Commerce électronique : 21 mars 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/03545

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Commerce électronique : 21 mars 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/03545
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/03545 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IGFE

YRD/JL

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE

09 septembre 2021

RG :20/00168

[T]

C/

S.A.R.L. TERROIRS MEDITERRANEE ENSEIGNE L’OUSTALET

Grosse délivrée le 21 MARS 2023 à :

– Me ALBERT-SALMERON

– Me BAGLIO

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 21 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ORANGE en date du 09 Septembre 2021, N°20/00168

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,

Madame Leila REMILI, Conseillère.

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Mars 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [K] [T]

né le 05 Avril 1993 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Sophia ALBERT-SALMERON de la SELEURL JUDILEX AVOCATS, avocat au barreau d’AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.R.L. TERROIRS MEDITERRANEE ENSEIGNE L’OUSTALET

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier BAGLIO de la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO, avocat au barreau d’AVIGNON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [K] [T] a été engagé par la SARL Terroirs Méditerranée à compter du 7 janvier 2019 suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de chef sommelier.

A compter du 1er janvier 2020, tout en conservant ses fonctions de chef sommelier, M. [T] était promu au poste de directeur de salle.

Du 12 août 2020 au 31 août 2020, M. [T] était placé en arrêt de travail.

Par lettre du 2 septembre 2020, le salarié était mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 15 septembre 2020.

Par lettre du 25 septembre 2020, il était licencié pour faute grave dans les termes suivants :

‘ Vous avez été convoqué à un entretien préalable pour la mesure disciplinaire que nous envisagions de prendre à votre encontre, et pour lequel vous avez décidé de vous présenter accompagné de Monsieur [V] [R], en sa qualité de conseiller du salarié.

Nous avons décidé de vous licencier.

Le 2 septembre 2020 lors de votre prise de poste, nous avons sollicité des explications sur vos différentes décisions en matière d’achat des vins de la cave.

Aucune discussion constructive n’a pu être menée, et des échanges marqués s’en sont suivis. Face à cette impossibilité de créer le dialogue, une attitude déplacée et des agissements inacceptables consistant à lancer les clés de la cave, il est décidé de vous notifier une mise à pied à titre conservatoire et de lancer une procédure disciplinaire à votre encontre.

Les motifs ayant conduits à cette procédure et justifiant ce licenciement sont les suivants :

– Vous avez été sensibilisé et alerté à plusieurs reprises sur votre gestion des achats des vins (notamment rendez-vous bilan, réunions de travail, et mail du 6 mars 2020). Les directives données consistaient à réduire le montant des achats afin de baisser le stock de manière significative sur l’année 2020 et ainsi préserver la santé financière de l’entreprise.

– En votre qualité de chef sommelier et de responsable de salle, il vous appartenait d’adapter vos pratiques et de respecter les instructions de votre direction.

– Suite à la période de confinement et à la fermeture de l’établissement, liées au COVID, vous avez sollicité des précisions le 3 juin 2020 sur la position à tenir pour le reste de l’année. Par mail en date du 12juin 2020, il vous a été clairement indiqué de stopper l’intégralité des demandes/commandes/réservations, « on ne commande plus de vin pour le moment. »

– Malgré des directives claires et dont vous avez pris connaissance, vous avez continué à acheter des vins, pour des sommes très importantes, sur la période juin, juillet et août 2020 pour un montant cumulé HT de 85 019.22 euros, poursuivant ainsi des pratiques et une politique d’achat totalement contraires aux directives de votre Direction.

– Une attitude et des agissements déplacés vis-à-vis de votre Direction empêchant toute discussion, une remise en question ou le retour à une relation de travail normale.

Lors de l’entretien, vous avez justifié vos actions par votre objectif de maintenir la qualité de la carte des vins, de rétablir un stock réduit en raison des ventes en ligne, de préparer les ventes en ligne de cet hiver, et qu’une partie des achats était destinée au Bistro. Enfin, vous avez indiqué que la grande partie des vins achetés était de « bonnes bouteilles qui auraient forcément trouvé acheteur.

Il vous a été répondu à cela, en précisant que les achats relatifs au Bistro ne devaient représenter qu’environ 5000 euros, et en illustrant vos pratiques par l’achat d’une bouteille de Chartreuse Tarragone à 1600 euros, qui en ces temps difficiles, ne constitue pas un besoin essentiel pour établissement. Pour rappel, la cave est encore constituée de nombreuses bouteilles, permettant de répondre aux besoins de notre clientèle.

Comme indiqué lors de l’entretien, ce n’est pas l’intérêt des vins achetés qui est ici reproché, mais votre volonté à ne pas vouloir tenir compte des directives de votre Direction et tout en continuant à ignorer le contexte économique actuel fragilisant dangereusement l’établissement.

Nous ne pouvons tolérer de tels agissements, caractérisant des actes d’insubordination, ignorant volontairement les directives de votre Direction, et ayant pour conséquences de mettre en péril la santé financière de l’entreprise en cette période. Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les 15 jours suivant sa notification, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d’y donner suite dans les 15 jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l’initiative d’apporter des précisions à ces motifs dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement.

Nous considérons que ces faits constituent une faute justifiant votre licenciement. Elle sera qualifiée de faute grave. (…)’.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 3 décembre 2020, M. [T] saisissait le conseil de prud’hommes d’Orange en paiement d’indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement contradictoire du 09 septembre 2021, a :

– débouté M. [K] [T] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné M. [K] [T], à payer à la SARL Terroirs Méditerranée, la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné M. [K] [T] aux entiers dépens de l’instance.

Par acte du 28 septembre 2021, M. [T] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 17 janvier 2022, M. [K] [T] demande à la cour de :

– constater que la lettre de licenciement est entachée de vices lui causant nécessairement un grief ;

– constater les mails échangés au mois de juin 2020 pour l’achat des vins ;

– constater que l’employeur ne rapporte pas la preuve d’une faute grave de sa part ;

– constater qu’il a été licencié en sa qualité de sommelier mais jamais en sa qualité de directeur de salle ;

– constater qu’il n’existe aucun grief s’agissant de son poste de directeur de salle ;

– constater la mauvaise foi de l’employeur ;

– constater son rapprochement amiable, en vain, et sa demande de réintégration tout au moins pour ses fonctions de directeur de salle ;

En conséquence,

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes de la commune d’Orange l’ayant débouté de l’ensemble de ses demandes et l’ayant condamné ;

– débouter l’employeur de l’ensemble de ses demandes ;

– dire et juger que la mise à pied à titre conservatoire est irrégulière et entachée de nullité et ne peut être le support d’un licenciement ;

– dire et juger que le licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société Terroirs Méditerranée à lui verser la somme de :

* 38.500,00 euros à titre d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 7.700,00 euros à titre d’indemnités de préavis correspondants à deux mois de salaire à deux mois de salaire brut ;

* 3.150,00 euros pour le salaire du mois de septembre 2020 eu égard à la nullité de la mise à pied à titre conservatoire, décomposée comme suit et comme calculé sur le solde de tout compte :

° du 2 au 25 septembre : 2.494,46 euros ;

° heures supplémentaires forfaitaires de 10 % : 313,59 euros

° heures supplémentaires forfaitaires de 20 % : 342,10 euros

* 15 797,63euros au titre des heures de travail supplémentaires accomplies ;

* 10.000,00 euros pour son préjudice moral et d’angoisse, tous confondus ;

* 20.000,00 euros au titre de dommages-intérêts résultant du préjudice financier

– ordonner à l’employeur la remise des documents de fin de contrat régularisés, et ce, sous astreinte de 300 euros, par jour de retard à compter de la décision à intervenir avec exécution provisoire ;

En tout état de cause,

– débouter l’employeur de toutes ses demandes ;

– condamner la société Terroirs Méditerranée à lui verser la somme de 5.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens ;

Avant dire droit si nécessaire et à la charge de l’employeur

– ordonner une expertise informatique pour récupérer l’ensemble des mails échangés entre les parties pour l’achat des vins.

Il soutient que :

– la procédure de licenciement n’a pas été respectée, de même que la procédure en vue d’une sanction de mise à pied disciplinaire,

– il n’a pas agi contre les directives de son employeur,

– il a effectué de nombreuses heures supplémentaires demeurées impayées.

En l’état de ses dernières écritures en date du 06 janvier 2022, contenant appel incident, la SARL Terroirs Méditerranée enseigne l’Oustalet demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes

d’Orange le 9 septembre 2021,

– débouter M. [K] [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– déclarer la demande d’expertise irrecevable au visa de l’article 564 du code de

procédure civile,

Y ajoutant

– condamner M. [K] [T] au versement d’une somme de 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi

qu’aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

– M. [T] était soumis à une convention de forfait autorisée par un avenant à la convention collective nationale,

– M. [T] en dépit de deux mises en garde n’a pas tenu compte des directives données par son employeur en procédant à des achats inconsidérés,

– la procédure de licenciement a été respectée, l’erreur portant sur la commune auprès de laquelle consulter les listes des conseillers du salarié en mairie n’a causé aucun préjudice,

– M. [T] confond mise à pied disciplinaire et mise à pied conservatoire.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 20 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 31 janvier 2023. L’affaire a été fixée à l’audience du 15 février 2023.

MOTIFS

Sur la mise à pied conservatoire

M. [T] expose que dès son retour d’arrêt pour maladie, le 2 septembre 2020 l’employeur lui adressait un courrier lui notifiant une mise à pied conservatoire et une convocation à un entretien préalable avant licenciement pour le 15 septembre 2020, indiquant qu’il pouvait se faire assister lors de cet entretien et que la liste des conseillers extérieurs pouvait être consultée à la mairie de [Localité 2] alors qu’il réside sur la commune de [Localité 4].

Il observe que s’agissant de la mise à pied, aucun motif n’est exposé et les mentions et droits du salarié ont été méconnus.

Or, s’agissant précisément d’une mise à pied conservatoire, seules les dispositions de l’article L.1332-3 du code du travail s’appliquent : « Lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l’article L.1332-2 ait été respectée. ». La procédure en question concerne le licenciement et non la mise pied conservatoire qui n’obéit à aucune procédure particulière.

Cet argument sera rejeté.

Sur la procédure de licenciement

M. [T] fait valoir que la lettre le convoquant à un entretien préalable et prononçant une mise à pied à titre conservatoire du 2 septembre 2020 ne stipule pas de manière non équivoque l’objet de la convocation, à savoir qu’un licenciement est envisagé alors que l’article R1232-1 du code du travail prévoit que : « La lettre de convocation prévue à l’article L. 1232-2 indique l’objet de l’entretien entre le salarié et l’employeur.

Elle précise la date, l’heure et le lieu de cet entretien.

Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou, en l’absence d’institutions représentatives dans l’entreprise, par un conseiller du salarié ».

Or la lettre de convocation énonce « Monsieur, Nous vous informons que nous amenés à envisager à votre égard une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. »

M. [T] prétend avoir subi un préjudice du fait de l’erreur commise par la société sur l’adresse de la mairie ( [Localité 2] au lieu de [Localité 4], sa commune de domicile), erreur qui lui aurait porté préjudice. Or, M. [T] a été régulièrement accompagné et assisté par M. [V] [R] lors de l’entretien préalable, les mairies de [Localité 4] et de [Localité 2] relevant toute deux du département de Vaucluse et disposant dès lors de la même liste des conseillers du salarié.

Cette irrégularité ne lui a donc causé aucun préjudice. La demande d’indemnisation a été justement rejetée.

Sur les motifs du licenciement

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en apporter la preuve.

Tout d’abord il convient d’écarter le raisonnement proposé par M. [T] qui tente de faire une lecture duale de son contrat de travail. S’il avait un contrat de travail en qualité de sommelier auquel s’est adjoint la fonction de directeur de salle, il n’en demeure pas moins que M. [T] était lié à son employeur par un seul et même contrat et que le licenciement produisait un effet indivisible et ne pouvait pas porter sur une seule fonction occupée par l’intéressé.

M. [T] fait observer que :

– il n’a jamais jeté les clés de la cave lors de cet entretien et que ce supposé incident ne revêt pas en tout état de cause, le cas échéant, le caractère d’une faute grave ;

– l’argument selon lequel l’employeur aurait donné ordre à son salarié de ne plus passer de commande de vins émane d’un courriel du 12 juin 2020, or, il avait depuis eu des discussions orales et des ordres différents eu égard à la vente de vins notamment en ligne en forte progression ;

– il aurait pu récupérer l’ensemble de ces échanges si l’employeur n’avait pas changé les codes d’accès ;

– si la Cour s’estimait insuffisamment éclairée, elle pourra solliciter d’autres documents comptables plus probants pour déterminer précisément les volumes de vins vendus depuis avril 2020, et qu’il a donc commandé des volumes correspondant exactement au stock nécessaire des volumes vendus en direct et en ligne depuis la reprise de l’activité post-confinement ;

– il verse les documents relatifs aux différents chiffres d’affaires et de couverts du restaurant, du nombre de commandes et de visiteurs du site ainsi que les chiffres du bistrot ouvert cette année au cours du mois de juin 2020.

L’expert-comptable de la société a constaté que des vins prestigieux achetés n’apparaissaient pas en stock, que de nombreux achats avaient été réalisés alors que l’établissement était fermé en raison de la pandémie de la Covid19. Ainsi le cabinet d’expertise comptable soulignait au titre de l’exercice 2020, un achat de boissons alcoolisées pour un total de 193 653 euros HT alors que le stock s’établissait à 443 351 euros H.T.

Aussi dès le 6 mars 2020 l’employeur écrivait à M. [T] :

« [K] pour faire suite à nos réunions de cette semaine et en prévision de celles de la semaine prochaine, merci de noter les éléments suivants :

La situation :

– Les achats vins de l’Oustalet en 2019 ont explosés (450k€) ami que la valeur du stock (+ 100k€).

– Cela alors que nous t’avions sensibilisé à plusieurs reprises sur la nécessité de maîtriser les achats et le stock.

L’objectif :

– Nous sommes donc dans l’obligation de baisser de façon significative le stock pendant cette année 2020 (-100k€)

Les Mesures :

– Pour cela, nous ne pourrons pas acheter plus de 150k€ de vin cette année.

– Un décompte va être fait chaque mois pour t’informer du solde.

– Je souhaite pouvoir contre-signer toutes les factures avant règlement.

– Nous organiserons une réunion ensemble chaque mois pour faire le point.

– De plus, il va falloir relancer l’activité de la cave de l’Oustalet.

– Il faut organiser des ventes, FAV, vente privées….

– Je veux être au courant de toutes les transactions en dehors des ventes classiques au restaurant, au nez ou à la cave… (Vente au personnel, à des amis…)

Je te remercie de ta collaboration. Tout cela a pour objectif de pérenniser la plus carte des vins de la région ».

Le 12 juin 2020 l’employeur répondait à une demande de M. [T] en ces termes :

« [K],

On ne commande plus de vin pour le moment…

Nous allons attendre quelques semaines d’ouverture et nous ferons un point sur l’activité et les besoins…

Mais pour l’instant, merci de stopper l’intégralité des demandes/commandes/réservations ».

En dépit de ces alertes M. [T] achetait :

– 14.252,66 euros H.T de vins pour le mois de juin 2020

– 53.448,08 euros HT de vins pour le mois de juillet 2020

– 17.318,50 euros HT de vins pour le mois d’août 2020

Interpellé sur ces anomalies, M. [T] était placé en arrêt de travail du 12 au 31 août 2020.

Comme le souligne justement l’employeur, l’appelant a fait preuve d’une insubordination caractérisée en s’affranchissant des consignes pourtant claires et précises données par sa direction au mois de mars et juin 2020 et achetant en trois mois pour 80.000 euros de boisson et portant sur des vins dont le prix unitaire avoisinait parfois la somme de 1.600 euros HT, c’est-à-dire des vins qui ne constituaient pas en soi un besoin essentiel pour l’établissement confronté par ailleurs à une année difficile au regard de la crise sanitaire.

Peu importe que ces achats aient été destinés à de la vente en ligne alors que M. [T] avait reçu l’ordre formel de cesser les acquisitions et alors que les stocks permettaient de faire face à la demande. Au demeurant il est établi que le service de vente en ligne n’a fonctionné que durant la période de fermeture de l’établissement en raison de la crise sanitaire soit jusqu’au 13 juin 2020.

M. [T] avance qu’il faudrait rechercher le vrai mobile de son licenciement dans sa dénonciation de l’utilisation de produits hors saisons achetés à l’enseigne METRO en violation de la charte « étoile verte » du guide Michelin faisant obligation d’utiliser dans les menus des

produits de saisons alors que cette alerte a été faite le 19 septembre 2020 soit bien après sa mise à pied.

Enfin, la circonstance que les gérants aient eux même procédé à des achats de vin ( Miraval et Studio) n’autorisait pas M. [T] à poursuivre sa politique d’acquisition.

M. [T] soutient que :

– les ventes caveau (donc vins) ont augmenté de 231% (11258 euros en 2020 face à 33812 en 2019 hors les 73684 dû au site internet) ce qui n’explique pas son comportement,

– les ventes de vins globales ont baissé de 22% comprenant 4 mois de fermeture, ce n’est pas une énorme baisse au vu de la période ce qui devait l’amener à plus de retenue,

– les ventes de vins du restaurant ont baissé de 40% (277692 en 2020 face à 466792 en 2019) ce qui correspond à la même baisse du CA restaurant (781253 en 2020, 1299388 en 2019) ce qui justifiait d’autant plus les alertes de l’employeur,

– les Chiffres d’Affaires de Février, Juillet et août sont considérablement plus importants durant l’année du confinement (COVID) qu’en 2019 ce qui n’empêche que le stock existant permettait de répondre à la demande.

Enfin, M. [T] n’explique pas en quoi le courriel du 25 juin 2020 adressé par les deux gérants de la société contredirait les propos selon lesquels l’employeur aurait demandé à son salarié d’arrêter toutes les commandes.

Il résulte de ce qui précède qu’en persistant à faire des acquisitions en dépit de l’interdiction qui lui en avait été faite à deux reprises pour les montants susceptibles de placer la société dans des difficultés financières, M. [T] s’est affranchi des consignes données faisant preuve d’insubordination laquelle faisait obstacle au maintien du salarié dans l’entreprise.

Le licenciement prononcé est donc justifié.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l’article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

À défaut d’éléments probants fournis par l’employeur, les juges se détermineront au vu des seules pièces fournies par le salarié

Après analyses des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l’opposition à l’exécution de celle-ci de l’employeur se trouvant alors indifférente.

Le salarié peut revendiquer le paiement d’heures supplémentaires à raison de l’accord tacite de l’employeur.

Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l’employeur de la réalisation d’heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l’absence d’opposition de l’employeur à la réalisation de ces heures.

M. [T] soutient que déductions faites des sommes versées dans le cadre du forfait, il a accompli des heures de travail supplémentaires pour un montant total de 15 797,63 euros et souligne que les attestations versées aux débats confirment en outre les heures supplémentaires effectuées.

Or comme le relève pertinemment l’employeur M. [T] raisonne à partir d’un horaire hebdomadaire de 35 heures comptabilisant toutes les heures effectuées au-delà alors même que son contrat de travail mentionne une rémunération forfaitaire conclue pour un horaire de

43 heures hebdomadaires majorant artificiellement ses horaires de 8 heures supplémentaires par semaine déjà payées. De plus le décompte produit ne mentionne que des amplitudes horaires, c’est-à-dire l’heure de début de service et l’heure de fin de service sans tenir compte du temps dont a disposé M. [T] pour prendre son déjeuner ou son dîner au restaurant et pour lesquelles un avantage en nature figure sur ses bulletins de salaire et d’autre part sans tenir compte de la pause journalière entre deux services, située entre 15 et 18 h comme en atteste un salarié. M. [T] ne répond pas à ces observations.

Ainsi le contrat de travail du 7 janvier 2019 de M. [T] prévoyait :

«- Article 7 : durée du travail

Monsieur [T] est engagé à temps complet dans le cadre d’une convention de forfait pour une durée forfaitaire mensuelle de 186 heures 33 dont 17 heures 33 supplémentaires majorées à 10 % et 17 h 33 supplémentaires majorées à 20 %.

En fonction des besoins de l’entreprise et au-delà de la convention de forfait Monsieur [T] pourra être conduit à effectuer des heures supplémentaires sur demande exclusive de la Direction.

Monsieur [T] prend l’engagement d’accepter d’être soumis à un aménagement particulier de la durée du travail comme cycle de modulation établi conformément aux dispositions conventionnelles de l’avenant n° 2 du 5 février 2007″.

L’employeur rappelle les dispositions de l’avenant à la CCN n°2 2007-02-05 en date du 26 mars 2007 étendu à l’ensemble de la profession par publication au Journal Officiel de la République Française le 29 mars 2017 instituant un cycle de modulation de la durée du travail dans le secteur des Hôtels Cafés et Restaurants permettant par le jeu d’une compensation arithmétique que les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail soient compensées par des heures effectuées en deçà de cette durée, étant toutefois précisé que cette modulation ne saurait aboutir à un travail hebdomadaire de plus de 46 heures sur une moyenne de 12 semaines.

La société intimée indique avoir fait application, conformément au contrat de travail régularisé entre les parties le 7 janvier 2019, du régime de modulation du temps de travail en prévoyant une modulation des horaires en fonction d’une saison basse du 1er octobre au 31 mars de chaque année et une saison haute du 1er avril au 30 septembre de chaque année.

Elle précise que l’ensemble des salariés dont M. [T] bénéficie ainsi d’une programmation indicative de jours travaillés et de jours non travaillés, l’ensemble des jours travaillés s’établissant sur un horaire moyen de 9,2 heures journalières, soit 46 heures hebdomadaires divisées par 5 jours, que cette programmation était remise aux salariés en début de saison et a été validée par M. [T] le 16 octobre 2020 au moment de son départ de l’entreprise ce que confirme sa pièce n° 6.

M. [T] ne formule aucune observation sur ce point et ne fournit aucun élément de nature à contester l’affirmation de l’employeur selon laquelle il n’a jamais dépassé les heures contractuellement convenues à hauteur de 2236 heures annuelles (52 semaines x 43 heures).

Par ailleurs l’ensemble des heures figurant sur les bulletins de salaire démontre que l’intégralité des heures effectuées lui ont bien été payées.

L’employeur en déduit à juste titre que le décompte produit par M. [T] est erroné celui-ci ne tenant compte ni de l’accord de branche prévoyant une modulation annuelle du temps de travail ni des stipulations contractuelles prévoyant la forfaitisation de sa rémunération jusqu’à

2236 heures annuelles.

Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [T] à payer à la SARL Terroirs Méditerranée la somme de 1.000,00 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

– Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

– Y ajoutant,

– Condamne M. [T] à payer à la SARL Terroirs Méditerranée la somme de 1.000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne M. [T] aux dépens d’appel.

Arrêt signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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