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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 07 SEPTEMBRE 2023
N°2023/512
N° RG 22/11005
N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ24E
S.A.R.L. GARAGE [W]
C/
[I] [R]
[B] [P] [L]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
-SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ
– SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé du tribunal judiciaire de TOULON en date du 23 juin 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/00066.
APPELANTE
S.A.R.L. GARAGE [W]
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 6]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, postulant et assistée par Me Céline FALCUCCI, avocat au barreau de TOULON.
INTIMES
Monsieur [I] [R]
né le 24 juillet 1959 à [Localité 7], demeurant [Adresse 2]
Madame [B] [L]
née le 24 août 1932 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]
représentés par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, postulant et assistés par Me Corinne BONVINO-ORDIONI de l’ASSOCIATION C.BONVINO ORDIONI V.ORDIONI, avocat au barreau de TOULON, plaidant.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 juin 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Catherine OUVREL, Présidente, et Mme Angélique NETO, Conseillère, chargés du rapport.
Mme Angélique NETO, Conseillère, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Catherine OUVREL, Présidente
Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur
Madame Myriam GINOUX, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 septembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 septembre 2023,
Signé par Mme Catherine OUVREL, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 6 juin 1994, [S] [R] et Mme [B] [L] ont donné à bail commercial à M. [N] [W] des locaux d’une superficie de 215 m² situés [Adresse 6].
Dans le courant de l’année 2005, les consorts [R] ont consenti verbalement à M. [W] un droit d’occupation d’un terrain nu attenant aux locaux loués.
Depuis le décès de [S] [R], le terrain appartient à Mme [B] [L] et M. [I] [R].
Le terrain est actuellement occupé par la société à responsabilité limitée (SARL) Garage [W].
Par acte en date du 29 septembre 2020, Mme [B] [L] et M. [I] [R] ont donné congé à la société Garage [W] du bail verbal portant sur le terrain nu pour le 4 avril 2021.
Se prévalant d’une occupation sans droit ni titre du terrain depuis le 4 avril 2021, Mme [B] [L] et M. [I] [R] ont, par acte d’huissier en date du 9 septembre 2021, assigné la société Garage [W] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon aux fins de voir ordonner son expulsion et sa condamnation à leur verser une indemnité d’occupation.
Par ordonnance en date du 23 juin 2022, ce magistrat a :
– ordonné l’expulsion de la SARL Garage [W] et celle de tous occupants de son chef du terrain nu situé [Adresse 6], non compris dans le bail commercial du 6 juin 1994, et ce, passé le délai de deux mois à compter de la signification de l’ordonnance avec le concours de la force publique si nécessaire et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
– dit que l’astreinte cessera de produire ses effets à l’issue d’une période de 4 mois et qu’il appartiendra aux intéressés le cas échéant de saisir le juge de l’exécution aux fins de liquidation et fixation d’une nouvelle astreinte ;
– fixé, à titre provisionnel, à la somme de 360 euros toutes taxes comprises le montant de l’indemnité d’occupation due jusqu’à complète libération des lieux pour l’occupation du terrain litigieux ;
– condamné la SARL Garage [W] à payer à titre provisionnel à Mme [B] [L] née [R] et M. [I] [R] la somme de 360 euros toutes taxes comprises à compter de la signification de la décision, et jusqu’à libération effective des lieux ;
– dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle a exposés.
Ce magistrat a estimé que le preneur ne pouvait se prévaloir d’une requalification de son droit d’occuper le terrain litigieux en un bail commercial faute pour lui d’apporter la preuve qu’il a édifié, avant ou après le bail, des constructions qui ont été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire, contrairement aux conditions requises par l’article L 145-1. I. 2° du code de commerce, dès lors qu’un algéco ne pouvait être qualifié de construction en l’absence d’ancrage au sol et de son caractère mobile par essence et que l’accord des bailleurs pour la construction d’une quelconque annexe sur le terrain n’était pas établi. Par ailleurs, il a considéré que le preneur ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article L 145-1. I. 1° du même code qui ne s’appliquent qu’aux baux de locaux ou d’immeubles accessoires à l’exploitation d’un fonds de commerce, et non aux baux des terrains nus. Enfin, dès lors que le terrain se situe à l’arrière du local commercial loué par rapport à l’accès à la route, il a estimé que le preneur n’apportait pas la preuve d’une situation d’enclave dans le cas où il serait privé du terrain. Il a donc jugé que le maintien de la société Garage [W] dans les lieux, malgré le congé qui lui a été délivré le 29 septembre 2020, constituait un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser en ordonnant son expulsion.
