Comment apprécier le caractère distinctif d’une marque ?

Aux termes de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction en vigueur à compter du 15 décembre 2019, ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclaré nuls :(…)

2° Une marque dépourvue de caractère distinctif ;(…)

5° Un signe constitué exclusivement par la forme ou une autre caractéristique du produit imposée par la nature même de ce produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ou qui confère à ce produit une valeur substantielle ;(…)

Dans les cas prévus aux 2°, 3° et 4°, le caractère distinctif d’une marque peut être acquis à la suite de l’usage qui en a été fait.

Ces dispositions sont la transposition en droit interne de l’article 4 de la directive (UE) n° 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques. L’objectif de l’interdit posé au 5° de l’article L. 711-2 précité du code de la propriété intellectuelle est d’éviter de conférer au titulaire de la marque un monopole sur des solutions techniques ou des caractéristiques utilitaires d’un produit, susceptibles d’être recherchées par l’utilisateur dans les produits des concurrents, et d’éviter que le droit exclusif et permanent conféré par une marque puisse servir à perpétuer, sans limitation dans le temps, d’autres droits que le législateur de l’Union a voulu soumettre à des délais de péremption (CJUE, 16 septembre 2015, Société des produits Nestlé, C-215/14, points 44 et 45).

Il est constant que le caractère distinctif d’une marque s’apprécie, d’une part, par rapport aux produits et services pour lesquels l’enregistrement est demandé et d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent.

S’agissant d’une marque tridimensionnelle constituée par l’apparence du produit lui-même, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et est, de ce fait, susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine, n’est pas dépourvue de caractère distinctif (voir par exemple CJUE 12 décembre 2019 Wajos c/ EUIPO, C-783/18 P, pt 23, et jurisprudence antérieure citée dans cet arrêt, notamment CJCE, 12 février 2004, Henkel, C-218/01, pt 49).

En l’espèce, la société Tolix steel design est titulaire de la marque française tridimensionnelle n°4413078 enregistrée pour désigner les produits et services de la classe n°20 “tabourets métalliques”.

Le public pertinent peut être défini comme tout consommateur souhaitant acquérir un tabouret, c’est à dire le grand public, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, s’agissant de biens de consommation courante.

Dans la mesure où la validité de la marque s’apprécie par rapport aux produits mentionnés au dépôt, il n’y a pas lieu de limiter ce public au consommateur ayant un niveau d’attention plus élevé, comme le demande la société Tolix steel design en invoquant ses tarifs plus élevés, ou encore aux seuls amateurs de produits d’ameublement inspirés du design industriel.

En la cause, la société Tolix steel design n’établit pas que sa marque, qui représente le tabouret H, diverge significativement ou de manière surprenante de la norme ou des habitudes du secteur.

Le rapport d’étude qu’elle produit en pièce n°112, daté d’avril 2023, qui, au demeurant, porte sur un échantillon de répondants plus restreint que le public pertinent préalablement défini puisqu’il est composé de personnes qui résident dans des grandes villes et appartiennent à certaines catégories socioprofessionnelles seulement, permet d’établir que si 28% du public interrogé associe ce tabouret à une marque spécifique, seuls 12% font le lien avec la société Tolix steel design. Ce pourcentage atteint 21,4% lorsqu’il est demandé aux personnes interrogées d’identifier la société Tolix au milieu de cinq autres marques citées. Il n’est donc pas démontré que le public pertinent rattache majoritairement la forme du tabouret H à la société Tolix steel design.

Le fait que les personnes sondées dans le cadre de cette étude expriment le sentiment qu’il s’agit de produits solides et de qualité, voire de fabrication française, ne permet pas non plus de déduire un rattachement à une origine commerciale déterminée. La représentation du tabouret ne garantit donc pas au public pertinent l’identité d’origine du produit lui permettant de distinguer les produits, sans confusion possible, de ceux des sociétés concurrentes.

Par conséquent, la marque litigieuse, en ce qu’elle ne remplit pas sa fonction de garantie d’origine des produits désignés, est dénuée de distinctivité intrinsèque.

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