les pouvoirs publics sur la disparité des tarifs pratiqués selon les régions et le fait que de nombreux citoyens renoncent à des soins dentaires au vu de la faiblesse du remboursement par l’Assurance maladie obligatoire, ce qui n’est pas dénigrant pour la profession des chirurgiens-dentistes en général.
* la publicité comparative illicite:
La directive 2006/114/CE du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative rappelle en son article 2 a) que la publicité peut être définie comme « toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations » et dans son article 2 c) définit la publicité comparative comme « toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent ». Enfin, la publicité comparativeest illicite au regard des dispositions de l’article L 122-1 du code de la consommation (qui reprend en substance les dispositions de l’article 4 a) de la Directive de 2006 précitée) lorsqu’elle est trompeuse ou n’est pas objective.
En l’espèce, il est plus précisément reproché à Santéclair de pratiquer de la publicité comparative illicite lorsque, sur délégation des Mutuelles ou Assurances de prévoyance, elle procède à la comparaison des devis soumis par les patients avec les honoraires proposés par des praticiens adhérents au réseau SantéClair pour le même type d’actes. Or, cette prestation d’analyse des devis soumis par les assurés ne constitue pas une publicité comparative mais a pour seul objectif d’offrir aux assurés, comme l’ont dit à bon droit les premiers juges dans le jugement déféré : « un concours strictement technique afin d’informer utilement les patients sur les montants pécuniaires qui resteront à leur charge et sur les possibilités leur permettant le cas échéant de les diminuer sur le plan tarifaire. »
Au vu de ce qui précède, aucun des arguments invoqués par la FSDL pour justifier les actes anticoncurrentiels qui lui sont reprochés ne sera retenu.
La FSDL a donc engagé sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l’article ancien 1382 (actuel 1240) du code civil au préjudice de SantéClair, en commettant des pratiques anticoncurrentielles sanctionnées par l’article L.420-1 du code de commerce.
Sur les demandes reconventionnelles de la FSDL : les pratiques fautives reprochées par la FSDL à SantéClair
La FSDL critique le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes fondées sur les pratiques fautives de SantéClair engageant sa responsabilité pour :
— le démarchage actif des patients,
— le maintien d’un numerus clausus,
— des actes de publicité comparative,
— le dénigrement de la profession de chirurgien-dentiste.
Ces demandes reprennent les mêmes faits et arguments que ceux développés comme moyens de défense pour tenter de justifier les actes anticoncurrentiels reprochés par SantéClair. Or, la Cour a déjà écarté chacun de ces moyens. La FSDL échoue donc à prouver que les pratiques fautives qu’elle allègue à l’encontre de SantéClair sont caractérisées.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la FSDL de tous ses chefs de demandes reconventionnelles.
Sur les sanctions des actes anticoncurrentiels commis par la FSDL au préjudice de SantéClair
— les dommages et intérêts
SantéClair soutient que la somme de 20.000 euros allouée par le tribunal en indemnisation de son préjudice du fait des actes anticoncurrentiels imputables à la Fédération est insuffisante, elle sollicite une indemnisation à hauteur de 100.00 euros en réparation de son entier préjudice en faisant valoir qu’elle a dû subir des départs de son réseau, supporter les conséquences de nombreuses procédures disciplinaires initiées par la Fédération, et reconstituer le réseau d’implantologie fin 2015, qu’elle a en outre subi un préjudice d’image.
La FSDL réplique qu’il n’a pas été démontré en l’espèce l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage, comme il est requis par les dispositions de l’ article 1382 ancien du code civil. Elle fait valoir que le réseau SantéClair n’a cessé de croître et n’a donc pas subi de préjudice.
Sur ce ;
Vu les dispositions de l’article 1240 du code civil (reprenant les dispositions de l’ article 1382 ancien du code civil),
Il appartient à SantéClair de démontrer l’existence d’un lien de causalité entre la faute invoquée (pratiques anticoncurrentielles par appels au boycott de la FSDL telles que caractérisées plus haut) et le dommage allégué (préjudice subi par SantéClair du fait de ces pratiques illicites).
En l’espèce, SantéClair justifie du fait que le mot d’ordre de la FSDL a été relayé par les conseils départementaux et a été largement suivi par les chirurgiens-dentistes qui ont porté plainte devant différents conseils départementaux envers des confrères du fait de leur appartenance au réseau SantéClair (pièces 32 à 34 de SantéClair) ou que bien que la Fédération a poursuivi des adhérents au réseau devant la Chambre disciplinaire de première instance, en versant aux débats les différentes procédures disciplinaires invoquées. (pièces 35, 39 à 50, 83 à 85, 93,94, 104,111 et 112 et 131,147 de Santéclair)
SantéClair indique aussi le nom de chacun des chirurgiens-dentistes qui, dans différentes régions de France, ont résilié courant 2013/2014 leur partenariat avec le réseau SantéClair, concomitamment à la période des actes anticoncurrentiels dont la Fédération a été l’auteur.
A une période très proche, concernant son réseau d’implantologie créé en 2012, sur 30 praticiens fin 2012, 10 l’ont quitté début 2015. Santéclair a dû reconstituer ce réseau en 2015 engendrant des frais : mise en place d’un nouvel appel d’offres et appel à un consultant externe, pour un montant total de près de 53k euros dont elle justifie. (factures en pièces 153 à 158 de SantéClair)
Outre la concomitance des périodes, pour démontrer le lien de causalité entre les départs du réseau et les appels à boycott de son réseau, SantéClair fait état des motifs invoqués dans une lettre de résiliation écrite par le Dr [B] (pièce 98 de la FSDL) dont la valeur probante n’est pas remise en cause et qui est rédigée en ces termes : « Sous la pression de mes instances ordinales, de mes confrères, et de mon syndicat, je suis dans l’obligation urgente, de mettre fin à notre partenariat/contrat.
En effet, si je ne me retire pas rapidement de votre réseau, je m’expose à des sanctions
disciplinaires de la part du Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens-dentistes.
Une liste « noire » où je figure en tant que « partenaire Santéclair » a été distribuée à
toute la profession.
Je ne cautionne pas le fait que mon nom soit divulgué ainsi sur vos réseaux.
Merci donc, de me radier de cette liste, de votre « réseau », et surtout, ne m’envoyez plus
vos clients car ceci est illégal dans les conditions actuelles ».
Il ressort du tableau des motifs de résiliation du protocole SantéClair, en pages 88 à 92 de la Décision de l’Autorité de la concurrence n°20-D-17 du 12 novembre 2020 relative à des pratiques mises en ‘uvre dans le secteur de la chirurgie dentaire, que ce même type de motifs est repris dans des dizaines de lettres de résiliation courant 2013 à fin 2015 concernant ce réseau. (pièce 149 de Santéclair)
Au vu de ces éléments, il est suffisamment démontré que les appels au boycott constitutifs de pratiques anticoncurrentielles telles que caractérisées courant 2013 à 2015 ont engendré un préjudice certain et direct pour SantéClair.
Pour autant, comme le relève dans sa Décision du 12 novembre 2020 précitée, l’Autorité de la concurrence (§890) : « l’effet des pratiques doit être relativisé, le nombre de résiliations constatées
demeurant relativement faible eu égard au nombre de praticiens adhérents aux réseaux Santéclair ».
En tenant compte de l’importance de son réseau mais aussi de l’intensité des actes illicites et de la période du trouble sur trois années (de début 2013 à fin 2015), SantéClair doit être indemnisée à hauteur de 70.000 euros en réparation du préjudice commercial quelle a subi.
Le jugement sera donc donc infirmé quant au montant de l’indemnisation allouée à SantéClair en réparation du préjudice subi du fait des actes anticoncurrentiels commis par la FSDL.
— sur les injonctions et la publication
Les injonctions tendant à faire cesser les actes illicites commis par la FSDL à l’égard de SantéClair prononcées par le tribunal étaient justifiés à la date de la décision de première instance, ainsi que la publication judiciaire du jugement, ces chefs de dispositifs seront confirmés.
Sur les frais et dépens
La FSDL qui succombe dans ses demandes au principal supportera les dépens de première instance et de l’appel, elle sera également condamnée à participer aux frais irrépétibles engagés par SantéClair pour se défendre en cause d’appel à la somme de 15.000 euros.
PAR CES MOTIFS
Dans la limite de l’appel,
Infirme le jugement en ce qu’il a condamné la Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL) à payer à la société SantéClair la somme de 20.000 euros en dommages et intérêts,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau de ce chef infirmé,
Condamne la Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL) à payer à la société SantéClair la somme de 70.000 euros en dommages et intérêts en réparation des actes anticoncurrentiels,
Condamne la Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL) aux entiers dépens et à verser à la société SantéClair la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE