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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRET DU 11 JANVIER 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02673 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDC4G
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS RG n° 15/14213
APPELANTE
Madame [F] [J] épouse [V]
née le 14 Juin 1956 à [Localité 6] (94)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, substitué par Me Aude GUIZARD, avocat postulant et plaidant
INTIMEE
S.A.R.L. L’AMUSE GUEULE
N° SIRET : 320 074 495
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119, avocat postulant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Douglas BERTHE, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Gilles BALAY, président
Monsieur Douglas BERTHE, conseiller
Madame Marie GIROUSSE, conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Madame FOULON
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Douglas BERTHE, Conseiller, faisant fonction de Président et par Anaïs DECEBAL, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS ET PROCÉDURE
La société l’Amuse Gueule est preneuse de locaux appartenant à Mme [F] [J] veuve [V], situés [Adresse 1] à [Localité 5]. Le bail destiné à l’activité « tous commerces et services » a été renouvelé entre les parties jusqu’au 30 septembre 2013.
Par exploit du 1er mars 2013, la bailleresse a fait délivrer à la preneuse un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction pour le 30 septembre 2013.
Par exploit du 28 septembre 2015, la société l’Amuse Gueule a fait assigner à comparaître la bailleresse devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de fixation de l’indemnité d’éviction.
Par jugement mixte du 14 juin 2017, le tribunal a dit et jugé que la signification, par acte extrajudiciaire du 1er mars 2013, d’un congé avec refus de renouvellement à effet du 30 septembre 2013 et offre d’une indemnité d’éviction à la société l’Amuse Gueule par Mme [J], a ouvert droit au profit de la société l’Amuse Gueule à une indemnité d’éviction, ainsi qu’au maintien dans les lieux de cette dernière ; il a désigné M. [P] [G] en qualité d’expert, lequel a déposé son rapport le 20 avril 2019 relatif à l’appréciation de l’indemnité d’éviction.
Par jugement du 21 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
– rappelé que par l’effet du congé avec refus de renouvellement signifié le 1er mars 2013, le bail a pris fin le 30 septembre 2013 ;
– dit que l’éviction entraîne la perte du fonds de commerce exploité par la société l’Amuse Gueule dans les locaux précités ;
fixé à la somme globale de 199 112 € l’indemnité d’éviction, qui se décompose ainsi :
indemnité principale : 160 000 € ;
indemnités accessoires :
16 000 € pour les frais de remploi ;
20 112 € pour le trouble commercial ;
1 000 € pour les frais de déménagement ;
2 000 € pour les frais administratifs ;
frais de licenciement : sur justificatifs ;
– débouté Mme [F] [J] veuve [V] de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
– condamné Mme [F] [J] veuve [V] aux dépens, en ce inclus les frais d’expertise judiciaire confiée à M. [G] qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– condamnée Mme [F] [J] veuve [V] à payer à la société l’Amuse Gueule la somme de 4 000 € par application de l’article 700 du même code ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
– rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 09 février 2021, Mme [F] [J] veuve [V] a interjeté appel total du jugement.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 septembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les dernières conclusions déposées le 06 septembre 2022, par lesquelles Mme [F] [J] veuve [V], appelante, demande à la Cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; statuant à nouveau, à titre principal, déclarer Mme [F] [V] recevable et bien fondé en son appel ; allouer une indemnité de déplacement à la société l’Amuse Gueule ; fixer l’indemnité de déplacement à la somme globale de 66 888 €, dont 48 372 € au titre de son droit au bail et 18 516 € au titre des indemnités accessoires ; subsidiairement, allouer une indemnité de remplacement à la société l’Amuse Gueule ; écarter la méthode du chiffre d’affaires pour fixer l’indemnité de remplacement celle-ci n’étant pas adaptée et fixer l’indemnité à hauteur de 66 888 €, correspondant au montant du droit au bail et 18 516 € au titre des indemnités accessoires ; en tout état de cause, condamner la société l’Amuse Gueule à lui payer la somme de 10 000 € au titre de sa résistance abusive tout au long de la procédure et ses manquements à ses obligations issues du bail ; la condamner à lui payer la somme de 8 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; juger que chaque partie conservera ses dépens et que les frais d’expertise seront répartis à parts égales entre les parties.
La société l’Amuse Gueule s’est constituée hors délai et n’a pas conclu.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelante. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, sa position sera synthétisée.
Mme [F] [J] veuve [V] soutient à titre principal que la résiliation du bail n’emportera pas la perte du fonds de commerce de la preneuse qui est transférable en ce que l’activité de la société l’AMUSE GUEULE ne dépend pas exclusivement des locaux objets de la présente procédure eu égard aux ventes en ligne de la preneuse en dehors des murs de sa boutique qui n’auraient été que partiellement prises en compte par l’expert ainsi qu’aux ventes sur catalogue au profit de professionnels non prises en compte par l’expert. Elle ajoute que la preneuse disposerait d’autres locaux en ce que les charges locatives annuelles seraient supérieures à celles générées par les locaux litigieux et que deux salariés sur six sont employés en qualité de livreurs. Elle insiste sur les liens « extrêmement » étroits avec la société M’Design qui a la même activité exercée dans des locaux situés à 100 mètres des locaux litigieux.
À titre subsidiaire, elle soutient que la méthode de valorisation du fonds de commerce par le chiffre d’affaires doit être écartée en ce que les pièces nécessaires pour son calcul n’ont pas été communiquées par la preneuse, soulignant que les bilans de 2017 à 2020 devaient seulement fonder le raisonnement de l’expert. Elle fait observer que le chiffre d’affaires de 2018 a diminué et ajoute que la part du chiffre d’affaires générée par les ventes en ligne aurait dû être retranchée du calcul de l’indemnité principale en ce que cette activité n’aurait pas été autorisée par le bail.
Elle prétend qu’un pourcentage de 55 % correspondant à celui des barèmes publiés pour les activités de bonneterie-mercerie ne peut être retenu en ce que l’activité de la preneuse effectivement exercée à ce titre est restreinte et que le traité [S] [D] retient un pourcentage variant entre 30 % et 55 % du chiffre d’affaires TTC.
Elle conteste les références retenues par l’expert et expose essentiellement l’absence de comparaison possible entre les activités comparées et celle exercée dans les locaux litigieux.
Elle prétend que la méthode litigieuse doit être écartée en ce qu’elle ne tient pas compte de la rentabilité du fonds qui participe nécessairement de sa valorisation et fait valoir une diminution d’exercice en exercice du résultat d’exploitation.
En tout état de cause, elle soutient que l’indemnité doit être fixée à la valeur du droit au bail et expose que les références citées par Mme [W] [I] auraient dû être prises en compte, faisant valoir un loyer de marché maximum, avant correction, de 680 €/m²B, soit 47 280 €/an.
Elle prétend que le coefficient de situation retenu est trop élevé au regard de la proximité des locaux du concurrent « Printemps Nation », justifiant sa fixation à 5,5.
Elle affirme qu’un coefficient de majoration en raison de la destination « tous commerces» des locaux et celui pour cession libre du droit au bail ne sauraient cumulativement dépasser 10 %, ajoutant qu’aucune majoration au titre du droit d’étalage ne saurait être retenue au regard du règlement de copropriété de l’immeuble. Elle prétend qu’un abattement pour charges exorbitantes doit être porté à 5 %, rappelant que le bail met à la charge du preneur les travaux de mise aux normes administratives.
Elle soutient que les indemnités accessoires hors indemnités de licenciement ne sauraient être supérieures à 18 516 € et expose essentiellement une limitation à 15 jours du trouble commercial.
Elle affirme que la société l’Amuse Gueule a fait preuve d’une résistance abusive tout au long de la procédure en ne communiquant pas l’ensemble des pièces demandées et en manquant à ses obligations contractuelles. Elle insiste sur le défaut d’entretien correct des locaux, lequel perdure aujourd’hui, l’absence de fourniture d’une attestation de conformité électrique de ses installations et la preuve de l’entretien périodique de ses dernières.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Comme le rappelle le premier juge, le congé avec refus de renouvellement délivré par la bailleresse le 1er mars 2013 a mis fin au bail liant les parties à compter du 30 septembre 2013 et il a ouvert droit à la société l’Amuse Gueule au maintien dans les lieux dans l’attente du paiement de l’indemnité d’éviction.
Sur la fixation de l’indemnité d’éviction :
Aux termes de l’article L 145-14 du code de commerce, en cas de congé avec refus de renouvellement, le bailleur doit payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement, l’indemnité d’éviction est destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l’entier préjudice résultant du défaut de renouvellement. Elle comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
Il est par ailleurs usuel de mesurer les conséquence de l’éviction sur l’activité exercée afin de déterminer si cette dernière peut être déplacée sans perte importante de clientèle auquel cas l’indemnité d’éviction prend le caractère d’une indemnité de transfert ou si l’éviction entraînera la perte du fonds, ce qui confère alors à l’indemnité d’éviction une valeur de remplacement.
Il est admis que l’indemnité d’éviction s’évalue à la date la plus proche de l’éviction et que la valeur du fonds de commerce est au moins égale à celle du droit au bail qui s’y trouve incluse.
Sur la valeur du droit au bail :
La valeur du droit au bail se déduit par la différence entre la valeur locative de marché et la valeur du loyer si celui-ci avait été renouvelé, à laquelle il est d’usage d’appliquer un coefficient de situation en fonction de l’attractivité commerciale de la zone où sont situés les locaux.
Les locaux présentent une surface de 69,53 m²B, qui n’est pas contestée.
L’expert judiciaire estime la valeur locative de marché à 720 € le m²B et de 821 € le m²B après corrections, soit 57070 € au total au 1er octobre 2013. Si l’expert judiciaire s’est référé à des baux pratiqués par toutes sortes de commerces, il en va de même des références produites par la bailleresse selon rapport de son expert amiable. Il convient par ailleurs d’observer que si le preneur exerce une activité de « vente de textile et de broderie personnalisée » il bénéficie d’un bail commercial « tous commerces et services ». Il ne saurait donc être fait grief à l’expert judiciaire de ne pas s’être appuyé que sur des baux consentis à des commerces exerçant une activité comparable. À ce titre, il convient d’observer que l’expert amiable de la bailleresse fait état de loyers de 829 € et 918 €/m²B pour deux commerces comparables de lingerie.
Pour contester en outre l’évaluation de l’expert judiciaire et estimer la valeur locative de marché à une valeur moyenne de 704 € du m², l’appelante demande de prendre en compte les références produites par son experte amiable. Cependant, cette experte amiable évalue la valeur locative de marché à 1000 € sans corrections sur la base de 13 références allant de 413 à 1124 € par m²B. L’expert judiciaire se base sur treize références comparables allant de 300 € à 958 € par m²B.
Eu égard à l’ensemble de ces éléments, de l’emplacement des locaux et de leur fonctionnalité, il n’y a pas lieu de modifier l’évaluation à 720 € par m²B retenue par l’expert judiciaire et le premier juge.
La prise en compte d’une majoration pour clause de destination « tous commerces » n’est pas contestée. Le bail du 9 décembre 1983 donne par ailleurs la possibilité au preneur de librement céder le bail et de sous-louer. En revanche, il ne prévoit pas expressément de droit d’étalage. L’expert judiciaire évalue le total des majorations à 16% tandis que le tribunal a retenu une majoration globale de 12%.
Il n’est pas contesté que la bail met à la charge du preneur des charges exorbitantes, soit l’assurance de l’immeuble et les frais de syndic. L’expert judiciaire estime qu’elle doivent entraîner un abattement de 2%.
Eu égard aux clauses susmentionnées, il convient de retenir une majoration globale de 12% et une minoration de 3%, soit une valeur locative de marché de 54 568 €. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Il n’est pas contesté qu’en cas de renouvellement, le loyer aurait été plafonné et se serait élevé à la somme de 41.321 €. Le différentiel entre la valeur locative de marché et le loyer de renouvellement plafonné s’établit donc à 13 247 € (54 568 € – 41 321 €).
L’expert judiciaire, pour retenir un coefficient de situation de 6,5, estime que les locaux sont situés sur un grand axe de circulation qui présente une commercialité de grande qualité. La bailleresse ne démontre pas concrètement en quoi la présence de grandes enseignes tel que le Printemps à proximité lui porterait préjudice alors que ces éléments doivent au contraire être considérés comme un facteur d’attraction de la chalandise sur la zone considérée. Le coefficient de situation de 6,5 sera donc retenu. La valeur du droit au bail doit donc être estimée à 86 105,50 €, arrondis par commodité à 86 106 € soit (13 247 € x 6,5). Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur la valeur marchande du fonds de commerce :
La bailleresse, conformément à ses dires devant l’expert judiciaire, conteste l’application au cas d’espèce de la méthode d’évaluation par référence au prix du marché ou les références judiciaires et ne produit aucune référence de comparaison à ce titre. L’évaluation au titre de ces méthodologies, qui n’a pas été retenue par le premier juge ne paraît en effet pas opportune en ce que les références citées par l’expert judiciaire concernent des fonds de commerce dont le volume de chiffre d’affaire et/ou l’activité peuvent différer de ceux de la locataire.
La méthode d’évaluation par la rentabilité, au cas d’espèce, n’est pas non plus pertinente eu égard aux excédents bruts d’exploitation négatifs de la locataire.
En ce qui concerne la valorisation par le chiffre d’affaire, qui est contestée également, l’expert judiciaire a retenu un chiffre d’affaire moyen TTC de 289 126 € (exercices 2014 à 2017) auquel il préconise d’appliquer un barème de valorisation de 55 % du chiffre d’affaire TTC. Le dernier chiffre d’affaires communiqué correspond à l’exercice 2017. Il est fait grief à la locataire de ne pas avoir produit les chiffres d’activité des exercices postérieurs. Il convient pourtant de considérer que la crise sanitaire a significativement réduit les performances des fonds de commerce eu égard notamment à la fermeture administrative des établissements dont les services n’étaient pas considérés comme essentiels et qu’il en résulte que les chiffres d’affaire de ces périodes ne présentent pas de caractère significatif. En outre, le service de vente en ligne n’est pas prohibée expressément par le bail qui autorise au contraire le recours à « tous services ». La bailleresse conteste en outre le fait que le premier juge a retenu la fourchette haute du barème de valorisation du chiffre d’affaire, cependant, la qualité de l’emplacement, comme le relève l’expert judiciaire, justifie l’application de ce barème de 55%. Par conséquent, la valeur marchande du fonds de commerce par l’approche du chiffre d’affaire est pertinente et s’établit à
159 019,30 € qu’il convient d’arrondir par commodité à 160 000 € (289 126 € X 55 %).
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur l’indemnité principale :
L’expert judiciaire estime que l’éviction du locataire entraînera la perte de l’intégralité du fonds de commerce.
La bailleresse, pour démontrer que l’activité du preneur provient en large partie des ventes en ligne fait état de considérations générales sur l’expansion du commerce via internet et la proportion du recours au paiement par cartes bancaires mais ne produit aucun élément circonstancié de nature à identifier précisément le volume des ventes en ligne générées par la locataire. Il en va de même des ventes à distance, l’appelante rappelant elle-même qu’elle ne dispose d’aucun élément chiffré. En outre, le fait que la locataire salarie deux chauffeurs ne permet pas de caractériser le volume exact de ses ventes en ligne ou à distance. En outre, les liens d’affaires et familiaux entre les associés des sociétés L’amuse Gueule et M’Design ne permettent pas de caractériser l’identité des personnalités juridiques ni le caractère commun des intérêts, droits et actifs de ces sociétés distinctes, ni la pérennisation de l’activité de la locataire.
Il résulte de ces éléments que le fonds de commerce n’est pas transférable et que la locataire a droit à une indemnité de remplacement, égale à la valeur la plus élevée entre celle du droit au bail et de la valeur marchande du fonds de commerce. La valeur marchande du fonds de commerce, soit 160 000 € étant supérieure à celle du droit au bail, soit 86 106 €, l’indemnité principale d’éviction due par Mme [J] veuve [V] à la SARL L’amuse Gueule sera donc fixée à 160 000 €.
Sur les indemnités accessoires :
Frais de remploi ou d’agence :
Ces frais comprennent les frais et droits que doit supporter le locataire évincé pour retrouver notamment un nouveau local.
L’appelante s’accordent avec 1’expert pour estimer les droits de mutation à 3% au-dessus d’une première tranche de 23 000 € et de 8% de l’indemnité principale d’éviction s’agissant des honoraires juridiques et de transaction. Toutefois, comme l’a estimé le premier juge et conformément aux usages, les frais de remploi seront fixés à 10% de l’indemnité principale d’éviction, soit : 16 000 € (160 000 €/10).
Trouble commercial :
Cette indemnité compense la perte de temps générée par l’éviction, soit le moindre investissement dans le commerce et le temps de la recherche d’un nouvel emplacement.
Eu égard au caractère déficitaire de l’exploitation, l’expert judiciaire propose de ne l’évaluer qu’à un mois de chiffre d’affaire moyen HT tandis que l’appelante estime suffisant de fixer cette indemnité à 15 jours de chiffre d’affaire moyen HT. Aux vus des bilans communiqués, la cour la fixera, à l’instar du premier juge, à un mois de chiffre d’affaire moyen HT (241 346 €), soit 20 112 € (241 346 €/12).
Frais de déménagement et frais administratifs :
L’indemnité pour frais de déménagement a pour objet d’indemniser 1e preneur des frais exposés pour libérer les locaux dont i1 est évincé. L’indemnité pour frais administratifs a pour objet d’indemniser 1e preneur des frais exposés pour les besoins de sa radiation et pour la résiliation de ses différents contrats.
L’expert judiciaire et l’appelante s’accordent pour évaluer de ces deux indemnités au montant total de 3000 €. La décision du premier juge, qui a fixé les frais de déménagement à la somme de 1000 € et les frais administratifs à la somme de 2 000 €, sera donc confirmée.
Les frais de licenciement du personnel :
L’appelante s’accordent avec l’expert et le premier juge pour considérer que les frais de licenciement seront remboursés sur présentation de justificatifs.
***
Il ressort de1’ensemble des éléments ci-dessus exposés que l’indemnité d’éviction totale due à la SARL L’amuse Gueule s’élève à la somme de :
– indemnité principale : 160 000 €,
– frais de remploi : 16 000 €,
– trouble commercial : 20 112 €,
– Frais de déménagement : 1000 €,
– frais administratifs : 2000 €,
TOTAL : 199 112 €, outre les frais de licenciement qui seront payés sur justificatifs.
Sur la demande de dommages-intérêts :
Il résulte de l’historique des opérations de l’expertise reprise par l’expert en pages 6 et 7 de son rapport, que la locataire a transmis les pièces sollicitées par l’expert et a signifié ses dires dans des délais raisonnables dans un contexte de crise sanitaire. Il n’est pas non plus démontré que la locataire a usé de manoeuvres dilatoires au cours de la procédure ou ait fait preuve de mauvaise foi. La cour observe qu’à hauteur d’appel, la locataire n’a pas conclu et s’est constitué hors délai, s’exposant ainsi à ce qu’un arrêt soit rendu contre elle sur les seuls éléments fournis par l’appelante sans qu’un grief particulier puisse lui être reproché de ce chef.
En outre, il n’est pas établi que les désordres constatés sur l’immeuble loué soient imputables à la locataire ni qu’ils relèvent des réparations locatives convenues au bail. Enfin, les autres manquements reprochés à la société L’AMUSE GUEULE ne paraissent pas suffisamment établis. Par conséquent, la décision du premier juge sur ce point sera confirmée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Pour les motifs développés par le premier juge, il n’y a pas lieu de partager les frais de l’expertise et le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
L’appelante succombant en ses prétentions elle sera condmnée aux dépens de l’appel et il n’y aura pas lieu de lui octroyer une indemnité au titre de l’article au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 21 janvier 2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE Mme [F] [J] veuve [V] aux dépens de l’appel,
DIT qu’elle conservera la charge de ses frais irrépétibles d’appel,
REJETTE toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Pour le Président empêché