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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 05 AVRIL 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02275 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBW5S
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Juin 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 16/10743
APPELANTE
Madame [N] [X] épouse [T]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Virginie COLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0178
INTIMEE
La société FREMAUX DELORME venant aux droits de la S.A.S.U. [C] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Véronique MARMORAT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Anne MENARD, présidente
Lors des débats : Madame Sarah SEBBAK, greffière stagiaire en préaffectation sur poste
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Véronique MARMORAT, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [N] [X], épouse [T], née le 7 juillet 1963, a été embauchée selon un contrat à durée indéterminée en date du 22 janvier 2008 par la société [C] [B], spécialisée dans la confection et la vente d’articles d’habillement, exploitant un site de vente en ligne, des corners en grands magasins et des boutiques propres en qualité de démonstratrice, niveau III, échelon 3, statut employé ayant une rémunération moyenne brute égale à la somme de 2 183,27 euros.
Le 1er juillet 2016, la salariée a été élue déléguée du personnel suppléant pour 4 ans.
Le 26 octobre 2016, madame [T] saisit le Conseil des prud’hommes de Paris en résiliation judiciaire.
Le médecin du travail, par avis du 1er octobre 2018, a déclaré la salariée inapte au poste de vendeuse, en précisant qu’elle pourrait occuper une activité sans port de charges lourdes et sans mouvements répétitifs avec le membre supérieur.
Après y en avoir été autorisé le 26 décembre 2018 par l’inspecteur du travail, la société [C] [B], la salariée est licenciée pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement.
Par jugement du 26 juin 2019, le Conseil des prud’hommes de Paris a débouté madame [T] de l’ensemble de ses demandes, l’employeur de ses demandes reconventionnelles et condamné la salariée aux dépens.
Madame [T] a interjeté appel de cette décision le 11 mars 2020.
À la suite d’une fusion absorption en date du 1er juillet 2021 à effet rétroactif au 1er janvier 2021, la société Fremaux Delorme est venue aux droits de la société [C] [B].
Par conclusions signifiées par voie électronique le 20 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [T] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et statuant de nouveau de
Sur l’exception d’incompétence
Déclarer la société Fremaux Delorme venant aux droits de la société [C] [B] irrecevable en son exception d’incompétence
Débouter la société Fremaux Delorme de son exception d’incompétence
Au fond
A titre principal,
Ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur à effet au 20 janvier 2019, qui produira les effets d’un licenciement nul ou subsidiairement d’un licenciement sans cause
A titre subsidiaire
Juger que le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité rend sans cause son licenciement pour inaptitude
En tout état de cause, écarter l’application des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail relatives au plafonnement de l’indemnisation due au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse à la présente espèce, en ce que son application porterait une atteinte disproportionnée à son droit à une réparation adéquate, telle que visée dans les dispositions de la charte sociale européenne et de la convention 158 de l’OIT
Condamner la société Fremaux Delorme aux dépens et à lui verser les sommes suivantes :
titre
montant en euros
Indemnité pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause, ou plus subsidiairement pour perte de son emploi résultant de son licenciement pour inaptitude
70 000
subsidiairement, si la Cour n’écarte pas l’application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail, indemnité en réparation du préjudice subi résultant du licenciement sans cause ou subsidiairement pour perte de son emploi résultant de son licenciement pour inaptitude
21 932,70
dommages et intérêts pour préjudice moral
20 000
dommages et intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat
70 000
article 700 du code de procédure civile
3 000
Assortir les sommes alloués des intérêts de droit à compter de la décision à intervenir avec capitalisation des intérêts
Condamner la société Fremaux Delorme à lui remettre les documents sociaux conformes aux condamnations
Par conclusions signifiées par voie électronique le 12 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Fremaux Delorme, venant aux droits de la société [C] [B] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de se déclarer incompétente pour statuer sur la résiliation judiciaire, les demandes indemnitaires en découlant, l’absence de cause réelle et sérieuse au licenciement et les demandes en découlant, en application du principe de séparation des pouvoirs, de débouter madame [T] de toutes ses demandes, de la condamner aux dépens et à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
Sur l’exception d’incompétence
Sur la recevabilité de l’exception d’incompétence
La salariée considère que l’exception d’incompétence soulevée par l’intimé est irrecevable. En effet, elle indique que l’employeur a formulé une demande au fond, avant son exception de procédure, dans son dispositif.