Suivant déclaration transmise au greffe le 28 juillet 2022, la société Garage [W] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a débouté Mme [B] [L] et M. [I] [R] de leur demande de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens de première instance.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 19 décembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, elle demande à la cour :
– d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a débouté Mme [B] [L] et M. [I] [R] de leur demande de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens de première instance ;
– à titre subsidiaire, de juger que la résiliation du bail est limitée au terrain de 250 m², objet du bail verbal litigieux, se trouvant au fond de la parcelle, que l’indemnité d’occupation ne pourra excéder le loyer de 360 euros et qu’il n’y a pas lieu de prononcer une astreinte dès lors que le terrain a été libéré ;
– de débouter Mme [B] [L] et M. [I] [R] de leurs demandes incidentes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
– de les condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de les condamner aux dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj, sur sa due affirmation de droit.
A titre liminaire, elle insiste sur le fait que le terrain litigieux d’une surface de 250 m² ayant fait l’objet du bail verbal est celui qui se trouve au fond du terrain qu’elle occupait et pour l’accès duquel se trouvent deux pilastres et une barrière, sachant que la partie du terrain qui contient les bâtiments loués fait partie du bail commercial. Elle indique avoir libéré le terrain litigieux en exécution de l’ordonnance entreprise. Elle dément avoir sous-loué ce terrain au groupe B2A qui, dans le cadre d’un partenariat commercial, a été autorisé à y entreposer ses véhicules à vendre en contrepartie de quoi il devait présenter les véhicules d’occasion de la société, sachant que, de son côté, elle procédait à des réparations sur les véhicules et effectuait des démarches administratives.
Elle soutient que l’illicéité du trouble dont se prévalent les bailleurs n’est pas manifeste dès lors que le statut du bail commercial est applicable au terrain loué, en ce qu’il est rattaché au local principal, que des constructions pour la vente des véhicules et les locaux administratifs du garage y ont été édifiées, que sa privation est de nature à compromettre l’exploitation de son fonds de commerce et à créer une situation d’enclave du terrain avec de graves conséquences sur son activité. Elle se prévaut ainsi d’une requalification du bail verbal en bail commercial en application des dispositions de l’article L 145-1 I 1° et 2° du code de commerce.
Elle précise notamment que :
– la vente de véhicules qu’elle entrepose sur le terrain représente 50 % de son chiffre d’affaires ;
– la configuration des lieux fait que, sans ce terrain, elle ne disposerait de quasiment aucun espace pour entreposer ses véhicules ;
– la privation du terrain, qui n’est que l’accessoire à l’exploitation de son fonds de commerce, compromettrait son activité de vente et dépôt de véhicules, et ce, alors même que les bailleurs n’ont pas hésité à lui donner congé du local principal avec offre de renouvellement afin d’obtenir la fixation d’un loyer plus important ;
– des constructions y ont été édifiées (un chalet et un algeco) ;
– Mme [W], qui effectue la gestion comptable, a son bureau dans le chalet ;
– les bailleurs ne se sont jamais opposés à ces constructions ;
– le terrain litigieux, qui se trouve au fond derrière le bâtiment principal, étant enclavé, il faut nécessairement passer par le terrain, objet du bail commercial, pour y accéder, ce qui supposerait d’enlever le portail et de laisser ouvert le garage.
Elle indique que, faute pour les bailleurs d’avoir délivré un congé conformément aux dispositions applicables en matière de bail commercial, qu’il s’agisse du formalisme ou du motif, le congé délivré sur le fondement de l’article 1736 du code civil n’est pas valable.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 17 novembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des prétentions et moyens, Mme [B] [L] et M. [I] [R] sollicitent de la cour qu’elle :
– déboute la société Garage [W] de ses demandes ;
– confirme l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu’elle n’a pas fait droit à leur formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamne la société Garage [W] à leur verser la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance ;
– condamne la société Garage [W] à leur verser la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;
– la condamne aux dépens de première instance et d’appel.
