Comment ajouter des activités connexes à un bail commercial ?

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Comment ajouter des activités connexes à un bail commercial ?
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Le locataire, s’il peut s’adjoindre des activités connexes ou accessoires au bail commercial doit faire connaître son intention à son preneur par acte extra-judiciaire, ou, également depuis le 6 aôut 2015, par lettre recommandée avec accusé de réception (L 145-47 du Code de commerce)

L’accord du bailleur à une telle modification peut être tacite à condition d’être non équivoque et l’attitude passive du bailleur n’implique pas, à elle seule, un consentement à un changement de destination des lieux en l’absence d’autres circonstances.

Il faut en effet des actes positifs du bailleur manifestant de manière non ambiguë sa volonté d’autoriser la modification de la destination contractuelle des lieux qui ne peut résulter d’une simple tolérance.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 08 Novembre 2022
 
N° RG 19/01024 – N° Portalis DBVY-V-B7D-GHQ7
 
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY en date du 29 Avril 2019
 
Appelante
 
SA SEML [Adresse 3] HABITAT dont le siège social est situé [Adresse 4]
 
Représentée par la SELARL CABINET ALCALEX, avocats au barreau de CHAMBERY
 
Intimé
 
M. [P] [U]
 
né le 02 Juin 1967 à [Localité 5] (Yougoslavie), demeurant [Adresse 1]
 
Représenté par la SCP SAILLET & BOZON, avocats au barreau de CHAMBERY
 
— =-=-=-=-=-=-=-=-
 
Date de l’ordonnance de clôture : 13 Juin 2022
 
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 septembre 2022
 
Date de mise à disposition : 08 novembre 2022
 
— =-=-=-=-=-=-=-=-
 
Composition de la cour lors des débats et du délibéré :
 
— Mme Hélène PIRAT, Présidente,
 
— Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,
 
— Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,
 
avec l’assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
 
— =-=-=-=-=-=-=-=-
 
Faits et Procédure :
 
Suivant acte authentique en date du 13 juin 2007, reçu par Me [Z], notaire, M. [P] [U] acquérait le fonds de commerce de la SARL Colysée, sis [Adresse 1].
 
Suivant acte authentique du même jour, un bail commercial était conclu entre M. [P] [U] et la SCI Danielle, propriétaire des murs sis [Adresse 1], cadastré section BM n°[Cadastre 2] et comprenant :
 
— une cave en sous-sol,
 
— un local commercial à usage de salle de café et dépendances en rez de chaussée,
 
— un wc et un vestibule à l’entresol.
 
Suivant acte authentique en date du 20 septembre 2013, la SCI Danielle vendait les biens donnés à bail commercial à la société Saiem dénommée désormais la SML [Adresse 3] Habitat, M. [P] [U] ayant été informé de la cession.
 
Par acte en date du 14 décembre 2015, M. [P] [U] sollicitait le renouvellement de son bail, à compter du 13 juin 2016.
 
Parallèlement, par ordonnance en date du 11 février 2016, le président du tribunal judiciaire de Chambéry autorisait un huissier de justice mandaté par la société Saiem, à pénétrer dans le local commercial Le Colisée, afin d’effectuer toute constatation utile concernant la réalité de l’activité exercée par l’établissement.
 
Par actes en date du 11 mars 2016, la société Saiem devenue ultérieurement la SEML [Adresse 3] habitat, faisait signifier à son locataire une mise en demeure d’avoir à se conformer aux clauses du bail commercial et un refus de renouvellement du bail commercial, pour motifs graves et légitimes, sans indemnité d’éviction.
 
Par courrier de son avocat, M. [P] [U] contestait le refus de renouvellement du bail commercial, sans indemnité d’éviction, estimant que son établissement n’était pas en infraction vis-à-vis des clauses du bail commercial. La société Saiem maintenait sa position.
 
