Commande de site internet pour une société en formation : le piège à éviter
Commande de site internet pour une société en formation : le piège à éviter

Le créateur d’entreprise et futur gérant qui signe un contrat de commande de site internet doit veiller à le faire au nom de sa société en formation. Le cas opposé, il se trouve dans l’obligation d’assigner personnellement son prestataire en cas de manquements au contrat. 

Responsabilité du prestataire internet 

Par devis signé, un entrepreneur, exerçant sous le nom d’entreprise NEGOCE BTP, a commandé auprès d’un webmaster, la réalisation du site web de sa société. Considérant que le webmaster avait manqué à ses obligations, la société NEGOCE BTP a assigné le webmaster. Par ordonnance, le magistrat a déclaré l’action de la société Negoce Travaux Services irrecevable. 

Intervention volontaire infructueuse    

Le créateur d’entreprise est également intervenu sans succès en intervention volontaire.   

A raison du principe du respect du double degré de juridiction, l’article 554 du code de procédure civile ne permet pas à un intervenant de soumettre en cause d’appel un litige nouveau et de demander des condamnations personnelles non soumises au premier juge.

Il résulte de l’article 554 du code de procédure civile que peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

L’intervention peut être principale, au sens de l’article 329 du code de procédure civile, lorsque l’intervenant élève une prétention au profit de celui qui la forme ou accessoire, au sens de l’article 330 du même code, lorsqu’il appuie les prétentions d’une partie.

Pour que l’intervention principale soit recevable, il faut qu’elle se rattache aux prétentions des parties originaires par un lien suffisant.

Intervention irrecevable 

Or, en demandant à son profit les mêmes condamnations que celles qui avaient été sollicitées par la société Negoce Travaux Service en son nom personnel, par la voie de l’intervention volontaire principale, les demandes du gérant ne tendaient pas aux mêmes fins que celles originaires formées par la société Negoce Travaux Service en son nom personnel et n’en sont ni l’accessoire ni le complément.

Il s’ensuit que, le gérant qui instaure un nouveau litige n’ayant pas subi l’épreuve du premier degré de juridiction, ne justifiait pas d’un lien suffisant entre ses demandes de condamnations personnelles et les prétentions originaire de la société Negoce Travaux Service de nature à lui reconnaître un intérêt à intervenir en appel. Son intervention volontaire en cause d’appel a été déclarée irrecevable.


COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 03 NOVEMBRE 2022

N° 2022/722

Rôle N° RG 21/12044 –��N° Portalis DBVB-V-B7F-BH6D7

S.A.R.L. NEGOCE TRAVAUX SERVICE

C/

[Z] [P]

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de TOULON en date du 13 juillet 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/00149.

APPELANTE

S.A.R.L.U NEGOCE TRAVAUX SERVICES

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 1]

représentée par Me Ségolène TULOUP de la SELARL LLC & ASSOCIES – BUREAU DE LA VALETTE DU VAR, avocat au barreau de TOULON

INTIME

Monsieur [Z] [P]

Né le 06 août 1984 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Marion VELLA, avocat au barreau de TOULON, plaidant

INTERVENANT VOLONTAIRE

Monsieur [X] [V]

Né le 23 mars 1979 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Ségolène TULOUP de la SELARL LLC & ASSOCIES – BUREAU DE LA VALETTE DU VAR, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 27 septembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme NETO, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Mme Angélique NETO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 novembre 2022,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline BURON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par devis signé le 12 mars 2018, M. [X] [V], exerçant sous le nom d’entreprise NEGOCE BTP, a commandé auprès de M. [Z] [P], webmaster, la réalisation du site web de sa société.

La SARLU Negoce Travaux Publics a été créée le 1er septembre 2018.

Se prévalant de manquements de M. [P] à ses obligations contractuelles, et notamment le renvoi des liens hypertextes du site internet de la société auprès d’un site concurrent, la SARLU Negoce Travaux Services l’a fait assigner, par acte d’huissier en date du 7 janvier 2021, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon aux fins de la voir condamner à lui verser diverses sommes à titre provisionnel et à lui remettre les codes d’accès à son site internet.

Par ordonnance en date du 13 juillet 2021, ce magistrat a déclaré l’action de la société Negoce Travaux Services irrecevable et l’a condamnée à verser à M. [P] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Il a notamment estimé que M. [P] a contracté avec M. [X] [V], exerçant sous le nom d’entreprise NEGOCE BTP, personne morale distincte de la société Negoce Travaux Services qui ne justifie pas de sa qualité à agir à l’encontre de M. [P].

Par déclaration transmise au greffe le 5 août 2021, la société Negoce Travaux Services a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dûment reprises.

M. [X] [V] est intervenu volontairement à la procédure.

Dans ses dernières conclusions transmises le 5 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, la SARLU Negoce Travaux Services et M. [V] sollicitent de la cour qu’elle réforme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau qu’elle :

— condamne M. [P] à verser à M. [V] la somme de 5 000 euros, à titre de provision, à valoir sur l’indemnisation de son préjudice résultant du trouble commercial qui a résulté pour elle du renvoi des clients à un site internet concurrent ;

— condamne M. [P] à lui verser la somme de 11 880 euros, à titre de provision, à valoir sur l’indemnisation du préjudice résultant de l’intervention de l’entreprise Jalis pour palier les manquements de M. [P] ;

— condamne M. [P] à lui remettre les codes d’accès à son site internet afin de permettre à une autre société spécialisée de supprimer le renvoi des liens hypertextes à un site concurrent, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

— condamne M. [P] à lui verser la somme de 960 euros, à titre de provision, à valoir sur le montant des sommes versées pour la création d’un site internet qui n’a jamais fonctionné ;

— condamne M. [P] à lui verser, à titre de provision, la somme de 2 515,20 euros toutestaxes comprises à valoir sur le remboursement de prestations qui n’ont jamais été réalisées ;

— déboute M. [P] de l’ensemble de ses demandes ;

— condamne M. [P] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamne M. [P] aux dépens de première instance, en ce compris les frais de constat d’huissier de justice.

Concernant les fins de non-recevoir soulevées, ils font valoir que l’action a été initiée par la société Negoce Travaux Services dès lors que les factures ont été établies par M. [P] au nom de cette société au cours de la relation contractuelle mais que, compte tenu de la décision du premier juge qui s’est référé au contrat souscrit entre M. [P] et M. [V], exerçant alors sous l’enseigne NEGOCE BTP, M. [V] entend intervenir volontairement à la procédure afin de former les mêmes demandes que celles qui avaient été formées par la société Negoce Travaux Services.

Concernant ses demandes fondées sur l’article 835 du code de procédure civile, M. [V] indique que M. [P] n’a pas respecté ses engagements contractuels dès lors que le site internet qu’il a créé a révélé de nombreux dysfonctionnements, avec en particulier le renvoi des liens du site sur un site concurrent et des codes d’accès qui ne fonctionnent pas. Il relève également que certaines prestations, comme le référencement du site et sa mise en avant auprès des réseaux sociaux, n’ont jamais été réalisées. Il insiste sur le préjudice commercial subi du fait du renvoi des clients à un site internet concurrent dont il ne peut mettre un terme tant qu’il n’aura pas les codes d’accès à son site.

Dans ses dernières conclusions transmises le 31 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, M. [P] sollicite de la cour qu’elle :

— confirme l’ordonnance entreprise en déclarant irrecevables les demandes formées par la SARLU Negoce Travaux Services ;

— déclare irrecevables les demandes de M. [V] formées devant la cour d’appel ;

— les déboute, en tout état de cause, de leurs demandes ;

— le condamne in solidum à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Concernant les fins de non-recevoir qu’il soulève, il expose que le contrat a été signé le 12 mars 2018 entre lui-même et M. [V] exerçant sous le nom d’entreprise NEGOCE BTP. Il relève avoir facturé cette entreprise les premiers mois puis à la société Negoce Travaux Services qui a été créée le 1er septembre 2018. Il estime que cette société, qui sollicite le remboursement de la création du site internet et du référencement à titre provisionnel, n’a pas le droit d’agir à son encontre, comme n’étant pas son contractant, et ce, sur le fondement des articles 122 et suivants du code de procédure civile, ce qu’elle reconnait à hauteur d’appel en renonçant aux demandes formées par elle-même devant le premier juge.

Il se prévaut par ailleurs des articles 563 et 564 du même code pour considérer que les demandes formées par M. [V] aux lieu et place de la société Negoce Travaux Services sont irrecevables comme étant nouvelles, outre le procédé qualifié de fallacieux et juridiquement incorrect. Il relève avoir soulevé le défaut d’intérêt et de qualité à agir de la société Negoce Travaux Services dès ses premières écritures de première instance sans que M. [V] ne juge utile d’intervenir volontairement devant le premier juge. De plus, il considère qu’un intervenant volontaire peut agir en cause d’appel au soutien d’une partie appelante mais pas de manière autonome et isolée, ce qui est le cas de M. [V]. Enfin, il insiste sur le fait que les demandes présentées par ce dernier l’ont été pour la première fois en appel, ce qui prive les parties du double degré de juridiction.

Concernant le bien-fondé des demandes formées par M. [V], il relève l’absence de trouble manifestement illicite, de dommage imminent et l’existence de contestations sérieuses dès lors qu’il est demandé au juge de référé de se prononcer sur le bien-fondé de l’action en responsabilité exercée à son encontre. Il fait observer que le site internet de la société Negoce Travaux Services n’existe plus et qu’il a d’ores et déjà procédé au remboursement de la somme de 1 958 euros le 22 décembre 2020. Il souligne en outre avoir d’ores et déjà communiqué à M. [V] ses codes d’accès en tant qu’administrateur et qu’il lui suffisait d’appuyer sur l’onglet mot de passe oublié pour recevoir de nouveaux codes sur sa boîte mail, et ce, d’autant qu’il ne saurait être tenu pour responsable du blocage du site par suite de l’intervention d’un autre webmaster qui a changé les identifiants. De plus, il expose que seul le client est responsable du contenu rédactionnel du site, tel que cela résulte du devis, de sorte que les paragraphes contenant les liens hypertextes lui ont été adressés par le client, qui semble avoir fait un copié-collé du contenu du site concurrent, afin qu’il les intégre sur le site sans avoir le droit de les modifier. Il relève que M. [V] a validé le projet du site avant qu’il ne soit mis en ligne. Il indique enfin que ce dernier a poursuivi l’abonnement mensuel pour le référencement SEO de mars 2018 à décembre 2020 sans se plaindre et qu’il avait la possibilité d’y mettre un terme chaque mois, ce qu’il n’a jamais fait.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 13 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’intervention volontaire de M. [V] en cause d’appel

Il résulte de l’article 554 du code de procédure civile que peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

L’intervention peut être principale, au sens de l’article 329 du code de procédure civile, lorsque l’intervenant élève une prétention au profit de celui qui la forme ou accessoire, au sens de l’article 330 du même code, lorsqu’il appuie les prétentions d’une partie.

Pour que l’intervention principale soit recevable, il faut qu’elle se rattache aux prétentions des parties originaires par un lien suffisant.

Toutefois, à raison du principe du respect du double degré de juridiction, l’article 554 du code de procédure civile ne permet pas à un intervenant de soumettre en cause d’appel un litige nouveau et de demander des condamnations personnelles non soumises au premier juge.

En l’espèce, retenant un défaut de qualité et d’intérêt à agir de la société Negoce Travaux Service, le premier juge a déclaré ses demandes irrecevables en excluant tout examen au fond.

L’intervention volontaire de M. [V] en cause d’appel a pour objet de demander les mêmes condamnations que celles qui avaient été sollicitées par la société Negoce Travaux Service devant le premier juge.

M. [V], qui n’était ni partie, ni représenté en première instance, formule donc, pour la première fois devant la juridiction de second dégré, des prétentions personnelles, à savoir la condamnation de M. [P] à lui verser diverses provisions à valoir sur les préjudices qu’il subis à titre personnel dont ni l’existence ni le montant n’ont été soumis au premier juge.

Or, en demandant à son profit les mêmes condamnations que celles qui avaient été sollicitées par la société Negoce Travaux Service en son nom personnel, par la voie de l’intervention volontaire principale, les demandes de M. [V] ne tendent pas aux mêmes fins que celles originaires formées par la société Negoce Travaux Service en son nom personnel et n’en sont ni l’accessoire ni le complément.

Il s’ensuit que, M. [V], qui instaure un nouveau litige n’ayant pas subi l’épreuve du premier degré de juridiction, ne justifie pas d’un lien suffisant entre ses demandes de condamnations personnelles et les prétentions originaire de la société Negoce Travaux Service de nature à lui reconnaître un intérêt à intervenir en appel.

Son intervention volontaire en cause d’appel doit donc être déclarée irrecevable.

Sur la fin de non-recevoir pour défaut de qualité et d’intérêt à agir de la société Negoce Travaux Services

L’article 122 du code de procédure civile énonce que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité et d’intérêt.

En l’espèce, dès lors que la société Negoce Travaux Services, qui était partie en première instance, ne réitère pas en cause d’appel ses demandes de condamnations formées en son nom personnel devant le premier juge, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle déclaré son action irrecevable.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Dès lors que la société Negoce Travaux Services n’obtient pas gain de cause à hauteur d’appel, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a condamnée à verser à M. [P] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance.

L’intervention volontaire de M. [V] en cause d’appel étant, en plus, irrecevable, il y a lieu de le condamner in solidum avec la société Negoce Travaux Services aux dépens de la procédure d’appel.

L’équité commande en outre de les condamner in solidum à verser à M. [P] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés non compris dans les dépens.

En revanche, M. [V] et la société Negoce Travaux Services seront déboutés de leur demande formée sur le même fondement en tant que parties perdantes à la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevable l’intervention volontaire en cause d’appel de M. [X] [V] ;

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne in solidum la SARLU Negoce Travaux Services et M. [X] [V] à verser à M. [Z] [P] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;

Déboute la SARLU Negoce Travaux Services et M. [X] [V] de leur demande formulée sur le même fondement ;

Condamne in solidum la SARLU Negoce Travaux Services et M. [X] [V] aux dépens de la procédure d’appel.

La greffière Le président


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