Communication des Dossiers Médicaux : Équilibre entre Secret et Droit à la Défense

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Communication des Dossiers Médicaux : Équilibre entre Secret et Droit à la Défense

Dans le cadre d’une expertise, toutes les pièces médicales d’un patient ne sont pas communicables.

En la cause, la juridiction a retenu une atteinte excessive et disproportionnée, au regard des intérêts protégés par le secret médical, en ce que deux parties au litige se trouvent empêchées par une autre, qui a pourtant pris l’initiative de l’instance en référé dans une démarche de recherche de responsabilité, de produire spontanément les pièces qu’elles estiment utiles au bon déroulement des opérations d’expertise et nécessaires à leur défense.

L’article L. 1110-4 du code de la santé publique dispose : Toute personne prise en charge par un professionnel de santé (…) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel (…). Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. (…) La personne est dûment informée de son droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage d’informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment. Le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende …

Aux termes de l’article R. 4127-4 du même code le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi ; (il) couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est à dire non seulement ce qui lui a été confié mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris.

Le caractère absolu de ce secret, destiné à protéger les intérêts du patient, souffre certaines dérogations limitativement prévues par la loi. Il peut, par ailleurs, entrer en conflit avec le principe fondamental à valeur constitutionnelle des droits de la défense, étant rappelé que constitue une atteinte au principe d’égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le fait d’interdire à une partie de faire la preuve d’éléments de fait essentiels pour l’exercice de ses droits et le succès de ses prétentions.

Il est par ailleurs admis que le patient peut y renoncer et que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que le juge apprécie si une partie a accepté que des pièces médicales fussent communiquées à un expert, renonçant ainsi à se prévaloir du secret médical.

Toutefois, le patient peut délier du secret médical tous les tiers détenteurs en possession de pièces médicales utiles à l’accomplissement de sa mission par l’expert.

Même si le fait d’avoir, dans son assignation, sollicité l’organisation d’une expertise médicale avec ‘mission habituelle’ en la matière, ne peut s’analyser comme une renonciation expresse au secret médical, le patient a spontanément produit, en première instance, le dossier médical, le protocole opératoire, le compte-rendu d’hospitalisation, le compte-rendu du scanner, le certificat du docteur en charge. Il a donc levé le secret médical vis à vis de ces pièces spontanément versées aux débats.

Le 25 novembre 2021, M. [H] [W] a été hospitalisé après une chute à domicile, où une fracture du col gauche a été diagnostiquée. Son état s’est détérioré, entraînant un transfert en réanimation et une laparotomie exploratrice le 26 novembre, durant laquelle deux drains de Peters ont été posés. Il est resté hospitalisé jusqu’au 18 décembre 2021. Un scanner réalisé le 12 octobre 2022 a révélé un drain péritonéal à droite, nécessitant son retrait, que le docteur [J] [X] a refusé d’effectuer. M. [H] [W] a alors assigné le docteur [J] [X], la Fondation Hôpital [11] et la Caisse primaire d’assurance maladie devant le tribunal judiciaire de Marseille, demandant une expertise médicale et des provisions pour indemnisation. Le 28 juin 2023, le juge des référés a ordonné l’expertise mais a rejeté les demandes de provision, considérant qu’il existait des contestations sérieuses. La Fondation Hôpital [11] a interjeté appel, critiquant la condition de transmission du dossier médical. Le docteur [J] [X] a également demandé une réformation de l’ordonnance concernant la production de pièces. M. [H] [W] a demandé que la procédure soit déclarée sans objet et a réclamé des indemnités. L’affaire a été close le 25 juin 2024. La cour a infirmé l’ordonnance sur la communication des pièces médicales, autorisant leur production sans autorisation préalable de M. [H] [W], et a condamné la Fondation Hôpital [11] à verser 2 000 euros à M. [H] [W] ainsi qu’aux dépens d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
23/13282
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 17 OCTOBRE 2024

N° 2024/578

Rôle N° RG 23/13282 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BMCCH

Fondation HOPITAL [11] DE [Localité 9]

C/

[H] [W]

[J] [X]

Etablissement Public CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES

Me Alexandra COSTECALDE-BOSSY

Me Jean-François JOURDAN de la SCP JF JOURDAN – PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 28 Juin 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 23/01862.