Par acte en date du 19 mai 2016, M. [P] [U] assignait la SEML [Adresse 3] habitat devant le tribunal judiciaire de Chambéry aux fins notamment de voir dire et juger que le refus du renouvellement du bail commercial sans indemnité d’éviction a été signifié pour une date postérieure au renouvellement du bail commercial par l’effet de la demande de renouvellement signifié par le preneur.
 
Par jugement en date du 29 avril 2019, le tribunal judiciaire de Chambéry, sous le bénéfice de l’exécution provisoiore :
 
— disait que le bail conclu entre M. [P] [U] et la SEML [Adresse 3] habitat avait pris fin le 12 juin 2016 à minuit et qu’il n’avait pas été renouvelé tacitement,
 
— disait que la SEML [Adresse 3] habitat ne démontrait pas les manquements de son locataire aux obligations du bail, de nature à justifier un refus de renouvellement sans indemnité d’éviction et devait donc lui verser une indemnité d’éviction,
 
— ordonnait avant dire droit sur le montant de l’indemnité d’éviction, une expertise confiée à Mme [V] [H] avec rappel à l’audience de mise en état après dépôt du rapport le le 10 octobre 2019, réservant les dépens et l’indemnité procédurale.
 
Par déclaration au Greffe en date du 30 mai 2019, la SEML [Adresse 3] habitat interjetait appel de cette décision en toutes ses dispositions à l’exception de la première disposition (non renouvellement du bail).
 
Prétentions des parties :
 
Par dernières écritures en date 30 août 2019, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SEML [Adresse 3] habitat sollicitait l’infirmation partielle du jugement déféré et demandait à la cour de :
 
A titre principal,
 
— dire le refus de renouvellement du bail commercial notifié à M. [P] [U] par elle, selon exploit d’huissier du 11 mars 2016, parfaitement fondé et justifié,
 
— dire que M. [P] [U] ne peut solliciter le bénéfice d’une indemnité d’éviction en raison de la violation par ses soins de la destination des lieux loués, laquelle constitue un motif grave et légitime de non-renouvellement du bail commercial,
 
— ordonner dès lors son expulsion et celle de tout occupant de son chef sous astreinte de 500’euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à venir et ce, au besoin avec l’aide et l’assistance de la force publique et d’un serrurier,
 
A titre subsidiaire,
 
— constater que M. [P] [U] avait, en raison du changement de destination des lieux loués prohibés par le bail commercial, commis une faute grave et renouvelée des obligations contractuelles,
 
— prononcer dès lors la résiliation judiciaire du bail commercial,
 
— dire que M. [P] [U] ne pouvait solliciter le bénéfice d’une indemnité d’éviction,
 
— ordonner dès lors son expulsion et celle de tout occupant de son chef sous astreinte de 500’euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à venir et ce, au besoin avec l’aide et l’assistance de la force publique et d’un serrurier,
 
En toutes hypothèses
 
— débouter M. [P] [U] de l’intégralité de ses moyens, fins et prétentions,
 
— condamner en revanche M. [P] [U] à régler à la SEML [Adresse 3] habitat une somme de 3’000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— le condamner enfin aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de Me Véronique Lorelli, avocat de la SELARL Alcalex, sur son affirmation de droit, et en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
 
Au soutien de ses prétentions, la SEML [Adresse 3] habitat faisait valoir que :
 
— la mention de la date d’expiration du bail n’était nullement une mention obligatoire de l’acte extra-judiciaire de refus de renouvellement ou une mention prescrite à peine de nullité, et que par ailleurs, le bail n’a pas pris fin au 12 juin 2016 puisque cette date constituait le dernier jour du bail, ce dernier a donc bien pris fin au 13 juin 2016 à 00h00,
 
— M. [P] [U] ne respectait pas la destination des lieux loués en exploitant, à titre principal et de façon constante et continue depuis plusieurs années, une activité de type « cabaret, night-club ou bar de nuit avec hôtesses » ce qui justifiait à tout le moins une résolution judiciaire du bail et le non paiement d’une indemnité d’éviction,
 
— les termes du courrier en date du 1er novembre 2008 envoyé par la SCI Danielle ne peuvent être interprétés comme une autorisation du bailleur à exercer une activité autre que celle visée au bail commercial, la nuit exclusivement,
 
Par dernières écritures d’intimé en date du 20 novembre 2019, régulièrement notifiées par voie de communication électroniqu, M. [P] [U] demandait à la cour de :
 
— débouter la SEML [Adresse 3] habitat de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions,
 
— confirmer le jugement de première instance rendu le 29 avril 2019 dans toutes ses dispositions,
 
— condamner la SEML [Adresse 3] habitat à lui payer la somme de 5’000’euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Saillet & Bozon, société d’avocats, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
 
Au soutien de ses prétentions, M. [P] [U] faisait valoir que :
 
— les parties s’accordaient pour considérer que le refus de renouvellement notifié par le bailleur avait mis fin au bail commercial le 12 juin 2016 à minuit,
 
— la pertinence de l’argumentation des premiers juges selon laquelle la bailleresse n’apportait pas la preuve qu’il exerçait dans les lieux loués des activités de cabaret ou de bar à champagne et que l’activité de bar de nuit qu’il exerçait, avec au demeurant l’autorisation de sa bailleresse initiale, ne contrevenait pas aux obligations du bail,
 
— M. [P] [U] n’exerçait pas une activité de « bar, petite restauration, sandwicherie » comme prévue au bail mais uniquement une activité de bar de licence IV et le fait ne pas exercer les autres activités ne caractérisait pas un manquement de sa part à la destination des lieux.
 
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
 
Une ordonnance en date du 13 juin 2022 clôturait l’instruction de la procédure.
 
MOTIFS ET DÉCISION :
 
Sur l’existence de manquements du preneur aux obligations du bail commercial
 
La cessation du bail commercial conclu entre les parties est désormais acquise dès lors que M. [P] [U] et que la SML [Adresse 3] Habitat sollicitent la confirmation du jugement entrepris, en ce qu’il a dit que le bail avait pris fin le 12 juin 2016 à minuit et qu’il n’avait pas été renouvelé tacitement. Par ailleurs, la demande d’expulsion de la SML [Adresse 3] Habitat formée à l’encontre de M. [P] [U] est devenue sans objet suite à la restitution des lieux intervenue le 30 juin 2020 et constatée par un procès-verbal d’huissier en date du 30 juin 2020, versé aux débats par la SML [Adresse 3] Habitat elle-même.
 
Ainsi, la cour doit se prononcer désormais uniquement sur l’existence de manquements de la part de M. [P] [U] aux obligations du bail commercial de nature à justifier un refus de renouvellement de la part de la bailleresse sans indemnité d’éviction, comme l’estime la SML [Adresse 3] Habitat.
 
En cas de refus de renouvellement du bail, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement en vertu de l’article L 145’14 du code de commerce.
 
Parmi les exceptions prévues au paiement de cette indemnité d’éviction, l’article L 145’17 premièrement du code précité énonce ‘Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité : 1° S’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. Toutefois, s’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l’article L. 145-8, l’infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelée plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa’.
 
En l’espèce, par acte extrajudiciaire du 11 mars 2016 reproduisant le texte précité, la SML [Adresse 3] Habitat a fait signifier à son locataire son refus de renouvellement en raison d’un changement de destination des lieux loués sans autorisation préalable du bailleur, constituant un manquement grave aux conditions du bail, avec mise en demeure de régulariser sa situation dans un délai d’un mois.
 
En effet, la SML [Adresse 3] Habitat soutenait que son locataire n’exerçait pas l’activité visée au bail commercial de « bar, petite restauration, sandwicherie et vente à emporter » mais ‘une activité de cabaret- bar de nuit ou club avec hôtesses’.
 
Selon l’article R 145-5 du code de commerce, ‘La destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L 145-47 à L. 145-55 et L. 642-7″.
 
En l’espèce, le bail commercial conclu le 13 juin 2007 entre la SCI Danielle et M. [P] [U] prévoyait à la clause ‘destination des lieux loués’ que :
 
‘ Les locaux faisant l’objet du présent bail devront être consacrés par le « preneur ” à l’exploitation de son activité de bar (licence IV), petite restauration, sandwicherie et vente à emporter, jeux non réglementés, à l’exclusion de tout autre même temporairement.
 
Toutefois, le « preneur ” peut adjoindre des activités connexes ou complémentaires dans les conditions prévues par l’article L 145-47 du code de commerce ou être autorisé à exercer des activités différentes dans les cas prévus par l’article L 145-48 du même code.
 
M. [P] [U] produit un courrier du 1er novembre 2008 de la SCI Danielle stipulant : ‘Monsieur en réponse à votre lettre me demandant l’autorisation d’ouvrir votre bar « Le Colisée ” la nuit, je vous informe que l’activité « café, bar brasserie, petite restauration rapide ” mentionnée au registre du commerce et des sociétés vous autorise à exploiter la licence IV selon la loi en vigueur’.
 
1- Sur la destination réelle des lieux loués :
 
Il résulte du constat d’huissier en date du 26 février 2016 sollicité par la bailleresse et dûment autorisé par ordonnance sur requête et établi dans l’établissement ‘le colysée’ à partir de 22 h 30 :
 
— que les deux côtés extérieurs de l’établissement portent en fronton le mot ‘cabaret’,
 
— que les vitres en façade et la porte d’entrée sont occultés ce qui ne permet pas pour une personne située à l’extérieur de voir l’intérieur de l’établissement,
 
— que l’accès à l’établissement n’est pas libre dès lors que la porte d’entrée, fermée, ne dispose pas d’une poignée extérieure, qu’une caméra extérieure permet de visualiser la personne qui désire entrer et que la porte est ouverte par un employé se trouvant à l’intérieur,
 
— qu’à l’intérieur, dans la pénombre car dépourvu de lumières, hormis celles rouges situées au-dessus du bar (meuble), outre ce bar avec des tabourets, le mobilier est composé essentiellement de canapés, de fauteuils, avec tables basses, dont certains sont disposés dans deux alcoves pourvues de rideaux ; d’une boule à facettes, d’enceintes et de spots, ainsi qu’une barre de pole dance avec autour un revêtement en lino différent de celui du reste de la salle,
 
— que le personnel présent est exclusivement féminin (quatre personnes) et que l’une d’elle consomme du champagne au bar avec un client.
 
Par ailleurs, suite à la consultation d’internet par l’huissier, il apparaît que M. [P] [U] recherchait sur le site ‘marche.fr’ comme salarié ‘pour son cabaret, bar de nuit’, ‘une hôtesse’, la description de l’emploi était l’accueil des clients et la compagnie de la clientèle’ avec des horaires de 21 h 30 à 5 h, le logement étant assuré, ce type d’annonce figurant également sur lec compte facebook du Colysée. Ce type d’annonce ne correspond à l’évidence pas à un établissement ayant pour activités ‘bar (licence IV), petite restauration, sandwicherie et vente à emporter, jeux non réglementés’, dont les employés sont des serveurs ou serveuses avec la tâche est d’accueillir et de servir les clients mais non de tenir compagnie à la clientèle. Il ressort également de la page du Bar le Colisée sur le site ‘placehours.com’ que la description de ce bar était ‘ bar à champagne, cabaret, club privé’ ce qui ne correspond pas à nouveau à la destination des lieux prévue dans le bail (qui mentionne par ailleurs que le local commercial est une une salle à usage de café), tout comme également l’annonce figurant sur le site ‘annuaire horaire’ dans laquelle il est indiqué ‘cabaret, soirée dîner, salle de spectacle de danse, show’, annonce en adéquation parfaite avec la description des lieux faite par l’huissier et plus particulièrement , le mobilier, la barre de pole danse, les enceintes ou encore la boule à facettes. Certes, M. [P] [U] n’est pas responsable des annonces faites sur le site internet ‘placehours’ ou sur le site ‘annuaire horaire’ mais il n’apparaît pas qu’il ait donné un avis rectificatif comme ces sites le permettent et s’agissant des autres sites, il est à l’origine des données de son compte facebook et des annonces sur ‘marche.fr’ site d’offres d’emploi gratuit. Au demeurant, lui-même a déclaré sa société exploitant le local commercial au registre du commerce et des sociétés comme ayant pour objet ‘bar, club, cabaret, discothèque’.
 
M. [P] [U] fait état d’un avis de la commission de secours et d’incendie en date de début 2009 suite à une visite sur les lieux le 21 novembre 2008 qui indiquait la présence d’une mini-chaîne assurant la diffusion d’une musique d’ambiance, laquelle ne permettait pas de considérer qu’il s’agissait d’un cabaret ou établissement à spectacle, la commission constatant toutefois que l’établissement était un bar de nuit avec hôtesses. Il sera observé que M. [P] [U] a indiqué lui-même avoir changé son mode d’exploitation de son commerce à peu près à cette époque en ouvrant son établissement de nuit et que la commission n’a pas précisé les conditions de sa visite notamment son heure et n’a pas décrit les lieux.
 
Ainsi, il est établi au vu de l’ensemble de ces éléments que M. [P] [U] a modifié son activité de bar pour en faire un cabaret-bar de nuit avec hôtesses pouvant aussi être dénommé club privé, établissement dans lequel les prestations proposées à la clientèle différent de celle de la simple exploitation d’une licence IV (vente de boissons alcoolisées).
 
2 – sur l’autorisation des bailleurs :
 
M. [P] [U] se prévaut d’une autorisation de la SCI Danielle pour exercer son activité de bar la nuit.
 
Il est certain que le bail ne prévoit aucun horaire d’ouverture de l’établissement et que rien n’interdit à un bar d’ouvrir la nuit si l’exploitant a suivi une formation spécialisée et a obtenu le permis d’exploiter ce que ne justifie pas M. [P] [U] au demeurant.
 
Il est certain également que Mme [L] de la SCI Danielle a adressé une réponse en date du 1er novembre 2008, à M. [P] [U] qui lui demandait l’autorisation d’ouvrir son établissement la nuit. Cependant, la demande de M. [P] [U] n’est pas produite aux débats et la cour en ignore son contenu exact et Mme [L] s’est contentée de répondre que M. [P] [U] était autorisé à exploiter la licence IV selon la loi en vigueur. Cette réponse ne saurait en aucun cas être considérée comme une autorisation d’exercer une autre activité ou même une activité complémentaire ou accessoire à celle mentionnée dans le bail, ne faisant référence qu’à l’exploitation d’une licence IV.
 
Surtout, en vertu de l’article L 145-47, le locataire, s’il peut s’adjoindre des activités connexes ou accessoires, doit faire connaître son intention à son preneur par acte extra-judiciaire, ou, également depuis le 6 aôut 2015, par lettre recommandée avec accusé de réception, démarches que M. [P] [U] n’invoque pas avoir réalisées.
 
Certes, l’accord du bailleur à une telle modification peut être tacite à condition d’être non équivoque et l’attitude passive du bailleur comme M. [P] [U] l’invoque n’implique pas, à elle seule, un consentement à un changement de destination des lieux en l’absence d’autres circonstances. Il faut en effet des actes positifs du bailleur manifestant de manière non ambiguë sa volonté d’autoriser la modification de la destination contractuelle des lieux qui ne peut résulter d’une simple tolérance.
 
Or en l’espèce, non seulement aucune de deux bailleresses n’a manifesté d’accord tacite non équivoque, mais la SCI Danielle n’a pas mentionné lors de la vente de l’immeuble à la SML [Adresse 3] Habitat (ex-SAIEM) une modification de la destination des lieux ou une adjonction d’activités, ce qu’elle aurait du faire en cas d’accord sur la destination des lieux loués.
 
Par ailleurs, la régularité formelle de la sommation en date du 11 mars 2016 délivrée par la SML [Adresse 3] Habitat à M. [P] [U] n’est pas mise en cause et il est établi que M. [P] [U] a poursuivi son activité de bar à champagne – club privé de nuit au-delà du délai d’un mois à compter de la sommation comme en atteste le constat d’huissier dûment autorisé en date du 16 septembre 2017 à 0 h 45 qui reprenait les mêmes éléments que le constat précédent (à l’exception de la nature des consommations des clients non spécifiée) et ajoutait les données suivantes : depuis l’extérieur, la musique de l’intérieur est audible ; présence de quatre jeunes femmes employées en short court et débardeur ou robe courte, la notion de ‘tenue correcte exigée’ comme figurant dans les annonces d’emploi, étant manifestement appréciée avec peu de rigueur par M. [P] [U].
 
M. [P] [U] excipe d’un constat d’huissier en date du 7 avril 2016 duquel il résulte qu’il a fait ôter sur les enseignes extérieures le mot ‘cabaret’ et l’a fait remplacer par le mot ‘bar’, ainsi que d’un contrat auprès de la SACEM en date du 28 juin 2016 remplaçant un contrat d’avril 2011 non produit, mentionnant comme conditions d’exploitation déclarées par le contractant à la signature des présentes ‘bar à ambiance musicale’ et ‘piste de danse non utilisée’. Cependant ces mentions sur le contrat avec la Sacem émanent de M. [P] [U] lui-même mais elles démontrent à minima que ce dernier considérait avoir une piste de danse, et il a fait rajouter à côté de l’enseigne ‘bar’ le mot ‘d’ambiance’ comme le démontre sa pièce 12 (photographie de la devanture de l’établissement’), dans une volonté manifeste d’entretenir une certaine ambiguïté sur la nature exacte de son activité.
 
Ainsi, la modification de la destination des lieux loués opérée par M. [P] [U] (activité de bar devenue club privé de nuit-bar de nuit à hôtesses), sans accord de ses bailleresses successives, et sans retour à la destination prévue dans le bail commercial dans le délai d’un mois à compter de la mise en demeure, constitue une infraction grave au bail et justifie le refus de renouvellement sans indemnité d’éviction. En conséquence, le jugement sera infirmé partiellement.
 
Sur l’indemnité procédurale et les dépens
 
M. [P] [U], qui succombe, sera tenu aux dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de Me Lorelli, avocate de la Selarl Alcalex, sur son affirmation de droit, en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.
 
L’équité commande de faire droit à la demande d’indemnité procédurale de la SML [Adresse 3] Habitat à hauteur de 2 000 euros.
 
PAR CES MOTIFS,
 
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
 
Confirme le jugement entrepris uniquement en ce qu’il a dit que le bail conclu entre M. [P] [U] et la SML [Adresse 3] Habitat avait pris fin le 12 juin à minuit et qu’il n’avait pas été renouvelé tacitement,
 
Infirme le jugement entrepris sur le surplus,
 
Statuant à nouveau,
 
Dit qu’en raison du manquement de M. [P] [U] à ses obligations résultant du bail commercial en date du 13 juin 2007 conclu avec la SCI Danielle aux droits de laquelle se trouve désormais la SML [Adresse 3] Habitat, le refus de renouvellement du bail par cette dernière sans indemnité d’éviction, était justifié,
 
En conséquence,
 
Dit que la SML [Adresse 3] Habitat ne sera pas tenue de verser à M. [P] [U] une indemnité d’éviction à la suite du refus de renouvellement du bail commercial les liant, lequel a pris fin le 12 juin 2016 à minuit,
 
Déboute M. [P] [U] de l’ensemble de ses prétentions,
 
Dit que la demande d’expulsion formée par la SML [Adresse 3] Habitat à l’encontre de M. [P] [U] est devenue sans objet,
 
Condamne M. [P] [U] aux dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de Me Lorelli, avocate de la Selarl Alcalex, sur son affirmation de droit,
 
Condamne M. [P] [U] à payer la SML [Adresse 3] Habitat à la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
 
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
 
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
 
Le Greffier, La Présidente,
 

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