Comment engager la responsabilité du liquidateur judiciaire ?

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Comment engager la responsabilité du liquidateur judiciaire ?

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Dans le cadre d’une liquidation judiciaire clôturée, l’action dans l’intérêt collectif des créanciers n’est pas envisageable sans le préalable de la réouverture de la procédure.

Affaire Techni-Conseil

En l’espèce, les sommes susceptibles d’être allouées dans le cadre de l’action en responsabilité professionnelle engagée par M. [Y] [B] contre l’ancien liquidateur de la société [B] Techni-Conseil, dont la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d’actif, pour ne pas avoir recouvré certaines créances de cette société, constitueraient un actif qui devrait être distribué aux créanciers.

La reprise préalable des opérations de liquidation judiciaire

L’action en responsabilité contre le liquidateur, après clôture de la procédure pour insuffisance d’actif, est donc soumise à la reprise préalable des opérations de liquidation judiciaire dans les conditions de l’article L. 643-13 du code de commerce, puisqu’elle tend à la réparation d’un préjudice qui n’est pas distinct de celui subi par l’ensemble des créanciers de la procédure collective.

Certes, empêcher le débiteur d’agir et d’être représenté, puisque le liquidateur anciennement désigné ne peut assumer une mission tendant à voir engagée sa responsabilité, conduit à le priver de tout accès au tribunal, alors que ce droit est protégé par l’article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Toutefois, tel n’est pas le cas en l’espèce, une telle action pouvant être engagée, après réouverture préalable de la procédure de liquidation judiciaire et désignation d’un nouveau liquidateur.

L’action en réouverture de la liquidation judiciaire

En effet, la réouverture de la liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif n’est pas réservée à l’ancien liquidateur, dès lors que l’article L. 643-13, alinéa 2, précité prévoit que le tribunal peut aussi être saisi par le ministère public ou par tout créancier intéressé (Com, 29 mars 2023, pourvoi n° 21-20.683).

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que c’est à juste titre que le premier juge a considéré que l’action engagée par M. [Y] [B] pour obtenir une indemnisation d’un montant de 25 323, 02 euros au titre du boni de la société [B] Techni-Conseil était irrecevable tenant l’absence de qualité à agir et l’absence de reprise de la procédure dans les conditions de l’article L. 643-13 du code de commerce. La décision déférée sera confirmée sur ce point.

Liquidation judiciaire : rappel sur le droit d’agir

Pour rappel, selon le premier alinéa de l’article L. 622-20 du code de commerce, ‘Le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers. Toutefois, en cas de carence du mandataire judiciaire, tout créancier nommé contrôleur peut agir dans cet intérêt dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.’

En application de ce texte, le mandataire judiciaire a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers. La même solution s’applique au liquidateur, en cas de liquidation judiciaire.

De plus, aux termes des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l’article L. 643-13 du code de commerce, ‘Si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d’actif et qu’il apparaît que des actifs n’ont pas été réalisés ou que des actions dans l’intérêt des créanciers n’ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise.

Le tribunal est saisi par le liquidateur précédemment désigné, par le ministère public ou par tout créancier intéressé. Il peut également se saisir d’office. S’il est saisi par un créancier, ce dernier doit justifier avoir consigné au greffe du tribunal les fonds nécessaires aux frais des opérations. Le montant des frais consignés lui est remboursé par priorité sur les sommes recouvrées à la suite de la reprise de la procédure.’


COUR D’APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre civile



ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2023



Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/06031 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PUCN



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 OCTOBRE 2022

JUGE DE LA MISE EN ETAT DE MONTPELLIER

N° RG 21/04028





APPELANT :



Monsieur [Y] [F] [W] [B]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Jean FALIN, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEES :



Maître [X] [P], Mandataire judiciaire

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me Christophe BERARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant



La CAISSE DE GARANTIE DES ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES ET DES MANDATAIRES JUDICIAIRES, dont le siège social est situé

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me Christophe BERARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant









Ordonnance de clôture du 19 Mai 2023



COMPOSITION DE LA COUR :



En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 MAI 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Myriam GREGORI, Conseiller, faisant fonction de Président

Nelly CARLIER, Conseiller

Virginie HERMENT, Conseiller

qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA





Ministère public :

L’affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis.



ARRET :



– Contradictoire



– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;



– signé par Madame Myriam GREGORI, Conseiller, faisant fonction de président et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

Exposé du litige






EXPOSE DU LITIGE

 

M. [Y] [B] était le gérant de la SARL [B] Techni-Conseil, laquelle avait pour objet, à titre principal, l’étude, la conception, la réalisation ou les conseils, l’audit, l’ingénierie, la formation, la maîtrise d’ouvrage ou la maîtrise d’oeuvre de tous produits ou services des domaines du génie électrique, électronique ou hydraulique, et ce depuis l’année 2003.



Aux termes d’un jugement rendu le 15 juin 2011, le tribunal de commerce de Nîmes a constaté l’état de cessation des paiement, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SARL [B] Techni-Conseil et a désigné maître [P] en qualité de mandataire judiciaire.



Par jugement du 12 juin 2012, le tribunal de commerce de Nîmes a prononcé la liquidation juduciaire de la SARL [B] Techni-Conseil.



Puis, dans un jugement en date du 24 octobre 2018, le tribunal de commerce de Nîmes a prononcé la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la SARL [B] Techni-Conseil.



Par acte du 17 septembre 2021, M. [Y] [B] a fait assigner maître [X] [P] et la caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires devant le tribunal judiciaire de Montpellier afin d’obtenir l’indemnisation des préjudices résultant des manquements commis par maître [P] dans le cadre de ses fonctions de mandataire liquidateur. A ce titre, il sollicitait l’allocation de la somme de 25 323, 02 euros au titre du boni de la SARL [B] Techni-Conseil, de la somme de 37 800 euros au titre de la perte de chance de percevoir une retraite, de la somme de 26 054, 01 euros au titre de la propriété intellectuelle, de la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral et de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.



Par acte du 15 mars 2022, maître [P] a fait assigner la caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires devant le tribunal judiciaire de Montpellier afin d’obtenir sa condamnation à le garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées contre lui.



Les deux instances ont été jointes.

Moyens




Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 14 mars 2022, la caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires et maître [P] ont saisi le juge de la mise en état afin qu’il déclare les demandes de M. [Y] [B] irrecevables pour défaut de qualité à agir et prescription.



Aux termes d’une ordonnance rendue le 27 octobre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montpellier a :

– déclaré irrecevable pour défaut de qualité à agir l’action en responsabilité engagée par M. [Y] [B] au titre d’un boni de liquidation,

– déclaré irrecevable comme prescrite l’action engagée par M. [Y] [B] à l’encontre de maître [P] et de la caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires,

– condamné M. [Y] [B] à verser à maître [P] une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [Y] [B] à verser à la caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [Y] [B] aux dépens de l’instance.



Par déclaration en date du 1er décembre 2022, M. [Y] [B] a relevé appel de cette ordonnance en critiquant chacune de ses dispositions.







Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 16 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. [Y] [B] demande à la cour de :

– infirmer l’ordonnance du 27 octobre 2022 et en conséquence,

– rejeter les fins de non-recevoir soulevées par maître [P] et la caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires,

Sur l’appel incident,

– à titre principal, juger irrecevable la fin de non-recevoir tirée de son défaut d’intérêt et de qualité à agir pour demander l’indemnisation du préjudice personnel découlant du défaut de rémunération de son droit d’auteur,

– à titre subsidiaire, rejeter la fin de non-recevoir tirée de son défaut d’intérêt et de qualité à agir pour demander l’indemnisation du préjudice personnel découlant du défaut de rémunération de son droit d’auteur,

– condamner maître [P] et la caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d’appel.



S’agissant de l’action en responsabilité contre le mandataire liquidateur au titre du préjudice résultant de la perte de boni de liquidation, il explique que l’application de la jurisprudence selon laquelle est exclusivement réservée au mandataire liquidateur sur le fondement de l’article L. 622-20 du code de commerce l’action en responsabilité du mandataire liquidateur pour avoir commis des irrégularités dans l’assignation en extension du passif à l’encontre d’un des associés, qui vise le préjudice commun des créanciers, signifierait que seul maître [P] a qualité pour engager une action contre lui-même, pour réparer le préjudice résultant de l’absence de recouvrement de certaines créances de la société [B] Techni-Conseil. Il ajoute que cependant, il est évident que maître [P] ne va pas exercer une action contre lui même.

Il fait valoir que cette impossibilité pour lui d’exercer une voie de recours est contraire à l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à l’article 13 de la même Convention qui protège le droit à un recours effectif.

S’agissant de la fin de non-recevoir tirée de son défaut de qualité et d’intérêt à agir pour engager la responsabilité de maître [P] pour perte de rémunération de son droit d’auteur, il soutient qu’il n’avait à déclarer cette créance que si elle était antérieure à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société [B] Techni-Conseil. Il précise qu’en l’espèce, la livraison de l’étude pour la commune de [Localité 8] et pour le SIAP des Gardies n’était pas intégralement intervenue avant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Il en déduit que les créances pour le règlement de ses droits patrimoniaux au titre de ses droits d’auteur sont postérieures à l’ouverture du redressement judiciaire et n’étaient donc pas soumises l’obligation de déclaration prévue par l’article L. 622-24 du code de commerce.

Il ajoute qu’il était la seule personne au sein de la société [B] Techni-Conseil disposant des compétences pour réaliser des études et qu’il justifie donc de l’intérêt et de la qualité pour demander la réparation du préjudice personnel résultant de la perte de rémunération de son droit d’auteur, au sens de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle.

Du reste, s’agissant de la prescription des demandes de réparation de ses préjudices personnels, il explique que ses préjudices concernant ses droits à la retraite et ses droits d’auteur n’ont été constitués qu’à compter du jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actifs, soit le 24 octobre 2018. Il souligne que l’action en responsabilié ne naît qu’à la suite de la réunion cumulative de la faute, du préjudice et du lien de causalité et qu’il faut que ces trois conditions soient apparues pour qu’existe le droit d’agir.

Enfin, concernant l’appel incident relatif à sa demande au titre de ses droits d’auteur, il indique que les intimés n’avaient soulevé son défaut d’intérêt et de qualité à agir qu’en ce qui concerne sa demande d’indemnisation au titre d’un boni de liquidation et qu’il s’agit donc d’une demande nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il précise qu’il ne s’agit pas d’une créance envers la société [B] Techni-Conseil mais d’une créance envers les clients de cette société. Il ajoute que l’action n’était pas possible tant que la liquidation judiciaire de la société [B] Techni-Conseil n’avait pas été clôturée pour insuffisance d’actif.





Aux termes de leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 16 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, maître [X] [P] et la caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires demandent à la cour de :

– infirmer l’ordonnance du 27 octobre 2022 uniquement en ce qu’elle a considéré que M. [Y] [B] avait un intérêt à agir concernant la perte de rémunération de droits d’auteur,

– confirmer l’ordonnance en ses autres dispositions,

– rejeter les demandes de M. [Y] [B] comme étant irrecevables pour défaut de qualité à agir et pour prescription,

– condamner M. [Y] [B] à verser à maître [X] [P] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui seront recouvrés par l’avocat postulant.



En premier lieu, ils rappellent que le mandataire a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers et que l’appelant qui prétend avoir subi un préjudice commun à l’ensemble des créanciers de la liquidation est irrecevable à exercer une action en responsabilité à l’encontre d’un tiers, même s’il est le liquidateur judiciaire pris à titre personnel. Ils ajoutent qu’en application de l’article L. 643-13 du code de commerce, en cas de clôture de la liquidation pour insuffisance d’actif, l’action en responsabilité diligentée à l’encontre du mandataire liquidateur doit être précédée d’un jugement de reprise. En outre, ils expliquent que pendant la procédure collective, il appartenait à M. [Y] [B] de faire désigner un mandataire ad’hoc afin de le représenter. Ils en déduisent qu’il n’y a pas d’atteinte à l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

De plus, s’agissant de la perte de rémunération de ses droits d’auteur invoquée par M. [Y] [B], ils précisent que ce dernier ne justifie d’aucune qualité et d’aucun intérêt à agir. Ils expliquent qu’en effet, il n’a déclaré aucune créance au passif de la procédure collective concernant d’éventuels droits d’auteur. Ils soulignent du reste que cette fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause, même pour la première fois en appel.

S’agissant de l’irrecevabilité des demandes de M. [Y] [B] pour cause de prescription, ils rappellent les dispositions de l’article 2224 du code civil et précisent que le point de départ du délai de prescription est la connaissance du fait générateur, c’est à dire le jour où la victime a eu connaissance du dommage. Ils en déduisent que le délai de prescription commence à courir à compter de l’apparition du dommage et non à partir de la survenance des préjudices qu’il provoque. Ils expliquent qu’ainsi, dès lors qu’une victime a connaissance d’une situation dommageable, ou ne peut légitimement l’ignorer, la prescription commence à courir. Ils ajoutent que le point de départ de la prescription d’une action en responsabilité contre un professionnel court à compter de la date à laquelle la victime du dommage résultant de cette faute a eu connaissance de l’erreur commise par le professionnel et de ses conséquences, même si elles ne se sont pas encore totalement produites. Ils soutiennent qu’en l’espèce, M. [Y] [B] avait, dès l’année 2015, une parfaite connaissance de la faute qu’il entend reprocher à maître [P] et du caractère irrémédiable de son préjudice.

Motivation






MOTIFS DE LA DECISION





Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir relative à la demande de réparation au titre du boni de la société [B] Techni-Conseil



Selon le premier alinéa de l’article L. 622-20 du code de commerce, ‘Le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers. Toutefois, en cas de carence du mandataire judiciaire, tout créancier nommé contrôleur peut agir dans cet intérêt dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.’



En application de ce texte, le mandataire judiciaire a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers. La même solution s’applique au liquidateur, en cas de liquidation judiciaire.



De plus, aux termes des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l’article L. 643-13 du code de commerce, ‘Si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d’actif et qu’il apparaît que des actifs n’ont pas été réalisés ou que des actions dans l’intérêt des créanciers n’ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise.

Le tribunal est saisi par le liquidateur précédemment désigné, par le ministère public ou par tout créancier intéressé. Il peut également se saisir d’office. S’il est saisi par un créancier, ce dernier doit justifier avoir consigné au greffe du tribunal les fonds nécessaires aux frais des opérations. Le montant des frais consignés lui est remboursé par priorité sur les sommes recouvrées à la suite de la reprise de la procédure.’



Ainsi, dans le cadre d’une liquidation judiciaire clôturée, l’action dans l’intérêt collectif des créanciers n’est pas envisageable sans le préalable de la réouverture de la procédure.



En l’espèce, les sommes susceptibles d’être allouées dans le cadre de l’action en responsabilité professionnelle engagée par M. [Y] [B] contre l’ancien liquidateur de la société [B] Techni-Conseil, dont la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d’actif, pour ne pas avoir recouvré certaines créances de cette société, constitueraient un actif qui devrait être distribué aux créanciers.



L’action en responsabilité contre le liquidateur, après clôture de la procédure pour insuffisance d’actif, est donc soumise à la reprise préalable des opérations de liquidation judiciaire dans les conditions de l’article L. 643-13 du code de commerce, puisqu’elle tend à la réparation d’un préjudice qui n’est pas distinct de celui subi par l’ensemble des créanciers de la procédure collective.



Certes, empêcher le débiteur d’agir et d’être représenté, puisque le liquidateur anciennement désigné ne peut assumer une mission tendant à voir engagée sa responsabilité, conduit à le priver de tout accès au tribunal, alors que ce droit est protégé par l’article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.



Toutefois, tel n’est pas le cas en l’espèce, une telle action pouvant être engagée, après réouverture préalable de la procédure de liquidation judiciaire et désignation d’un nouveau liquidateur.



En effet, la réouverture de la liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif n’est pas réservée à l’ancien liquidateur, dès lors que l’article L. 643-13, alinéa 2, précité prévoit que le tribunal peut aussi être saisi par le ministère public ou par tout créancier intéressé (Com, 29 mars 2023, pourvoi n° 21-20.683).



Il résulte de l’ensemble de ces éléments que c’est à juste titre que le premier juge a considéré que l’action engagée par M. [Y] [B] pour obtenir une indemnisation d’un montant de 25 323, 02 euros au titre du boni de la société [B] Techni-Conseil était irrecevable tenant l’absence de qualité à agir et l’absence de reprise de la procédure dans les conditions de l’article L. 643-13 du code de commerce. La décision déférée sera confirmée sur ce point.





Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir relative à la demande d’indemnisation de M. [Y] [B] au titre de la rémunération du droit de propriété intellectuelle dont il aurait été privé



Aux termes des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, ‘A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’



En l’espèce, la demande aux fins de voir déclarée irrecevable pour défaut de qualité la demande de M. [Y] [B] au titre de sa perte de rémunération de droits d’auteur, constitue une fin de non-recevoir pouvant être proposée en tout état de cause, en application de l’article 123 du code de procédure civile.



S’agissant de la déclaration de créance, en application du premier alinéa de l’article L. 622-24 du code de commerce, ‘A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d’État’.



En l’espèce, les créances revendiquées par M. [Y] [B] sont des créances qu’il explique avoir détenues à l’encontre de la commune de [Localité 8] et du SIAP des Gardies et dont il explique avoir été privé du fait du manque de diligence de maître [P].



Dans le cadre de l’instance engagée devant le tribunal judiciaire de Montpellier, il sollicite une indemnisation par le liquidateur du préjudice résultant pour lui de la privation de la rémunération qu’il devait percevoir de la commune de Saint-Etienne-du-Valdonnez et du SIAP des Gardies.



Or, étant donné que la créance revendiquée n’est pas une créance détenue contre la société [B] Techni-Conseil, il n’y avait lieu pour M. [Y] [B] de déclarer cette créance auprès du mandataire judiciaire.



Du reste, l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de la demande.



Si l’absence de convention entre M. [Y] [B] et la société [B] Techni-Conseil relative à la propriété de ses études, invoquée par les intimés, à la supposer établie, est susceptible de rendre la demande de l’appelant infondée, elle n’est pas susceptible de rendre la demande d’indemnisation de l’appelant irrecevable pour défaut de qualité ou défaut d’intérêt.



La demande de M. [Y] [B] relative à la rémunération au titre de la propriété intellectuelle dont il aurait été privé ne saurait donc être déclarée irrecevable pour défaut de qualité ou défaut d’intérêt.





Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes d’indemnisation de M. [Y] [B] au titre de la perte de chance de percevoir une retraite, au titre de la rémunération du droit de propriété intellectuelle dont il aurait été privé et au titre du préjudice moral



Selon les dispositions de l’article 2224 du code civil, ‘les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.’



La prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.



En l’espèce, s’agissant de sa demande relative à la perte des droits à la retraite, M. [Y] [B] reproche à maître [X] [P] la durée de la procédure en expliquant qu’en raison de cette durée, il a perdu la possibilité d’obtenir une retraite à taux plein.



Or, ce n’est qu’à compter de la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation de la SARL [B] Techni-Conseil, prononcée dans un jugement rendu le 24 octobre 2018 par le tribunal de commerce de Nîmes, que M. [Y] [B], connaissant la durée de la procédure de liquidation, a été en mesure d’appréhender l’existence de manquements éventuels de la part de maître [X] [P] et les conséquences susceptibles de résulter de tels manquements, au regard de ses droits à la retraite.



Certes, dans un courrier adressé au président du tribunal de commerce de Nîmes le 19 mars 2015, M. [Y] [B] a invoqué des irrégularités manifestes affectant la procédure de liquidation judiciaire.



Toutefois, si dans ce courrier, il faisait grief à maître [X] [P] d’avoir proposé une liquidation judiciaire alors qu’un redressement était envisageable et d’ être incompétent en matière de marchés publics, et indiquait solliciter la réparation de ses préjudices, il n’invoquait pas la durée excessive de la procédure de liquidation judiciaire, ni la perte de droits à la retraite.



De même, dans le courrier du 8 juin 2015, M. [Y] [B] n’invoquait pas cette perte de droits à la retraite en raison de la durée de la procédure.



Dans ces conditions, il ne saurait être considéré qu’à ces dates, M. [Y] [B] était en mesure d’apprécier la longueur de la procédure de liquidation susceptible d’être reprochée à maître [X] [P], ni d’apprécier le préjudice en résultant pour lui au regard de ses droits à la retraite.



Il s’ensuit que le point du départ du délai de prescription quinquennal doit être fixé à la date de la clôture de la procédure pour insuffisance d’actifs, soit le 24 octobre 2018 et que ce délai n’était pas expiré à la date à laquelle M. [Y] [B] a saisi le tribunal judiciaire de Montpellier.



La décision déférée sera infirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevable comme prescrite l’action de M. [Y] [B] au titre de la perte de ses droits à la retraite et la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande d’indemnisation formée au titre de la perte des droits à la retraite sera écartée.



En ce qui concerne la demande de M. [Y] [B] relative à sa perte du droit d’agir pour les prestations effectuées pour la commune de [Localité 8] et le SIAP des Gardies, l’appelant reproche à maître [X] [P] la longueur de la procédure et son absence de diligence l’ayant empêché d’exercer l’action qu’il détenait au visa de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle pour ses prestations.



Or, ce n’est qu’à compter de la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation de la SARL [B] Techni-Conseil, prononcée dans un jugement rendu le 24 octobre 2018 par le tribunal de commerce de Nîmes, que M. [Y] [B], connaissant la durée de la procédure de liquidation, a été en mesure d’appréhender l’ensemble des diligences effectuées par maître [X] [P] et les conséquences susceptibles de résulter de manquements de sa part au regard de son droit d’agir, conformément à l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle.



Si dans son courrier adressé au président du tribunal de commerce de Nîmes le 19 mars 2015, M. [Y] [B] a relevé des irrégularités manifestes affectant la procédure de liquidation judiciaire, il n’a invoqué, dans ce courrier, au titre de ses préjudices personnels, qu’une perte de remboursement d’impôts, une perte de salaire et une impossibilité d’exercer et d’entreprendre pendant trois ans.



Du reste, dans le courrier du 8 juin 2015, M. [Y] [B] n’évoque que la responsabilité de l’Eurl Conseil et Gestion et ne mentionne pas précisément les actions dont il aurait disposé au visa de l’article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle, en paiement de ses prestations effectuées pour la commune de [Localité 8] et du SIAP des Gardies.



Dans ces conditions, il ne saurait être considéré qu’à ces dates, M. [Y] [B] était en mesure d’apprécier l’ensemble des diligences effectuées par maître [X] [P], les manquements susceptibles de lui être reprochés et les conséquences éventuelles de ces manquements au regard des sommes qu’il pouvait percevoir pour les prestations par lui effectuées pour la commune de [Localité 8] et du SIAP des Gardies.



Il s’ensuit que le point du départ du délai de prescription quinquennal doit être fixé à la date de la clôture de la procéure pour insuffisance d’actif, soit le 24 octobre 2018 et que ce délai n’était pas expiré à la date à laquelle M. [Y] [B] a saisi le tribunal judiciaire de Montpellier.



La décision déférée sera infirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevable comme prescrite l’action de M. [Y] [B] au titre de la perte des sommes auxquelles il pouvait prétendre au titre de ses prestations pour la commune de [Localité 8] et du SIAP des Gardies, et la fin de non-recevoir tirée de la prescription sera écartée concernant cette demande.



Enfin, le point du départ du délai de prescription quinquennal doit être également fixé à la date de la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif, soit le 24 octobre 2018, pour ce qui concerne la demande d’indemnisation du préjudice moral.



En effet, ce n’est qu’à cette date que M. [Y] [B] était en mesure d’apprécier l’ensemble des diligences effectuées par maître [X] [P], les manquements susceptibles de lui être reprochés et les conséquences éventuelles de ces manquements et le préjudice moral susceptible de lui être causé.



Le délai de prescription quinquennal n’étant pas expiré à la date à laquelle M. [Y] [B] a saisi le tribunal judiciaire de Montpellier, la décision déférée sera également infirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevable comme prescrite la demande au titre du préjudice moral et la fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette demande sera rejetée.





Sur les frais irrépétibles et les dépens



Dans la mesure où il n’est fait droit que partiellement aux fins de non-recevoir soulevées par maître [X] [P] et la caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les dépens de première instance et d’appel par elles exposés, ainsi que les frais par elles engagés en marge des dépens.



La décision déférée sera donc infirmée en ce qu’elle a condamné M. [Y] [B] au paiement d’indemnités en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance.



M. [Y] [B], ainsi que maître [X] [P] et la caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires seront déboutés de leurs demandes formées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens exposés en première instance et en cause d’appel.




Dispositif

PAR CES MOTIFS



La Cour



Confirme l’ordonnance rendue le 27 octobre 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montpellier en ce qu’elle a déclaré irrecevable l’action en responsabilité engagée par M. [Y] [B] contre maître [X] [P] pour obtenir une indemnisation d’un montant de 25 323, 02 euros au titre du boni de la société [B] Techni-Conseil,



Infirme l’ordonnance rendue le 27 octobre 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montpellier pour le surplus,



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande d’indemnisation formée au titre de la perte des droits à la retraite,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt et de qualité à agir s’agissant de la demande de M. [Y] [B] au titre de la rémunération de son droit de propriété intellectuelle,



Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande d’indemnisation formée au titre de ses prestations effectuées pour la commune de [Localité 8] et du SIAP des Gardies,



Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande au titre du préjudice moral,



Déboute maître [X] [P] et la caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires de leurs demandes formées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,



Déboute M. [Y] [B] de ses demandes formées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,



Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens par elle exposés en première instance et en appel.



Le greffier Le président


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