Commerce électronique : 12 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/00614

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Commerce électronique : 12 avril 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 22/00614
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12/04/2023

ARRÊT N°250/2023

N° RG 22/00614 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OTPA

CBB/CD

Décision déférée du 18 Janvier 2022 – Tribunal de Commerce d’ALBI ( 2021 02326)

M. [S]

[C] [J]

[Y] [X]

C/

S.A.R.L. MA PETITE MERCERIE

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU DOUZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTS

Madame [C] [J]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Lionel PUECH-COUTOULY, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [Y] [X]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Lionel PUECH-COUTOULY, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

S.A.R.L. MA PETITE MERCERIE

Prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Christine CAUSSE GABARROU, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BENEIX-BACHER, Présidente, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

E.VET, conseiller

A. MAFFRE, conseiller

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre

FAITS

La SARL Ma Petite Mercerie a pour activité la vente en ligne de tissus et d’articles de mercerie.

Mme [J] y a été engagée le 1er octobre 2011 en qualité d’assistante de direction et M. [X] le 15 février 2016 en qualité de responsable informatique.

En 2016 Mme [J] a parallèlement créé en auto entreprise, en accord avec son employeur, une activité de prêt-à-porter de vêtements féminins, sous la marque « Haut Chic Bas Choc » et ses réalisations ont été commercialisées via un site internet développé par M. [X]. Mme [J] animait également des ateliers créatifs et se fournissait essentiellement auprès de la SARL Ma Petite Mercerie.

M. [X] et Mme [J] ont été licenciés en 2020 pour non respect de leur obligation de loyauté, ils ont tous deux saisi le conseil des Prud’hommes d’une contestation de leur licenciement.

En février 2021, à l’occasion de recherches sur son serveur en vue de l’information de sa clientèle sur l’ouverture à [Localité 5] d’un nouveau point de retrait de commandes via une newsletter, la SARL Ma Petite Mercerie a découvert que M. [X] avait le 25 mars 2019 accédé à son serveur et avait concomitamment transféré ce fichier clients à Mme [J] sur son adresse mail personnelle. Elle a mandaté un Huissier de justice le 25 février 2021, pour constater ces faits.

PROCEDURE

Par requête en date du 20 juillet 2021, la SARL Ma Petite Mercerie a saisi le Président du tribunal de commerce d’Albi pour obtenir sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, une mesure d’instruction.

Par ordonnance sur requête en date du 21 juillet 2021, le président a’:

– mandaté l’étude d’huissier de justice SCP [L] [V] [N] [W] [P] [U] [I], demeurant [Adresse 2], ou tout autre huissier qu’il vous plaira, avec pour mission de se rendre : [Adresse 1], adresse de la marque Haut Chic Bas Choc,

– autorisé l’huissier instrumentaire, tant dans le bâtiment principal que dans tous bâtiments annexes dudit lieu le cas échéant, à procéder à la description et au besoin en prenant photographie, copie ou photocopie de tous documents et/ou informations notamment accessibles par ordinateur dont pourra résulter la preuve de :

*La nature et l’origine des éléments concernant les activités de la requérante, trouvés et stockés par Haut Chic Bas Choc,

*Le chiffre d’affaires, la marge brute et les bénéfices générés par ses éléments,

Tels que notamment factures d’achat ou contrats d’achats précisant l’identité de leurs fournisseurs, factures de vente ou bons de livraison précisant le canal de vente et l’identité des acheteurs et généralement tout document dont pourra résulter la preuve de la nature et de l’origine des éléments trouvés ainsi que les revenus ainsi générés ;

– autorisé l’huissier instrumentaire, tant dans le bâtiment principal que dans tous bâtiments annexes dudit lieu le cas échéant, à se faire présenter, au besoin à se faire ouvrir tous meubles, ordinateurs, fichiers d’ordinateurs, clés, disques durs externes, serveurs tant de Mme [J] que de M. [X], à se faire remettre ou rechercher tous documents ci-avant visés ;

– dit que pour ce faire l’huissier instrumentaire pourra :

* accéder à toute pièce et tout local dans lequel serait stockés ou archivés les éléments ci-dessus visés, se faire communiquer les logins et mots de passe nécessaires à l’exécution de sa mission, et, en cas de refus ou de difficulté, autoriser l’huissier, assisté de tout éventuel technicien informatique, à accéder et à compulser tout matériel, logiciels ou unité de stockage susceptible de contenir tout ou partie des éléments susvisés ;

* mener toutes recherches sur les supports papier et informatique, au besoin par sondage, en utilisant les mots clés suivants :

Ma Petite Mercerie

MPM

[E], et/ou [M] et/ou [B]

comptes annuels

fichier(s) client(e) /fichier(s) clients(es)

fichier(s) fournisseur(e)

Et ce à compter du 1er janvier 2015

* prendre copie des éléments de preuve

– dit qu’en cas d’absence de photocopieur sur place ou d’impossibilité d’utiliser l’appareil existant sur place, l’huissier instrumentaire pourra emporter momentanément les pièces à copier afin de les reproduire en son étude, à charge pour lui de les restituer aussitôt après copie faîte ;

– dit que si les informations utiles sont conservées sur un support autre que papier (et notamment ordinateur, ordinateur portable, téléphone portable, disque dur externe, clef USB ou CD), l’huissier instrumentaire sera autorisé à réaliser ou faire réaliser une édition sur papier desdits documents ou toute copie sur tout support approprié en sa possession ou en utilisant les moyens disponibles sur place ;

– autorisé l’huissier instrumentaire à faire d’une façon générale toutes recherches ou constatations utiles dans le but de découvrir la nature et l’origine des éléments relatifs à la requérante et en possession de Mme [J] et/ou M. [X] pour Haut Chic Bas Choc, et à dresser procès-verbal de tous les renseignements recueillis ;

– autorisé l’huissier instrumentaire à se faire assister par :

* tout technicien informatique

* tout expert-comptable

* tout commissaire de Police compétent ou tout représentant de la force publique

* tout serrurier

– autorisé l’huissier instrumentaire à consigner toutes déclarations des répondants et d’une façon générale toutes paroles qui seront prononcées au cours des opérations mais en s’abstenant de toutes interpellations autres que celles nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

– dit que les dépens de la présente sont à la charge du requérant

Par «’requête rectificative’» en date du 7 septembre 2021, la SARL Ma Petite Mercerie a saisi à nouveau le Président du tribunal de commerce d’Albi.

Par «’ordonnance rectificative’» en date du 8 septembre 2021, le Président a’:

– mandaté l’étude d’huissier de justice SCP [L] [V] [N] [W] [P] [U] [I], demeurant [Adresse 2], avec pour mission de se rendre : [Adresse 1], adresse constituant le domicile de Mme [J] et de M. [X], égaiement adresse de la marque Haut. Chic Bas Choc

– autorisé l’huissier instrumentaire, tant dans le bâtiment principal que dans tous bâtiments annexes dudit lieu le cas échéant, à procéder à la description et au besoin en prenant photographie, copie ou photocopie de tous documents et/ou informations notamment accessibles par ordinateur – personnel ou autre – de Mme [J] et M. [X] dont pourra résulter la preuve de :

*la nature et l’origine des éléments concernant les activités de la requérante, trouvés et stockés au lieu de la mission par Mme [J] et M. [X] pour l’exploitation de la marque Haut Chic Bas Choc,

*le chiffre d’affaires, la marge brute et les bénéfices générés par ses éléments, tels que notamment factures d’achat ou contrats d’achats précisant l’identité de leurs fournisseurs, et/ou prestataires et/ou partenaires, factures de vente ou bons de livraison précisant le canal de vente et l’identité des acheteurs et généralement tout document dont pourra résulter la preuve de la nature et de l’origine des éléments trouvés liés à la requérante ainsi que les revenus ainsi générés ;

– autorisé l’huissier instrumentaire, tant dans le bâtiment principal que dans tous bâtiments annexes dudit lieu le cas échéant, à se faire présenter, au besoin à se faire ouvrir tous meubles, ordinateurs, fichiers d’ordinateurs, clés, disques durs externes, serveurs … tant de Mme [J] que de M. [X], à se faire remettre ou rechercher tous documents ci-avant visés,

– dit que pour ce faire l’huissier instrumentaire pourra :

* accéder à toute pièce et tout local dans lesquels seraient stockés ou archivés les éléments ci-dessus visés, se faire communiquer les logins et mots de passe nécessaires à l’exécution de sa mission, et, en cas de refus ou de difficulté, autoriser l’huissier, assisté de tout éventuel technicien informatique, à accéder et à compulser tout matériel, logiciels ou unité de stockage susceptible de contenir tout ou partie des éléments susvisés ;

* mener toutes recherches sur les supports papier et informatique, au besoin par sondage, en utilisant les mots clés suivants’:

° Ma Petite Mercerie

° MPM

° [E], et/ou [M] et/OU [B]

° comptes annuels

° fichier(s) client(e) /fichier(s) cliénts(es)

° fichier(s) fournisseur(e)

° Tuto(s)

° DIY

° Salon «’Made in chez vous’» / Made in chez vous

° Tuto presse

° presse / photo presse / shooting presse

° Octobre rose

° DBM / De [Localité 6] Multimedia

° Newsletter MPM / Newsletter Haut chic bas choc

° boutique éphémère

° Journal d’ici / [O] [Z]

° [C] [J] pour Ma Petite Mercerie

° jeu concours

° Idée à faire / [A] [T]

° Shooting MPM / Shooting Ma Petite Mercerie

° fichier(s) MPM / fichier client(es) Ma Petite Mercerie

° fichier inscrits 12-31-81-82

° fichier invitation le carrousel

° le carrousel

° Modes & Travaux

° Prima

° Avantages

Et ce à compter du 1er janvier 2011

* prendre copie des éléments de preuve,

– dit qu’en cas d’absence de photocopieur sur place ou d’impossibilité d’utiliser l’appareil existant sur place, l’huissier instrumentaire pourra emporter momentanément les pièces à copier afin de les reproduire en son étude, à charge pour lui de les restituer aussitôt après copie faîte ;

– dit que si les informations utiles sont conservées sur un support autre que papier (et notamment ordinateur, ordinateur portable, téléphone portable, disque dur externe, clef USB ou CD), l’huissier instrumentaire sera autorisé à réaliser ou faire réaliser une édition sur papier desdits documents ou toute copie sur tout support approprié en sa possession ou en utilisant les moyens disponibles sur place ;

– autorisé l’huissier instrumentaire à faire d’une façon générale toutes recherches ou constatations utiles dans le but de découvrir la nature et l’origine dés éléments relatifs à la requérante et à ses fournisseurs, partenaires ou prestataires, et à dresser procès-verbal de tous les renseignements recueillis ;

– autorisé l’huissier instrumentaire à se faire assister par :

o Tout technicien informatique

o Tout expert-comptable

o Tout commissaire de Police compétent ou tout représentant de la force publique

o Tout serrurier

– autorisé l’huissier instrumentaire à consigner toutes déclarations des répondants et d’une façon générale toutes paroles qui seront prononcées au cours des opérations mais en s’abstenant de toutes interpellations autres que celles nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

– dépens à la charge du requérant.

Par acte en date du 18 novembre 2021, Mme [J] et M. [X] ont fait assigner la SARL Ma Petite Mercerie en référé-rétractation devant le président du tribunal de commerce d’Albi, pour obtenir, sur le fondement des articles 145 et 493 et suivants du code de procédure civile, la rétractation des ordonnances rendues le 21 juillet et le 8 septembre 2021 et la restitution des éléments saisis ou leur destruction.

Par ordonnance contradictoire en date du 18 janvier 2022, le juge a’:

– débouté M. [X] et Mme [J] de leur demande en rétractation des ordonnances rendues sur requête les 21 juillet et 8 septembre 2021, et de l’intégralité de leurs demandes ;

– confirmé en conséquence les mesures d’instructions ordonnées par M. le Président du Tribunal de Commerce d’Albi les 21 juillet et 8 septembre 2021 ;

– dit que l’Huissier de justice devra filtrer et extraire de son constat, les éléments qui se rapporteraient au secret des affaires, au secret des correspondances ;

– condamné M. [X] et Mme [J] in solidum, au paiement de la somme de 300,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les entiers dépens de l’instance restent à la charge de M. [X] et Mme [J], outre le coût de la signification de la présente décision.

Par déclaration en date du 9 février 2022, M. [X] et Mme [J] ont interjeté appel de la décision. L’ensemble des chefs du dispositif de l’ordonnance sont critiqués, à l’exception de ce que le juge a dit que l’Huissier de justice devra filtrer et extraire de son constat, les éléments qui se rapporteraient au secret des affaires, au secret des correspondances.

Par arrêt en date du 18 janvier 2023, la Cour a’:

– rejeté les notes non autorisées reçues en cours de délibéré les 24 novembre 2022 et 3 janvier 2023.

statuant avant dire droit :

– invité les parties à s’expliquer contradictoirement sur le moyen soulevé d’office tiré de l’irrecevabilité des requêtes des 20 juillet et 7 septembre 2021 en l’absence de motivations propres à l’espèce justifiant de la dérogation au principe du contradictoire.

– ordonné la réouverture des débats à l’audience du 20 février 2023 à 9h00

– réservé toute autres demandes et les dépens.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [X] et Mme [J], dans leurs dernières écritures en date du 16 février 2023, demandent à la cour, au visa des articles 145, 493 et 497 du code de procédure civile, de’:

– infirmer l’ordonnance de référé du tribunal de commerce d’Albi du 18 janvier 2022 en ce qu’elle a:

* débouté M. [X] et Mme [J] de leur demande en rétractation des ordonnances rendues sur requête les 21 juillet 2021 et 8 septembre 2021 ;

* débouté M. [X] et Mme [J] de leur demande de nullité des opérations réalisées en exécution desdites ordonnances par le ministère de la SCP [V] ‘ [W] [P]. ‘ [I] et tous actes subséquents ;

* débouté M. [X] et Mme [J] de leur demande de restitution entre leurs mains de l’ensemble des éléments saisis ou de leur destruction, pour les données qui ne seraient que des copies ;

* débouté M. [X] et Mme [J] de leur demande de justification de cette destruction par toute attestation de l’Huissier de justice ;

* débouté M. [X] et Mme [J] de leur demande de condamnation de la SARL Ma Petite Mercerie au paiement de la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre le remboursement des entiers dépens de l’instance ;

* confirmé en conséquence les mesures d’instructions ordonnées par M. le Président du tribunal de commerce d’Albi les 21 juillet et 8 septembre 2021 ;

* condamné M. [X] et Mme [J] in solidum au paiement de la somme de 300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* dit que les entiers dépens de l’instance restent à la charge de

M. [X] et Mme [J], outre le coût de la signification de la décision.

et statuant à nouveau, à titre principal,

– rétracter l’ordonnance sur requête rendue le 21 juillet 2021 et celle du 08 septembre 2021 ;

– ordonner la nullité des opérations réalisées en exécution desdites ordonnances par le ministère de la SCP [V] ‘ [W] [P]. ‘ [I] et tous actes subséquents ;

en tout état de cause

– rétracter l’ordonnance sur requête rendue le 21 juillet 2021 et celle du 08 septembre 2021 pour les périodes antérieures au 1er octobre 2011 et postérieure au 31 mars 2021;

en tout état de cause,

– ordonner la restitution entre les mains de Mme [J] et de M. [X] de l’ensemble des éléments saisis ou leur destruction, pour les données qui ne seraient que des copies ;

– ordonner qu’il soit justifié de cette destruction par toute attestation de l’Huissier de justice ;

– débouter la SARL Ma Petite Mercerie de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner la SARL Ma Petite Mercerie au paiement de la somme de

5 000 € à Mme [J] et M. [X] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre le remboursement des entiers dépens de l’instance et de première instance.

La SARL Ma Petite Mercerie, dans ses dernières écritures en date du 17 février 2023, demande à la cour au visa des articles 145 et suivants, 442 et suivants, 493 et suivants, 905 et suivants du Code de procédure civile et 2224 du code civil, de’:

* Constater, conformément à l’article 954 du Code de procédure civile, l’absence de motivation dans les dernières conclusions des appelants communiquées le 16 février 2023,

* En conséquence juger les demandes des appelants devant la Cour d’Appel infondées, et confirmer l’ordonnance du 18 janvier 2022, sauf sur l’article 700 du CPC,

– Sur le moyen soulevé d’office par la Cour,

* dire que l’EURL Ma Petite Mercerie a établi qu’elle disposait de motivations propres à l’espèce justifiant de la dérogation au principe du contradictoire résultant de la nature des faits d’atteinte à la notoriété de sa marque, de faits de concurrence déloyale et de parasitisme commis par

M. [X] et Mme [J], notamment par l’utilisation sans autorisation des éléments de la marque Ma Petite Mercerie, du vol du fichier clients et des détournements des investissements de Ma Petite Mercerie au profit de la marque Haut Chic Bas Choc, le tout expressément dénoncés, pièces à l’appui, dans les requêtes,

* dire que la nécessité de conserver ou d’établir des preuves relatives aux faits susmentionnés susceptibles de constituer une atteinte à la notoriété de sa marque, de faits de concurrence déloyale et de parasitisme est un motif légitime,

* dire que du fait des agissements déloyaux de ces deux anciens salariés, de l’expertise en informatique de Mr [X], et de la contestation de leur licenciement respectif, seule une mesure non contradictoire était susceptible d’assurer l’efficacité de la mesure in futurum ordonnée et d’éviter le dépérissement des preuves,

* juger, en conséquence, les requêtes des 20 juillet et 7 septembre 2021 recevables,

– confirmer l’ordonnance de référé du Président du tribunal de commerce d’Albi du 18 janvier 2022 en ce qu’elle a :

* débouté M. [X] et Mme [J] de leur demande en rétractation des ordonnances rendues sur requête les 21 juillet et 8 septembre 2021 ; et de l’intégralité de leurs demandes ;

* confirmé en conséquence les mesures d’instructions ordonnées par M. le Président du tribunal de commerce d’Albi les 21 juillet et 8 septembre 2021,

* dit que l’Huissier de justice devra filtrer et extraire de son constat, les éléments qui se rapporteraient au secret des affaires, au secret des correspondances ;

* dit que les entiers dépens de l’instance restent à la charge de

M. [X] et Mme [J], outre le coût de la signification de la décision.

– infirmer l’ordonnance de référé du Président du tribunal de commerce d’Albi du 18 janvier 2022 en ce qu’elle a condamné M. [X] et Mme [J] in solidum, au paiement de la somme de 300,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

statuant à nouveau, il est demandé à la Cour

– de condamner M. [X] et Mme [J] in solidum au paiement de la somme de 4.998,40 Euros au titre de l’article 700 du CPC au titre des frais irrépétibles engagés devant le premier juge,

en tout état de cause :

– condamner M. [X] et Mme [J] in solidum au paiement de la somme de la somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

– condamner M. [X] et Mme [J] in solidum aux entiers dépens de l’instance.

MOTIVATION

Par requêtes déposées les 20 juillet et 7 septembre 2021, la SARL Ma Petite Mercerie a sollicité des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile qui dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées en référé à la demande de tout intéressé. Et l’ordonnance du 21 juillet 2021 comme celle rectificative du 8 septembre 2021 ont été rendues sur ce seul fondement.

Or, les ordonnances sur requête rendues par le président du tribunal de commerce doivent répondre aux exigences des articles 875 et 493 du code de procédure civile, avec cette précision que l’urgence n’est pas exigée lorsque la requête est fondée sur l’article 145 de ce même code.

Il appartient à celui qui a déposé la requête, et non à l’auteur du référé-rétractation, de démontrer que celle-ci est recevable et fondée.

En application de l’article 493, c’est seulement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse que le juge peut prendre une décision sur simple requête. Les articles 494 et 495 exigent que la requête comme l’ordonnance soient motivées.

Il appartient donc en l’espèce à la SARL Ma Petite Mercerie de justifier de la nécessité de déroger au principe du contradictoire et de justifier d’un motif légitime au sens de l’article 145.

Saisi d’une demande de rétractation, le juge doit vérifier, même d’office, si la requête et/ou l’ordonnance caractérisent des circonstances dérogatoires au principe du contradictoire. Cette caractérisation constitue un moyen de recevabilité de la requête. Le juge de la rétractation n’a pas à procéder à d’autre recherche, ni à statuer sur les mérites d’une requête qui ne peut saisir régulièrement le juge de la requête.

Le requérant doit donc caractériser dans le corps de sa requête, les circonstances propres à l’espèce susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction. Il ne suffit pas d’affirmer la nécessité d’un effet de surprise. Les circonstances justifiant une telle dérogation doivent être précises et circonstanciées et ne peuvent résulter de déductions opérées par le juge, ni des circonstances de l’espèce pour pallier l’absence de motivation dans la requête. Et, aucun fait postérieur au dépôt de la requête ou au prononcé de l’ordonnance ne peut être pris en considération par le juge de la rétractation pour justifier une dérogation au principe de la contradiction.

La SARL Ma Petite Mercerie soutient dans ses dernières conclusions, suite à la réouverture des débats, que la motivation de la dérogation ressort de la lecture de l’ensemble de la requête qui révèle plusieurs circonstances spécifiques sur la nécessité d’agir à l’insu des appelants’:

– le vol de la base de données clients par M. [X] en 2019 par l’envoi sur la boîte mail personnelle de Mme [J],

– l’utilisation non autorisée des comptes facebook et Instagram pour permettre la promotion par Mme [J] de sa marque HCBC, l’utilisation et détournement des outils et actifs aux fins de promotion HautChicbasChoc.

– ces agissements déloyaux associés à l’expertise en informatique de Mr [X], et au regard de la contestation de leur licenciement respectif, seule une mesure non contradictoire était susceptible d’assurer l’efficacité de la mesure in futurum ordonnée et d’éviter le dépérissement des preuves.

Elle fait donc valoir qu’elle a donné toutes les précisions sur les circonstances propres à l’espèce justifiant la dérogation au principe du contradictoire, ce que les investigations réalisées en exécution de l’ordonnance sur requête auraient confirmé. M. [X] et Mme [J] qui contestent quant à eux tout acte de concurrence déloyale, considèrent au contraire qu’il est constant que la requête, insuffisamment motivée, fait l’impasse sur la réalité de faits précis et circonstanciés propres à l’espèce, invoquant seulement un risque de dépérissement des preuves et que, les circonstances susceptibles de motiver une dérogation au principe du contradictoire ne peuvent se justifier postérieurement lors de l’examen de la demande de rétractation.

La requête initiale du 13 juillet 2021 de la SARL Ma Petite Mercerie déposée le 20 juillet 2021, est ainsi motivée’:

«’Sur la nécessité d’une procédure non contradictoire’:

Au regard de ce qui a été précédemment exposé, il est incontestable que ces mesures d’instruction doivent être ordonnées sans respecter le principe du contradictoire. En effet, si M. [X] et/ou Mme [J] venaient à être informés il ne fait aucun doute qu’ils feraient disparaître les éléments de preuve pour éluder toute faute et responsabilité à ce titre’».

Il n’est donc visé au paragraphe spécialement dédié à ce moyen de recevabilité, aucune circonstance précise.

En page 3 § 3 a) de la requête, au paragraphe relatif aux «’faits d’atteinte à la notoriété de la marque Ma Petite Mercerie, de concurrence déloyale et de parasitisme’», la requérante dénonçait les faits de transfert de sa base de données Clients par mail de M. [X] du 25 mars 2019 à 21h42 vers l’adresse mail personnelle de Mme [J] ([Courriel 7]), constaté par procès verbal d’huissier du 25 février 2021. Et au § 3 b) elle dénonçait «’d’autres faits litigieux constatés’» concernant l’utilisation sans autorisation des comptes Instagram et facebook pour la promotion de la marque hautchicbaschoc de Mme [J] identifiée sous le pseudonyme «'[C]hcbc’».

Or, si de tels faits caractérisent une suspicion d’actes de parasitisme, il n’est pas indiqué en quoi ils justifient le recours à la procédure non contradictoire pour réaliser des investigations d’une portée extrêmement large en ce qu’ils concernent une période de 6 ans (depuis le 1er janvier 2015) aux termes de la première ordonnance et, 13 ans (depuis le 1er janvier 2011, aux termes de l’ordonnance dite rectificative) et des mots-clés tout aussi larges et donc imprécis tels que «’fichier(s)client(e)/fichiers(s)client(es) – fichier(s) fournisseur(s).

La requérante ne fait aucun lien entre les faits d’actes de concurrence déloyale supposés et la nécessité de procéder à l’insu de ses contradicteurs. En outre, ses explications actuelles sur les agissements déloyaux de ses deux anciens salariés, l’expertise en informatique de Mr [X], et la contestation de leur licenciement respectif apparaissent inopérants. Et l’ordonnance du 21 juillet 2021 est totalement taisante sur ce point.

Et en application des articles 494 et 495 du code de procédure civile, il n’appartient pas au juge d’interpréter la requête et de déduire d’une circonstance retenue au titre de la suspicion de faits de concurrence déloyale, la nécessité de recourir à une mesure à l’insu du contradicteur. En sollicitant du juge qu’il se réfère à des développements précédents sans autre précision, la SARL Ma Petite Mercerie ne rapporte pas la preuve de circonstances spécifiques justifiant la dérogation au principe du contradictoire dans une procédure particulièrement invasive.

Cette requête du 13 juillet 2021 déposée le 20 juillet 2021 n’a donc pas régulièrement saisi le juge de la requête. Elle doit être déclarée irrecevable et l’ordonnance qui y a fait droit doit être rétractée.

La requête dite rectificative du 6 septembre 2021 qui avait pour objet non seulement d’ajouter de nouveaux mots-clef pour la recherche d’actes de concurrence déloyale mais encore d’étendre les investigations initialement prévues sur 6 ans à compter de 2015, pour 4 années supplémentaires soit à compter du 1er janvier 2011, ne vise aucune circonstance dérogatoire au principe du contradictoire. Et il en est de même de l’ordonnance qui malgré son qualificatif, ne peut être considérée comme une ordonnance rectificative dès lors qu’elle n’a pas pour objet de rectifier une erreur commise dans la première ordonnance du 21 juillet 2021 mais d’en étendre la portée au motif de la découverte de nouveaux faits. Dès lors, s’agissant d’une requête et d’une ordonnance distinctes elles devaient être soumises à l’exigence de motivation spécifique sur la nécessité de déroger au principe du contradictoire. A défaut, la requête n’est pas recevable et l’ordonnance qui y a fait droit doit être rétractée.

Dans ces conditions la décision doit être infirmée en toutes ses dispositions.

Les ordonnances des 21 juillet et 8 septembre 2021 étant rétractées, les procès verbaux d’exécution seront annulés et tous documents et pièces saisis seront restitués, Mme [J] et M. [X] devant faire leur affaire personnelle de la destruction des copies qui auraient été faites.

PAR CES MOTIFS

la cour

– Infirme l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce d’Albi en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau

– Déclare irrecevables les requêtes de la SARL Ma Petite Mercerie des 13 juillet et 6 septembre 2021 et 08 septembre 2021.

– Rétracte les ordonnance du président du tribunal de commerce d’Albi en date des 21 juillet.

– Prononce la nullité des opérations réalisées en exécution desdites ordonnances par le ministère de la SCP [V] – [W] [P] – [I] et tous actes subséquents.

– Ordonne la restitution entre les mains de Mme [J] et de M. [X] de l’ensemble des éléments saisis.

– Dit que Mme [J] et M. [X] feront leur affaire personnelle des destructions des copies qui leur seront restituées.

– Vu l’article 700 du code de procédure civile condamne la SARL Ma Petite Mercerie à payer à Mme [J] et M. [X] la somme de 5 000€.

– Condamne la SARL Ma Petite Mercerie aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

I. ANGER C. BENEIX-BACHER

 


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