APPELANT

Fondation HOPITAL [11]

dont le siège social est situé [Adresse 7] – [Localité 3]

représentée par Me Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Mathilde CHADEYRON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [H] [W]

né le [Date naissance 5] 1954 à [Localité 9], demeurant [Adresse 1] -[Localité 2]E

représenté par Me Alexandra COSTECALDE-BOSSY, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [J] [X]

Médecin

domiciliée en son cabinet [Adresse 6] – [Localité 3]

représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JF JOURDAN – PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Nicolas RUA de la SELARL CABINET ESTEVE-RUA, avocat au barreau de NICE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

dont le siège social est situé [Adresse 8] – [Localité 4]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 10 septembre 2024 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président rapporteur

Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseillère

Mme Angélique NETO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 25 novembre 2021, dans les suites d’une chute mécanique à domicile, monsieur [H] [W] a été hospitalisé aux services des urgences de la Fondation Hôpital [11] de [Localité 9] où une fracture du col gauche a été diagnostiquée.

Dans la nuit du 25 au 26 novembre, son état de santé s’est dégradé et il a été transféré en réanimation. Le lendemain, en raison d’une suspicion de choc hémorragique, une laparotomie exploratrice a été réalisée en urgence par le docteur [J] [X].

Au cours de cette intervention deux drains de Peters ont été mis en place.

Il a poursuivi son hospitalisation au sein de l’Hôpital [11] jusqu’au 18 décembre 2021.

Cependant, le 12 octobre 2022, un scanner thoraco-abdominopelvien a révélé la présence d’un drain péritonéal à droite.

En l’état de ces constatations et eu égard aux risques de complications, le docteur [J] [X] a posé une indication chirurgicale de retrait de ce drain qu’elle a néanmoins refusé de réaliser.

Par acte de commissaire de justice en date du 7 avril 2023, M. [H] [W] a fait assigner le docteur [J] [X], la Fondation Hôpital [11] de Marseille ainsi que la Caisse primaire d’assurance maladie des Bouches du Rhône devant le président du tribunal judiciaire de Marseille, statuant en référé, aux fins d’entendre ordonner une expertise médicale et de se voir allouer une provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice et une provision ad litem.

Par ordonnance contradictoire en date du 28 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille a :

– ordonné une expertise médicale et commis le docteur [O] [N] [V] pour y procéder ;

– rejeté les demandes de provision ad litem et à valoir sur l’indemnisation du préjudice corporel de M. [W] ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– laissé provisoirement les dépens à la charge de M. [W].

Il a notamment considéré que les demandes de provision se heurtaient à des contestations sérieuses, l’expertise judiciaire ayant justement pour objet de déterminer si des fautes ont été commises et, par extension, si M. [W] bénéficiait d’un droit à indemnisation.

Selon déclaration reçue au greffe le 26 octobre 2023, la fondation Hôpital [11] de [Localité 9] a interjeté appel de cette décision, l’appel visant à la critiquer en ce qu’elle a conditionné la transmission du dossier médical par les tiers détenteurs à l’autorisation de M. [W].

Par dernières conclusions transmises le 9 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu’elle :

– réforme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a confié à l’expert, notamment la mission : « Après avoir recueilli les dires et les doléances de [H] [W] et les observations contradictoires du ou des défendeurs et avoir obtenu avec l’autorisation de [H] [W] tous les documents relatifs aux examens, soins et interventions dont il a été l’objet, y compris le dossier du médecin traitant, leur évolution et les traitements appliqués ;

– modifie la mission d’expertise comme suit :

‘ après avoir recueilli les dires et les doléances de [H] [W] et les observations contradictoires du ou des défendeurs et avoir obtenu tous les documents relatifs aux examens, soins et interventions dont il a été l’objet, y compris le dossier du médecin traitant, leur évolution et les traitements appliqués ;

‘ dise et juge que le concluant pourra adresser à l’expert judiciaire le dossier correspondant à la prise en charge considérée comme litigieuse.

Par dernières conclusions transmises le 6 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le docteur [J] [X] sollicite de la cour qu’elle prenne acte de ce qu’elle s’associe à la demande de réformation formulée par la Fondation Hôpital [11], en conséquence infirme l’ordonnance entreprise en ses dispositions ayant limité la production de pièces par les parties défenderesses et, statuant à nouveau :

– enjoigne aux parties mises en cause de produire à l’expert aussitôt que possible toutes pièces, y compris médicales, en lien avec les faits litigieux, indispensables au bon déroulement des opérations d’expertise sans que puisse leur être opposé le secret médical,

– statue ce que de droit sur les dépens.

Par dernières conclusions transmises le 7 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [H] [W] sollicite de la cour qu’elle:

– juge qu’en l’état de la production par lui d’une attestation de communication de son dossier médical, la présente procédure est sans objet ;

– condamne la Fondation Hôpital [11] de [Localité 9] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamne la Fondation Hôpital [11] de Marseillle aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Alexandra Costecalde-Boissy.

