Commande publique de pièce de théâtre sans devis : risque maximal

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Commande publique de pièce de théâtre sans devis : risque maximal
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Dans cette affaire, le CCO soutient que M. [B] a engagé la troupe du Théâtre de la Jeune Plume par contrat de cession daté du 9 avril 2018 pour l’organisation de cet événement, sans publicité et mise en concurrence, et sans avoir obtenu le visa du secrétaire général, outre le fait que le prestataire a été choisi sans avoir produit de devis et sans que le contrat ait été signé avant l’envoi de la première facture du 16 avril 2018, laquelle a de surcroît été modifiée avec une attribution du règlement, une fois encore, à la SOPRAF.

M. [B] réplique que, s’agissant d’une création artistique originale créée spécifiquement pour être en totale adéquation avec l’exposition, la mise en concurrence n’était pas nécessaire. Il affirme avoir ensuite appliqué la procédure qu’il avait lui-même mise en place en janvier 2018. Il précise enfin qu’il était d’usage jusqu’à l’été 2018, selon les instructions du secrétariat général, de facturer l’ensemble des prestations au GIE qui se chargeait ultérieurement de les répercuter sur la structure adéquate.

Aux termes de l’article 30 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics applicable entre le 28 mars 2016 et le 1er avril 2019, ‘les acheteurs peuvent passer un marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalable (…) :

3° lorsque les travaux, fournitures ou services ne peuvent être fournis que par un opérateur économique déterminé, pour l’une de raisons suivantes :

a) le marché public a pour objet la création ou l’acquisition d’une oeuvre d’art ou d’une performance artistique unique (…)’.

Ainsi, si l’acheteur peut démontrer que la prestation ne peut être réalisée que par un seul opérateur, il doit établir que la nécessité de recourir à cet opérateur résulte de raisons artistiques tenant à la création ou à l’acquisition d’une oeuvre d’art, ou d’une performance artistique unique. Il appartient à l’acheteur de justifier que le choix d’un prestataire relève de raisons artistiques particulières et que les prestations artistiques n’auraient pu être exécutées par d’autres opérateurs avec des compétences et des moyens techniques ou artistiques équivalents pour des résultats comparables.

La décision n°2018-01 concernant les procédures d’achat à l’Abbaye Royale de [Localité 2] prise par M. [B] le 5 janvier 2018 en sa qualité de directeur général, impose pour tous les achats de fournitures de service allant de 25 000 euros à 209 000 euros ‘la mise en concurrence et la négociation’ lesquelles doivent être justifiées par la ‘fiche achat’. Cette même décision prévoit que ‘l’engagement des dépenses et la

validation des bons à payer’ nécessitent le ‘visa du secrétaire général’ (pièce 6 employeur).

Par contrat de cession daté du 9 avril 2018, soit postérieurement au 5 janvier 2018, et signé par M. [B], l’association CCO s’est engagée à verser au Théâtre de la Jeune Plume la somme globale de 33 500 euros correspondant à la conception et à la production d’une pièce de théâtre intitulée ‘le Mystère [V] (Murder Party)’ et à 32 représentations de cette pièce. Il est précisé que le règlement s’effectuera en trois fois sur présentation de trois factures distinctes. Compte tenu de son montant, et conformément à la procédure mise en place par M. [B] lui-même, tant la mise en concurrence préalable que l’obtention du visa du secrétariat général s’avéraient nécessaires à sa conclusion.

S’agissant de l’absence de mise en concurrence qu’au demeurant M. [B] ne conteste pas, rien ne vient justifier que cette prestation ne pouvait être réalisée que par la troupe du Théâtre de la Jeune Plume. A cet égard, il convient de souligner que celle-ci ne préexistait pas, dans la mesure où l’article 2 du contrat précise que la conception, l’écriture et la mise en place devront faire l’objet d’une validation de l’association CCO étape par étape, et aucun préambule au contrat ne met en avant l’éventuelle expertise du Théâtre de la Jeune Plume quant au thème retenu.

Dès lors, le grief tenant à l’absence de mise en concurrence est établi.

Il en va de même de l’absence de devis préalable au contrat dont Mme [VS] chargée de la comptabilité s’étonne dans son mail du 4 mai 2018 et de l’absence de visa du secrétaire général que M. [B] ne conteste pas davantage et sur laquelle il est taisant dans ses écritures.

Il est tout aussi taisant sur l’absence de signature du contrat avant l’envoi de la première facture du 16 avril 2018. A cet égard, dans le même mail du 4 mai 2018, Mme [VS] interroge différents interlocuteurs sur la facture du 16 avril 2018 qu’elle vient de récupérer en comptabilité et sur son imputabilité. Mme [SJ] lui répond le même jour: ‘événementiel (…) le contrat est à la signature chez [O] [B]’. Il est donc établi que le 4 mai 2018, le contrat qui porte néanmoins la date dactylographiée du 9 avril 2018 n’était pas signé par M. [B] et que partant, des dépenses ont été engagées hors cadre contractuel, étant précisé que la facture litigieuse a ultérieurement été payée.

En revanche, il apparaît que les factures de ce prestataire ont été établies à l’attention de l’Abbaye de [Localité 2] sans autre précision de la structure concernée (GIE, CCO, SOPRAF ou Sasu [Localité 2] Resort). La mention ‘SOPRAF’ a été rajoutée à la main. Bien que s’agissant d’un contrat portant strictement sur l’animation culturelle du site de l’Abbaye portée par l’association CCO, rien ne permet de dire que cette mention a été apposée par M. [B], lequel n’est pas utilement contredit dans son affirmation consistant à dire que cette orientation a été décidée par le GIE.

Il est donc établi que M. [B] a engagé l’association CCO sur le projet ‘le Mystère [V]’, sans devis préalable, sans publicité ni mise en concurrence, sans avoir obtenu le visa nécessaire du secrétaire général, et avant même d’avoir signé le contrat.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00236 – N° Portalis DBVP-V-B7F-E2AP.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 17 Mars 2021, enregistrée sous le n° F20/00066

ARRÊT DU 14 Septembre 2023

APPELANT :

Monsieur [O] [B]

[Adresse 1]

[Localité 5]

comparant – assisté de Me ROPERT, avocat au barreau de PARIS, substituant Maître Henri GUYOT de la SELAS BRL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS – N° du dossier 180816

INTIMEES :

Association CENTRE CULTUREL DE L’OUEST prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

Abbaye Royale de [Localité 2]

[Localité 2]

Société SOCIETE PUBLIQUE REGIONALE ABBAYE DE [Localité 2], S OPRAF Société Publique Locale, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

Abbaye de [Localité 2]

[Localité 2]

représentées par Me LE FUR, avocat plaidant au barreau au barreau de NANTES et par Maître Benoît BOMMELAER de la SELARL CVS, avocat postulant au barreau de RENNES – N° du dossier 140225

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Avril 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Madame Estelle GENET

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 14 Septembre 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCÉDURE

L’Abbaye de [Localité 2] est un monument historique appartenant à l’État. La région Pays de la Loire en assure la gestion par le biais de quatre structures juridiques. Le groupement d’intérêt économique (GIE) [Localité 2], créé le 20 novembre 2013, a vocation à mutualiser des services support au profit de ses trois adhérents : l’association Centre culturel de l’ouest (le CCO) ayant pour objet l’animation culturelle du site, la société publique régionale de l’Abbaye de [Localité 2] (la SOPRAF) ayant pour mission l’exploitation et la préservation des conditions opérationnelles du site dans le cadre d’une délégation de service public, et la Sasu [Localité 2] Resort assurant l’exploitation des infrastructures hôtelières et de restauration du site.

M. [O] [B] a été engagé par l’association CCO dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2016 en qualité de directeur, statut cadre, niveau VIII, coefficient 520 de la convention nationale collective des espaces de loisirs, d’attractions et culturels. Il était convenu d’un temps de travail de 21 jours par an selon une convention de forfait en jours en contrepartie d’une rémunération mensuelle brute de 905,76 euros. Aux termes de l’article 3 de ce contrat de travail, il était prévu que M. [B] exerce ses missions sous l’autorité directe du président de l’association CCO, lequel était à l’époque, M. [U] [T].

Parallèlement, par décision du conseil d’administration de la SOPRAF du 3 octobre 2016, M. [B] a été nommé directeur général de celle-ci pour une durée de trois ans. Cette décision a été enregistrée au tribunal de commerce d’Angers le 21 février 2017 avec une date d’effet fixée au 17 décembre 2016.

M. [B] a bénéficié d’un détachement de la fonction publique pour exercer ses missions au sein de la SOPRAF et de l’association CCO.

À compter de septembre 2017, la Chambre régionale des comptes a initié un contrôle des comptes et de la gestion de chacune des structures attachées à l’Abbaye de [Localité 2], dont l’association CCO sur les exercices 2012 à 2016 et la SOPRAF sur les exercices 2012 à 2017.

Par courrier du 5 octobre 2018, l’association CCO a convoqué M. [B] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 22 octobre 2018. Cette convocation était assortie d’une mise à pied à titre conservatoire avec effet immédiat.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 26 octobre 2018, l’association CCO a notifié à M. [B] son licenciement pour faute grave lui reprochant le non-respect des règles relatives aux commandes publiques, l’absence de reporting régulier, des consignes orales pour que le montant des dépenses engagées soit inférieur au seuil nécessitant la signature du président de l’association, et un management inadapté.

Parallèlement et par lettre recommandée avec avis de réception du 10 octobre 2018, Mme [C] [A], présidente du conseil d’administration de la SOPRAF, a suspendu le mandat de directeur général de la SOPRAF de M. [B], lequel a ensuite été révoqué par décision du 5 novembre 2018.

Par requête reçue au greffe du conseil de prud’hommes de Saumur le 7 mai 2019, M. [B] a sollicité la requalification de son mandat de directeur général de la société SOPRAF en contrat de travail, la fixation de sa rémunération mensuelle brute moyenne à la somme de 8 845,21 euros et la condamnation de la société SOPRAF à lui verser une indemnité pour travail dissimulé.

Il demandait parallèlement que soit prononcée la nullité de son licenciement pour discrimination, et sa réintégration dans ses fonctions ou à défaut, la condamnation solidaire de la SOPRAF et du CCO à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement nul. Subsidiairement, il contestait le bien-fondé de son licenciement et demandait la condamnation solidaire de la SOPRAF et du CCO à lui verser, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, et des dommages et intérêts pour préjudice moral compte tenu des circonstances brutales et vexatoires de son licenciement.

Enfin, M. [B] sollicitait la publication du jugement dans les locaux de l’Abbaye de [Localité 2] et dans le journal Ouest France, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation du CCO aux dépens.

L’association CCO et la société SOPRAF se sont opposées aux prétentions de M. [B] et ont sollicité sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 17 mars 2021, le conseil de prud’hommes a :

– dit qu’il n’y a pas lieu de requalifier le mandat de directeur général de la SOPRAF en contrat de travail ;

En conséquence :

– dit la SOPRAF hors de cause ;

– débouté M. [B] de ses demandes au titre du travail dissimulé ;

– dit que le licenciement de M. [B] n’est pas discriminatoire ;

En conséquence :

– rejeté les demandes au titre d’un licenciement nul selon les dispositions de l’article L.1235-3-1 du code du travail ainsi que pour les salaires liés à sa réintégration et à la période de mise à pied ;

– dit que les griefs reprochés à M. [B] sont constitutifs d’une faute grave privative de préavis ;

En conséquence :

– débouté M. [B] de ses demandes d’indemnités de licenciement et d’indemnité compensatrice de préavis ;

– débouté M. [B] de sa demande de paiement des jours de mise à pied ;

– débouté M. [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouté M. [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral pour licenciement dans des conditions brutales et vexatoires ;

– débouté M. [B] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné M. [B] à verser à l’association CCO la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dit n’y avoir lieu à publicité du jugement ;

– condamné M. [B] aux entiers dépens.

M. [B] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 20 avril 2021, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’il énonce dans sa déclaration.

L’association CCO et la société SOPRAF ont constitué avocat en qualité de parties intimées le 21 avril 2021.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 22 mars 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale du 13 avril 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [B], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 19 juillet 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

– requalifier le mandat de directeur général de la SOPRAF en contrat de travail ;

– constater l’existence d’un travail dissimulé par dissimulation de revenus salariés ;

– condamner la SOPRAF au paiement de la somme de 53 071,26 euros sur le fondement de l’article L.8223-1 du code du travail ;

À titre principal :

– dire que son licenciement est discriminatoire car fondé sur des critères subjectifs, potentiellement géographiques et politiques ;

– annuler la mise à pied injustement notifiée le 8 octobre 2018 ;

En conséquence :

– ordonner sa réintégration dans ses fonctions à compter du ‘jugement’ à intervenir ;

– condamner solidairement l’association CCO et la société SOPRAF à lui verser les salaires correspondant à la période survenue entre le licenciement et la réintégration (somme à parfaire) ;

– condamner solidairement l’association CCO et la société SOPRAF à lui verser la somme de 53 071,26 euros (6 mois de salaire) au titre de l’indemnité prévue légalement à défaut d’une réintégration ;

À titre subsidiaire :

– dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

– condamner solidairement l’association CCO et la société SOPRAF à lui verser :

– 53 071,26 euros (6 mois de salaire) au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 4 422,60 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

– 26 535,63 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 2653,57 euros de congés payés afférents ;

En tout état de cause :

– fixer sa rémunération mensuelle moyenne à 8 845,21 euros brut ;

– condamner solidairement l’association CCO et la société SOPRAF à lui verser la somme de 8 845.21 euros au titre de la période de mise à pied ;

– dire que le licenciement a été mis en oeuvre dans des conditions brutales et vexatoires;

– condamner solidairement l’association CCO et la société SOPRAF à lui verser la somme de 53 071,26 euros (6 mois) au titre des dommages et intérêts pour le préjudice moral inhérent ;

– condamner solidairement l’association CCO et la société SOPRAF à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonner la publicité du ‘jugement’ à intervenir dans les locaux de l’Abbaye Royale de [Localité 2] et dans Ouest France ;

– condamner l’association CCO aux entiers dépens.

À titre liminaire, M. [B] indique que les liens entre les différentes structures de l’abbaye de [Localité 2] sont complexes, qu’il est difficile d’en cerner les limites, qu’il était également titulaire de mandats sociaux au sein du GIE et de la Sasu [Localité 2] Resort, et que plus généralement, il avait une mission globale et générale de gérer l’Abbaye de [Localité 2]. Il ajoute que les défaillances relevées par le contrôle de la Chambre régionale des comptes existaient avant son arrivée dans ces structures, et il estime avoir été un ‘bouc émissaire’ pour éviter toute accusation à l’encontre de la présidence de la région Pays de la Loire.

Au soutien de sa demande de requalification de son mandat social de directeur général de la SOPRAF, M. [B] prétend qu’il était placé dans une situation de subordination et qu’il recevait des directives très strictes sur la gestion du personnel et les projets de l’Abbaye. Il affirme en outre qu’il était confronté à des pressions relatives aux demandes provenant des sociétés et partenaires originaires de Vendée.

S’agissant de son licenciement, il soutient que celui-ci est nul pour être discriminatoire en raison de ses opinions politiques et de son origine géographique. Il précise ainsi qu’il appartient au mouvement politique ‘radical /social-libéral’ en opposition au mouvement ‘les républicains’ dont M. [T], président de l’association CCO, est l’un des principaux cadres, et qu’il est conseiller municipal de la ville de [Localité 5] qui ne relève pas de la région Pays de la Loire. Il ajoute que l’ensemble des membres de la direction de la SOPRAF originaires d’Indre-et-Loire ont été évincés, et que le nouveau directeur qui lui a succédé est un proche de la région Pays de la Loire.

À titre subsidiaire, M. [B] conteste fermement les griefs invoqués à l’appui de son licenciement. Il assure d’abord avoir respecté les règles de commandes publiques, soulignant que le marché pour l’exposition ‘[L] [F] et Mme [V]’ se situait à la frontière des activités de l’association du CCO et de la SOPRAF dans la mesure où, s’agissant d’une prestation de scénographie et d’animation du site, il entrait dans le périmètre de la SOPRAF. Il soutient ensuite qu’il n’avait aucune obligation de publicité préalable à la passation du marché relatif à l’organisation du projet ‘le Mystère [V]’ dans la mesure où il s’agissait d’une création artistique originale et qu’aucune mise en concurrence n’était nécessaire. Il conteste enfin l’absence de reporting régulier quant à ses actions culturelles, et toute demande de sa part de présentation fractionnée des dépenses dans l’objectif d’éviter le visa de M. [T], ainsi que le management prétendument inadapté qui lui est reproché.

Enfin, M. [B] affirme que son licenciement est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires soulignant la rapidité de la procédure et l’ampleur médiatique donnée à son éviction. Il assure que la rupture de son contrat de travail lui a causé un préjudice distinct de celui résultant de son licenciement.

*

L’association CCO et la société SOPRAF, dans leurs dernières conclusions, adressées au greffe le 18 octobre 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demandent à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 17 mars 2021 par le conseil de prud’hommes de Saumur;

– débouter M. [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner M. [B] au paiement de la somme de 3 000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

En premier lieu, l’association CCO et la société SOPRAF font valoir que la présomption simple de non-salariat s’applique à M. [B] quant à ses fonctions de directeur général de la SOPRAF. Elles contestent ensuite l’existence d’un lien de subordination entre M. [B] et la SOPRAF et font observer qu’aucun des éléments sur lesquels s’appuie M. [B] ne permet d’établir l’existence d’un tel lien.

Les intimées contestent ensuite toute discrimination politique ou régionale, soulignant que M. [B] cherche par tous moyens à politiser son dossier afin d’éviter d’évoquer les vrais motifs de son licenciement. Elles ajoutent qu’elles étaient en tout état de cause informées de son appartenance politique et de son origine géographique lors de son recrutement, dans la mesure où il était conseiller municipal de la ville de [Localité 5] depuis 2014.

L’association CCO et la société SOPRAF font ensuite valoir que le licenciement de M. [B] est justifié par les fautes graves commises dans l’exercice de ses fonctions. En premier lieu, elles lui reprochent de ne pas avoir respecté les règles relatives aux commandes publiques pour l’organisation de l’exposition ‘[L] [F] et

Mme [V]’ et du projet ‘le Mystère [V]’. Elles soutiennent ensuite que M. [B] n’a réalisé aucun reporting sur ses actions en matière de programmation culturelle malgré les demandes qui lui ont été faites, et elles assurent qu’il demandait à ce que les dépenses soient inférieures au seuil nécessitant la signature de M. [T]. Enfin, les intimées reprochent à M. [B] son management inadapté soulignant un système coercitif et déstabilisant pour ses équipes.

En dernier lieu, l’association CCO et la société SOPRAF contestent l’existence de circonstances brutales et vexatoires ayant accompagné le licenciement de M. [B].

MOTIVATION

Sur la demande de requalification du mandat social liant M. [B] à la société SOPRAF

L’article L.8221-6, I du code du travail prévoit que ‘sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : (…) 3° les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés.’

La loi instaure donc une présomption de non-salariat pour les dirigeants des personnes morales inscrites au registre du commerce et des sociétés.

Par ailleurs, il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail s’est exécutée.

En l’absence de contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, par décision du conseil d’administration du 3 octobre 2016, M. [B] a été nommé directeur général de la SOPRAF, société immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Angers sous le numéro RCS 529 260 903. Cette décision a été enregistrée le 21 février 2017 au tribunal de commerce d’Angers avec une date d’effet fixée au 17 décembre 2016.

Il était ainsi inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de directeur général de la SOPRAF. Dès lors, la présomption de non-salariat s’applique et il lui appartient de la renverser en démontrant l’existence d’un lien de subordination à l’égard de cette société, étant précisé de surcroît, qu’aucun contrat de travail écrit n’a été conclu avec la société SOPRAF, et que le mandat de directeur général pour lequel il est acquis qu’il percevait une rémunération mensuelle de l’ordre de 7 500 euros n’est pas davantage versé aux débats.

M. [B] fait valoir qu’il recevait des directives strictes pour la gestion du personnel et sur la gestion des projets de l’Abbaye lesquelles relèvent de ses fonctions au sein de la SOPRAF et non de celles occupées au sein de l’association CCO.

La société SOPRAF conteste tout lien de subordination et observe que l’intéressé ne communique aucun élément en ce sens.

Il ressort du rapport de la Chambre régionale des comptes émis le 4 décembre 2018 relatif à l’examen des exercices 2012/2017 de la SOPRAF que celle-ci a reçu délégation de la région Pays de la Loire pour gérer le site de [Localité 2], et que selon le contrat constitutif du 17 décembre 2010, elle a ‘pour objet au travers du site de [Localité 2], de réaliser toutes opérations ou activités destinées à favoriser le développement touristique, culturel et territorial de ses collectivités actionnaires’ (pièce 30 salarié).

Ce rapport relate qu’ ‘à ce titre, la délégation de service public du 30 avril 2014 fixe l’objet de la délégation et les missions du délégataire en son article 1er.

Elle prévoit que le délégataire (a en) charge notamment : (…)

– le développement culturel du site, sa mise en valeur et sa promotion commerciale ;

– la promotion du site au travers de campagnes de communication touristiques ou économiques ;

– le recours à l’association CCO pour concevoir et mettre en oeuvre le projet culturel et artistique ;

– la mise en oeuvre de tous moyens et espaces au bénéfice du CCO nécessaires à l’accomplissement de sa mission ; (…)’

Par ailleurs, il ressort du rapport de la Chambre régionale des comptes émis le 3 avril 2018 relatif à l’examen des exercices 2012 à 2016 de l’association CCO que celle-ci ‘assure l’animation culturelle du site à travers des expositions, des concerts, l’accueil d’artistes en résidence, des achats d’oeuvres, etc…’.

Le contrat de travail de M. [B] avec le CCO prévoit qu’il avait pour mission d’ ‘administrer le CCO et d’assurer avec le personnel et le matériel mis à disposition, toutes les tâches incombant à (sa mission) et notamment :

– définir et mettre en oeuvre avec les équipes la programmation culturelle ;

– assurer les relations avec les différents partenaires du CCO ;

– gérer, animer et développer les équipes du CCO ;

– assurer les relations entre le CCO et les autres structures gérant ou exploitant le site de l’Abbaye Royale de [Localité 2]’.

Pour justifier de l’existence d’un lien de subordination avec la SOPRAF, M. [B] se prévaut :

– du curriculum vitae de M. [G] (sa pièce 29), responsable de salle en restauration. Il affirme que l’embauche de ce dernier lui a été imposée, et qu’il s’y est refusé. Pour autant, ses dires ne sont corroborés par aucun élément. Il en va de même de son affirmation selon laquelle M. [T] lui aurait demandé à plusieurs reprises de mettre un terme au contrat de travail de M. [Z] qu’il présente comme ayant été recruté en janvier 2017 en qualité de directeur des relations extérieures ;

– d’un courrier de sept pages de M. [D], chargé de mission spectacle vivant et salarié de l’association CCO (pièce 14 intimées), révélant, selon lui, deux éléments :

– la décision unilatérale de M. [T] qui a, de sa seule initiative, annulé un programme culturel intitulé ‘Musique et Politique’ au seul motif d’une divergence politique, et a imposé sa décision à M. [B] ainsi qu’à l’équipe de direction. Pour autant, outre le fait que M. [B] ne communique aucune directive de la SOPRAF en ce sens et que M. [D] n’évoque nullement l’existence d’une telle directive, il convient de relever que l’objet du programme cité relève de l’activité du CCO, que ce courrier émane d’un salarié du CCO, lequel motive en préambule celui-ci par sa volonté de porter à la connaissance de M. [S], administrateur unique du GIE, ‘certains dysfonctionnements dans (…) la gestion du Centre Culturel de l’Ouest’, et qu’à l’époque, M. [T] était président du CCO ;

– une pression à l’égard des demandes provenant des sociétés et partenaires originaires de Vendée. Pour autant, l’extrait de ce courrier mis en avant par M. [B] concerne un échange entre M. [D] et M. [Z] précité, ce dernier l’invitant à la plus grande prudence sur les demandes venant de Vendée, M. [D] précisant en outre que bien que la prestation en cause n’ait pas eu lieu (‘[Adresse 3]’), les échanges sont restés cordiaux avec les vendéens. L’extrait cité par M. [B] ne concerne donc ni la SOPRAF, ni lui-même, et ne fait pas davantage la démonstration de pressions de sa hiérarchie quant aux demandes venant de Vendée.

Ces seuls CV et courrier d’un salarié du CCO sont dès lors insuffisants à justifier de l’existence d’un lien de subordination à l’égard de la SOPRAF nécessaire pour renverser la présomption simple de non-salariat et caractériser l’existence d’un contrat de travail.

Par conséquent, le jugement est confirmé en ce qu’il a mis la SOPRAF hors de cause et débouté M. [B] de sa demande de requalification de son mandat social en contrat de travail ainsi que de ses demandes d’indemnité pour travail dissimulé et de fixation de son salaire mensuel à la somme de 8 845,21 euros.

Sur la demande de nullité du licenciement

Selon l’article L.1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article1er de la loi nº 2008-496 du 27 mai 2008, en raison notamment de son origine, de son âge, de ses caractéristiques génétiques, de ses opinions politiques ou encore de son lieu de résidence.

L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi nº 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Aux termes de l’article L.1132-4 du code du travail dans sa rédaction applicable, toute disposition ou acte pris à l’égard du salarié en méconnaissance des dispositions précitées est nul.

En l’espèce, M. [B] prétend que son licenciement est dû à ses opinions politiques et à sa situation géographique. À cet égard, il indique appartenir au mouvement ‘radical/social-libéral’ alors que M. [T], président de l’association CCO et signataire de sa lettre de licenciement, est l’un des cadres du mouvement politique ‘les républicains’. Il ajoute qu’il est conseiller municipal de la ville de [Localité 5], laquelle est gérée par un maire appartenant au même mouvement politique que lui-même, et que les membres de la direction, tous originaires d’Indre-et-Loire et non de la région Pays de la Loire, ont été évincés concomitamment. Il affirme en outre avoir subi des pressions relatives aux demandes venant de Vendée, et indique enfin que son successeur est originaire de la région Pays de la Loire.

Les intimées contestent toute discrimination du fait des opinions politiques et de l’origine géographique de M. [B] dont la situation était connue avant son embauche puisqu’il était conseiller municipal de la ville de [Localité 5] depuis 2014. Elles affirment qu’il cherche à politiser son dossier afin d’éviter d’évoquer les réels motifs de son licenciement.

Il sera préalablement relevé que M. [B] ne présente strictement aucun élément au soutien de ce moyen, et s’appuie exclusivement sur les pièces communiquées par les intimées.