Si en application de l’article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, il convient d’examiner les pièces de la procédure pour statuer sur la recevabilité de cette exception soulevée par la société Fremaux Delorme.
Dans ses conclusions, la société Fremaux Delorme demande à la cour la confirmation du jugement du Conseil des prud’hommes puis in limine litis, à titre principal et avant tout examen au fond de se déclarer incompétente pour statuer sur la résiliation judiciaire, les demandes indemnitaires en découlant, l’absence de cause réelle et sérieuse au licenciement et les demandes en découlant, en application du principe de séparation des pouvoirs.
Or, si dans le dispositif du jugement du Conseil des prud’hommes, il est seulement mentionné le rejet des demandes formées par madame [T], il n’en demeure pas moins que l’exception d’incompétence a fait l’objet des débats tant dans les écritures des parties que dans les motivations du jugement qui y consacre une page et quart pour finalement juger qu’il n’était pas compétent pour statuer sur la demande de résiliation judiciaire ou sur le licenciement mais qu’il l’était pour les demandes de dommages et intérêts formées par la salariée portant sur le préjudice moral distinct, le non respect de l’obligation de sécurité et l’exécution déloyale du contrat de travail et portant sur des faits antérieurs à la procédure et licenciement non pris en compte par l’inspection du travail.
Ainsi, en demandant la confirmation du jugement, l’employeur entendait se référer à cette décision d’incompétence et qu’ainsi, cette exception est recevable.
Principe de droit applicable :
Selon l’article 13 de la loi des 16-24 août 1790, les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions.
Le décret du 16 fructidor an III fait défenses itératives aux tribunaux de connaître des actes d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, aux peines de droit et selon l’article L 311-1 du code de justice administrative, il n’appartient pas aux tribunaux judiciaires de connaître du contentieux administratif qui relève de la seule compétence des tribunaux de l’ordre administratif. Les tribunaux administratifs sont, en premier ressort, juges de droit commun du contentieux administratif, sous réserve des compétences que l’objet du litige ou l’intérêt d’une bonne administration de la justice conduisent à attribuer à une autre juridiction administrative.
L’article L. 2411-5 du code du travail, le licenciement d’un membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, titulaire ou suppléant ou d’un représentant syndical au comité social et économique, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.
Application en l’espèce
Il n’est pas contesté que la juridiction prud’homale a été saisie en résiliation judiciaire le 20 octobre 2016 et que ce n’est que postérieurement que l’inspection du travail, saisi par l’employeur le 30 novembre 2018 dans le cadre d’une procédure de licenciement pour inaptitude, a rendu le 26 décembre 2018 l’avis suivant :
« Considérant que compte tenu de la déclaration d’inaptitude et en particulier des préconisations du médecin du travail, l’employeur a manifestement procédé à la recherche de reclassement tant au niveau de l’entreprise [C] [B] mais aussi au niveau du groupe Fermaux Delorme auquel est rattachée la société [C] [B] ; que cette recherche de reclassement s’est avérée infructueuse faute de postes disponibles et/ou adaptables conformément aux préconisations du médecin du travail, notamment un poste sans port de charges lourdes et sans mouvements répétitifs avec le membre supérieur.
Considérant, de ce fait que l’employeur a manifestement respecté son obligation de recherche de reclassement tout en essayant de respecter les prescriptions médicales du médecin du travail.
Considérant, que l’avis d’inaptitude n’a été contesté par aucune des parties en présence.
Considérant que l’entreprise [C] [B] a respecté la procédure interne et notamment, par courrier recommandé date du 5 novembre 2018, convoqué madame [N] [T] à un entretien préalable à un licenciement fixé au 15 novembre 2018.”
La société Fremaux Delorme soutient que les juridictions de l’ordre judiciaire sont incompétentes pour connaître les demandes de la salariée au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail et de l’absence de cause réelle et sérieuse à son licenciement lorsque l’inspecteur du travail a octroyé à l’employeur l’autorisation de licencier un salarié protégé, et ce même si la saisine pour la résiliation judiciaire est antérieure à la rupture. Ainsi, seul le tribunal administratif de Paris serait compétent à connaître des demandes de la salariée. L’employeur observe que la salariée n’a pas contesté l’autorisation du licenciement qui serait, en conséquence, devenue définitive.
Madame [T] expose que le juge judiciaire reste compétent pour allouer des dommages-intérêts au salarié protégé au titre des fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement autorisé par l’inspection du travail, dès lors que les manquements invoqués par le salarié n’ont pas été pris en considération par l’autorité administrative dans le cadre de la procédure d’autorisation. La salariée fait valoir que la juridiction prud’homale est seule compétente pour connaître des règles relatives à l’exécution et à la rupture du contrat de travail, la salariée considère qu’elle est recevable à invoquer des manquements de son employeur, antérieurs au licenciement autorisé par l’inspection du travail et à en tirer des conséquences juridiques et indemnitaires
La Cour rappelle en se fondant sur les textes susvisés que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d’une autorisation administrative de licenciement accordée à l’employeur, même si la saisine du conseil de prud’hommes était antérieure à la rupture, et qu’il lui appartient, le cas échéant, de faire droit aux demandes de dommages-intérêts au titre des fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement lorsque les manquements invoqués par le salarié n’ont pas été pris en considération par l’autorité administrative dans le cadre de la procédure d’autorisation.
Il convient en conséquence de confirmer la décision du Conseil des prud’hommes prise sur ce point et d’examiner les demandes indemnitaires formées par madame [T].
Sur les demandes indemnitaires
Sur l’obligation de sécurité
Principe de droit applicable :
Selon l’article L 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
Application en l’espèce
Il est constant que madame [T] a commencé à exercer au corner [C] [B] du magasin Printemps, puis selon avenant du 22 mars 2013 au stand du Bon Marché. Du 25 août 2014 au 1er octobre 2014, la salariée est en arrêt de travail et a été placée à compter du 2 octobre 2014,en un mi-temps thérapeutique pour un mois et demi. Après de nouveaux arrêts de travail, le médecin du travail la déclare, le 8 avril 2015, apte à son poste avec une réserve liée au port de charge qui ne doit pas excéder 5 kg.
Le 15 avril 2015, la Caisse primaire d’assurance maladie a reconnu le caractère professionnel de la maladie de la salariée à l’épaule droit. Elle sera reconnue travailleur handicapé du 1er mars 2015 au 25 février 2020 par décision du 3 mars 2015 de la [Adresse 6].
En septembre 2016, madame [T] est affectée à la boutique [C] [B] de la [Adresse 5] en tant que responsable de boutique puis est placée à compter du 6 octobre 2016, en arrêt maladie. À la suite de la visite médicale de reprise, madame [T] est déclarée apte, sous réserve de tout port de charge. L’avis d’inaptitude du 1er octobre 2018 déclenchera la procédure de licenciement autorisé par l’inspection du travail.
Madame [T] explique qu’aucun matériel pour le transport des cartons de marchandises n’était mis à sa disposition par l’employeur alors que le poids des cartons était une problématique régulièrement abordée dans l’entreprise, lors des réunions de la direction avec les délégués du personnel. Selon elle, l’employeur n’a jamais entamé d’action concrète et s’est toujours contenté de déclarations générales, hypocrites et irréalistes.
De plus, elle considère qu’il est établi que l’employeur n’a pas pris en compte les préconisations du médecin du travail et son état de santé dans l’organisation du travail. Elle explique que l’aggravation de l’état de santé de la salariée était, dans ces circonstances, inévitable (après la capsulite rétractile de l’épaule droite, une capsulite hyperalgique se serait déclenchée à l’épaule gauche). À ce titre, elle indique avoir continuée à faire la manutention après l’avis d’aptitude avec réserve du médecin du travail.
Elle attribue l’origine de sa maladie professionnelle au fait que notamment au Bon Marché, elle consacrait une part importante de son temps de travail à la manutention de colis lourds dépassant les 15 kg, qu’elle devait soulever et ranger dans la réserve du 4ème étage puis descendre les articles dans la petite réserve du corner.
Ainsi, elle affirme qu’il est établi que l’employeur n’a mis en place aucune mesure de prévention et aucune mesure de correction.
À l’appui de ces affirmations, madame [T] produit des attestations de démonstratrices de stands voisins indiquant avoir toujours vu la salariée seule sur son stand, que les autres vendeurs en sous effectifs ne pouvaient pas l’aider, une collègue remplaçante confirmant que “le stand fonctionnait très bien et est assez lourd à gérer, d’autant qu’il n’y a qu’une petite réserve de proximité et le reste au 4ème étage”. Un autre, travaillant dans le stand situé en face, précise ” pour avoir une une progression constante (du chiffre d’affaires), il y a tout le travail de la démonstratrice (c’est-à-dire plus de manutention comme la réception des colis au 4ème étage, réassorts, poses d’antivols, dépliage, pliage, étiquetage des promotions …) ( … ) toutes les personnes qui se sont succèdées sur le point de vente [C] [B] ont subi la pénibilité de ce poste.” ou encore une autre démonstratrice d’un stand voisin indiquant ” J’ai pu constater les quantités massives de cartons que [V] avait à traiter en mouvement répétitif, charge importante. À cette occasion, je me suis proposée de l’aider pour descendre la marchandise car je la voyais en difficulté. Au retour de son absence pour longue maladie, j’ai pu constater qu’aucun aménagement fut installé pour la soulager (aide d’une autre personne, afflux plus espacé pour les cartons) .”
Les listings de livraison pour le magasin de la [Adresse 5] pour la période de septembre 2016, soit postérieurement à l’avis médical limitant le port de charge à 5kg font mention de colis de 7,5 à 12 kg.
L’employeur prétend que la logistique du Bon Marché s’occupait de la manutention, que les démonstratrices n’avaient qu’à ouvrir les colis, se saisir des articles et les ranger et produit les attestations de remplaçantes de madame [T] allant dans son sens et une attestation de la responsable du réseau indiquant que madame [T] était accompagnée de deux autres vendeuses 30 h par semaine et il produit des plannings cohérents avec cette affirmation. Toutefois, aucune pièce ne vient établir l’assistance du service logistique du magasin Bon Marché et surtout rien n’explique la maladie professionnelle de madame [T] hormis la répétition d’efforts répétés de ses membres supérieurs. Le fait que le document unique d’évaluation des risques professionnels existe n’exonère pas l’employeur de sa responsabilité à l’égard l’obligation de sécurité pas plus que les préconisations de postures pour éviter le mal de dos.
En conséquence, il convient d’infirmer la décision du Conseil des prud’hommes sur ce point et d’allouer à madame [T] la somme de 18 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l’obligation de sécurité.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
Principe de droit applicable :
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette dernière disposition est d’ordre public.
Ces articles s’appliquent en droit du travail, l’article L 1221-1 du code du travail prévoyant que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.
Application en l’espèce
Sur la modification de la structure de la rémunération
La salariée prétend que son consentement a été vicié, qu’elle a subi des pressions pour signer l’avenant de son contrat de travail supprimant sa prime annuelle et modifiant le taux des primes mensuelles et produit deux attestations l’une d’une vendeuse d’un autre stand qui aurait entendu le 29 janvier 2014 des menaces proférées par la directrice de madame [T] et une attestation du service médical du Bon Marché certifiant avoir reçu la salariée ce même jour en état de stress. L’employeur produit l’attestation de madame [R] précisant qu’elle n’avait pas tenu des propos menaçants et que le 29 janvier 2014 elle était devant son ordinateur et adressait des mails qu’elle produit.
Concernant le remplacement de la prime par un intéressement selon un avenant du 19 février 2014, aucune pièce ne vient établir que le consentement de madame [T] aurait été vicié étant observé que la rémunération de madame [T], selon le récapitulatif des sommes perçues par la salariée de 2012 à 2015, non contesté par celle-ci qu’en 2014, année de cet avenant, la rémunération de Madame [T] a connu une augmentation de 12%.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris qui n’a pas retenu l’argumentation de la salariée sur ce point.
Sur les difficultés administratives relatives à la prise en charge des arrêts maladie
Madame [T] affirme que ces problèmes ont été récurrents toute l’année 2016, l’employeur allant jusqu’à affirmer en septembre 2016 ne pas avoir connaissance de sa maladie professionnelle alors qu’en avril 2016, la Caisse primaire d’assurance maladie lui aurait rappelé le régime de la maladie professionnelle de la salariée et que la maladie professionnelle aurait bien été notifiée en avril 2015. Ainsi, elle considère qu’il ne peut s’agir d’un aléa administratif lorsqu’une situation dure pendant plus d’un an et que la Caisse primaire d’assurance maladie est contrainte de relancer l’employeur à plusieurs reprises.
Il résulte de la chaîne de courriels produite que les difficultés de traitement du dossier de la prise en charge des arrêts maladie ne peuvent pas être mises sur le compte de la mauvaise foi de l’employeur mais plutôt des difficultés de gestion de cette caisse et qu’en aucun cas, l’employeur a été passif dans le traitement de ce dossier. Ces difficultés s’expliquent par le fait que la société [C] [B] n’avait pas sollicité de subrogation comme le pensait la Caisse primaire d’assurance maladie.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement sur ce point.
Sur la fermeture de la boutique de [Adresse 5]
Madame [T] soutient qu’elle aurait été nommée responsable de cette boutique alors que l’employeur savait que celle-ci devait fermer.
Il résulte des pièces de la procédure que la fermeture de ce magasin a été causée par l’échec des négociations avec le bailleur commercial et que cette fermeture s’est produite alors que madame [T] était en arrêt maladie et que l’employeur s’est alors efforcé de lui trouver un autre poste dans la même zone géographique.
Ainsi, l’appréciation du Conseil des prud’hommes sur ce point est confirmée.
Sur l’organigramme des boutiques
Le fait que le nom de madame [T] ait été remplacé par celui de ses remplaçantes pendant ses arrêts maladie et rétabli à son retour ne peut en aucun cas lui causé un préjudice indemnisable comme l’ont justement apprécié les premiers juges.
Sur les chèques cadeaux
Il résulte du courriel de madame [R] du 13 janvier 2017 que celle-ci reconnaît avoir oublié de lui adressé les chèques”Kdo” alors que la salariée était en arrêt maladie mais qu’elle les avait conservés et les lui remettrait à son retour, ce qui n’est pas contesté de sorte qu’aucun préjudice n’est constitué.
Sur le préjudice moral distinct
Cette demande porte sur un préjudice moral distinct de l’indemnisation de la résiliation judiciaire ou du licenciement qui n’est démontré par aucune pièce.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,
SE DÉCLARE incompétente pour statuer sur la résiliation judiciaire, les demandes indemnitaires en découlant, l’absence de cause réelle et sérieuse au licenciement et les demandes en découlant,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le manquement à l’obligation de sécurité.
Statuant à nouveau sur ce point,
CONDAMNE la société Fremaux Delorme à verser à madame [T] la somme de 18 000 euros pour le préjudice né du manquement à l’obligation de sécurité, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et de la règle de l’anatocisme.
CONFIRME le surplus de la décision.
VU l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Fremaux Delorme à verser à madame [T] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
CONDAMNE la société Fremaux Delorme aux dépens
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE