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L’artiste de Street Art « Combo » a poursuivi en vain le parti la France insoumise et Jean-Luc Mélanchon pour reproduction contrefaisante de son oeuvre « La Marianne asiatique » dans un clip de campagne.
L’originalité de l’œuvre a été admise. L’artiste a entendu créer une œuvre des temps actuels, sous la forme d’une fresque murale réalisée à deux pas de la place de la République, sous les traits d’une jeune femme issue de la diversité, en l’occurrence asiatique, ne portant pas un bonnet phrygien, mais tête nue, vêtue d’un voile noir déchiré et d’un kimono ouvert sur sa poitrine, montrant un sein, ainsi qu’un tatouage, symboles selon lui de liberté. La « Marianne asiatique » ne brandit pas le drapeau tricolore, mais celui-ci est baissé et posé sur son épaule, et comporte la devise « Liberté, égalité, humanité », pour diffuser un message de parité et d’inclusivité, visible car la jeune femme pose de 3/4, son regard suivant celui qui la regarde, l’ensemble conférant à la fresque un effet à la « Mona Lisa ».
La fresque est aussi réalisée à l’échelle humaine, dans un souci de réalisme et de communion avec le public, et procède d’une alternance de contours au crayon noir et de couleurs vives. Elle a été apposée par collage avec ajout de graffitis, dans un style qui lui est propre de « détournement de l’existant » et qui se retrouve dans son oeuvre et en particulier sa série de « A » (blonde, africaine, afro-américaine).
Conformément à l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
En application de l’article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. La protection d’une œuvre de l’esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable.
Dans ce cadre toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue. En effet, seul l’auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole.
L’artiste a décrit précisément les choix esthétiques, purement arbitraires, qu’il a réalisés et qui s’expriment dans le choix d’une composition mêlant le réalisme d’un processus créatif débutant par une photographie ensuite reproduite à l’échelle dans la rue, et l’univers de la bande dessinée, par le recours aux traits noirs ensuite remplis de couleurs vives, auxquels s’ajoutent des graffitis (message, signature), l’ensemble représentant une version moderne et ouverte de la République sous les traits d’une jeune femme asiatique très « actuelle », ainsi qu’en attestent sa vêture et son tatouage, posant de 3/4, poitrine nue et dont le regard croise celui qui la regarde, portant sur son épaule le drapeau tricolore sur lequel est reproduite une devise « revisitée ».
Aux termes de l’article L.122-1 du code de la propriété intellectuelle, « Le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. ». Selon l’article L.122-3 du même code, “la reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte. Elle peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique.”
L’article L.122-4 prévoit en outre que « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. »
L’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle énumère néanmoins diverses exceptions à l’illicéité de la reproduction non autorisée d’une oeuvre de l’esprit et prévoit en particulier, dans sa rédaction issue de la LOI n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, que “Lorsque l’oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire : (…) 3° Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source :
a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique scientifique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées ; (…)
11° Les reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des personnes physiques, à l’exclusion de tout usage à caractère commercial. (…)
Les exceptions énumérées ne peuvent porter atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.”
L’article L.122-5, 11° est issu d’un amendement parlementaire visant à introduire l’exception dite de « liberté de panorama », à l’interdiction de reproduction d’une oeuvre protégée par le droit d’auteur.
Cet amendement réalise la transposition en droit interne de l’article 5 « Exceptions et limitations » de la Directive 2001/29/CE du Parlement Européen et du Conseil du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, dont le $ 3 prévoit que “Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations aux droits prévus aux articles 2 et 3 dans les cas suivants : (…)
h) lorsqu’il s’agit de l’utilisation d’œuvres, telles que des réalisations architecturales ou des sculptures réalisées pour être placées en permanence dans des lieux publics.” la « liberté de panorama » permet ainsi à toute personne de photographier, filmer, dessiner, etc… les œuvres d’architecture et de sculpture, ainsi que les graffitis dont ils sont éventuellement couverts, dès lors qu’ils sont situés en permanence sur la voie publique, pourvu, prévoit le droit français, que la reproduction soit le fait d’une personne physique, à des fins non commerciales.
Le caractère permanent des graffitis au sens de ce texte n’était pas contestable, dès lors qu’ils ne peuvent être retirés sans travaux, au minimum de peinture. La « Marianne asiatique » apposée sur un mur a été reproduite par Jean-Luc Mélanchon, personne physique, à des fins non commerciales. Elle l’a en l’occurrence été aux fins d’illustration de son message politique en faveur d’une nouvelle République.
Jean-Luc Mélenchon bénéficiait donc bien de l’exception dite de liberté de panorama prévue à l’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle, à la différence de la France insoumise, personne morale. Encore que cette dernière pouvait en tout état de cause revendiquer en l’occurrence le bénéfice de l’exception de courte citation.
En effet, la reproduction de cette oeuvre urbaine appuie le message critique développé par les vidéos, qui est celui d’une demande du « peuple » en faveur d’une nouvelle République plus humaniste. En outre, l’erreur sur l’auteur de l’oeuvre, ici faussement attribuée à « styx »’, était en l’occurrence inhérente au choix d’expression artistique de l’artiste Combo, dans la rue et sans commande du propriétaire du mur, auquel il incomberait de garantir ce droit au respect de l’oeuvre (et non aux défendeurs). Il en résulte que l’artiste n’apparaissait pas fondé au cas particulier à s’opposer à la reproduction qui a été faite de son oeuvre.