Commerce électronique : 13 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05404

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Commerce électronique : 13 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05404
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 13 JANVIER 2023

(n°2, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/05404 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDKW5

Décision déférée à la Cour : jugement du 25 janvier 2021 – Tribunal de commerce de PARIS – 15ème chambre – RG n°J2021000034

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

S.A.S.U. ADOPT’, agissant en la personne de son président, M. [B] [I], domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Adresse 9]

[Localité 4]

Immatriculée au rcs de Bordeaux sous le numéro 351 837 406

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD – SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque J 125

Assistée de Me Céline CUVELIER plaidant pour la SELARL REDLINK et substituant Me Frédéric FOURNIER, avocate au barreau de PARIS, toque J 44

INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES

S.A.S. COSMETICS EUROPE CREATION, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 6]

Immatriculée au rcs de Clermont-Ferrand sous le numéro 839 611 910

S.A.S. CENTRE EUROPE CONDITIONNEMENT, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 6]

Immatriculée au rcs de Clermont-Ferrand sous le numéro 348 202 334

Représentées par Me Thibault LENTINI de l’AARPI ARENAIRE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque G 252

Assistées de Me Nicolas BRODIEZ plaidant pour la SCP C & R, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mmes Véronique RENARD et Agnès MARCADE ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 25 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Paris.

Vu l’appel interjeté le 19 mars 2021 par la société Adopt’.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 20 septembre 2022 par la société Adopt’, appelante et intimée incidente.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 29 septembre 2022 par les sociétés Centre Europe Conditionnement et Cosmetics Europe Création, intimées et appelantes incidentes.

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 6 octobre 2022.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La société Adopt’, créée en 1989, a pour activité la fabrication de produits de parfumerie, de cosmétiques et d’accessoires de beauté commercialisés en France et à l’international, sous la marque Adopt.

La société Centre Europe Conditionnement créée le 1er octobre 1988 exerce une activité dans le domaine de la fabrication de produits d’emballage et de conditionnement, préparation de commandes et de logistique, commercialisation de tous produits et services.

La société Cosmetics Europe Création créée le 2 mai 2018 exerce une activité dans le domaine de la vente de produits cosmétiques à distance, par le biais de sites internet, l’achat et la vente de produits cosmétiques, la mise en place et la gestion d’un réseau de distribution portant sur les produits cosmétiques.

Par jugement du 4 mai 2018, le tribunal de commerce de Clermont Ferrand arrêtait le plan de cession de la société PB Cosmetics Développement sise Centre commercial Riom Sud à Ménétrol, en redressement judiciaire, au profit de la société Centre Europe Conditionnement, avec faculté de substitution au profit de la société PB Riom, et prononçait la liquidation judiciaire de la société PB Cosmetics Développement.

Par acte du 1er juin 2018, la société Centre Europe Conditionnement cédait à la société Cosmetics Europe Création son fonds de commerce de vente de produits cosmétiques exploité sous l’enseigne PB Cosmetics.

Par acte du 23 octobre 2018, la société PB Cosmetics Développement, représentée par la Selarl Ajup (Maitre Gregory Wautot) ès qualités d’administrateur judiciaire, a cédé à la société PB Riom, filiale de la société Cosmetics Europe Création, son fonds de commerce d’import, export, achat et vente de produits de beauté, parfums et accessoires de mode précédemment exploité par la société PB Cosmetics Développement.

La société PB Riom exerçait son activité de vente de produits cosmétiques sous l’enseigne PB Cosmetics.

La société Adopt’ commercialise depuis 2012, sous la marque Adopt, une gamme d’eaux de parfum dans un réseau de magasins en propre et en franchise ainsi que sur le site de vente en ligne à l’adresse suivante www.adopt.fr.

La société Adopt’ explique avoir découvert en juin 2018 sur la page Facebook accessible à l’adresse www.facebook.com/pbcosmetics une photographie d’eaux de parfum présentées dans des conditionnements et supports de présentation générant, selon elle, un risque de confusion avec sa propre gamme d’eaux de parfum Adopt, ces eaux de parfum étant commercialisées au sein du réseau de boutiques à l’enseigne PB Cosmetics. Elle a alors fait dresser un procès-verbal de constat le 5 juillet 2018 par huissier de justice sur la page Facebook.com/pbcosmetics/.

