Un contrat de commande de vidéo promotionnelle est parfait même sans bon de commande ni signature de contrat dès lors que les parties sont d’accord sur le prix et la nature de la prestation.
Accord parfait par email
A la suite d’un premier tournage de vidéo promotionnelle, un prestataire et la maison Christian Lacroix se sont rapprochés en vue de la réalisation d’un second film visant à célébrer les cinq ans d’une collection.
Le prestataire a transmis un scénario accompagné d’un devis, qui a fait l’objet d’un accord formel (par email) de la société Christian Lacroix. Des repérages communs ont alors eu lieu au Château de Groussay, mais le tournage n’a jamais démarré. Souhaitant se désengager, la société Christian Lacroix a fait valoir sans succès l’absence de contrat écrit.
Devis précis et détaillé
La juridiction, après avoir analysé les échanges entre les parties et notamment l’envoi du devis par le prestataire qui précisait clairement son objet, soit la réalisation d’un film promotionnel ‘anniversaire’, et son prix détaillé par jours et étapes de réalisation, auquel était joint un document formalisant le synopsis du film, a retenu l’existence d’une offre au sens de l’article 1103 du code civil qui a été acceptée sans équivoque par le président directeur général de la société Christian Lacroix par courriel : « c’est validé, dites-moi comment vous souhaitez avancer ».
Contrat : le principe du consensualisme
Pour rappel, l’accord sur la chose et le prix suffit à caractériser l’existence du contrat sans que le cocontractant soit fondé à dénoncer l’insuffisance de précisions ou son défaut d’acceptation au vu de ces échanges clairs et non ambigus et alors, au surplus, comme en l’espèce, que le contrat a reçu un début d’exécution au travers d’un repérage effectué en commun par les salariés des deux sociétés dans le château de GROUSSAY, lieu précisément choisi par la société Christian Lacroix. La rupture anticipée du contrat était donc imputable à la société Christian Lacroix (26.400€ HT de préjudice.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 18 MAI 2021
Numéro d’inscription au répertoire général :19/11653 –��N° Portalis 35L7-V-B7D-CACXD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Avril 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/10633
APPELANTE
SNC Z A
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 341 265 858
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
19 et […]
[…]
Représentée par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148
Assistée de Simon TAHAR de la SCP SIMON TAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : P0394
INTIMÉE
SAS B C
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 802 701 847
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[…]
[…]
Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
Assistée de Me Alexandre AVRILLON de la SELAS AVRILLON HUET, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente
Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
Mme Déborah BOHÉE, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
• Contradictoire
• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DU LITIGE
La société X A conçoit, fabrique et exploite, notamment sous forme de licences consenties à des tiers, des produits de luxe, de mode et accessoires sous la marque «Z A».
La société B C se présente comme une société basée à PARIS, ayant pour activité la préparation et le tournage de C.
La société X A expose avoir eu recours en février 2016, aux services de la société B C pour la réalisation d’une vidéo promotionnelle.
A la suite de ce premier tournage, les parties se sont rapprochées en vue de la réalisation d’un film visant à célébrer les cinq ans de la collection ‘Arts de Vivre, F Z A’.
Le 25 mai 2016, la société B C a alors transmis ce qu’elle estime être un scénario accompagné d’un devis, qui aurait fait l’objet, selon elle, d’un accord formel de la société X A, selon courriel en date du 7 juillet 2016.
Des repérages communs ont alors eu lieu au Château de Groussay, mais le tournage n’a jamais démarré.
Estimant que les visuels réalisés au Château de Groussay utilisés par la société X A sur son site internet reposaient sur son travail préparatoire, pour lequel elle n’a jamais été rémunérée, la société B C a fait procéder à un constat d’huissier en date du 28 février 2017 et adressé une mise en demeure à la société X A de cesser l’utilisation desdits visuels le 7 avril 2017, avant de l’assigner par acte du 24 juillet 2017 pour contrefaçon de son œuvre originale créée dans le cadre de la préparation du film et pour rupture unilatérale et abusive de contrat.
Par jugement rendu le 11 avril 2019 dont appel, le tribunal de grande instance de Paris a rendu la décision suivante :
— DEBOUTE la société B C de sa demande en contrefaçon ;
— DIT le contrat conclu pour la réalisation du film des 5 ans de la collection F de Z A valable et DIT que sa rupture anticipée est imputable à la société X A ;
— CONDAMNE la société X A à verser à la société B C les sommes de :
— 26 400 (vingt six mille quatre cents) euros HT en indemnisation des frais engagés au titre de la pré-production,
— 6 608 (six mille six cent huit) euros en réparation du préjudice né de la perte de chance d’exécuter les prestations convenues;
— DEBOUTE la société X A de sa demande reconventionnelle ;
— CONDAMNE la société X A à verser à la société B C la somme de 5 000 (cinq mille) euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
— CONDAMNE la société X A aux entiers dépens ;
— ORDONNE l’exécution provisoire du jugement.
La société X A a interjeté appel de ce jugement le 5 juin 2019.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 27 février 2020 par la société X A, appelante et intimée incidente, qui demande à la cour, de:
— Déclarer la société X A recevable et bien fondée en son appel,
— Infirmer pour les causes sus énoncées le jugement du 11 Avril 2019 en ce qu’il a admis l’existence d’un contrat, constaté sa rupture de fait et condamné la société X A à diverses sommes à titre de dommages et intérêts et débouté celle-ci de sa demande reconventionnelle,
— Constater qu’il n’existe aucun contrat conclu entre les parties,
— Constater que la proposition du devis du 26 mai 2016 et non le devis du 26 mai 2016 ne constitue pas un contrat et qu’elle n’a jamais formellement été acceptée en tant que telle,
— Constater subsidiairement qu’est non fondée la prise d’acte de la rupture en contravention avec les dispositions de l’article 1224 nouveau du Code Civil,
— Plus subsidiairement déclarer non établis les préjudices retenus et infondés dans leur estimation,
— Confirmer pour le surplus le jugement et débouter la société B FILM de son appel incident,
— Condamner la société B C à payer à la société X A la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
— La condamner aux dépens de première instance et d’appel dont distraction dans les conditions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 29 novembre 2019 par la société B C, intimée et appelante incidente, qui demande à la cour de:
— RECEVOIR la société B C en son appel incident, et l’y déclarant bien fondée,
Sur la contrefaçon:
— INFIRMER la décision déférée en ce qu’elle a débouté la société B C de sa demande en contrefaçon,
— DIRE ET JUGER que la société X A a illégalement contrefait la scénario dont les droits sont détenus par B C dans le cadre de la préparation du C des 5 ans des collections «’F’» de Z A’;
— INTERDIRE à la société X A toute reproduction et/ou usage du scénario réalisé dans le cadre de la préparation du C des 5 ans des collections «’F’» de Z A par B C, sur quelque support que ce soit, et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, passé le délai d’une semaine à compter la signification de l’arrêt à intervenir;
— CONDAMNER la société X A à payer la somme forfaitaire de 150.000 euros à la société B C en réparation des actes de contrefaçon;
— CONDAMNER la société X A à payer la somme de 20.000 euros à la société B C en réparation de son préjudice moral;
Sur l’inexécution contractuelle:
— CONFIRMER la décision déférée en ce qu’elle a:
— jugé le contrat conclu pour la réalisation du film des 5 ans de la collection F de Z A valable et dit que sa rupture anticipée est imputable à la société X A,
— condamné la société X A à verser à la société B C la somme de 24.600 euros HT en indemnisation des frais engagées au titre de la préproduction,
— condamné la société X A à verser la société B C la somme de 6.608 euros HT en réparation du préjudice né de la perte de chance d’exécuter les prestations convenues,
— débouté la société X A de sa demande reconventionnelle en paiement des dommages et intérêts,
— condamné la société X A à verser la société B C la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause;
— REJETER l’ensemble des moyens, fins et conclusions de Z A;
— CONDAMNER la société X A à verser la somme de 5.000 euros à la société B C au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel;
— CONDAMNER la société X A aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2020.
MOTIFS DE L’ARRÊT
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
– Sur l’existence et l’exécution du contrat de réalisation de film:
— Sur l’existence du contrat:
La société B C soutient qu’un contrat s’est conclu entre elle et la société X A, puisqu’elle a adressé le synopsis et le devis le 25 mai 2016, cette offre, au sens de l’article 1113 du code civil, précisant l’objet de la prestation et déterminant le prix et que la société X A a formulé son acceptation le 7 juillet 2016.
La société X A rétorque qu’en l’absence de certains éléments caractéristiques d’une offre pouvant emporter la formalisation d’un contrat et notamment les indications sur la date de prise d’effet, la durée, les dates du tournage, les modalités de paiement du prix et la durée de la proposition, aucun contrat n’a pas pu être formé. De plus, l’appelante soutient que les courriels échangés démontrent qu’elle n’avait pas donné son accord définitif. En l’absence d’une offre ferme et précise, il ne s’agissait, selon l’appelante, que d’une invitation à entrer en pourparlers.
Sur ce, c’est par des motifs exacts et pertinents, que les premiers juges, après avoir analysé les échanges entre les parties et notamment l’envoi du devis du 25 mai 2016 par la société B C qui précisait clairement son objet, soit la réalisation d’un film promotionnel ‘anniversaire’, et son prix détaillé par jours et étapes de réalisation, auquel était joint un document formalisant le synopsis du film, ont retenu l’existence d’une offre au sens de l’article 1103 du code civil qui a été acceptée sans équivoque par le président directeur général de la société X A par un courriel du 7 juillet 2016, ‘ c’est validé, dites moi comment vous souhaitez avancer’. Il y a seulement lieu d’ajouter que l’accord sur la chose et le prix suffit à caractériser l’existence du contrat sans que la société X A soit fondée en conséquence à dénoncer l’insuffisance de précisions ou son défaut d’acceptation au vu de ces échanges clairs et non ambigus et alors, au surplus qu’il n’est pas contesté que le contrat a reçu un début d’exécution au travers d’un repérage effectué en commun par les salariés des deux sociétés dans le château de GROUSSAY, lieu précisément choisi par la société B C, ce que les documents transmis confirment.
Le jugement dont appel sera dès lors confirmé de ce chef.
– Sur la rupture du contrat:
La société B C soutient que la société X A l’a maintenue dans l’illusion que leur relation contractuelle se poursuivait et que le film allait être réalisé, alors qu’elle menait son propre projet avec ses salariés, de sorte qu’elle n’a pu que prendre acte de la rupture unilatérale du contrat le 7 avril 2017, du fait de son comportement fautif et déloyal.
La société X A conteste avoir jamais mis fin à la relation contractuelle et estime que la société B s’est peu manifestée pour s’assurer de l’exécution du contrat. Elle constate par ailleurs que la société B C n’a pas respecté le formalisme édicté par l’article 1226 du code civil en s’abstenant de lui adresser toute lettre de mise en demeure avant la rupture du contrat. Elle ajoute que c’est la mise en demeure adressée par l’intimée qui l’a contrainte à ne plus donner suite à ce projet de vidéo.
Sur ce, le contrat ayant été formé par l’accord de volontés formalisé des deux sociétés, il convient d’examiner s’il a été exécuté de bonne foi. Or, alors que la société X A a informé la société B C de son acceptation pour la réalisation du film en juillet 2016 et que l’intimée a commencé à exécuter le contrat en procédant aux repérages dès le 11 juillet 2016, le démarrage du tournage n’a pu débuter du fait de la société X A, l’appelante annonçant en janvier 2017, après avoir été relancée par la société B C, avoir mis le projet en ‘stand by étant donné que d’autres projets d’envergure ont émergé’, soumettant ainsi l’éventuelle réalisation du film au bon vouloir de son commanditaire. Par ailleurs, la société B C démontre que la société X A s’est servie des repérages effectués au château de GROUSSAY pour réaliser une campagne photographique mise en ligne sur son site internet dès février 2017, sans même la prévenir.
Dans ce contexte, comme l’a justement relevé le tribunal, la lettre de mise en demeure adressée par la société B C à la société X A le 7 avril 2017 s’analyse comme la prise d’acte d’une rupture imputable à la seule appelante qui non seulement n’a pas exécuté le contrat comme prévu mais s’est, en outre, servie d’une partie du travail de la société B C et n’a ainsi pas poursuivi l’exécution de bonne foi du contrat, ouvrant droit à réparation pour l’intimée. La société X A n’est en conséquence pas fondée à reprocher à la société B C de ne pas avoir respecté les termes de l’article 1126 du code civil et, ce, d’autant que le courrier du 7 avril 2017 portait mise en demeure et qu’elle-même, dans une réponse du 13 avril 2017, n’a pas entendu poursuivre l’exécution du projet de film, venant confirmer la rupture des relations contractuelles.
La rupture anticipée du contrat est donc imputable à la société X A. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
– Sur le préjudice:
La société B C expose avoir subi, du fait de la rupture unilatérale du contrat par la société X A, un préjudice au titre du travail réalisé en vain et de la perte de chance de toucher les sommes prévues au titre du contrat.
La société X A conteste l’existence du moindre préjudice puisque, selon elle, la phase de pré-production n’était pas facturée dans le devis et que la rupture du contrat ne lui est pas imputable.
Le tribunal a justement retenu que le préjudice subi par la société B C du fait de la rupture fautive du contrat par la société X A était d’abord constitué par le travail entrepris et jamais rémunéré par l’appelante, sauf pour la cour d’ajouter que ce travail a, en outre, été en partie exploité par la société X A pour la réalisation d’une campagne de communication. À cet égard, si effectivement le devis prévoyait la réalisation d’un certain nombre de prestations à titre gratuit comme le repérage, les premiers juges ont exactement retenu que la gratuité annoncée ne pouvait s’entendre que comme un geste commercial sur la totalité du prix figurant sur le devis ( 63.402€ TTC) en considération de l’ensemble des prestations concernées. Le tribunal a ainsi justement évalué le préjudice subi à ce titre à la somme de 26.400€ HT en retenant un total de 33 jours de travail de pré-production avec un tarif moyen de 800€ HT par jour, la société X A, qui conteste ce tarif, ne démontrant par aucun autre document qu’il serait en réalité moindre. Il y a lieu d’ajouter qu’à hauteur d’appel, la société B C verse de nouveaux documents attestant de la réalité du travail accompli s’agissant de l’analyse de la marque Z A, de la synthèse et du développement de planches tendances en vue de la réalisation du scénario, du développement de pistes créatives, de la recherche d’un lieu de tournage, de la réalisation du devis, de la recherche de collaborateurs et du développement du projet final des plans de tournage. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a fixé le préjudice subi à ce titre à la somme de 26.400€ HT.
Puis, comme le tribunal, la cour retient que la société B C a perdu une chance réelle et sérieuse d’exécuter les prestations convenues qui a été justement évaluée à 25 % du devis, dont le tribunal a déduit la somme déjà allouée au titre de la pré-production, soit une somme de 6.608€ HT, le jugement querellé étant confirmé sur ce point.
– Sur les faits de contrefaçon de droits d’auteur :
La société B C soutient que le scénario créé pour la société X A est une oeuvre originale en ce qu’elle a exigé un effort créatif portant l’empreinte de la personnalité des créateurs, notamment par la combinaison du choix des produits Z A, du cadre particulier du château de GROUSSAY et des arrangements visuels et scénographiques visant à faire ressortir une image mystérieuse et onirique de l’ensemble. Selon elle, le scénario qu’elle a élaboré détaillant les plans, images, jeux de lumière, la musique, la mise en scène présente donc une forme originale protégée au titre du droit d’auteur. Elle ajoute que le choix de recourir à un certain champ lexical au sein du scénario, les choix scénographiques effectués dans l’exposition et la disposition des produits Z A, les jeux d’assimilation créés entre le parc du château de GROUSSAY et la collection d’art de table, ou les décors de mobilier intégrés à une scène de théâtre, les jeux de comparaison ainsi effectués représentent des choix personnels et non nécessaires qui ont été réalisés par elle.
L’intimée expose par ailleurs que l’appelante a contrefait son scénario en reprenant, selon elle, les visuels, le descriptif et la scénographie publiés sur le site internet de Z A au travers de trois campagnes: Z A pour Designers Guild: Au théâtre ce soir; Nouvelle Collection: Art de la table, ‘Rêveries’; A la découverte du Château de Groussay. Selon elle, la reprise de nombreux éléments propres au scénario entraîne une très forte ressemblance esthétique globale entre celui-ci et la campagne de promotion sur le site internet, constitutive de faits de contrefaçon, même si la copie porte sur des photographies et non sur un film. Elle souligne à ce titre que l’ensemble de son travail de repérage et d’écriture a été repris par des salariés de la société X A ou ses collaborateurs.
Elle détaille la reprise des éléments protégeables de son oeuvre s’agissant des choix précis de décor, des choix scénographiques ou de la mise en valeur de la collection ‘Art de vivre’ de Z A.
La société X A soutient que l’intimée se prétend l’auteur d’une oeuvre non protégée par le droit d’auteur, ce qui la rend irrecevable à agir, outre que le scénario de la société B C n’est pas original en ce qu’il n’est pas développé et banal. Elle estime que la ‘création d’un univers original’ revendiqué par la société B C ne constitue qu’une inspiration ou un concept de libre parcours insusceptible de protection et conteste par ailleurs tout acte de contrefaçon relevant qu’aucune des photographies mises en ligne ne reprend les pistes évoquées dans le scénario, si ce n’est des prises de vue dans le Château de GROUSSAY, sur lequel l’intimée ne peut revendiquer aucun droit.
Sur ce, l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur celle-ci, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Ce droit est conféré, en vertu de l’article L.112-1 du même code, à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.
Néanmoins, lorsque cette protection est contestée en défense, l’originalité d’une oeuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend l’auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.
