Commande de matériel sur la base d’un mandat apparent 

·

·

Commande de matériel sur la base d’un mandat apparent 

Il résulte de l’article 1998 du code civil que le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné ; cependant, il est de principe que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.

Preuve commerciale libre

Aux termes de l’article L. 110-3 du code de commerce : « A l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi ».

Au regard de ce principe de la liberté de la preuve en matière commerciale, il n’y a pas lieu, de rechercher, par référence aux dispositions des anciens articles 1341 et suivants du code civil, s’il existe un commencement de preuve par écrit d’un mandat donné par une société,  qui devrait être complété par un élément extérieur, ou si les relations entretenues entre les divers protagonistes sont de nature à caractériser une impossibilité morale de se procurer un écrit ; en effet, dès lors que le litige concerne quatre sociétés commerciales, tous les modes de preuve sont admissibles devant la juridiction commerciale.

Obligations du mandant

L’existence d’un mandat donné par une société, permettant à celle-ci de commander directement les matériels nécessaires à son activité, qui seraient financés par la première, ne saurait résulter des divers courriels échangés entre les parties relatifs à la facture litigieuse et aux difficultés de son recouvrement, quand bien même le gérant, rendu destinataire de certains courriels, n’y aurait pas réagi’.

Réception sans réserve de factures

De même, la réception, sans réserve, de la part de la société et de son dirigeant de trois factures pro forma reprenant le détail des matériels mentionnés au devis ne peut permettre de caractériser un tel mandat ; les courriels postérieurs à la commande litigieuse, alors qu’il convient de se placer à la date de celle-ci pour apprécier l’existence d’un mandat même tacite, ne sauraient, en toute hypothèse, prouver la portée du mandat allégué, visant à conférer à la société le pouvoir de commander directement des matériels, sans accord préalable.  

Pas de mandat apparent

Il résulte de tout ce qui précède que la preuve n’est pas rapportée de l’existence d’un mandat donné par la société de commander directement, sans son accord préalable, du matériel qu’elle se serait engagée ensuite à régler sans condition (pas de mandat apparent).

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 24 MAI 2022

 
Numéro d’inscription au répertoire général :
 
N° RG 19/07328 –��N° Portalis DBVK-V-B7D-OMRA
 
Décisions déférées à la Cour :
 
Jugement du 23 SEPTEMBRE 2019 (RG 2017014421)
 
Jugement du 27 MAI 2020 (RG 2019017062)
 
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
 
APPELANTES :
 
* Dossier 19/07328
 
Madame [K] [E] représentant la SCP [E] en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS BACK UP RENT selon jugement d’ouverture de redressement judiciaire du 02/10/19 publié au BODACC A n°20190202 le 18/10/19
 
de nationalité Française
 
[Adresse 4]
 
[Localité 10]
 
Représentée par Me Aurélia DONADONI, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Olivier MINGASSON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER
 
SAS BACK UP RENT prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
 
[Adresse 1]
 
[Localité 11]
 
Représentée par Me Aurélia DONADONI, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Olivier MINGASSON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER
 
SCP CBF ASSOCIES en la personne de Maître [R] [H] en sa qualité d’administrateur judiciaire de la SAS BACK UP RENT selon jugement d’ouverture de redressement judiciaire du 02/10/19 publié au BODACC A n°20190202 le 18/10/19
 
[Adresse 7]
 
[Localité 12]
 
Représentée par Me Aurélia DONADONI, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Olivier MINGASSON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER
 
Société ESM-SONORISATION ECLAIRAGE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
 
[Adresse 15]
 
[Localité 9]
 
Représentée par Me Aurélia DONADONI, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Olivier MINGASSON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER
 
* Dossier 20/03145
 
Madame [K] [E] représentant la SCP [E] en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS BACK UP RENT selon jugement d’ouverture de redressement judiciaire du 02/10/19 publié au BODACC A n°20190202 le 18/10/19
 
de nationalité Française
 
[Adresse 4]
 
[Localité 10]
 
Représentée par Me Aurélia DONADONI, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Olivier MINGASSON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER
 
Monsieur [D] [G] membre de la SCP [G] ET ASSOCIES En sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ESM-SONORISATION ECLAIRAGE selon jugement portant conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire du 30 septembre 2020
 
de nationalité Française
 
[Adresse 13]
 
[Localité 8]
 
Représenté par Me Aurélia DONADONI, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Olivier MINGASSON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER
 
S.A.S. BACK UP RENT prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
 
[Adresse 1]
 
[Localité 11]
 
Représentée par Me Aurélia DONADONI, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Olivier MINGASSON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER
 
S.C.P. CBF ASSOCIES en la personne de Maître [R] [H] en sa qualité d’administrateur judiciaire de la SAS BACK UP RENT
 
[Adresse 7]
 
[Localité 12]
 
Représentée par Me Aurélia DONADONI, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Olivier MINGASSON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER
 
Société ESM-SONORISATION ECLAIRAGE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
 
[Adresse 15]
 
[Localité 9]
 
Représentée par Me Aurélia DONADONI, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Olivier MINGASSON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER
 
* Dossier 20/03223
 
S.A.S. EUROPEENNE DE SON ET DE LUMIERE – EUROPEAN SOUND A ND LIGHT agissant poursuites et diligences de son Président, domicilié ès qualités de droit audit siège
 
[Adresse 2]
 
[Localité 5]
 
Représentée par Me Roland ICKOWICZ de la SELARL BIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
 
INTIMEES :
 
* Dossier 19/01328
 
S.A.R.L. DL LOCATION Prise en la personne de son gérant en exercice domicilié es qualité au siège social sis
 
[Adresse 15]
 
[Localité 9]
 
Représentée par Me Yann GARRIGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
 
Représentée par Me François MENDY, avocat au barreau d’AMIENS, avocat plaidant
 
SAS EUROPEENNE DE SON ET DE LUMIERE, EUROPEAN SOUND AN D LIGHT agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège,
 
[Adresse 14]
 
[Localité 6]
 
Représentée par Me Roland ICKOWICZ de la SELARL SELARL BIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
 
* Dossier 20/03145
 
S.A.R.L. DL LOCATION prise en la personne de son gérant en exercice domicilié es qualité au siège social sis
 
[Adresse 15]
 
[Localité 9]
 
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
 
Représentée par Me François MENDY, avocat au barreau d’AMIENS, avocat plaidant
 
S.A.S. EUROPEENNE DE SON ET DE LUMIERE – EUROPEAN SOUND A ND LIGHT agissant poursuites et diligences de son président domicilié es qualité de droit audit siège
 
[Adresse 2]
 
[Localité 5]
 
Représentée par Me Roland ICKOWICZ de la SELARL SELARL BIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
 
* Dossier 20/03223
 
Madame [K] [E] représentant la SCP [E] ès qualités de mandataire judiciaire de la société BACK UP RENT selon jugement d’ouverture de redressement judiciaire du 2/10/2019 publié au BODACC A N°20190202 le 18/10/2019, devenue liquidateur judiciaire de la SAS BACK UP RENT, placée en liquidation judiciaire simplifiée suivant jugement du Tribunal de commerce de Paris du 9 septembre 2020, publié au BODACC A n°2624 le 25/09/2020 et, la SCP [E], est devenue liquidateur judiciaire.
 
[Adresse 4]
 
[Localité 10]
 
Assignée à domicile le 29 septembre 2020
 
Monsieur [D] [G], membre de la SELARL [G] et ASSOCIES ès qualités de liquidateur judiciaire de la «ESM – SONORISATION ECLAIRAGE » selon jugement portant conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire du 30 septembre 2020
 
[Adresse 13]
 
[Adresse 3]
 
[Localité 8]
 
Assigné à personne habilitée le 28 septembre 2020
 
S.A.R.L DL LOCATION prise en la personne de son gérant en exercice domicilié es qualité au siège social sis
 
[Adresse 15]
 
[Localité 9]
 
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
 
Représentée par Me François MENDY, avocat au barreau d’AMIENS, avocat plaidant
 
S.A.S. BACK UP RENT prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
 
[Adresse 1]
 
[Localité 11]
 
Représentée par Me Aurélia DONADONI, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Olivier MINGASSON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER
 
S.C.P. CBF ASSOCIES ès qualités d’administrateur judiciaire de la société BACK UP RENT selon jugement d’ouverture de redressement judiciaire du 2/10/2019 publié au BODACC A N°20190202 le 18/10/2019
 
[Adresse 7]
 
[Localité 12]
 
Non assignée
 
S.A.S. ESM-SONORISATION ECLAIRAGE agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège
 
[Adresse 15]
 
[Localité 9]
 
Assignée en procès-verbal de recherche le 30 septembre 2020
 
Ordonnance de clôture du 22 Février 2022
 
COMPOSITION DE LA COUR :
 
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 MARS 2022, en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
 
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
 
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller
 
Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller
 
qui en ont délibéré.
 
Greffier, lors des débats : Madame Audrey VALERO
 
ARRET :
 
— Contradictoire
 
— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
 
— signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.
 
*
 
* *
 
FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:
 
La SAS ESM-Sonorisation Eclairage (la société ESM), immatriculée le 1er août 2001 au registre du commerce et des sociétés d’Arras et ayant son siège social à [Localité 9], était détenue, directement ou indirectement, par [T] [A] et [F] [A] ; elle avait pour objet le négoce et la location de matériel de sonorisation éclairage et le négoce d’instruments de musique.
 
La SAS Back up Rent, immatriculée le 29 juin 2016 au registre du commerce et des sociétés de Paris, avait pour activités la location, l’installation, l’achat et la vente de tous types de produits et matériels notamment de sonorisation, éclairage, décors, vidéo, électricité, mobilier, structures (chapiteaux, tentes, barnums…) permettant l’organisation de tous types de spectacles et événements; elle avait notamment pour actionnaires la société L financière représentée par [O] [Z] et la société holding [A] représentée par [T] [A] ; M. [A] était le président de la société, tandis que M. [Z] en était le directeur général ; le 20 juin 2017, la société L financière a cédé ses actions à la société holding [A] et, lors de l’assemblée générale du 25 juillet 2017, les actionnaires ont pris acte de la démission de M. [Z] de ses fonctions de directeur général.
 