La CPAM des Bouches du Rhône régulièrement intimée à personne n’a pas constitué avocat.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 25 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La fondation Hôpital [11] de [Localité 9] et le docteur [X] font grief à l’ordonnance entreprise d’avoir, pour déterminer les modalités de communication à l’expert des pièces utiles à la réalisation des opérations d’expertise, conditionné la production de documents médicaux en leur possession et en possession de tiers, à l’accord préalable de M. [W], demandeur à la mesure d’instruction, et ce, au mépris des droits de la défense garantis par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par les engagements internationaux de la France dont la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Ils reprochent également au premier juge d’avoir statué ultra petita dès lors que, dans la mission proposée dans son acte introductif d’instance, M. [W] ne conditionnait pas à son accord préalable la communication de son dossier médical à l’expert judiciaire. Pour autant, malgré cette violation alléguée des droits de la défense, ce n’est pas l’annulation de la décision déférée qui est sollicitée mais sa réformation.

Sur le grief tiré de l’ultra petita de l’ordonnance entreprise

Aux termes de l’article 265 du code de procédure civile, la décision qui ordonne l’expertise … énonce les chefs de la mission de l’expert.

Selon une jurisprudence constante de la cour de cassation, les juges du fond fixent souverainement l’étendue de la mission confiée à un expert ainsi que les modalité d’intervention de celui-ci.

Le premier juge n’était donc pas tenu par les termes de la mission proposée par le demandeur qu’il pouvait modifier, amender ou compléter sans encourir le grief de statuer ultra petita.

De plus, M. [W] ne s’était pas avancé sur les modalités de communication de son dossier et de pièces médicales à l’expert puisqu’il s’était, dans son assignation, contenté de solliciter la désignation d’un expert spécialisé en chirurgie générale avec une mission habituelle en matière d’évaluation de préjudices corporels en suivant la nomenclature Dintilhac.

Il n’y a donc lieu de ‘constater’, comme sollicité par fondation Hôpital [10] de [Localité 9], que le juge des référés a statué ultra petita.

Il sera à cet égard surabondamment rappelé qu’en tout état de cause, il n’entre pas dans l’office de la cour de statuer sur des demandes de ‘constater’, ‘donner acte’, ‘dire et/ou juger’ ou ‘déclarer’ qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif.

Sur le grief tiré de la violation des droits de la défense

L’article L. 1110-4 du code de la santé publique dispose : Toute personne prise en charge par un professionnel de santé (…) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel (…). Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. (…) La personne est dûment informée de son droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage d’informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment. Le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende …

Aux termes de l’article R. 4127-4 du même code le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi ; (il) couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est à dire non seulement ce qui lui a été confié mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris.

Le caractère absolu de ce secret, destiné à protéger les intérêts du patient, souffre certaines dérogations limitativement prévues par la loi. Il peut, par ailleurs, entrer en conflit avec le principe fondamental à valeur constitutionnelle des droits de la défense, étant rappelé que constitue une atteinte au principe d’égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le fait d’interdire à une partie de faire la preuve d’éléments de fait essentiels pour l’exercice de ses droits et le succès de ses prétentions.

Il est par ailleurs admis que le patient peut y renoncer et que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que le juge apprécie si une partie a accepté que des pièces médicales fussent communiquées à un expert, renonçant ainsi à se prévaloir du secret médical.

En l’espèce, dans deux paragraphes de la mission impartie à l’expert, le premier juge a :

– d’une part, subordonné à l’autorisation de M. [W] la communication à l’expert de tous documents relatifs aux examens, soins et interventions dont il a été l’objet, y compris le dossier du médecin traitant, leur évolution et les traitements appliqués ;

– d’autre part, dit que l’expert pouvait se faire remettre tous documents utiles et notamment le dossier médical, par l’établissement de santé concerné : les comptes du CLIN, les protocoles d’hygiène et d’asepsie applicables et les enquêtes épidémiologiques effectuées et, au besoin, après avoir entendu tout sachant dans les conditions prévues par l’alinéa 1 de l’article 242 du nouveau code de procédure civile (c’est à dire en précisant leur nom, prénom, demeure et profession et sans que le secret professionnel puisse lui être opposé).

Ces deux paragraphes, possiblement contradictoires, peuvent donner à penser que seul l’hôpital [11] est dispensé de solliciter l’autorisation de M. [W], les tiers détenteurs et le docteur [X] demeurant liés par le secret médical sur le terrain de la communication de pièces.

Il reste qu’en soumettant, ne serait-ce que potentiellement, la production de pièces médicales par le docteur [X] et la fondation Hôpital [11] de [Localité 9], dont la responsabilité est susceptible d’être ultérieurement recherchée, à l’accord préalable de M.[W], demandeur, alors qu’elles peuvent s’avérer utiles voire même essentielles à la réalisation de la mesure d’instruction et, par suite, à la manifestation de la vérité, l’ordonnance entreprise a porté atteinte aux droits de ces défendeurs.

Cette atteinte est excessive et disproportionnée, au regard des intérêts protégés par le secret médical, en ce que deux parties au litige se trouvent empêchées par une autre, qui a pourtant pris l’initiative de l’instance en référé dans une démarche de recherche de responsabilité, de produire spontanément les pièces qu’elles estiment utiles au bon déroulement des opérations d’expertise et nécessaires à leur défense.

Par ailleurs, même si le fait d’avoir, dans son assignation, sollicité l’organisation d’une expertise médicale avec ‘mission habituelle’ en la matière, ne peut s’analyser comme une renonciation expresse au secret médical, M. [W] a spontanément produit, en première instance, le dossier médical Hôpital [11] (pièce 1), le protocole opératoire du 26 novembre 2021 (pièce 2), le compte-rendu d’hospitalisation (pièce 3), le compte-rendu du scanner du 12 octobre 2022 (pièce 4), le certificat du docteur [X] (pièce 5), le certificat médical du docteur [B] (pièce 7). Il a donc levé le secret médical vis à vis de ces pièces spontanément versées aux débats.

Il a par ailleurs adressé à l’expert une ‘autorisation de communication de données à caractère médical’, rédigée le 15 novembre 2023 et communiquée aux parties deux jours plus tard, par laquelle il autorise la communication de toutes les pièces de (son) dossier médical dans le cadre de la procédure en cours à l’encontre de la Fondation Hôpital Privé [11], du docteur [X] et de la CPAM (ordonnance de référé n° 23/693 du 28 juin 2023).

Enfin, dans ses conclusions d’appel, il s’en est rapporté à la sagesse de la cour sur la question du libellé de la mission et a même rejoint ses contradicteurs pour considérer que le premier juge avait statué ultra petita.

Il convient, dans ces conditions, de considérer que M. [W] a délié du secret médical tous les tiers détenteurs en possession de pièces médicales utiles à l’accomplissement de sa mission par l’expert.

L’ordonnance entreprise sera donc infirmée de ce chef et toutes les parties à la présente instance ainsi que les tiers détenteurs seront autorisés à produire à l’expert judiciaire toutes les pièces médicales en lien avec les faits litigieux, indispensables au bon déroulement des opérations d’expertise sans que puisse leur être opposé le secret médical et donc sans avoir à solliciter l’autorisation préalable de M. [H] [W].

Il ne leur sera néanmoins pas fait injonction de le faire puisque l’expert judiciaire reste, en toute hypothèse et dernière intention, juge de l’utilité des pièces communiquées et libre d’en solliciter des nouvelles. Il demeure donc maître du périmètre de la communication.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est admis que la partie défenderesse, puis intimée, à une demande d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et ce, même si l’expertise a été ordonnée.

Il convient, dans ces conditions, de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a laissé les dépens à la charge de M. [H] [W].

Il en ira différemment en cause d’appel puisque M. [W] a communiqué, dès le 17 novembre 2023, soit 22 jours seulement après que la Fondation Hôpital [11] a interjeté appel de l’ordonnance entreprise, son ‘autorisation (générale) de communication de données à caractère médical’.

A cette époque, quoique constitué depuis le 8 novembre, il n’avait pas encore conclu et aurait pu se dispenser de le faire, dans le délai imparti par l’article 905-2 du code de procédure civile, expirant le 9 décembre suivant si l’appelant principal, avait pris l’initiative de se désister dans son propre délai pour conclure, expirant le 2 décembre 2023 (l’avis de fixation ayant été délivré le 2 novembre).

Il a donc dû engager des frais irrépétibles largement indus dont il aurait pu faire l’économie si toutes les conséquences juridiques avaient été tirées de sa bonne volonté.

Il lui sera donc alloué, comme sollicité, une somme de 2 000 euros, en cause d’appel, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La Fondation Hôpital [11] de [Localité 9] supportera, en outre, les dépens de la procédure d’appel qui seront distraits au profit de Maître Alexandra Costecalde-Boissy sur son affirmation de droit.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l’appel ;

Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a subordonné la communication de pièces médicales par les parties et les tiers détenteurs au docteur [O] [N] [V], expert judiciaire, à l’autorisation préalable de M. [H] [W] ;

La confirme pour le surplus des dispositions déférées ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Autorise les parties, à savoir la Fondation Hôpital [11] de [Localité 9] et le docteur [J] [X], ainsi que tous tiers détenteurs à produire à l’expert judiciaire, le docteur [O] [N] [V], toutes les pièces médicales en lien avec les faits litigieux, indispensables au bon déroulement des opérations d’expertise sans que puisse leur être opposé le secret médical ;

Condamne la Fondation Hôpital [11] de [Localité 9] à verser à M. [H] [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Fondation Hôpital [11] de [Localité 9] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière Le président


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