Ils indiquent que leur demande d’expulsion est fondée sur le trouble manifestement illicite, de sorte que la critique de l’ordonnance basée sur une contestation sérieuse est inopérante. En tout état de cause, ils soutiennent que le statut des baux commerciaux n’est pas applicable sur le fondement de l’article L 145-1 du code de commerce. Ils indiquent que, pour que ces dispositions s’appliquent à un bail de terrain nu, il est fondamental que les constructions qui y sont édifiées l’aient été avec le consentement exprès du propriétaire, preuve qui n’est pas rapportée en l’espèce, sachant qu’une simple tolérance du bailleur est insuffisante pour établir son consentement et que les constructions doivent être conformes à celles autorisées par le bailleur.
Par ailleurs, ils exposent que, pour qu’un local accessoire puisse bénéficier de la protection du statut des baux commerciaux, le locataire doit bénéficier d’une autorisation du propriétaire pour édifier des constructions dont les caractéristiques permettraient de qualifier la location de terrain nu en bail commercial, autorisation qui n’a jamais été donnée en la cause.
En outre, ils relèvent que l’appelante ne peut sérieusement se prévaloir d’un local commercial indispensable à son exploitation, dès lors qu’elle a laissé la société B2A occuper le terrain litigieux sans aucune autorisation des bailleurs à cette sous-location, et ce, quelle que soit la qualification de leurs relations.
Enfin, ils démentent toute situation d’enclave de la société privée du terrain nu. Ils relèvent que cette dernière a exploité sans aucune difficulté son fonds de commerce de 1994 à 2005, soit avant qu’un bail verbal ne soit consenti sur le terrain nu litigieux, et que l’installation du portail, pour éviter que les véhicules qu’elle entrepose sur le terrain ne soient vandalisés, n’a jamais été autorisée.
L’instruction de l’affaire a été close le 22 mai 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’expulsion de la société Garage [W] pour occupation sans droit ni titre
Il résulte de l’article 834 du code de procédure civile que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
L’urgence est caractérisée chaque fois qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur.
Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
C’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier non seulement l’urgence mais également l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ces moyens.
En outre, il résulte de l’article 835 alinéa 1 que le président peut toujours, même en cas de contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
Si l’existence de contestations sérieuses sur le fond du droit n’interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un trouble manifestement illicite, l’absence d’évidence de l’illicéité du trouble peut en revanche justifier qu’il refuse d’intervenir. En effet, même lorsque le juge est appelé à faire cesser un trouble manifestement illicite, le trouble illicite doit être évident, comme doit l’être la mesure que le juge des référés prononce en cas d’urgence.
La cour doit apprécier l’existence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué, peu important le fait que ce dernier ait cessé, en raison de l’exécution de l’ordonnance déférée, exécutoire de plein droit.
L’occupation sans droit ni titre d’un immeuble est ainsi de nature à constituer un trouble manifestement illicite et, à tout le moins, l’obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.
En l’espèce, les pièces de la procédure démontrent, qu’outre un bail soumis au statut des baux commerciaux consenti par les consorts [R]/[L] à M. [W] à compter du 15 juin 1994, portant sur un local d’environ DEUX CENT QUINZE (215) mètres carrés constituant une travée du Bâtiment n° 4 côté route Nationale, ainsi que le droit d’accès à ce bâtiment, ils lui ont également consenti, à compter de l’année 2005, un droit d’occuper le terrain nu se situant autour du local loué.
Afin de déterminer l’étendue du terrain nu en question, les intimés versent aux débats un plan de masse en pièce 6 dans lequel ils ont hachuré en violet la partie du terrain nu qu’occupe la société Garage [W]. Il convient de relever que le terrain en question se situe principalement à l’arrière du bâtiment n° 4 mais également sur ses côtés en dehors des places de parking illustrées par des rectangles.
Ces hachures correspondent en tous points aux zones sur lesquelles des véhicules sont stationnés, en dehors des places de parking prévues, tel que cela résulte de la vue aérienne dont se prévaut l’appelante en pièce 11.
La société Garage [W] conteste la validité du congé délivré par ses bailleurs, par courrier en date du 29 septembre 2020 à effet au 4 avril 2021, et, dès lors, de l’absence d’illicéité du trouble tiré de son occupation du terrain nu, au-delà du 4 avril 2021, en raison de l’existence d’un bail soumis au statut des baux commerciaux.
Il est acquis que la qualification donnée par les parties ne s’impose pas à la juridiction et qu’une requalification d’un contrat, et en l’occurrence d’une convention d’occupation, en bail commercial, est toujours possible dès lors que la preuve est rapportée de la réunion des conditions requises, et en l’occurrence de celles résultant des dispositions de l’article L 145-1 paragraphe I du code de commerce sur lesquelles se fondent l’appelante.
De plus, s’il est admis, comme le soutiennent les intimés, que la contestation sur le fond du droit n’exclut pas l’existence d’un trouble manifestement illicite, tel n’est pas le cas si la contestation sérieuse porte sur un élément qui remet en cause l’existence même du trouble illicite, de sorte qu’il y a lieu d’examiner si les conditions résultant des dispositions de l’article L 145-1 paragraphe I du code de commerce sont manifestement remplies en la cause.
Ce paragraphe dispose que les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d’une entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat immatriculée au registre national des entreprises, accomplissant ou non des actes de commerce, et en outre :
1° Aux baux de locaux ou d’immeubles accessoires à l’exploitation d’un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l’exploitation du fonds et qu’ils appartiennent au propriétaire du local ou de l’immeuble où est situé l’établissement principal. En cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires doivent avoir été loués au vu et au su du bailleur en vue de l’utilisation jointe ;
2° Aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées – soit avant, soit après le bail – des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, à condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire.
En premier lieu, s’il résulte du procès-verbal de constat dressé le 5 octobre 2021 qu’un algéco et un chalet faisant office de bureau de vente se trouvent sur le terrain nu litigieux, l’appelante ne démontre aucunement qu’il s’agit de constructions en dur scellées au sol, mais surtout, le consentement exprès des bailleurs à ces installations. Le fait même pour les bailleurs de les avoir tolérées, comme le soutient l’appelante, est insuffisant à établir le consentement exprès exigé par les dispositions susvisées.
Dans ces conditions, l’appelante ne peut, à l’évidence, valablement se prévaloir de l’absence de trouble illicite comme étant liée aux intimés par un bail remplissant les conditions requies par le 2° de l’article L 145-1 paragraphe I du code de commerce.
En second lieu, le fait même pour les éléments installés sur le terrain litigieux de ne pouvoir être qualifiés, à l’évidence, de constructions, faute de remplir les critères de solidité et de fixité, en l’absence de fondation et d’ancrage au sol, exclut toute possibilité de considérer le terrain nu comme un local ou un immeuble accessoire à l’exploitation d’un fonds de commerce au sens du 1° de l’article susvisé.
De plus, même à supposer que les installations en question puissent être qualifiées de constructions, et partant comme des locaux ou immeubles accessoires, le procès-verbal de constat dressé le 5 octobre 2021 démontre la présence, autour des véhicules stationnés sur le terrain, au-delà d’une clôture et d’une ouverture marquée de deux pilastres se trouvant sur le côté permettant d’accéder à l’arrière du bâtiment n°4, de publicités visibles sur la voie publique au nom du Groupe B2A faisant état de véhicules multi-marques sélectionnés, révisés, garantie et en dépôt-vente. Si l’appelante explique la présence du Groupe B2A sur le terrain en question par l’existence d’un partenariat commercial selon lequel, M. [M] [F], vendeur de voitures, atteste de réparations effectuées par le garage sur ses véhicules ainsi que de démarches administratives réalisées pour son compte, sans que le moindre loyer ne soit versé, il n’en demeure pas moins que l’occupation du terrain litigieux, même en partie, par des véhicules appartenant au Groupe B2A, n’est pas contestée. Dès lors, l’appelante ne peut sérieusement soutenir que le fait de la priver du terrain nu est de nature à compromettre l’exploitation de son fonds.
Enfin, s’il apparaît, à l’examen du plan de masse produit par les intimés, que les terrains nus nécessitent, pour y accéder, de passer par la voie d’accès au bâtiment n° 4 dont dispose l’appelante, en vertu du contrat de bail commercial consenti le 6 juin 1994, en entrant par l’entrée située [Adresse 6], aucune autre voie d’accès par la route nationale [Localité 5]/[Localité 3] donnant directement sur la partie du terrain nu situé à l’arrière du bâtiment n° 4 n’étant alléguée ni démontrée, l’appelante ne justifie pas les raisons pour lesquelles le fait de la priver du terrain nu serait de nature à compromettre l’exploitation de son fonds. En effet, s’il résulte du plan de masse l’existence de places de parking au-delà du portail installé sur le côté du bâtiment n° 4, l’appelante, qui ne dispose, en vertu du bail commercial consenti le 6 juin 1994 que d’un droit d’accès au bâtiment n° 4 donnant du côte de la route nationale, ne démontre pas le droit pour elle de clôturer ledit accès. Cette configuration des lieux ne l’a d’ailleurs pas empêchée d’exploiter son fonds de commerce de 1994 à 2005, soit avant que le droit d’occuper le terrain nu situé autour du bâtiment n° 4 ne lui soit consenti.
Il en résulte que, là encore, l’appelante ne peut, à l’évidence, valablement se prévaloir de l’absence de trouble illicite en présence d’un bail remplissant des conditions requises par le 2° de l’article L 145-1 paragraphe I du code de commerce.
Il s’évince donc de ces éléments que la possibilité de requalifier la relation contractuelle portant sur le terrain nu litigieux en un contrat soumis au statut des baux commerciaux ne constitue pas une contestation sérieuse sur l’obligation de la société Garage [W] de quitter les lieux.
Dès lors que l’illicéité du trouble tenant au maintien dans les lieux par la société Garage [W] du terrain nu appartenant aux intimés situé autour du bâtiment n° 4 qu’elle loue, est évidente, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné son expulsion et celle de tous occupants de son chef du terrain litigieux non compris dans le bail commercial du 6 juin 1994.
Il y a lieu de préciser que le terrain nu litigieux que doit libérer l’appelante est celui qui correspond aux zones hachurées en violet dans le plan de masse produit par les intimés en pièce 6.
Il convient également de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qui concerne l’astreinte qui a été prononcée ainsi que ses modalités, étant donné que l’existence d’un trouble manifestement illicite s’apprécie au moment où le premier juge a statué. Le fait pour l’appelante d’avoir libéré les lieux en exécution de l’ordonnance entreprise n’a donc aucune incidence sur l’astreinte qui a été ordonnée.
Sur la demande de provision au titre de l’indemnité d’occupation
Par application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
C’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.
L’occupant sans droit ni titre du fait de l’acquisition de la clause résolutoire est tenu de payer une somme équivalente au loyer augmenté des charges à titre de réparation du préjudice subi par le bailleur.
En l’espèce, dès lors qu’il résulte de ce qui précède que la preuve d’une occupation sans droit ni titre de l’appelante est rapportée avec l’évidence requise en référé, les intimés sont fondés à solliciter sa condamnation à leur verser, à titre provisionnel, une indemnité d’occupation.
L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a fixé, à titre provisionnel, à la somme de 360 euros toutes taxes comprises le montant de l’indemnité d’occupation due jusqu’à complète libération des lieux pour l’occupation du terrain litigieux et condamné la SARL Garage [W] à payer à titre provisionnel à Mme [B] [L] née [R] et M. [I] [R] la somme de 360 euros toutes taxes comprises à compter de la signification de la décision, et jusqu’à libération effective des lieux.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Dès lors qu’il a été fait droit aux demandes des intimés, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle a exposés.
La société Garage [W] sera donc condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
L’équité commande par ailleurs de la condamner à verser aux intimés la somme de 1 500 euros pour les frais exposés en première instance et celle de 2 000 euros pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens en application de l’article 700 du code de procédure civile.
En tant que partie perdante, la société Garage [W] sera déboutée de sa demande formulée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
– dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle a exposés ;
La confirme en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Précise que le terrain nu situé [Adresse 6], non compris dans le bail commercial du 6 juin 1994, que doit libérer la SARL Garage [W], est celui qui correspond aux zones hachurées en violet dans le plan de masse produit par Mme [B] [L] et M. [I] [R] en pièce 6 ;
Condamne la SARL Garage [W] à verser à Mme [B] [L] et M. [I] [R] la somme de 1 500 euros pour les frais exposés en première instance en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Garage [W] à verser à Mme [B] [L] et M. [I] [R] la somme de 2 000 euros pour les frais exposés en appel en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SARL Garage [W] de ses demandes formulées sur le même fondement ;
Condamne la SARL Garage [W] aux dépens de première instance et d’appel.
La greffière La présidente