La SARL DL location, dont le siège est à Noeux-les-Mines, détenue par la société L financière et ayant pour gérant M. [Z], a pour activité la location et la vente en gros de matériels divers et notamment du matériel dédié aux professionnels du spectacle’; elle a été immatriculée le 25 avril 2016 au registre du commerce et des sociétés d’Arras.
 
Créée en 1991, la SAS Européenne Son et Lumière-European Sound and Light (la société ESL), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier, a pour activité la distribution de matériel de production et de reproduction de son et d’image, d’éclairage scénique et plus largement, d’équipement audio professionnel.
 
Le 11 mai 2016, la société ESL a établi, au nom de la société DL location, un devis n° DEV-16-05044 pour la vente de matériel de câblage d’un montant TTC de 421’560,43 euros ; ce devis a été signé avec la mention manuscrite «bon pour accord » et une partie du matériel commandé a été livrée entre le 10 juin 2016 et le 22 août 2016.
 
Une facture n° FAC-16-10’048, d’un montant total TTC de 374’652,16 euros a été éditée le 8 septembre 2016 et n’a pas été réglée par la société DL location malgré diverses relances et une lettre de mise en demeure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 12 janvier 2017.
 
Par exploit du 19 septembre 2017, la société ESL a fait assigner en paiement de la somme due la société DL location devant le tribunal de commerce de Montpellier ; cette dernière a appelé en garantie la société Back up Rent et la société ESM.
 
Devant le tribunal, la société DL location a notamment prétendu que le devis n° DEV-16-05044 avait été accepté par Mme [A] en sa qualité de présidente de la société ESM et qu’elle-même n’avait jamais sollicité, ni validé ce devis, alors qu’il avait été convenu, dans le cadre des relations d’affaires entretenues entre les consorts [A] et M. [Z], qu’elle passerait elle-même des commandes de matériels auprès de ses fournisseurs, dont la société ESL, pour les donner ensuite en location à la société Back up Rent, structure qui avait été créée pour servir de grossiste aux professionnels du secteur auxquels les matériels devaient être reloués.
 
Le tribunal, par jugement du 23 septembre 2019 :
 
‘ s’est déclaré compétent pour statuer sur le litige,
 
‘ a déclaré recevables les demandes de la société ESL à l’égard des sociétés ESL et Back up Rent,
 
‘ a déclaré recevables les demandes de la société DL de location à l’égard des sociétés ESL et Back up Rent,
 
‘ a constaté l’absence de sollicitation et d’acceptation du devis DEV-16-05044 par la société DL location,
 
‘ a dit et jugé l’absence de relation contractuelle établie entre les sociétés ESL et DL location concernant le devis DEV-16-05044,
 
‘ a condamné solidairement les sociétés ESL et Back up Rent à payer à la société ESL la somme de 349’935,36 euros en principal,
 
‘ a condamné solidairement les sociétés ESL et Back up Rent à payer à la société ESL la somme de 52’451,30 euros au titre des intérêts moratoires à parfaire au jour de la décision et jusqu’au jour du paiement complet,
 
‘ a condamné solidairement les sociétés ESL et Back up Rent à payer à la société ESL la somme de 18’732,60 euros à titre de clause pénale,
 
‘ a dit et jugé qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire,
 
‘ a condamné solidairement les sociétés DL location et Back up Rent à payer à la société ESL la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
 
‘ a condamné solidairement les sociétés ESL et Back up Rent à payer à la société DL location la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
 
‘ condamné solidairement les sociétés ESL et Back up Rent aux dépens.
 
Par jugement du 2 octobre 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Back up Rent, la SCP CBF et associés représentée par M. [H] étant désignée comme administrateur judiciaire et la SCP [E] représentée par Mme [E], comme mandataire judiciaire.
 
La société ESM a également fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ouverte par un jugement du tribunal de commerce d’Arras en date du 12 février 2020, la Selarl [G] représentée par M. [G] étant désignée comme mandataire judiciaire.
 
Entre-temps, la société ESL a, le 5 décembre 2019, saisi le tribunal de commerce d’une requête en rectification du jugement rendu le 23 septembre 2019 relativement à la confusion opérée par le tribunal entre elle et la société ESM.
 
Par jugement rectificatif du 27 mai 2020, le tribunal a rectifié le jugement du 23 septembre 2019 en substituant, notamment dans son dispositif, la société ESM à la société ESL.
 
Le 7 novembre 2019, la société Back up Rent, ainsi que la SCP CBF et associés et la SCP [E], respectivement administrateur et mandataire judiciaire au redressement judiciaire de cette société, ont régulièrement relevé appel du jugement du 23 septembre 2019 (procédure enrôlée sous le n° 19/07328) ; une nouvelle déclaration d’appel du jugement rectificatif du 27 mai 2020 a été régularisée, le 29 juillet 2020, par la société Back up Rent, la SCP CBF et associés et la SCP [E] ès qualités, ainsi que par la société ESM et la Selarl [G], mandataire judiciaire au redressement judiciaire de cette société (procédure enrôlée sous le n° 20/03145).
 
Enfin, par déclaration reçue le 31 juillet 2020 au greffe, la société ESL a relevé appel du même jugement rectificatif rendu le 27 mai 2020 par le tribunal de commerce (procédure enrôlée sous le n° 20/03223).
 
Les trois procédures n’ont pas été jointes.
 
En cours d’instance, le redressement judiciaire des sociétés Back up Rent et ESM a été converti en liquidation judiciaire, la SCP [E] devenant liquidateur de la première, la Selarl [G] devenant liquidateur de la seconde.
 
* *
 
*
 
Dans les conclusions, qu’elles ont déposées via le RPVA, le 28 janvier 2021, dans les trois procédures, la société Back up Rent, son liquidateur judiciaire, la SCP [E] représentée par Mme [E], la société ESM et la Selarl [G] représentée par M. [G], son liquidateur judiciaire, demandent à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de débouter la société ESL de l’ensemble de ses demandes et la société DL location de son appel en garantie et, en tout état de cause, de condamner solidairement la société DL location et la société ESL à leur payer la somme de 5000 euros, chacune, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la somme de 5000 euros, chacune, au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile.
 
Au soutien de leurs appels, elles font essentiellement valoir que :
 
‘ il existait un accord entre les parties, s’intégrant dans un système global de financement mis en place, selon lequel la société ESL vendait du matériel à la société DL location laquelle procédait à l’acquisition de ce matériel puis le relouait à la société ESM ou à la société Back up Rent qui l’exploitait en contrepartie d’un loyer,
 
‘ les nombreux courriels échangés entre M. [Z], gérant de la société DL location, et la société Back up Rent caractérisent l’existence d’un commencement de preuve par écrit d’un mandat tacite, la société DL location étant, par ailleurs, en copie des échanges de courriels liés à la réception et au paiement du devis objet du litige et n’ayant jamais contesté la facture à régler,
 
‘ l’existence de relations d’amitié, d’un projet commun et de liens capitalistiques entre les divers protagonistes caractérise également une impossibilité de se procurer un écrit,
 
‘ l’absence de réaction de la société DL location et de son dirigeant, destinataire de trois factures pro forma reprenant le détail des matériels mentionnés au devis, témoigne de son acceptation d’un mandat tacite,
 
‘ il résulte de l’existence d’un tel mandat tacite que la société Back up Rent ne peut être considérée comme cocontractante et donc débitrice de la société DL location, laquelle n’est pas fondée à soutenir que la commande aurait été passée en fraude de ses droits,
 
‘ à supposer qu’elles soient reconnues débitrices de la société DL location, la dette à l’égard de celle-ci devra alors être considérée comme éteinte en l’état des loyers, dont la société Back up Rent s’est acquittée pour les prestations de location de matériel.
 
La société DL location, dont les conclusions ont été déposées le 29 octobre 2020 et le 22 décembre 2020, sollicite, outre la jonction des instances connexes, de :
 
A titre principal,
 
(…)
 
‘ dire et juger l’absence de sollicitation et d’acceptation du devis DEV-16-05044 par elle,
 
‘ dire et juger que les sociétés ESM et Back up Rent ne démontrent pas l’existence d’un mandat express pour la commande litigieuse et qu’aucun mandat tacite ne permettait d’effectuer une commande si importante,
 
‘ dire et juger l’absence d’acceptation des livraisons de matériels, en ce qu’aucun bon de commande n’a été signé par elle,
 
‘ dire et juger que le devis litigieux a été validé par la société ESM et que les produits ont été réceptionnés et utilisés (commercialisés) par les sociétés ESM et/ou Back up Rent,
 
‘ par conséquent, confirmer le jugement entrepris rendu le 23 septembre 2019 par le tribunal de commerce de Montpellier en toutes ses dispositions, mais tel que rectifié par le jugement du 27 mai 2020,
 
A titre subsidiaire et par extraordinaire en cas d’infirmation,
 
‘ dire et juger l’absence de devis et livraison ratifiés par elle et, par conséquent, que toute créance au bénéfice de la société ESL serait née de la décision à intervenir,
 
‘ dire et juger les fautes des sociétés ESM et Back up Rent lui ayant causé un préjudice direct,
 
‘ par conséquent, rejeter toutes les demandes de condamnation au titre des intérêts de retard et de la clause pénale formées par la société ESL,
 
‘ condamner solidairement les sociétés ESM et Back up Rent à la relever et garantir de toutes condamnations éventuelles portées à son encontre par la décision à intervenir,
 
‘ rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés ESM et Back up Rent,
 
En tout état de cause,
 
‘ débouter les sociétés ESL, ESM et Back up Rent de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
 
‘ dire la demande en condamnation au paiement d’une amende civile formée par les sociétés ESM et Back up Rent irrecevable,
 
‘ condamner solidairement les sociétés ESL, ESM et Back up Rent à lui payer la somme de 10’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
 
Elle soutient en substance que :
 