Autorisée par ordonnance sur requête en date du 24 juillet 2018, la société Adopt’ a également fait dresser deux procès-verbaux de constat le 9 août 2018 au siège de la société [Adresse 1], d’une part, et dans le magasin PB Cosmetics sis au Centre commercial de Riom Sud [Localité 7] [Localité 7], d’autre part.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 31 août 2018, la société Adopt’ a mis en demeure la société Cosmetics Europe Création d’interrompre immédiatement la fabrication, la distribution, la commercialisation et la promotion, en France, des produits litigieux dans des conditionnements et/ou supports de présentation qu’elle estime identiques à ceux de sa gamme d’eaux de parfum générant un risque de confusion et de lui communiquer les quantités de produits vendus depuis leur commercialisation par chaque société et par chacune des boutiques PB Cosmetics ainsi que le nombre de produits en stock.

Par courriel en réponse en date du 18 septembre 2018, la société Cosmetics Europe Création a contesté l’analyse et les réclamations de la société Adopt’.

C’est dans ces circonstances que la société Adopt’ a, par acte du 19 octobre 2018, fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris la société Cosmetics Europe Création et la société Centre Europe Conditionnement en concurrence déloyale et parasitaire.

Par acte du 12 septembre 2019, la société Adopt’ a fait assigner en intervention forcée la société PB Riom.

Par jugement dont appel, le tribunal de commerce de Paris a :

– joint les causes,

– dit la demande de la société Adopt’ recevable en ce qu’elle est dirigée à l’encontre de la société Centre Europe Conditionnement,

– débouté la société Adopt’ de sa demande en nullité du procès-verbal de Maitre Guide,

– débouté la société Adopt’ de sa demande de rejet des pièces adverses 17, 18 et 19,

– dit que les sociétés Cosmetics Europe Création, Centre Europe Conditionnement et PB Riom n’ont pas commis d’actes de concurrence déloyale par risque de confusion ni d’actes de concurrence parasitaire,

– débouté la société Adopt’ de l’intégralité de ses demandes dirigées contre les sociétés Cosmetics Europe Création, Centre Europe Conditionnement et PB Riom,

– débouté les sociétés Cosmetics Europe Création, Centre Europe Conditionnement et PB Riom de leur demande reconventionnelle,

– condamné la société Adopt’ à payer aux sociétés Cosmetics Europe Création, Centre Europe Conditionnement et PB Riom chacune la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Adopt’ aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 113,60 euros dont 18,72 euros de TVA,

– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire.

La société Adopt’ a interjeté appel dudit jugement et par ses dernières conclusions demande à la cour de’:

– infirmer le jugement en ce qu’il a estimé qu’aucun acte de concurrence déloyale et acte de parasitisme n’a été commis à son préjudice,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de nullité du procès-verbal de constat de Maitre Guide ou, à tout le moins, consistant à l’écarter des débats pour absence de force probante,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de toutes ses demandes, fins et prétentions,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer aux sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée aux dépens,

Statuant à nouveau’:

– prononcer la nullité du procès-verbal de constat réalisé par Maître Cédric Guide le 23 octobre 2018 et, en toute hypothèse, l’écarter des débats en ce qu’il est non conforme aux textes et à la jurisprudence prise en son application,

– ordonner l’arrêt de toute importation, exportation, fabrication, vente et promotion de la gamme d’eaux de parfums litigieuse (en format de 30ml ou 25ml), ainsi que de présentoirs similaires aux siens, et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

– ordonner la confiscation, aux fins de destruction, aux frais des sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement, de l’ensemble des produits litigieux actuellement en stock, en quelque endroit où ils se trouvent, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

– ordonner le démontage, aux fins de destructions, aux frais des sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement, des présentoirs dans lesquels est proposée à la vente la gamme d’eaux de parfum litigieuse, en quelques lieux où ils se trouvent et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