A cet égard, il se prévaut de :

– un extrait de quatre lignes d’un courrier de 18 pages de Mme [R], chargée de mission Culture et Patrimoine, daté du 15 septembre 2018, dans lequel elle se plaint de manière circonstanciée de l’attitude de M. [B], notamment du fait qu’elle a du mal à cerner ses demandes et est déconcertée par ses réponses. En page 15 de ce courrier, suite à une explication de M. [B] sur le projet ‘les Essentiels du Patrimoine’ qui ne l’a pas convaincue, elle s’étonne de la réception par une association tourangelle d’une subvention venant de la région des Pays de la Loire via l’Abbaye. Pour autant, il apparaît que cette interrogation lui est personnelle et qu’elle n’a pas même posé la question à M. [B]. Ainsi, la phrase citée est rédigée ainsi : ‘pour ma part, je ne comprends pas pourquoi (…) une association tourangelle peut recevoir, via l’Abbaye Royale de [Localité 2] une subvention qui vient au final de la région Pays de la Loire. [O] [B] s’en va, nous reprenons le fil de la discussion’ (pièce 10 intimées) ;

– un extrait d’un courrier de 5 pages de M. [H], responsable de la programmation arts visuels et événementiel culturel pour l’association CCO, daté du 15 septembre 2019, dans lequel il se plaint de la même manière d’un climat de confiance dégradé avec M. [B] et M. [Z] précité, et aux termes duquel il s’étonne de les voir refuser une présence officielle de l’Abbaye lors d’un vernissage en partenariat avec le Cadre Noir de [Localité 4] en ces termes ‘seule la région tourangelle semble avoir grâce à leurs yeux, mais l’abbaye de [Localité 2] est en Anjou, dans la région des Pays de la Loire’ (pièce 13 intimées). Il s’agit, là encore d’une réflexion qui lui est personnelle ;

– un extrait du courrier précité de M. [D] rapportant les propos de M. [Z] qui l’aurait invité ‘à la plus grande prudence sur les demandes venant de Vendée’ en précisant qu’il peut ‘y jouer (son) job’. M. [D] ajoute que bien que la prestation n’ait pas eu lieu, ‘les échanges sont restés cordiaux avec l’ensemble des vendéens et la résidence n’a pas eu lieu faute de disponibilités ce qui n’a pas semblé leur poser de problème’ (pièce 14 intimées).

Ces seuls éléments consistent en des interrogations et réflexions de salariés subordonnés à M. [B] pour Mme [R] et M. [H], de même que pour M. [Z] dont on rappellera que l’intéressé a précédemment prétendu avoir subi des pressions pour le licencier.

Il sera souligné que M. [B] n’apporte aucun élément quant au prétendu changement d’attitude qu’il impute à M. [T] à son égard, suite aux félicitations qu’il a adressées à M. [N] [E] le 15 mai 2017 pour sa nomination en qualité de Premier ministre, matérialisées par un tweet intégré au corps de ses écritures.

Enfin, si M. [B] cite l’origine géographique, selon lui plus ‘conforme’, de son successeur, il n’en justifie pas davantage, alors même qu’il situe la nomination de ce dernier en février 2020 sans s’expliquer sur son remplacement depuis son licenciement intervenu en octobre 2018.

Il résulte de ce qui précède que M. [B] ne présente aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte de l’association CCO, étant précisé que tant ses opinions politiques que sa situation géographique étaient connues de l’employeur lors de son embauche, dans la mesure où il est acquis qu’en 2014, il a été élu conseiller municipal de la ville de [Localité 5] sur une liste ‘radical/social libéral’ (pièce 24 salarié).

Par conséquent, la demande de nullité du licenciement présentée par M. [B] doit être rejetée, tout comme ses demandes subséquentes de réintégration, de salaires correspondant à la période survenue entre le licenciement et la réintégration, et d’indemnisation.

Le jugement est confirmé de ces chefs.

Sur le bien fondé du licenciement

La faute grave est définie comme celle résultant d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 26 octobre 2018 qui fixe les limites du litige, est ainsi motivée :

‘Vous avez été engagé le 1er octobre 2016, en qualité de directeur, en charge d’administrer le centre culturel de l’ouest (CCO).

J’ai eu connaissance très récemment de faits graves :

– Vous avez demandé à ce qu’une facture au nom de ADIM correspondant à un marché conclu par le CCO, dans le cadre de l’exposition ‘[L] [F] et Madame [V]’, soit refaite au nom d’une autre structure en l’espèce, la SOPRAF, pour un montant de 64 552 euros. Cette dépense aurait dû être normalement et légalement prise en charge par le CCO, ce qui n’a pas été le cas.

– Sur un autre projet (le Mystère [V]), vous avez signé un contrat sans publicité et mise en concurrence. Le prestataire (Théâtre de la Jeune Plume) a été choisi pour un montant de 33 500 euros sans avoir produit de devis et sans qu’aucun contrat n’ait été signé avant l’envoi de la première facture. De fait, vous n’avez donc pas volontairement respecté le processus interne d’engagement des dépenses que vous ne pouviez ignorer (pas de visa du secrétaire général et pas de validation pour le bon à payer). De surcroît, la première facture en date du 16 avril 2018 a été modifiée avec une attribution du règlement, une fois, encore sur une autre structure, la SOPRAF.

Votre manière de choisir les prestataires, votre manière de gérer les factures ne sont pas conformes aux intérêts du CCO.

Nous allons devoir en informer notre commissaire aux comptes.

– Par ailleurs, afin que je ne sois pas informé de ce qui se passait réellement au sein du CCO, vous donniez des consignes orales pour que le montant des dépenses des contrats CCO soit inférieur au seuil nécessitant ma signature ; par ailleurs et malgré mes demandes, vous ne m’avez jamais fait volontairement de reporting sur vos actions en matière de programmation culturelle.

– Enfin, vous n’écoutez pas vos équipes, ne leur laissez que très peu de consignes de sorte qu’ils se sentent ignorés voire abandonnés (certains évoquent un mépris de votre part).

Lors de l’entretien préalable, vous n’avez pas contesté les griefs.

Cependant, vous avez précisé n’être responsable de rien puisque tout était, selon vous, validé par le secrétaire général.

Cet argument n’est pas entendable compte tenu de votre positionnement.

En tout état de cause, votre manque de transparence, votre façon délibérément laxiste de gérer les dossiers sans vous soucier des aspects économiques, juridiques et financiers, votre management inadapté, mettent en cause la bonne marche du CCO.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même temporaire dans l’entreprise s’avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement, soit le 26 octobre 2018, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Nous vous rappelons que vous faites l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée du 8 octobre 2018 au 26 octobre 2018 nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée. (…)’.

L’association CCO reproche donc à M. [B] un non-respect des règles relatives aux commandes publiques, des consignes orales pour que le montant des dépenses soit inférieur au seuil nécessitant la signature de son président, une absence de reporting de ses actions en matière de programmation culturelle, et un management inadapté, tous griefs qu’il conteste dans leur intégralité.

1. Sur le non-respect des règles relatives aux commandes publiques

– L’exposition ‘[L] [F] et Mme [V]’

Le CCO reproche à M. [B] d’avoir fait régler la prestation de la société Adimes Concept relative à l’exposition ‘[L] [F] et Madame [V]’ par la SOPRAF alors que le marché a été conclu en son nom.

Le CCO justifie de ce que M. [B] a retenu l’appel d’offre de la société Adimes Concept pour le ‘lot 1: fabrication, équipement muséographique’ de l’exposition précitée pour un montant de 64 552,63 euros. M. [B] précise ainsi dans un courrier du 12 avril 2018 adressé à cette société que le dossier est suivi par Mme [R], chargée de mission Culture et Patrimoine au sein du CCO, direction Culture, et que ‘les factures seront à adresser au Centre Culturel de l’Ouest, direction de la Culture’.

Une première facture a été émise par ce prestataire au nom de l’association CCO le 3 juillet 2018. Pour autant, une facture rectificative a été établie le 6 juillet 2018 au nom de la SOPRAF et M. [B] a signé le chèque du 19 juillet 2018 sur le compte Crédit Agricole Anjou et Maine dont la SOPRAF est titulaire.

M. [B] fait observer que la scénographie de l’exposition se situe à la frontière entre les activités de l’association CCO et celles de la SOPRAF. À cet égard, il soutient que l’aspect théâtral de l’exposition relève du périmètre géré par l’association CCO tandis que l’aspect logistique entre dans celui de la SOPRAF.

Il ressort du rapport de la Chambre régionale des comptes du 4 décembre 2018 qu’en vertu de la délégation de service public qui lui est conférée, la SOPRAF se charge d’avoir ‘recours au CCO pour concevoir et mettre en oeuvre le projet culturel et artistique’, et de ‘mettre à (sa) disposition tous moyens et espaces nécessaires à l’accomplissement de cette mission’ (pièce 30 pages 26 et 27 salarié).

La société Adimes Concept a pour activité l’agencement, la décoration, l’installation, la menuiserie, les expositions et les stands. Le lot n°1 est intitulé ‘fabrication, équipement muséographique’. Il en ressort que la prestation sollicitée auprès

de cette entreprise avait pour objet la mise en place du support technique de l’exposition, exclusive de toute considération culturelle et artistique quant à son contenu.

Mme [R] confirme d’ailleurs que cette prestation relève plus des activités de la SOPRAF que de celles de l’association CCO dans son courrier du 15 septembre 2018 dans la mesure où elle fait état de quatre consultations portant sur la fabrication des éléments scénographiques, l’éclairage, les impressions numériques et la fourniture / poste des tissus non-feu (page 4 pièce 10 employeur).

Cette prestation relevait par conséquent des missions de la SOPRAF, et c’est donc légitimement que cette facture a été prise en charge par ses soins, étant précisé que c’est en sa qualité de directeur général et non de directeur du CCO que M. [B] a signé le courrier du 12 avril précité.

Il s’en suit que ce grief n’est pas établi.

– Le projet ‘le Mystère [V]’

Le CCO soutient que M. [B] a engagé la troupe du Théâtre de la Jeune Plume par contrat de cession daté du 9 avril 2018 pour l’organisation de cet événement, sans publicité et mise en concurrence, et sans avoir obtenu le visa du secrétaire général, outre le fait que le prestataire a été choisi sans avoir produit de devis et sans que le contrat ait été signé avant l’envoi de la première facture du 16 avril 2018, laquelle a de surcroît été modifiée avec une attribution du règlement, une fois encore, à la SOPRAF.

M. [B] réplique que, s’agissant d’une création artistique originale créée spécifiquement pour être en totale adéquation avec l’exposition, la mise en concurrence n’était pas nécessaire. Il affirme avoir ensuite appliqué la procédure qu’il avait lui-même mise en place en janvier 2018. Il précise enfin qu’il était d’usage jusqu’à l’été 2018, selon les instructions du secrétariat général, de facturer l’ensemble des prestations au GIE qui se chargeait ultérieurement de les répercuter sur la structure adéquate.

Aux termes de l’article 30 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics applicable entre le 28 mars 2016 et le 1er avril 2019, ‘les acheteurs peuvent passer un marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalable (…) :

3° lorsque les travaux, fournitures ou services ne peuvent être fournis que par un opérateur économique déterminé, pour l’une de raisons suivantes :

a) le marché public a pour objet la création ou l’acquisition d’une oeuvre d’art ou d’une performance artistique unique (…)’.

Ainsi, si l’acheteur peut démontrer que la prestation ne peut être réalisée que par un seul opérateur, il doit établir que la nécessité de recourir à cet opérateur résulte de raisons artistiques tenant à la création ou à l’acquisition d’une oeuvre d’art, ou d’une performance artistique unique. Il appartient à l’acheteur de justifier que le choix d’un prestataire relève de raisons artistiques particulières et que les prestations artistiques n’auraient pu être exécutées par d’autres opérateurs avec des compétences et des moyens techniques ou artistiques équivalents pour des résultats comparables.

La décision n°2018-01 concernant les procédures d’achat à l’Abbaye Royale de [Localité 2] prise par M. [B] le 5 janvier 2018 en sa qualité de directeur général, impose pour tous les achats de fournitures de service allant de 25 000 euros à 209 000 euros ‘la mise en concurrence et la négociation’ lesquelles doivent être justifiées par la ‘fiche achat’. Cette même décision prévoit que ‘l’engagement des dépenses et la

validation des bons à payer’ nécessitent le ‘visa du secrétaire général’ (pièce 6 employeur).

Par contrat de cession daté du 9 avril 2018, soit postérieurement au 5 janvier 2018, et signé par M. [B], l’association CCO s’est engagée à verser au Théâtre de la Jeune Plume la somme globale de 33 500 euros correspondant à la conception et à la production d’une pièce de théâtre intitulée ‘le Mystère [V] (Murder Party)’ et à 32 représentations de cette pièce. Il est précisé que le règlement s’effectuera en trois fois sur présentation de trois factures distinctes. Compte tenu de son montant, et conformément à la procédure mise en place par M. [B] lui-même, tant la mise en concurrence préalable que l’obtention du visa du secrétariat général s’avéraient nécessaires à sa conclusion.

S’agissant de l’absence de mise en concurrence qu’au demeurant M. [B] ne conteste pas, rien ne vient justifier que cette prestation ne pouvait être réalisée que par la troupe du Théâtre de la Jeune Plume. A cet égard, il convient de souligner que celle-ci ne préexistait pas, dans la mesure où l’article 2 du contrat précise que la conception, l’écriture et la mise en place devront faire l’objet d’une validation de l’association CCO étape par étape, et aucun préambule au contrat ne met en avant l’éventuelle expertise du Théâtre de la Jeune Plume quant au thème retenu.

Dès lors, le grief tenant à l’absence de mise en concurrence est établi.

Il en va de même de l’absence de devis préalable au contrat dont Mme [VS] chargée de la comptabilité s’étonne dans son mail du 4 mai 2018 et de l’absence de visa du secrétaire général que M. [B] ne conteste pas davantage et sur laquelle il est taisant dans ses écritures.

Il est tout aussi taisant sur l’absence de signature du contrat avant l’envoi de la première facture du 16 avril 2018. A cet égard, dans le même mail du 4 mai 2018, Mme [VS] interroge différents interlocuteurs sur la facture du 16 avril 2018 qu’elle vient de récupérer en comptabilité et sur son imputabilité. Mme [SJ] lui répond le même jour: ‘événementiel (…) le contrat est à la signature chez [O] [B]’. Il est donc établi que le 4 mai 2018, le contrat qui porte néanmoins la date dactylographiée du 9 avril 2018 n’était pas signé par M. [B] et que partant, des dépenses ont été engagées hors cadre contractuel, étant précisé que la facture litigieuse a ultérieurement été payée.

En revanche, il apparaît que les factures de ce prestataire ont été établies à l’attention de l’Abbaye de [Localité 2] sans autre précision de la structure concernée (GIE, CCO, SOPRAF ou Sasu [Localité 2] Resort). La mention ‘SOPRAF’ a été rajoutée à la main. Bien que s’agissant d’un contrat portant strictement sur l’animation culturelle du site de l’Abbaye portée par l’association CCO, rien ne permet de dire que cette mention a été apposée par M. [B], lequel n’est pas utilement contredit dans son affirmation consistant à dire que cette orientation a été décidée par le GIE.

Il est donc établi que M. [B] a engagé l’association CCO sur le projet ‘le Mystère [V]’, sans devis préalable, sans publicité ni mise en concurrence, sans avoir obtenu le visa nécessaire du secrétaire général, et avant même d’avoir signé le contrat.

2. Sur l’absence de reporting et les consignes relatives au seuil des dépenses

Le CCO soutient que malgré ses demandes, M. [B] n’a réalisé aucun reporting sur ses actions en matière de programmation culturelle, et qu’il a donné des consignes orales pour que le montant des dépenses soit inférieur au seuil nécessitant la signature de M. [T].

En premier lieu, il sera relevé que le CCO ne communique strictement aucun élément quant à l’absence de reporting. Il ne verse notamment aux débats aucune demande adressée à M. [B] en ce sens. Il sera en outre précisé que le contrat de travail ne contient aucune clause relative à cette obligation.

En second lieu, s’agissant des consignes relatives au seuil des dépenses, l’association CCO se prévaut du seul courrier de Mme [R] du 15 septembre 2018. Il sera observé que Mme [R] relate notamment que le 9 mars 2018, M. [B] ‘leur’ a demandé ‘la plus grande rigueur dans les procédures et une attention forte à la publicité concurrentielle’ compte tenu du contrôle de la Chambre régionale des comptes, et que si elle évoque à une seule reprise dans les 18 pages de son courrier, la découpe des marchés pour qu’ils n’atteignent pas le montant de 50 000 euros, elle attribue cette instruction à M. [Z].

Partant, ces griefs ne sont pas établis.

3. Sur le management inadapté

Enfin, l’association CCO reproche à M. [B] un management inadapté. Elle s’appuie sur cinq courriers de salariés et d’élus adressés à M. [S], lequel a été nommé représentant permanent de l’administrateur unique du GIE [Localité 2] en juin 2018.

M. [B] conteste tout comportement ou propos inadapté. Il souligne d’abord que les témoignages communiqués par l’employeur ne respectent pas le formalisme de l’article 202 du code de procédure civile, qu’ils sont concomitants pour être datés du 14 et du 15 septembre 2018, que l’un d’eux est daté du 15 septembre 2019, qu’ils sont rédigés dans le même style et avec la même calligraphie, et que par conséquent, ils doivent être écartés. Il affirme ensuite qu’il en ressort au contraire qu’il répondait aux sollicitations de ses équipes et était attentif à leurs propositions, et qu’il organisait des réunions régulières, voire en urgence si nécessaire. Il communique pour sa part des témoignages démontrant ses qualités humaines et managériales.

Il sera d’abord rappelé qu’en matière prud’homale, la preuve est libre et qu’il appartient seulement au juge d’apprécier souverainement la valeur et la portée des éléments qui lui sont fournis par les parties. Il n’y a donc pas lieu d’écarter d’emblée les courriers versés aux débats par l’employeur au soutien de ce grief.

Il sera en outre souligné que s’ils sont rédigés à la même époque (14 et 15 septembre 2018, étant précisé que l’année 2019 mentionnée sur l’un d’eux résulte manifestement d’une erreur matérielle au regard de son contenu), c’est qu’ils font suite à des échanges et rencontres initiés par M. [S], nouvellement nommé représentant permanent de l’administrateur unique du GIE [Localité 2]. Ainsi, ces courriers comportent tous un préambule faisant référence aux récents échanges avec ce dernier, et à la volonté de leurs auteurs de mettre ceux-ci par écrit. On observe ensuite que ces courriers sont particulièrement longs et argumentés (celui de Mme [R] comporte 18 pages), et que chacun utilise un style et des tournures de phrase qui lui sont propres. Enfin, les événements évoqués dans ces courriers sont multiples et différents selon ce que leur auteur a constaté.

Mme [R], chargée de mission Culture et Patrimoine au sein de l’association CCO fait état, d’une ‘absence de reconnaissance cruelle et difficile pour les équipes’ indiquant que M. [B] ‘manifeste toujours une sorte de mépris à (leur) égard comme si les autres feront mieux qu'(eux)’ et qu’il ‘n’écoute pas son équipe’. Elle prend

l’exemple de plusieurs dossiers, source d’incompréhension du fait de l’absence de communication de M. [B], et du stress engendré par cette situation. Ainsi, pour l’exposition ‘[I] [W] : Roi-Chevalier’, elle indique avoir eu du mal ‘à cerner ses demandes’ soulignant que ‘la direction n’a pas conscience de (leur) travail sur le terrain’. Pour le projet ‘Noël à [Localité 2] : exposition d’art sacré [Y] [J]’, Mme [R] fait état d’une difficulté quant au transport des oeuvres pour laquelle M. [B] a été sollicité par l’équipe, mais qu’il n’a pas résolue malgré une réunion au cours de laquelle il a ‘parlé de manière évasive’. Elle ajoute qu’une solution a finalement été trouvée en interne, hors son intervention. Elle fait enfin état de difficultés pour obtenir la signature de M. [B], les parapheurs revenant tardivement et souvent incomplètement signés entravant de ce fait la réactivité qui leur est demandée, de ses retards systématiques aux réunions, de son manque de soutien, du stress engendré par le fait d’avoir l’impression de porter seule les projets. Elle ajoute se sentir ‘vraiment rabaissée’ et conclut sa lettre ainsi ‘j’ai le sentiment que l’on nous en demande toujours plus mais que l’on ne fait jamais assez. Cette culpabilité finit par nous faire perdre confiance. J’ignore dans le fond où mène un tel management d’équipe sinon de détruire des ressources humaines qui ont toutes quelque chose à apporter à l’Abbaye et qui aujourd’hui sont usées et fatiguées’ (pièce 10 employeur).

Mme [X], Mme [K], M. [M], M. [H], délégués du personnel au sein de l’association CCO, font état de la souffrance du personnel face à un défaut de management soulevant notamment l’absence de retour suite aux entretiens individuels, des difficultés lors des réunions DUP et les absences régulières de M. [B] ayant un impact sur l’activité de l’association (pièce 11 employeur).

De même, M. [ZR], responsable de la médiation culturelle et expérience de visite au sein du CCO, témoigne d’un ‘contexte de travail épuisant moralement et physiquement’. Il fait état de ‘difficultés liées à la mise en place des projets de médiation culturelle’ soulignant l’absence de projet global, de demandes écrites structurées et de budget, l’absence de concertation et de prise en considération des réalités opérationnelles ainsi qu’un mode de sélection des projets et des prestataires contestable (pièce 12 employeur).

M. [H], responsable de la programmation arts visuels et événementiel culturel, assure quant à lui, qu’il lui est ‘difficile d’avancer sereinement dans (ses) missions tant le climat de confiance est dégradé’ au sein de l’association CCO. Il relève l’absence de réunions de services depuis avril 2018, l’absence de coordination entre les différents services pour la mise en oeuvre des projets et l’absence totale de direction en matière de communication (pièce 13 employeur).

Enfin, M. [D], chargé de mission spectacle vivant – directeur de la culture par intérim du 1er janvier 2018 au 16 août 2018 et salarié de l’association CCO depuis avril 2013, indique que M. [B] n’a jamais été à la rencontre de ses salariés et qu’il ne s’est jamais intéressé à leurs métiers et expériences. Il relève également le manque manifeste de confiance de M. [B] envers ses collaborateurs, le manque de communication et de considération pour les éléments techniques et logistiques, lesquels rendent ‘compliquée la conduite de projet de manière sereine’ (pièce 14 employeur).

Ainsi, les courriers précités font tous référence à un management inadapté de M. [B].

Si les témoignages produits par M. [B] font état de ses qualités et compétences professionnelles, ils ne contredisent cependant pas utilement ce grief, dans la mesure où ils émanent principalement d’interlocuteurs externes au CCO, étant précisé que M. [P], chargé du Mécénat, seul collaborateur du CCO louant sa disponibilité et son

écoute (pièce 20 salarié), fait néanmoins état lors de son entretien annuel du 18 décembre 2018, de ‘difficultés’ et d’un ‘manque de communication interne entre les services’ lors de l’année écoulée (pièce 15 employeur). En outre, bien qu’il se plaigne de la nouvelle direction dans son attestation et indique qu’il ‘retravaillerait les yeux fermés avec M. [B]’, il annonce lors de cet entretien annuel, être ‘à la fois soulagé et ravi d’avoir été conforté dans ses missions dans lesquelles (il s’épanouit) pleinement’.

Par conséquent, le grief tenant au management inadapté de M. [B] est établi.

Il résulte de ce qui précède que M. [B] a enfreint les règles relatives aux commandes publiques s’agissant du projet ‘le Mystère [V]’ et que son management envers l’équipe du CCO était inadapté.

Si ces griefs sont constitutifs d’une faute méritant d’être sanctionnée au regard de son expérience professionnelle et de sa formation de haut fonctionnaire (pièce 24 salarié), ils ne sont cependant pas constitutifs d’une faute grave, étant précisé que si l’on ignore la date à laquelle le CCO a eu connaissance de l’irrégularité relative au projet ‘le Mystère [V]’, il avait néanmoins connaissance de son management inadapté depuis les plaintes des salariés des 14 et 15 septembre 2018, et qu’il a attendu trois semaines, soit le 5 octobre 2018, pour le mettre à pied à titre conservatoire.

Au vu de ces éléments, il convient de considérer que les manquements retenus à l’encontre de M. [B] constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais ne caractérisent pas la faute grave justifiant la rupture immédiate de la relation de travail.

Par conséquent, le jugement est infirmé en ce qu’il a dit que le licenciement repose sur une faute grave.

Sur les conséquences financières du licenciement

Le licenciement n’étant pas fondé sur une faute grave, M. [B] a droit, sur la base d’un salaire de référence mensuel de 910,29 euros brut, à une indemnité compensatrice de préavis de 2 730,87 euros brut correspondant à trois mois de salaire (titre IX article 1 de la convention collective), aux congés payés afférents d’un montant de 273,08 euros brut, à une indemnité de licenciement de 455,14 euros, et au paiement des jours de mise à pied à hauteur de 646,01 euros brut.

Le jugement est infirmé de ces chefs.

En revanche, le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, M. [B] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour circonstances vexatoires

Indépendamment du bien-fondé du licenciement, un salarié peut solliciter des dommages et intérêts pour circonstances vexatoires lorsqu’il apparaît que son employeur a entouré le licenciement d’un comportement brutal, injurieux ou propre à porter atteinte à sa dignité.

En l’espèce, il ressort des nombreux articles de presse (Presse Océan, Ouest France, [Localité 4] Kiosque et la Nouvelle République) communiqués par M. [B] (pièces 8 à 12 salarié) que la procédure de licenciement a été exposée et commentée publiquement avant même que celui-ci soit prononcé, entraînant ainsi une atteinte à sa réputation et à son image publique.

Dès lors, les circonstances vexatoires de son licenciement et le préjudice de M. [B] sont établis.

En conséquence, le CCO sera condamné à lui verser une somme que la cour est en mesure de fixer à la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les demandes d’affichage et de publication

Les circonstances de l’espèce ne justifient pas l’affichage de la décision dans les locaux de l’Abbaye et dans le journal Ouest France.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté M. [B] de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera infirmé sur les dépens et les dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [B] et de condamner l’association CCO à lui verser la somme de 3 000 euros à ce titre qui vaudra pour ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

L’association CCO qui succombe partiellement à l’instance doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Saumur le 17 mars 2021 sauf en ce qu’il a considéré que le licenciement de M. [O] [B] est fondé sur une faute grave et l’a débouté de ses demandes d’indemnité de préavis, de congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, de paiement des jours de mise à pied, et de dommages et intérêts au titre d’un préjudice moral pour licenciement dans des conditions brutales et vexatoires, et sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DIT que le licenciement de M. [O] [B] ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE l’association Centre Culturel de l’Ouest à verser à M. [O] [B] les sommes suivantes :

– 2 730,87 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 273,08 euros brut au titre des congés payés afférents ;

– 455,14 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

– 646,01 euros brut à titre de paiement des jours de mise à pied ;

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement ;

CONDAMNE l’association Centre Culturel de l’Ouest à verser à M. [O] [B] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile qui vaudra pour ses frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;

DEBOUTE l’association Centre Culturel de l’Ouest de ses demandes présentées en première instance et en appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l’association Centre Culturel de l’Ouest aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN C. TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

 


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