‘ le devis n° DEV-16-05044 a été accepté le 26 mai 2016 par Mme [A] en sa qualité de présidente de la société ESM, société détenue par les consorts [A] mais qui n’avait aucun lien commercial, contractuel ou capitalistique avec la société DL location ou la société Back up Rent,
 
‘ elle-même n’a jamais sollicité, ni validé ce devis et si des discussions sont intervenues entre les divers protagonistes, elle n’a jamais reconnu l’existence d’une créance détenue à son égard par la société ESL,
 
‘ l’analyse des bons de livraison, produits par la société ESL, ne permet pas d’établir que les matériels lui ont été effectivement livrés, aucun cachet, ni aucune signature d’un représentant de la société n’y figurant, alors que certains bons de livraison sont signés par la société ESM et les matériels livrés dans les locaux de celle-ci,
 
‘ il n’existait aucun lien opérationnel ou capitalistique entre elle et la société ESM, seule la société Back up Rent ayant vocation à sous-louer les matériels financés par elle au moyen de crédit-baux,
 
‘ la société ESM ne peut prétendre détenir un mandat tacite de sa part, sachant qu’une commande portant sur près d’un demi-million d’euros, qui ne peut être assimilée à un acte d’administration, aurait nécessité un mandat spécial,
 
‘ l’acceptation a posteriori de la commande ne peut être déduite du silence gardé, compte tenu du montant de la commande et d’une absence de livraison effective des matériels,
 
‘ postérieurement à l’établissement du devis litigieux, la société ESL a établi, le 19 mai 2016, un devis n° DEV-16-05428 portant sur le même matériel mais d’un montant nettement inférieur de 313’886,17 euros à l’ordre de la société ESM, ce qui établit que les matériels ont bien été commandés par cette société et pour les besoins de son activité,
 
‘ Mme [A] a également utilisé une copie du cachet de «’DL location’» pour une commande auprès d’une société Barco en y apposant sa signature,
 
‘ en toute hypothèse, il ne peut être mis à sa charge la somme de 56’117,82 euros réclamée par la société ESL à titre de clause pénale, dès lors que les conditions générales de vente produites par cette dernière et prévoyant l’application d’une indemnité forfaitaire, n’ont pas été ratifiées par elle, et il en est de même en ce qui concerne les intérêts moratoires à compter de l’émission de la facture, également prévus par les conditions générales.
 
La société ESL, dans les conclusions qu’elle a successivement déposées les 31 juillet 2020 et 28 septembre 2020, demande à la cour, outre la jonction des instances connexes, de :
 
Principalement,
 
‘ infirmer le jugement du tribunal de commerce,
 
‘ déclarer sa demande recevable et bien-fondée et en conséquence,
 
‘ condamner la société DL location à lui payer la somme de 349’935,56 euros en principal,
 
‘ condamner la société DL location à lui payer la somme de 52’451,30 euros au titre des intérêts moratoires à parfaire au jour de la décision et jusqu’au jour du paiement complet,
 
‘ condamner la société DL location à lui payer la somme de 56’197,82 euros au titre de la clause pénale,
 
‘ condamner la société DL location à lui payer la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
 
(…)
 
Subsidiairement, confirmer le jugement du tribunal de commerce,
 
‘ condamner solidairement les sociétés ESM et Back up Rent à lui payer la somme de 349’935,36 euros en principal,
 
‘ condamner solidairement les sociétés ESM et Back up Rent à lui payer la somme de 52’451,30 euros au titre des intérêts moratoires à parfaire au jour de la décision et jusqu’au jour du paiement complet,
 
‘ condamner solidairement les sociétés ESM et Back up Rent à lui payer la somme de 56’197,82 euros au titre de la clause pénale,
 
A tout le moins,
 
‘ admettre au passif des sociétés ESM et Back up Rent les créances de :
 
‘ 339’935,36 euros en principal,
 
‘ 52’451,30 euros au titre des intérêts moratoires à parfaire au jour de la décision et jusqu’au jour du paiement complet,
 
‘ 56’197,82 euros au titre la clause pénale,
 
‘ condamner solidairement les sociétés ESM et Back up Rent, M. [G] et Mme [E] à lui payer la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
 
Elle indique principalement que’:
 
‘ le devis du 11 mai 2016 constituant l’offre de contrat, adressé à la société DL location, a été accepté par celle-ci, le 26 mai 2016, et le matériel commandé a été livré en majeure partie, qui correspond au montant de la facture réclamée,
 
‘ ni la livraison du matériel, ni le bien-fondé de la créance n’ont été contestés par la société DL location, dont le mandataire, la société Back up Rent, s’est engagé à régulariser le paiement,
 
‘ ce n’est que tardivement que la société DL location, par l’intermédiaire de son conseil, a mis en cause la commande et la livraison,
 
‘ d’ailleurs, certains câbles livrés et non payés ont été repris avec l’accord de M. [Z], par la société ESM pour un montant de 18’287,40 euros TTC,
 
‘ 6429,40 euros de matériels ont également été restitués par la société DL location,
 
‘ la représentation de la société DL location par la société ESM ou la société Back up Rent était une pratique courante dans les relations entre ces sociétés,
 
‘ en application de l’article VIII.2 des conditions générales de vente, les intérêts moratoires au taux de 2 % par mois courent à compter de la date de règlement figurant sur la facture, en l’occurrence celle du 8 septembre 2016, et une indemnité forfaitaire, à titre de clause pénale, est due à hauteur de 15% du solde impayé de la facture.
 
Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
 
C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnances du 22 février 2022.
 
MOTIFS de la DECISION’:
 
Il convient, en premier lieu, de prononcer la jonction des trois procédures d’appel enrôlées sous les n° 19/07328, 20/03145 et 20/03223 en raison du lien de connexité les unissant’; en outre, il y a lieu de mettre hors de cause la SCP CBF et associés, désignée initialement comme administrateur judiciaire de la société Back up Rent, dont la mission a pris fin avec la liquidation judiciaire de la société prononcée par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 9 septembre 2020.
 
Aux termes de l’article L. 110-3 du code de commerce : « A l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi » ; au regard de ce principe de la liberté de la preuve en matière commerciale, il n’y a pas lieu, en l’espèce, de rechercher, par référence aux dispositions des anciens articles 1341 et suivants du code civil, s’il existe un commencement de preuve par écrit d’un mandat donné par la société DL location à la société ESM, qui devrait être complété par un élément extérieur, ou si les relations entretenues entre les divers protagonistes sont de nature à caractériser une impossibilité morale de se procurer un écrit ; en effet, dès lors que le litige concerne quatre sociétés commerciales, tous les modes de preuve sont admissibles devant la juridiction commerciale.
 
La cour observe également que la société Back up Rent a été immatriculée le 29 juin 2016 au registre du commerce et des sociétés de Paris, soit à une date postérieure à celle à laquelle la commande litigieuse a été passée, puisque le devis n° DEV-16-05044 est en date du 11 mai 2016, qui a été accepté par courriel du 26 mai suivant ; n’étant pas alors dotée de la personnalité juridique, cette société ne pouvait passer une telle commande et il n’est pas soutenu qu’elle ait repris, une fois immatriculée au RCS, l’engagement qui aurait été souscrit pour son compte.
 
Les parties s’accordent à reconnaître qu’un système global de financement avait été mis en place selon lequel la société DL location faisait l’acquisition auprès de divers fournisseurs, dont la société ESL, de matériels audio et vidéo professionnels par le biais de crédits-baux, qu’elle louait ensuite à la société ESM puis, à compter de sa création, à la société Back up Rent, cette dernière structure ayant été créée pour servir de grossiste aux professionnels du secteur auquel les matériels étaient reloués ; l’existence de liens entre les dirigeants de la société ESM et de la société DL location est d’ailleurs avérée, puisque la société Back up Rent avait été créée par la société L financière ayant pour dirigeant [O] [Z], gérant de la société DL location, et par la société holding [A] contrôlée par [T] [A] et [F] [A], eux-mêmes dirigeants de la société ESM.
 
En l’occurrence, la société ESL a adressé à la société DL location, « [Adresse 15] », le devis n° DEV-16-05044 en date du 11 mai 2016, d’un montant TTC de 421’560,43 euros, qui lui a été retourné signé et revêtu de la mention « bon pour accord » suivant un courriel du 26 mai 2016 émanant de [F] [A] « direction/administration », à l’en-tête de « ESM, site [Adresse 15] » ; le rédacteur de ce courriel y indique : « tu trouveras ci-joint la confirmation de commande pour le câblage (sur DL location nous avons pas de cachet) »’; une partie des matériels commandés a été livrée entre le 9 juin 2016 et le 22 août 2016, les bons de livraison produits aux débats, qui mentionnent comme adresse de facturation et adresse de livraison « DL location » étant revêtus, pour certains, de signatures identifiées (M. [T], M. [B]), un bon de livraison du 14 juin 2016 étant même revêtue d’une signature précédée de la mention « ESM » ; à l’exception de câbles réseau livrés le 24 juin 2016 à l’adresse d’un festival « Rétro c’est trop/ESM » [Adresse 16], les matériels ont été livrés [Adresse 15], sachant que l’adresse du siège social de la société DL location est identique à celle de la société ESM.
 
Par courriel du 8 septembre 2016, le directeur financier de la société ESL (M. [M]) a fait parvenir à M. [Z], gérant de la société DL location, une facture récapitulative correspondant aux livraisons effectuées pour un montant total TTC de 374’652,16 euros et par courrier en réponse du même jour, M. [A], président de la société Back up Rent, s’est engagé à relancer avec [O] ([Z]) la banque afin de solutionner rapidement cette commande et lui faire parvenir un règlement dans les prochains jours (sic) ; un courriel de relance adressée le 20 septembre 2016 à M. [Z] a donné lieu à une réponse d’un certain [V] [S], directeur technique Back up Rent, qui en avait également été rendu destinataire, assurant le dirigeant de la société ESL que [O] ([Z]) s’occupait du virement dans la semaine (sic).
 
La société ESL a ensuite, par l’intermédiaire de son conseil, mis en demeure la société DL location, par lettre recommandée du 12 janvier 2017, réitérée le 26 janvier suivant, de lui régler la somme de 374’652,16 euros et, à l’issue d’un échange de courriels entre les avocats respectifs des parties, le conseil de la société DL location a, par courrier officiel du 2 mars 2017, opposé une fin de non-recevoir au règlement de la facture litigieuse, au motif que sa cliente n’avait pas signé de bon de commande et n’avait pas été réceptionnaire des matériels commandés.
 
Entre-temps, par courriel du 17 avril 2017, M. [Z] a transféré au dirigeant de la société ESL (M. [C]) un courriel de M. [A] dressant la liste des matériels neufs qui lui étaient retournés, lui demandant d’établir l’avoir correspondant «’afin d’avoir un solde de facture correspondant à ce que tu leur as livré et qu’ils ont gardé’» ; enfin, il est constant qu’une partie du matériel a été directement facturée à la société ESM et payée par celle-ci, qui a fait l’objet d’une facture n° FAC 17-09341 du 30 septembre 2017, d’un montant TTC de 18’287,40 euros.
 
En dépit des relations entretenues entre la société ESM et la société DL location, rien ne permet d’affirmer que les matériels faisant l’objet du devis du 11 mai 2016, ont été effectivement commandés par cette dernière, le défaut de réponse de M. [Z] au courriel du 8 septembre 2016 par lequel la société ESL lui transmettait la facture récapitulative des matériels livrés ne pouvant être assimilé à une acceptation a posteriori de ladite commande, qui avait été passée, en réalité, par la dirigeante de la société ESM ; la société DL location, qui indique que son rôle était de porter des projets d’investissement en matériels et qu’elle n’avait pas de salarié, affirme ainsi que les matériels ont été livrés dans les locaux de la société ESM, les bons de livraison ayant été, selon elle, signés par les salariés de celle-ci ; il ne peut, non plus, être déduit des courriels émanant de M. [A] ou de M. [S] que la commande a été ratifiée par le dirigeant de la société DL location, qui se serait engagé à en payer le montant ; le fait que M. [Z] ait sollicité, le 17 avril 2017, l’établissement d’un avoir correspondant au matériel retourné par la société ESM, laquelle a d’ailleurs réglé elle-même une partie du matériel commandé, ne peut davantage être regardé comme une validation de la commande, d’autant que sa position se trouvait alors affirmée dans le courrier officiel de son conseil du 2 mars 2017.
 
Il résulte de l’article 1998 du code civil que le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné ; cependant, il est de principe que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.
 
L’existence d’un mandat donné par la société DL location à la société ESM permettant à celle-ci de commander directement les matériels nécessaires à son activité, qui seraient financés par la première, ne saurait résulter des divers courriels échangés entre les parties relatifs à la facture litigieuse et aux difficultés de son recouvrement, quand bien même M. [Z], rendu destinataire de certains courriels, n’y aurait pas réagi’; de même, la réception, sans réserve, de la part de la société DL location et de son dirigeant de trois factures pro forma reprenant le détail des matériels mentionnés au devis ne peut permettre de caractériser un tel mandat ; les courriels, que produisent les sociétés ESM et Back up Rent, sont tous postérieurs à la commande litigieuse, alors qu’il convient de se placer à la date de celle-ci pour apprécier l’existence d’un mandat même tacite, et ils ne sauraient, en toute hypothèse, prouver la portée du mandat allégué, visant à conférer à la société ESM le pouvoir de commander directement des matériels, sans l’accord préalable de la société DL location, appelée à en assurer le financement.
 
Il importe, par ailleurs, de rechercher si la société ESL pouvait légitimement croire que la société ESM intervenait comme le mandataire de la société DL location pour la commande des matériels, objet du devis du 11 mai 2016′; à cet égard, il n’est pas justifié qu’antérieurement à la commande du 26 mai 2016, une commande de matériels avait été passée directement par la société ESM, ensuite réglée sans difficulté par la société DL location, la société ESL n’ignorant pas le rôle de celle-ci qui était d’assurer le financement, notamment au moyen de crédits-baux, des investissements en matériels nécessaires à l’activité de la société ESM ; la société ESL se borne à communiquer un courriel de M. [A] du 2 août 2016, postérieur à la commande litigieuse, lui transmettant une facture de la société DL location, également datée du 2 août 2016, relative à des honoraires d’apporteur d’affaires’; il n’existe donc pas d’éléments ayant pu convaincre la société ESL du mandat, dont la société ESM aurait été titulaire de la part de la société DL location, lui permettant de commander du matériel hors tout accord préalable de cette dernière, et la dispensant de vérifier le pouvoir de son cocontractant ; la plus élémentaire des précautions aurait, en effet, commandé à la société ESL de faire ratifier la commande par la société DL location, appelée à en régler le montant, alors surtout qu’elle portait sur un montant relativement important, de plus de 400’000 euros.
 
Il résulte de tout ce qui précède que la commande litigieuse a été passée par la société ESM, qu’elle n’a pas été ratifiée a posteriori par la société DL location, que la preuve n’est pas rapportée de l’existence d’un mandat donné par la société DL location à la société ESM de commander directement, sans son accord préalable, du matériel qu’elle se serait engagée ensuite à régler sans condition et que la société ESL ne peut davantage se prévaloir d’un mandat apparent, qui l’aurait dispensé de vérifier le pouvoir de la société ESM, prétendue mandataire.
 
Le devis n° DEV-16-05044 du 11 mai 2016 mentionne que les conditions générales de vente figurent au verso et sont réputées connues et acceptées par le contractant ; ainsi, lorsqu’elle a accepté la commande, le 26 mai 2016, la société ESM a également agréé les conditions générales de vente ; l’article VIII.2 desdites conditions dispose : « Il est expressément convenu que le défaut de paiement d’une quelconque facture à la date de règlement convenu figurant sur cette facture, entraînera de plein droit et sans mise en demeure préalable les conséquences suivantes : en cas de retard de paiement des sommes dues par l’acheteur au-delà de la date de règlement convenu, figurant sur la facture, des pénalités de retard calculées au taux mensuel de 2 % du montant TTC du prix d’acquisition, seront automatiquement et de plein droit acquises. Elles seront exigibles le jour suivant la date de règlement, sans qu’un rappel soit nécessaire (…). De plus, une indemnité forfaitaire, à titre de clause pénale, à hauteur de 15 % des sommes restant dues, avec un montant minimum de 750 euros HT sera appliquée (…) ».
 
Dans le cas présent, la date de règlement de la facture n° FAC-16-10048, d’un montant TTC de 374’652,16 euros, est celle du 8 septembre 2016, en sorte que le montant des intérêts de retard arrêté au 8 avril 2017 et calculés au taux de 2 % s’élève à 52’451,30 euros ; le montant de la clause pénale exigible est, quant à elle, égale à 56’197,82 euros.
 
Eu égard à la procédure collective de la société ESM, la créance de la société ESL doit être fixée, à titre chirographaire, à hauteur des sommes de 349’935,36 euros restant dus sur la facture du 8 septembre 2016 après déduction de l’avoir (6429 40 euros) et du règlement effectué sur la base de la facture du 30 septembre 2017 (18’287,40 euros), de 52’451,30 euros au titre des intérêts de retard à parfaire du 9 avril 2017 au 12 février 2020, date du redressement judiciaire de la société ESM, calculés au taux de 2 % sur la somme de 374’652,16 euros jusqu’au 30 septembre 2017 et sur celle de 349’935,36 euros à compter du 1er octobre 2017, et de 56’197,82 euros à titre de clause pénale.
 
La résistance de la société DL location au paiement de la somme réclamée par la société ESL ne revêt aucun caractère abusif, de nature à justifier que des dommages et intérêts soient mis à sa charge au profit des sociétés ESM et Back up Rent et des organes des procédures collectives.
 
Au regard de la solution donnée au règlement du litige, il convient de condamner la société ESM aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la société ESL la somme de 2000 euros et à la société DL location la somme de 2000 euros au titre des frais non taxables que celles-ci ont exposés, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
 
PAR CES MOTIFS’:
 
La cour,
 
Statuant publiquement et contradictoirement,
 
Prononce la jonction des trois procédures d’appel enrôlées sous les n° 19/07328, 20/03145 et 20/03223,
 
Met hors de cause de la SCP CBF et associés, désignée initialement comme administrateur judiciaire de la société Back up Rent,
 
Réforme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 23 septembre 2019, rectifié par jugement du 27 mai 2020, mais seulement en ce qu’il a prononcé des condamnations solidaires à l’encontre de la société ESM et de la société Back up Rent et en ce qu’il a condamné solidairement la société DL location et la société Back up Rent à payer à la société ESL la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
 
Statuant à nouveau de ces chefs,
 
Constate que la société Back up Rent, immatriculée le 29 juin 2016 au registre du commerce et des sociétés de Paris, ne peut être concernée par la commande litigieuse, objet du devis n° DEV-16-05044 en date du 11 mai 2016, passée antérieurement à son immatriculation au RCS,
 
Rejette en conséquence les prétentions élevées à son encontre,
 
Fixe la créance de la SAS Européenne Son et Lumière -European Sound and Light (la société ESL) au passif de la SAS ESM-Sonorisation Eclairage (la société ESM), à titre chirographaire, à hauteur’:
 
‘ de la somme 349 935,36 euros restant due sur la facture n° FAC-16-10048 du 8 septembre 2016,
 
‘ de la somme de 52 451,30 euros au titre des intérêts de retard à parfaire du 9 avril 2017 au 12 février 2020, calculés au taux de 2 % sur la somme de 374 652,16 euros jusqu’au 30 septembre 2017 et sur celle de 349 935,36 euros à compter du 1er octobre 2017,
 
‘ de la somme de 56 197,82 euros à titre de clause pénale,
 
‘ des dépens de première instance, y compris les frais de greffe liquidés à la somme de 145,07 euros,
 
‘ la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
 
Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,
 
Rejette toutes autres demandes,
 
Condamne la société ESM aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la société ESL la somme de 2000 euros et à la société DL location la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
 
Dit que les dépens d’appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code,
 
le greffier, le président,
 

Chat Icon