– ordonner la confiscation, aux fins de destruction, aux frais des sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement, de l’ensemble des supports promotionnels reproduisant la gamme de produits litigieuse, en quelque endroit où ils se trouvent, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dans les 8 jours du prononcé de l’arrêt à intervenir,

– ordonner la publication, en totalité ou par extraits, de l’arrêt à intervenir dans deux magazines (spécialisés ou généralistes) ou sur tout site internet de son choix sans que le coût global de ces publications n’excède la somme de 5 000 euros HT par publication,

– ordonner, pendant un délai de six mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, la publication du texte ci-après, dans une police de caractères au moins égal à time new roman 16, sur la page d’accueil du site internet édité par la société Centre Europe Cosmetics :

« Par arrêt du ‘, la cour d’appel de Paris a condamné PB Cosmetics'(sic) pour actes de concurrence déloyale et parasitaire pour avoir commercialisé dans les points de vente à l’enseigne PB Cosmetics une gamme d’eaux de parfum reprenant les caractéristiques de la gamme d’eaux de parfums Adopt’. La cour a également condamnée PB Cosmetics (sic) à verser à la société Adopt la somme de ‘ euros à titre de dommages et intérêts. La cour a également ordonné des mesures d’interdiction, sous astreinte, à l’encontre de PB Cosmetics (sic) »,

– condamner les sociétés intimées à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes déloyaux et parasitaires commis à son préjudice,

– condamner les sociétés intimées à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les sociétés intimées aux dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Par leurs dernières conclusions, les sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement demandent à la cour de :

– dire et juger recevable mais mal fondé l’appel interjeté par la société Adopt’ à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 25 janvier 2021,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Adopt’ de ses demandes de nullité de procès-verbal de Maître Guide et de rejet des pièces adverses n°17, 18, 19,

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a admis la recevabilité des demandes formées par la société Adopt’ à l’encontre de la société Centre Europe Conditionnement,

– dire et juger irrecevables, pour défaut d’intérêt à agir, les demandes formées par la société Adopt’ à l’encontre de la société Centre Europe Conditionnement,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les sociétés Cosmetics Europe Création, Centre Europe Conditionnement et PB Riom n’avaient commis aucun acte de concurrence déloyale par risque de confusion ni d’acte de concurrence parasitaire au préjudice de la société Adopt’.

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Adopt’ de l’intégralité de ses demandes dirigées contre les sociétés Cosmetics Europe Création, Centre Europe Conditionnement et PB Riom,

– dire et juger recevable et bien fondé l’appel incident formé par les sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement à l’encontre de la société Adopt’,

Y faisant droit’:

– condamner la société Adopt’ à payer et porter à la société Cosmetics Europe Création, à la société Centre Europe Conditionnement et à la société PB Riom (sic) la somme de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et commercial subi par ces dernières du fait du caractère abusif de l’action initiée à leur encontre,

-condamner la société Adopt’ à payer et porter à la société Cosmetics Europe Création, à la société Centre Europe Conditionnement chacune la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner enfin la même aux entiers dépens de l’instance avec droit de recouvrement direct au profit de Me Thibault Lentini (AARPI Arenaire).

A titre liminaire, la cour constate que la société PB Riom qui avait constitué le même avocat que les sociétés’Centre Europe Conditionnement et Cosmetics Europe Création dans la présente instance devant la cour a été dissoute le 31 décembre 2020 et n’est plus mentionnée aux côtés des sociétés Centre Europe Conditionnement et Cosmetics Europe Création dans les dernières conclusions signifiées par les intimées, la société Adopt’ ne formant dans ses dernières écritures aucune demande à son encontre (pièces 17 et 61 Adopt’).

Il sera également relevé que dans ses dernières conclusions la société Adopt’ ne sollicite plus l’infirmation du jugement la déboutant de sa demande de rejet des pièces adverses n°17, 18 et 19. Elle est donc réputée avoir abandonné cette prétention en application de l’article 954 du code de procédure civile et la cour n’a à statuer que sur les dernières conclusions déposées.

Sur la recevabilité des demandes de la société Adopt à l’encontre de la société Centre Europe Conditionnement

Les sociétés intimées opposent à la société Adopt’ une fin de non-recevoir faute d’intérêt à agir contre la société Centre Europe Conditionnement, faisant valoir que cette société avait à la date de l’assignation, cédé son fonds de commerce d’import, export, achat, vente de produits cosmétiques à la société Cosmetics Europe Création, cession publiée au BODACC le 25 juillet 2018, plus de deux mois avant l’introduction de l’instance.

Néanmoins, ainsi que le fait valoir la société Adopt’, l’intérêt au succès d’une prétention s’apprécie à la date de l’engagement de l’action soit en l’espèce le 19 octobre 2018, date à laquelle la société Centre Europe Conditionnement était l’exploitante du fonds de commerce de parfumerie situé au Centre commercial de Riom Sud à Ménétrol en suite du jugement du tribunal de commerce de Clermont Ferrand du 4 mai 2018 arrêtant le plan de cession de la société PB Cosmetics Développement sise Centre commercial Riom Sud à Ménétrol, en redressement judiciaire, au profit de la société Centre Europe Conditionnement, avec faculté de substitution au profit de la société PB Riom, cette substitution ne s’étant opérée que par acte du 23 octobre 2018.

La circonstance que la société Centre Europe Conditionnement a cédé le 1er juin 2018 à la société Cosmetics Europe Création son fonds de commerce d’import, export, achat, vente de produits cosmétiques, brosseries et accessoires exploité à [Localité 6] Les Mines sous l’enseigne PB Cosmetics est alors indifférente, la société Centre Europe Conditionnement étant attraite dans la procédure en seule qualité d’exploitante du fonds de commerce de parfumerie situé au Centre commercial de Riom Sud à [Localité 7].

La société Adopt’ est donc recevable à agir contre la société Centre Europe Conditionnement et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

La société Adopt’ fait tout d’abord valoir que les nombreuses ressemblances (conditionnement, argumentaire commercial, mode de commercialisation, prix, positionnement) entre sa gamme d’eaux de parfum et celle commercialisée par les intimées sous l’enseigne PB Cosmetics, entraîne un risque de confusion délibérément occasionné par celles-ci. Elle critique le jugement déféré qui, pour écarter tout risque de confusion, a considéré que les fragrances des eaux de parfums étaient un paramètre essentiel de la décision d’achat du consommateur.

Les sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement répliquent que la forme et la taille du flacon, les caractéristiques du capuchon, l’étiquette des flacons, la désignation des fragrances, le système de présentation des parfums diffèrent entre les produits Adopt’ et les produits PB Cosmetics et que la référence à des familles olfactives n’est pas de nature à démontrer la similitude des fragrances. Elles ajoutent que le risque de confusion est d’autant plus improbable que le mode de commercialisation qu’elles adoptent et leur modèle marketing sont différents de celui de la société Adopt’ car elles ne vendent pas les produits litigieux via internet sur le territoire français contrairement à la société Adopt’.

Le principe de la liberté du commerce implique qu’un produit qui n’est pas l’objet de droits privatifs peut être librement reproduit et commercialisé à moins que la reproduction ou l’imitation du produit ait pour objet ou pour effet de créer un risque de confusion entre les produits dans l’esprit du public, comportement déloyal constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil.

Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

La demande en concurrence déloyale et parasitaire présente un fondement délictuel et il incombe en conséquence à la société Adopt’ de rapporter la preuve d’un agissement fautif des sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement commis à son préjudice par la création d’un risque de confusion et / ou la captation des investissements consentis pour développer un produit phare.

Il ressort des éléments fournis au débat et notamment des procès-verbaux de constat dressés par huissier de justice les 5 juillet et 9 août 2018 à la demande de la société Adopt’ sur le site internet Facebook.com/pbcosmetics, dans les locaux de la société Centre Europe Conditionnement situé [Adresse 1] et dans la boutique exploitée sous l’enseigne PB Cosmetics située centre commercial de [Adresse 8], que les sociétés intimées tout comme l’appelante commercialisent des parfums dans des conditionnements constitués d’un vaporisateur de 30ml de forme cylindrique et allongée, surmonté d’un bouchon métallique le prolongeant de couleur acier, ce flacon comportant une étiquette de couleur vive ‘ chaque couleur correspondant à une fragrance ‘ sur laquelle est inscrite en lettres noires la dénomination du produit dans une calligraphie simple, cette étiquette étant bordée d’une bande noire sur laquelle figure la marque écrite en blanc dans un style épuré. Ces flacons sont présentés dans les magasins PB Cosmetics comme dans les boutiques Adopt’ dans des meubles présentoir muraux comportant des distributeurs destinés à chaque fragrance dans lesquels sont disposés les flacons de manière horizontale, un flacon testeur étant positionné verticalement sur un socle dédié et une étiquette décrivant la fragrance étant placée sur la droite du distributeur.

Les sociétés intimées ne peuvent être suivies lorsqu’elles affirment que les fragrances sont dissemblables, que les flacons qu’elles commercialisent sont rechargeables et diffèrent de ceux de la société Adopt’ comme les marques et noms de produits utilisés.

A cet égard, le procès-verbal de constat qu’elles versent au débat, diligenté par huissier de justice le 23 octobre 2018 à leur requête dans le magasin PB Cosmetics de [Localité 7] qu’elles exploitent, et par lequel celles-ci tentent de démontrer l’absence de risque de confusion, ne peut être pris en considération par la cour. En effet, l’huissier instrumentaire qui, en possession de flacons de parfums «’Adopt”» et «’Eau Jeune’», apportés sur les lieux par les requérantes dans des circonstances non définies, indique, après avoir décrit lesdits flacons et celui vendu dans la magasin PB Cosmetics, «’Je procède ensuite à la mesure des dimensions de chacun des flacons. Je note que les trois flacons sont tous effilés, toutefois, celui de mon requérant et (sic) le plus petit et le moins effilé, celui distribué par EAU JEUNE se rapprochant le plus de celui de la société ADOPT PARFUM” Je note enfin que la forme des vaporisateurs et des bouchons est différente entre les produits distribués par ma requérante et les produits distribués par la société ADOPT PARFUM ». L’huissier de justice exprime un avis sur la comparaison des produits et ne se borne pas à effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter, en contravention avec les dispositions de l’article 1er de l’ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945. Le procès-verbal encourt donc la nullité.

En conséquence, la quasi-identité du conditionnement utilisé pour les parfums précédemment relevée, associée à une présentation de ceux-ci en magasin de manière très proche voire identique, auxquelles s’ajoute une communication très similaire soulignant la possibilité de changer de parfum au gré des envies ou humeurs et ciblant le même public de jeunes femmes, ne procède pas de l’exercice de la libre concurrence mais traduit la volonté délibérée des sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement d’entretenir la confusion dans l’esprit du public avec les produits commercialisés par la société Adopt’ qui présentent les mêmes caractéristiques, les différences de détail relevées par les intimées et reprises par le tribunal, comme celles tenant à la dénomination ou à la fragrance étant inopérantes, ces produits de parfumerie à faible coût s’adressant à une clientèle constituée par des consommateurs non avertis. Il en va de même du caractère rechargeable des flacons commercialisés sous l’enseigne PB Cosmetics, étant relevé que ce système de recharge a été mis en place après la mise en demeure de la société Adopt’.

Il ressort également des éléments fournis au débat par la société Adopt’ que ses eaux de parfums ont fait l’objet de nombreuses citations entre 2010 et 2018 dans la presse féminine et les blogs beauté sur Internet consacrant notamment la présentation de ces produits de parfumerie commercialisés à moindre coût, la société Adopt’ justifiant en outre avoir effectué des investissements d’importance dans la publicité pour ses parfums à hauteur de 321.581,24 euros en 2018 (pièce 62) et dont les ventes n’ont cessé de croître depuis 2010 (pièce 50), démontrant donc que ces parfums notamment par leur conditionnement et leur présentation en magasin constituent une valeur économique individualisée de la société Adopt’ alors que les sociétés intimées ne fournissent pas quant à elles d’éléments de nature à justifier de leurs efforts de création et de promotion de leurs propres produits, les deux notes d’hôtel en Espagne (pièces 21 et 22) étant à ce titre insuffisantes, ce qui témoigne d’une volonté délibérée de celles-ci de s’inscrire dans le sillage de la société Adopt’ et ainsi de bénéficier, sans bourse délier, du succès rencontré par l’appelante auprès de sa clientèle de parfums.

Les agissements fautifs des sociétés intimées sont ainsi caractérisés.

Il s’infère nécessairement, d’un acte de concurrence déloyale ou parasitaire constaté, un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral.

La société Adopt’ argue d’une baisse de chiffre d’affaires de certaines de ses boutiques telles celle de [Localité 5] (pièce 39) depuis le milieu de l’année 2018, date d’ouverture des boutiques PB Cosmetics.

Ainsi que le relève également la société Adopt’, les pratiques déloyales consistant à reprendre les efforts et les investissements, intellectuels, matériels ou promotionnels, d’un concurrent, qui ont un coût en ce qu’ils permettent à l’auteur de ces pratiques de s’épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles.

Selon l’attestation du commissaire aux comptes de la société Cosmetics Europe Création, le chiffre d’affaires réalisé par le vente des parfums en cause entre le 1er juin 2018 et le 9 mai 2019 est de 43.452 euros.

Au vu des éléments dont dispose la cour, le préjudice de la société Adopt’ en lien causal avec la faute des sociétés intimées sera entièrement réparé par l’allocation de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Les mesures d’interdiction sous astreinte sollicitées par la société Adopt’ seront accueillies dans les termes du dispositif, les sociétés intimées qui arguent avoir modifié le conditionnement et les présentoirs de leurs produits échouant à le justifier, les photographies non datées d’intérieur de magasin qu’elle verse au débat étant insuffisantes ainsi que le soutient pertinemment la société Adopt’. Cette dernière fournit quant à elle des extraits de sites internet consultés en 2020 et 2021 faisant notamment la promotion du réseau de franchise PB Cosmetics et qui montrent toujours les mêmes conditionnements des eaux de parfum et les mêmes présentoirs, ce qui n’est pas discuté par les sociétés intimées qui invoquent un défaut de mise à jour.

La mesure d’interdiction apparaissant suffisante, les mesures sollicitées par la société Adopt’ de confiscation de produits et de supports promotionnels ainsi que de démontage de présentoirs, ce aux fins de destruction ainsi que la mesure de publication judiciaire n’apparaissent pas justifiées ni proportionnées aux faits de l’espèce et seront rejetées.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Adopt’ au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par les sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement.

Sur l’appel incident pour procédure abusive

L’action de la société Adopt’ ayant prospéré, les demandes de dommages et intérêts les sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement au titre de la procédure abusive seront rejetées.

La décision déférée sera pour ce motif confirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles sont également infirmées.

Parties perdantes, les sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement seront condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société Adopt’, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 10 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement entrepris sauf en ses disposition ayant dit la société Adopt’ recevable à agir contre la société Centre Europe Conditionnement et rejeté la demande des sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement au titre de la procédure abusive,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit nul le procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 23 octobre 2018’et l’écarte des débats,

Dit qu’en utilisant un conditionnement quasi-identique pour commercialiser leurs parfums, associé à une présentation de ces produits en magasin de manière très proche voire identique, auxquelles s’ajoute une communication très similaire soulignant la possibilité de changer de parfum au gré des envies ou humeurs, les sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Adopt’,

Condamne les sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement à payer à la société Adopt’ la somme de 50’000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice issu des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

Fait interdiction aux sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement de poursuivre de tels agissements, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, laquelle commencera à courir à l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, et pour une durée de trois mois,

Rejette les autres mesures sollicitées par la société Adopt’ de confiscation, démontage, aux fins de destruction, ainsi que de publication judiciaire,

Condamne les sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement à payer à la société Adopt’ la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Condamne les sociétés Cosmetics Europe Création et Centre Europe Conditionnement aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

 


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