En l’espèce, la société B C soutient, comme en première instance, que l’empreinte de la personnalité des créateurs, en l’espèce MM. X et Y, ressortirait très nettement de la combinaison :
« (i) des produits Z A, tirés des cinq collections précédentes «Art de vivre» de cette société ;
(ii) du cadre particulier du château de GROUSSAY (qui a été repéré dans le cadre des travaux préparatoires par B C), château du XIXème siècle qui a été réaménagé par Charles de BEISTEGUI dans le courant du XXème siècle et dans lequel a été créé un théâtre des ‘Folies’; et
(iii) des arrangements visuels et scénographiques visant à faire ressortir une image mystérieuse et onirique de l’ensemble ».
Cependant, la cour, comme les premiers juges, ne peut que rappeler que tant les produits Z A que le cadre offert par le château de GROUSSAY ne peuvent être revendiqués comme une création originale de la société B C et que la conception d’un ‘univers onirique et mystérieux’ ne constitue qu’une inspiration ou un concept, non susceptible de donner lieu à une appropriation, les idées demeurant de libre parcours.
La société B C soutient cependant qu’elle a suffisamment formalisé sa création à travers notamment le synopsis transmis à l’appelante qui décrit en ces termes l’univers onirique qu’elle a imaginé: ‘ Une jeune femme se lance à la poursuite d’une créature mystérieuse, à travers une magnifique demeure et son jardin fantastique. Au fil de sa quête notre personnage va de surprises en surprises, jusqu’à découvrir une tente mystérieuse (‘) Notre personnage prend vie avec la robe de mariée iconique 2003, habillé du motif passeo. Une démarche fluide, port de tête altier, des mouvements gracieux accompagnent la progression du film. (…) Dans un loft résolument moderne et baigné de lumière. L’on suit une jeune femme habillée d’une création Z A. Cette jeune femme déambule dans une immense pièce au milieu de laquelle se trouve une volière enfermant des papillons (motifs CL) animés. La jeune femme traverse un rideau qui mène vers l’extérieur (…) Notre personnage se saisit de la longue vue située au sommet de la colonne et observe les alentours. Elle arrête son regard sur une étrange créature, mi-homme mi-lion, habillée très élégamment (‘) Notre personnage poursuit sa quête dans le parc, en chemin elle porte son regard sur une magnifique table sur le point d’être dressée. Des personnages en cadavre exquis s’y animent, ils slaloment entre les créations d’arts de la table, et échangent malgré eux des éléments de leurs corps (‘) Le contre champs nous dévoile le personnage traverser une allée habillé de foulards Z A installés tels des drapeaux de prière tibétain(‘) Notre personnage est inévitablement attiré par ce mystérieux chapiteau, y entre. Au centre de cette unique pièce habillée de motifs andalous, est disposé un fauteuil. Notre jeune femme s’y installe, nous découvrons à travers son regard un superbe ciel étoilé et joliment animé. » Cependant, ces éléments de présentation en ce qu’ils se contentent de décrire une déambulation dans le Château de Groussay et ses jardins en y associant certaines pièces des collections de la société X A ne suffisent pas, comme l’a justement relevé le tribunal, à démontrer un parti pris esthétique accessible à la protection du droit d’auteur.
Au surplus, les arguments, identiques à ceux présentés en première instance , ne sont pas de nature à remettre en cause l’appréciation exacte et pertinente portée par le tribunal, que la cour fait sienne, concernant l’absence de contrefaçon démontrée entre le scénario revendiqué par la société B C et les trois campagnes publicitaires diffusées sur le site internet de la société X A, qui a ainsi retenu à juste raison que le synopsis imaginé par la société B C ne se retrouvait pas dans les photographies publiées par la société X A. Ainsi, le seul fait que des mises en scène d’objets issus des collections de la société X A ont été photographiées dans certains des lieux repérés au sein du château de GROUSSAY, ne saurait suffire à établir les faits de contrefaçon, la demanderesse ne pouvant, comme déjà mentionné, revendiquer le moindre droit sur ceux-ci.
En conséquence, la société B C doit être déboutée de ses demandes formées au titre de la contrefaçon, le jugement querellé étant confirmé sur ce point.
– Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive:
C’est par de justes motifs, adoptés par la cour, que les premiers juges ont retenu que la société B C obtenant gain de cause pour partie de ses demandes, son action en justice ne pouvait être considérée comme fautive, de sorte que la société X A doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, le jugement étant confirmé de ce chef.
– Sur les autres demandes:
La société X A, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, dont distraction dans les conditions posées par l’article 699 du code de procédure civile, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
L’équité et la situation des parties commandent de condamner par ailleurs, la société X A à verser à la société B C, au titre des frais non compris dans les dépens exposés par l’intimée, la somme de 5.000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 11 avril 2019 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société X A au paiement des dépens de l’instance en appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne la société X A au paiement à la société B C de la somme de 5.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE