Commandes pour la publicité : décision du 16 septembre 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 11/00536

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Commandes pour la publicité : décision du 16 septembre 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 11/00536
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Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2011

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/00536.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2009 – Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 1ère Section – RG n° 07/05318.

APPELANT :

Monsieur [T]-[I] [O]

demeurant [Adresse 2],

représenté par Maître Luc COUTURIER, avoué à la Cour,

assisté de Maître Antoine BONNIER substituant Maître Stéphane CHERQUI, avocat au barreau de PARIS, toque D 1307.

INTIMÉE :

SAS CAUDALIE

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1],

représentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués à la Cour,

assistée de Maître Vincent VARET, avocat au barreau de PARIS, toque P 539.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 24 juin 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur GIRARDET, président,

Madame NEROT, conseillère,

Madame REGNIEZ, conseillère.

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame NEROT, conseillère, en l’empêchement du président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

La société Caudalie est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits de beauté réalisés à base de pépins de raisins.

Entre 2000 et 2004, elle fit appel à [T]-[I] [O], notamment, pour la réalisation de visuels photographiques destinés à la mise en image de ses produits.

Estimant qu’elle exploitait 15 de ses photographies sans avoir conclu avec lui une convention de cession de droits de reproduction, Monsieur [O] assigna la société Caudalie en contrefaçon devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement en date du 2 juin 2009, le tribunal déclara tout d’abord que Monsieur [O] ne rapportait pas la preuve de sa qualité d’auteur de plusieurs des photographies en cause et que pour les autres, il n’établissait pas l’originalité de son apport.

Vu les dernières écritures en date du 25 mai 2011 de [T] -[I] Benedetti qui soutient rapporter la preuve de sa qualité d’auteur, demande à la cour de constater l’originalité de chacune des oeuvres photographiques en cause et de condamner la société Caudalie à lui verser les sommes de 250 074 euros en réparation de l’atteinte portée à ses droits patrimniaux et de 50 000 euros en réparation de l’atteinte portée à son droit moral ;

Vu les dernières écritures en date du 24 février 2011 de la société Caudalie qui demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a dit que Monsieur [O] établissait sa qualité d’auteur des photographies des produits : Fleur de vigne Voile parfumé, Eau fraîche énergisante, Crème tisane de nuit, Eau de beauté 30 ml et Sérum liftant, et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande pour procédure abusive ; subsidiairement, elle demande à la cour de dire qu’il s’agit d”uvres collectives et en tout cas, qu’elle est cessionnaire des droits nécessaires à leur reproduction ; elle conclut à la condamnation de l’appelant à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Sur la recevabilité des dernières pièces communiquées :

Considérant que le jour de la clôture intervenue le 9 juin dernier, la société Caudalie a communiqué sous les n° 52, 53 et 54, trois nouvelles pièces que l’appelante nous demande de rejeter des débats ;

Considérant qu’il appartient au juge en application des articles 15 et 16 du Code de procédure civile de respecter et de faire respecter le principe de la contradiction ;

Qu’en l’espèce, il est manifeste que cette communication qui pouvait intervenir bien avant la date de clôture, ne met pas l’appelant en mesure de prendre utilement connaissance des pièces en cause et d’y répliquer ;

Qu’il échet en conséquence de les rejeter des débats ;

Sur la qualité d’auteur de [T] -[I] Benedetti :

Considérant que les premiers juges ont dit que pour 8 photographies, Monsieur [O] ne rapportait pas la preuve de sa qualité, retenant en revanche qu’il rapportait cette preuve pour les photos dénommées Fleur de Vigne Voile Parfumé, Crème Tisane de nuit et Eau de Beauté 30ml ;

Considérant que la société Caudalie soutient que l’appelant ne rapporte pas la preuve de sa qualité d’auteur de l’ensemble des photographies qu’il revendique ; qu’elle avance que cette preuve ne peut résulter de la seule détention des ektachromes, copies d’ektachromes ou fichiers numériques versés aux débats d’autant que des différences significatives existent entre les ektas et les photographies litigieuses et que ces différences ne sont pas le fruit de retouches qui auraient pu être apportées à ses ‘uvres mais sont l’expression d”uvres distinctes ;

Mais considérant qu’il est indifférent à ce stade de déterminer si les photographies incriminées par l’appelante sont le résultat d’un travail effectué sur les oeuvres revendiquées par Monsieur [O] ou si elles constituent des ‘uvres distinctes réalisées par un autre photographe ; que cet examen n’est en effet utile qu’au regard de l’appréciation de la contrefaçon et nullement pour déterminer si l’appelant justifie de sa qualité d’auteur ;

Considérant à cet égard, qu’il est acquis aux débats que Monsieur [O] a travaillé entre 2000 à 2004 à la demande de la société Caudalie pour la réalisation de visuels destinés à être reproduits dans son catalogue et sur les conditionnements de certains de ses produits ; que la société Caudalie ne prétend d’ailleurs pas qu’elle ne lui aurait pas demandé de réaliser des visuels pour les produits présentés sur ces photographies ;

Que dans un tel contexte la possession par Monsieur [O] des ektachromes constitue une présomption de sa qualité d’auteur, présomption qui est corroborée par le fait que la société Caudalie ne produit aucune pièce qui permettrait d’attribuer à un autre auteur que l’appelant la paternité des oeuvres photographiques qu’il revendique ;

Considérant qu’il suit que les pièces produites par Monsieur [O] suffisent à établir sa qualité d’auteur sur l’ensemble des ‘uvres en cause ;

Sur l’originalité :

Considérant que l’intimée estime que l’appelant ne démontre pas en quoi sa participation à la réalisation des photographies qui ne sont que la représentation fidèle de produits cosmétiques et de leur conditionnement peut leur conférer une originalité quelconque et l’investir d’un droit d’auteur, dans la mesure où Monsieur [O] n’a fait que procéder à des choix purement techniques qui relèvent d’un simple savoir faire qu’il a mis en ‘uvre sous sa direction ;

Considérant cependant que la société Caudalie n’établit nullement la nature des directives précises et impératives qu’elle aurait données à Monsieur [O] pour chacune des photographies en cause et dont la précision auraient été telles qu’elle aurait privé celui-ci de tout apport créatif ;

Considérant en revanche, que ces photographies ont pour objet et pour effet de mettre en valeur et de promouvoir des produits en les rendant attractifs et en faisant notamment ressortir les qualités esthétiques de leur conditionnement ;

Que ce résultat n’a pu être atteint que par, notamment, une réflexion préalable du photographe dont rendent compte ses choix de composition, de cadrage, d’angle de prise de vue et l’ importance du travail sur la lumière ( ses sources, sa direction, la recherche d’effets, de reliefs), les contrastes et les couleurs ;

Qu’il ne s’agit pas seulement de la mise en oeuvre d’un savoir faire mais bien de choix qui reflètent l’approche personnelle de l’auteur, quand bien même l’idée de recourir à des grappes de raisins entourées d’un ruban et à des pépins a-t-elle pu lui être fournie par la société Caudalie ;

Considérant qu’il en est ainsi pour l’ensemble des photographies sur lesquelles l’appelant entend faire valoir ses droits à savoir celles dénommées comme suit, par référence à la dénomination des produits présentés : – Vinosum, packshot indices 15 et 25 (pièces 79 et 98), Compléments nutritionnels anti-âge global, packshot (pièce 77, 78), Fluide Hydratant Bonne Mine ( pièce 74), Mousse Nettoyante Fleur de Vigne ( pièce 102), Crush Cabernet Scrub pièce 64), Fleur de Vigne Eau Fraîche Energisante (pièce 99) – étant observé pour cette photo que la publication japonaise dans le magazine CREA dont se prévaut l’intimée pour en contester l’originalité n’est pas datée et que l’attestation attribuée à [H] [E] directeur administratif de la société Bluebell japan Ltd, non manuscrite, est insuffisante à conférer date certaine à cette publication, Sérum minceur, packshot et grappe, Crème Tisane de nuit ( Pièce 54), Fleur de Vigne Voile Parfumé ( pièce 80), Sérum Liftant (pièce 55) ; Vinopure, packshot, (Pièces 56, 57, 35) ; que s’agissant de ces dernières photographies, l’intimée soutient qu’elle aurait fait le choix de la composition et que Monsieur [O] n’aurait eu qu’à reprendre une photographie préexistante réalisée par un photographe pour son agence de Taiwan ; que cependant, la seule production d’une attestation du directeur de l’agence est insuffisante à attribuer date certaine à la publication de cette photographie ; que de surcroît, elle n’établit pas qu’elle aurait effectivement transmis cette photographie à Monsieur [O] ;

Sur la titularité des droits d’auteur :

Considérant que pour les motifs sus exposés, la société Caudalie échoue à démontrer les instructions précises qu’elle dit avoir données à Monsieur [O] ;

Que dès lors, elle ne peut utilement conclure que les photographies ‘Vinopure, Sérum minceur, Fleur de Vigne eau fraîche énergisante et voile parfumé’ seraient des ‘uvres collectives, créées sous sa direction et dans lesquelles les contributions de divers auteurs participant à leur élaboration se fonderaient dans l’ensemble en vue desquelles elles auraient été conçues ;

Considérant que les ‘uvres de l’appelant ont été réalisées dans le cadre d’un contrat de commande d”uvres publicitaires, comme les parties en conviennent ;

Que c’est donc à bon droit que Monsieur [O] invoque le bénéfice des dispositions de l’article L 132-31 du Code de la propriété intellectuelle lequel énonce que le contrat passé entre le producteur et l’auteur entraîne cession des droits d’exploitation ‘dès lors qu'(il) précise la rémunération distincte due pour chaque mode d’exploitation de l”uvre en fonction notamment de la zone géographique, de la durée d’exploitation, de l’importance du tirage et de la nature du support’ ;

Considérant que si certaines factures émises par l’appelant portent les termes ‘tous droits inclus’, la généralité de cette mention n’est pas conforme aux exigences légales précitées et ne saurait investir la société Caudalie des droits d’exploitation dont elle se prévaut ;

Que pas davantage, la remise des fichiers ne peut-elle emporter cession de droits d’exploitation ;

Qu’il suit que la société Caudalie ne justifie pas avoir été cessionnaire des droits nécessaires aux exploitations incriminées et précisées ci-après ;

Sur la contrefaçon :

Considérant que sont incriminées les parutions dans les brochures, plaquettes publicitaires et magazines suivants :

Vinosum indices 15 et 25 : brochures en langues française et japonaise (pièces 63 et 81),

Compléments nutritionnels anti-âge global : packaging, brochure en langue française et publicité dans le magazine ELLE (pièces 20 et 40),

Fluide Hydratant bonne mine IP8 et IP12, brochures en langues française et japonaise et dépliant publicitaire (pièces 63, 80 et 20),

Mousse Nettoyante Fleur de Vigne, brochures en langues française et japonaise,

(pièces 63 et 81),

Crushed cabernet scrub, magazine Vous en Vog, automne 2005 (pièces 97),

Fleur de vigne Voile parfumé, brochure en langue japonaise (pièces 63),

Fleur de Vigne fraîcheur énergisante, brochure en langues française et japonaise

( pièces 63 et 81) et sur les présentoirs ( Pièce 88),

Crème Tisane de Nuit,brochure en langue française et japonaise (pièces 63 et 81) dépliant publicitaire (pièce20) et publicité dans le magazine ELLE (pièces 40),

Sérum liftant, brochures en langues française et japonaise (pièces 63 et 81), plaquette promotionnelle (pièce 89),

Sérum essentiel minceur : PLV en formats A6et 14 (pièces 20 et 36) packaging et présentoir (pièces 18) ;

Considérant que l’intimée lui oppose que les photographies litigieuses sont différentes de celles dont l’appelant déclare être l’auteur ;

Considérant s’agissant du produit Vinosum, indices 15 et 25,que l’appelant affirme sans le démontrer, que la représentation de ce produit sur les brochures ne serait qu’un montage réalisé à partir de deux de ses clichés, à l’aide d’un logiciel de retouches qui aurait permis de modifier les jeux de lumières ; que la preuve de la contrefaçon n’est ainsi pas rapportée ;

Considérant en revanche, s’agissant notamment des photographies du produit compléments nutritionnels anti-âge global (packshot et ambiance) que les clichés ont été reproduits tels quels, avec de légères différences d’ombres qui ne révèlent pas l’existence d”uvres distinctes de celles revendiquées, l’intimée n’établissant pas en effet, comme indiqué ci-avant, avoir fait réaliser par des tiers les photographies litigieuses ;

Considérant que le même raisonnement s’applique pour les différences de lumière ou de typographie qui peuvent affecter certaines des reproductions incriminées, en sorte que l’action en contrefaçon doit être accueillie pour l’ensemble des reproductions précitées – à l’exception du produit Vinosum ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que la reproduction des ‘uvres de l’appelant, sans mention de son nom et sans son autorisation, porte atteinte à son droit moral et à ses droits patrimoniaux ;

Considérant que les ‘uvres contrefaisantes ont été diffusées dans une partie au moins des nombreux points de vente de l’intimée (6000 dans le monde dont 3000 en France d’après l’appelant), dans des publications de presse (ELLE, Vous en Vog, une seule édition) sur les catalogues et les conditionnements dont cependant aucune pièce ne vient établir l’importance ;

Considérant qu’il sera en outre observé qu’il n’est pas plus établi que les actes de contrefaçon se seraient poursuivis après le constat du 28 février 2006 ;

Considérant qu’en l’état de ces données, il convient de fixer le montant des dommages et intérêts aux sommes de 2 000 et de 50 000 euros en réparation des atteintes portées respectivement au droit moral et aux droits patrimoniaux de Monsieur [O] ;

Sur l’article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que l’équité commande de condamner la société Cauldalieà verser à l’appelant la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles.

 


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