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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
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ARRÊT DU : 04 OCTOBRE 2023
PRUD’HOMMES
N° RG 20/01445 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LQLM
S.A.S. [B] [Y]
c/
Monsieur [S] [P]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 février 2020 (R.G. n°17/01931) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 16 mars 2020,
APPELANTE :
SAS [B] [Y], agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 3]
N° SIRET : 334 626 850
représentée par Me Carole MORET de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
Monsieur [S] [P]
né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 5] de nationalité Française Profession : Responsable développement, demeurant [Adresse 2]
représenté et assisté de Me Marie-Hélène ANTONINI, avocat au barreau de PARIS et Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 12 juin 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [S] [P], né en 1979, a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 janvier 2015 au sein de la SAS [B] [Y], en qualité de directeur du développement, statut cadre, niveau X, échelon A de la convention collective nationale des vins, cidres, jus de fruits, sirops, spiritueux et liqueurs de France.
Le contrat prévoyait un salaire forfaitaire de 10.400 euros bruts par mois qui a ensuite été porté à 10.830 euros en juillet 2015 outre une prime annuelle éventuelle qualifiée de ‘prime d’enthousiasme’ pouvant atteindre 15.000 euros bruts.
M. [P] était rattaché hiérarchiquement directement à M. [B] [Y], président de la société.
M. [V], directeur général de la société, est parti à la retraite en janvier 2016.
En mai 2017, M. [P] a demandé à être relocalisé en Asie, ce qui lui a été refusé par la société.
Par courriel du 16 novembre 2017, M. [Y] a rappelé à M. [P] sa fonction de directeur de développement et non celle de ‘directeur général’ que celui-ci revendiquait. M. [Y] précisait qu’il continuait à gérer avec sa fille, Mme [X], directrice générale et présidente du directoire de la société, la commercialisation et la représentation des vignobles classés confiés aux négociants de la place de [Localité 4] ainsi que les missions de direction générale.
Par lettre du 21 novembre 2017, le conseil du salarié a écrit à M. [Y] pour lui demander des explications quant à la révocation de son mandat de directeur général.
Par lettre datée du 24 novembre 2017, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 1er décembre 2017, avec mise à pied à titre conservatoire.
Il a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 5 décembre 2017.
A la date du licenciement, M. [P] avait une ancienneté de 2 ans et 11 mois et la société occupait à titre habituel moins de 11 salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant le paiement des indemnités subséquentes, d’un rappel de prime d’enthousiasme et d’activité outre des dommages et intérêts au titre du préjudice professionnel et moral lié aux conditions de travail, M. [P] a saisi le 19 décembre 2017 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 21 février 2020, a :
– jugé que le licenciement de M. [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que ses demandes sont dès lors bien fondées,
– condamné la société [B] [Y] à payer à M. [P] les sommes suivantes :
* 34.173 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 12.722 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit pour les sommes prévues à l’article R. 1454-28 du code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, celle-ci étant de 8.494,53 euros,
– condamné la société [B] [Y] à payer à M. [P] les sommes suivantes :
* 44.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail,
* 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné d’office le remboursement par la société [B] [Y] à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [P] du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de 2 mois d’indemnités de chômage,
– débouté M. [P] du surplus de ses demandes,
– débouté la société [B] [Y] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,
– condamné la société [B] [Y] aux dépens et frais éventuels d’exécution.
Par déclaration du 16 mars 2020, la société [B] [Y] a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 novembre 2022, la société [B] [Y] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement des sommes suivantes :
* 34.173 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 12.722 euros à titre d’indemnité de licenciement,
* 44.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail,
* 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’infirmer en ce qu’il a ordonné le remboursement des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [P] dans la limite de 2 mois et débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [P] du surplus de ses demandes,
– le débouter de toutes ses demandes,
– le condamner à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 décembre 2022, M. [P] demande à la cour de déclarer la société [B] [Y] mal fondée en son appel et de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré son licenciement sans aucune cause réelle et sérieuse,
– le confirmer en ce qu’il lui a alloué :
* l’indemnité compensatrice de préavis,
* l’indemnité de licenciement,
* les congés payés sur préavis,
– l’infirmant partiellement :
– condamner la société [B] [Y] au paiement des sommes suivantes :
* 52.341 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail,
* dommages et intérêts en réparation du préjudice professionnel et moral lié aux conditions de travail antérieurement au licenciement à hauteur de 60.000 euros,
* dommages et intérêts en réparation du préjudice professionnel et moral lié au dénigrement opéré postérieurement au licenciement à hauteur de 60.000
euros,
* prime d’enthousiasme : 15.000 euros,
* prime de résultat : 50.000 euros,
* indemnité de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 12 juin 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail
La lettre de licenciement adressée le 5 décembre 2017 à M. [P] est ainsi rédigée :
« Monsieur,
Pour faire suite à l’entretien préalable du 1er décembre 2017, auquel vous avez été régulièrement convoqué conformément aux dispositions du code du travail, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité.
Notre décision repose sur les motifs exposés lors de l’entretien, à savoir :
– (i) une incapacité à remplir totalement vos missions contractuelles et une non atteinte des objectifs commerciaux
– (ii) une remise en cause de la gouvernance de l’entreprise
– (iii) le dépassement volontaire de vos prérogatives contractuelles, et le non-respect des instructions données par la direction.
La situation actuelle, suite à vos derniers agissements rend désormais impossible votre maintien dans l’entreprise compte tenu des conséquences importantes et du préjudice d’image que votre attitude a généré pour l’entreprise dans son fonctionnement et dans sa relation vis-à-vis de ses principaux partenaires.
Pour rappel, vous occupez le poste de Directeur du Développement au sein de notre société depuis le 5 janvier 2015 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.
Dans ce cadre, vous êtes chargé, tel que détaillé à l’article 2 de votre contrat de travail, en qualité de Directeur du Développement, membre de la Direction générale (c’est à dire du Comité de Direction) du groupe dirigé par Mr [B] [Y] et Mme [H] [X], sous la responsabilité hiérarchique de Mr [B] [Y], d’effectuer notamment les missions suivantes :
– Chargé de missions auprès du Président Directeur Général, l’accompagner sur les dossiers qui vous seront confiés, qu’ils soient d’ordre stratégiques ou opérationnels,
– En charge du développement du groupe et plus particulièrement de l’activité « BMGVP », étudier et proposer les axes de développement à court et moyen terme, dans le cadre d’une optimisation permanente de la rentabilité, animer et suivre l’exécution des plans stratégiques retenus. Par votre implication et votre suivi des équipes commerciales, être le garant de l’atteinte des objectifs fixés pour ces activités. Mettre en ‘uvre avec le directeur technique et les équipes commerciales les relais de croissance identifiés, et mesurer quotidiennement le retour sur investissement afin d’envisager si nécessaire des actions correctrices.
– Initier et valider les business plans prévisionnels des sociétés du groupe, en liaison avec le directeur administratif et les responsables d’exploitation des différentes entités, dans un objectif d’accroissement de la rentabilité des actifs du groupe. En suivre l’exécution et proposer des actions correctives. Ajuster et valider la répartition de la production selon les marques développées.
– S’engager et présenter la situation du groupe, avec le directeur administratif auprès des partenaires financiers
– En charge du suivi du portefeuille de marques du groupe, supervision son évolution et les contentieux éventuels
– Assurer toute mission ponctuelle qui vous serait confiée.
Lors de votre entrée dans l’entreprise, vous avez travaillé durant une année aux côtés de Mr [N] [V], Directeur Général du groupe. Votre travail à ses côtés jusqu’à son départ à la retraite le 31 janvier 2016 avait pour objectif, (i) de vous former à vos missions contractuelles, (ii) éventuellement, dans la continuité de votre mission contractuelle, de vous placer à terme, si vos compétences le permettaient, sur une trajectoire de Direction Générale de l’Entreprise. Mr [N] [V] avait en effet pour rappel des fonctions administratives, RH, juridique, financières, marketing, commerciales, sur l’ensemble des activités du groupe (l’activité grands crus classés, l’activité BMGVP, les activités d’hôtellerie restauration). C’est en raison de cette trajectoire et pour vous aider à atteindre cet objectif qu’il a pu arriver parfois (et pour le seul besoin momentané de la cause) que vous soyez présenté par la Direction auprès de tiers comme Directeur Général.
Cependant, à aucun moment, comme vous le savez, vous n’avez été investi de cette fonction de Direction Générale :
– Aucun avenant à votre contrat de travail n’a été établi, aucune modification n’a été portée sur votre bulletin de salaire
– Vos missions étant dans les faits celle prévues à votre contrat de travail, elles n’ont pas évolué depuis l’origine.
En effet, nous avons malheureusement été obligés de faire le constat avec vous au fil des mois :
– (i) De votre incapacité technique à pouvoir réaliser totalement vos missions contractuelles
– (ii) Qui ne rendrait du coup pas possible l’ambition envisagée à votre arrivée dans l’entreprise de pouvoir un jour vous faire évoluer vers des fonctions de Direction Générale.
– (iii) Que vous n’avez pas réussi à remplir correctement votre mission dans l’entreprise qui est restée celle contractuellement prévue de Directeur du Développement en charge plus particulièrement de l’activité BMGVP.
Les demandes de formation que vous avez adressées le 3 août 2017 à Mr [B] [Y] confirment clairement, par leurs thématiques, votre pleine conscience de cette situation :
– Demande d’une formation de 2 jours intitulée ‘Savoir lire un bilan et un compte de résultat’
– Demande d’une formation d’une journée intitulée ‘introduction aux états financiers’.
Votre faible niveau technique financier n’a jamais permis que vous soit confié l’établissement des business plans du groupe, l’une de vos missions contractuelles. Il n’a pas permis non plus de vous mettre en situation de présentation de la situation du groupe aux partenaires financiers, autre mission contractuelle, au risque d’un préjudice d’image pour l’entreprise. Cela a amené les dirigeants de l’entreprise (Mme [H] [X] et Mr [B] [Y]) à devoir s’organiser différemment pour ces missions qu’ils ont dû assumer directement, car vous n’étiez pas techniquement en mesure de les réaliser.
C’est la raison pour laquelle il vous a été demandé de concentrer votre activité sur la mission contractuellement prévue de Directeur du Développement plus spécifiquement en charge du développement de l’activité « BMGVP », sous la Direction de Mr [B] [Y], en impliquant à vos côtés un contrôleur de gestion pour le suivi financier, et en mandatant en cas de besoin, un consultant extérieur pour établir en lien avec vous le business plan prévisionnel de cette activité comme cela a été le cas au printemps 2017.
Bien que centré sur cette mission (comme cela vous l’a encore été rappelé par Mr [Y] le 27/09/2017 par e-mail) et sur le suivi du portefeuille de marques, soit un périmètre plus restreint, vous n’avez pas été pourtant pas été en mesure depuis deux ans d’atteindre les objectifs commerciaux que vous aviez pourtant vous-même fixés pour cette activité dont vous avez la charge.
Pour rappel :
– En 2016, cette activité a réalisé une marge de 2 402 743 €, pour un objectif commercial fixé à 2 971 860 €, soit un retard de 569 117 € (-19%)
– En 2017, la prévision d’atterrissage sur cette activité est de 2 902 165 € pour un objectif commercial fixé à 3 277 177 €, soit un retard de 375 012 € (-11%)
L’ensemble de ces éléments démontrent votre incapacité à remplir correctement votre mission de Directeur du Développement.
Par ailleurs, nous déplorons, au-delà de cette insuffisance professionnelle une remise en cause par vos soins de la gouvernance et direction de l’entreprise depuis cet été :
– Tantôt en demandant à vivre en Chine
Demande incompréhensible de votre part sachant que la fonction d’animation de l’activité BMGVS nécessite une présence à [Localité 4], pour (i) manager l’équipe entière dont une partie est basée à [Localité 4], (ii) pour échanger avec les autres services de l’entreprise qui participent à cette activité (logistique, marketing, production, …). Cette demande vous a été refusée compte tenu de son incompatibilité avec vos missions.
– Tantôt en revendiquant vis-à-vis des tiers un titre de directeur général que vous n’avez jamais eu
Et en utilisant, sans y être habilité le titre de Directeur Général dans vos échanges avec des tiers (fournisseurs, administration, salariés, …). Il ne s’agit là ni plus ni moins qu’une usurpation de titre, cette utilisation du titre DIRECTEUR GENERAL n’ayant d’autres objectifs de votre part que de semer la confusion en interne et en externe, déstabilisant par là même le bon fonctionnement de l’entreprise.
– Tantôt en ne respectant pas les instructions / délais pour restitution de note
Le 17 août 2017, Mr [B] [Y] vous a demandé votre vision de l’entreprise en 2019/2020. Cette demande a été réitérée par Mr [B] [Y] à l’ensemble des membres du comité de Direction le 28/08/17 et le 04/09/2017, avec une demande de restitution pour le 30/09/2017 au plus tard. Vous avez restitué votre travail le 19/10/2017, soit avec 19 jours de retard alors même que les autres membres du comité de Direction avaient déjà restitué leurs analyses.
– Tantôt en vous plaçant dans une attitude de revendication abusive et répétée de demande de fonctions de direction générale, et d’opposition à la direction
* Le 28/09/2017: en réponse à une note de Mr [B] [Y] vous rappelant clairement votre responsabilité de l’activité BM SUD (qui est votre mission contractuelle), et vous demandant de revoir le plan de développement de cette activité (nouveaux produits, accroissement de la marge unitaire, réflexion sur l’efficacité de l’équipe commerciale), vous répondiez :
‘Je souhaite occuper pleinement la mission qui devrait être la mienne, à savoir Directeur Général’,
‘J’aimerais vraiment que vous puissiez envisager de reconsidérer notre organisation afin de me confier enfin les pouvoirs du directeur général dont je n’ai que le titre’ listant ensuite des missions qui sont celles contractuellement prévues.
* Le 25/10/2017 : en réponse à un refus de Mr [B] [Y], votre supérieur hiérarchique, sur une demande de déplacement, vous répondez à nouveau :
‘ Ce refus illustre bien la limite de mes pouvoirs et mon impossibilité à tenir le rôle de Directeur Général et à agir comme je crois qu’il le faudrait dans l’intérêt de l’entreprise’.
* Le 13/11/2017: suite à un comité de Direction au cours duquel plusieurs initiatives sous votre responsabilité ont été évoquées et critiquées, vous adressiez une note à Mr [B] [Y], pour tenter de vous justifier sur ces critiques et une nouvelle fois réclamer des fonctions qui ne sont pas les vôtres, en arguant d’un titre que vous n’avez pas :
‘Je ne sais plus comment vous faire entendre qu’il est nécessaire que vous preniez une décision à mon égard :
1/ vous me donnez enfin les pouvoirs que je devrais détenir compte tenu du titre qui est le mien
2/ Vous n’entendez finalement pas me laisser exercer la plénitude de mes fonctions et nous devons nous séparer.’
Face à votre volonté de ne pas comprendre, et à une menace de séparation clairement mentionnée dans votre courrier du 13/11/2017, Mr [B] [Y] a dû une nouvelle fois vous rappeler par écrit le 16 novembre 2017 votre rôle au sein de l’entreprise, vous indiquant:
– ‘Que vous occupez la fonction de Directeur du Développement, et que les attributions qui vous sont confiées sont celles prévues à votre contrat de travail.
– Que malheureusement, les mois passés dans l’entreprise ont mis en lumière que vous ne réunissiez pas les compétences et qualités requises pour remplir la totalité des fonctions de directeur général.
– Que Mr [B] [Y] et Mme [H] [X] continueront à gérer seuls la commercialisation et la représentation des vignobles classés confiés aux négociants de la place de [Localité 4], et toutes les autres missions de direction générale.’
Cette situation de revendication permanente d’un poste de Directeur Général, alors même que vous n’avez jamais exercé les missions associées, et dans un contexte d’usurpation de titre, porte préjudice à l’Entreprise et nuit à son bon fonctionnement.
Ce qui est encore plus grave, c’est que vous avez commis un acte d’insubordination caractérisé en ne respectant pas volontairement les consignes claires qui vous ont été données.
Le 16/11/2017, Mr [B] [Y] vous a rappelé qu’il continuerait avec Mme [H] [X] ‘à gérer seuls la commercialisation et la représentation des vignobles classés confiés aux négociants de la place de [Localité 4]’.
Malgré cela, le 18/11/2017, au lieu d’annuler les Rendez-vous que vous aviez pris pour les 21 et 22/11/2017 avec Messieurs [R] et [C], dirigeants de deux des plus importantes maisons de négoce de la Place de [Localité 4], vous avez adressé deux e-mails à Mr [B] [Y], l’informant que vous auriez rendez-vous les 21 et 22 novembre avec Messieurs [L] [R], Directeur Général de la société GINESTET, et Mr [D] [C], Directeur Général de la société JOANNE US.
Il s’agit là d’un passage en force pour nous amener à engager votre licenciement dans le sens de la conclusion de votre rapport du 13/11/2017.
En effet, après presque trois ans dans l’entreprise, vous êtes pleinement conscient de la gouvernance en place au sein de l’entreprise, et de la répartition des rôles/missions entre Mr [B] [Y]/Mme [H] [X], mandataires sociaux -actionnaires- dirigeants de l’entreprise, et les différents collaborateurs membres du comité de Direction dont vous faites partie.
– Mr [B] [Y] et Mme [H] [X] sont les interlocuteurs exclusifs des dirigeants des négociants de [Localité 4], clients de notre activité Grands Crus Classés. La stratégie des prix, des allocations et du développement des relations commerciales avec ces négociants étant un sujet crucial pour le groupe (représentant près de 60% du CA du groupe), la relation de notre groupe avec ces partenaires négociants nécessite qu’il n’y ait pas d’ambiguïté dans les relations avec eux.
– Votre mission s’articule autour du développement de l’activité BMGVP/[B] [Y] Grands Vignobles du Sud, de l’animation de la force de vente associée et des échanges sur le terrain avec les commerciaux des négociants, en tenant informé de vos initiatives la direction.
Si ce point n’était pas clair pour vous, il vous l’a été rappelé très clairement par Mr [B] [Y], dans un courriel qu’il vous a adressé le 16/11/2017 :
‘Mme [X] et moi-même continueront seuls à gérer la commercialisation et la représentation de nos vignobles classés confiés aux négociants de la place de [Localité 4]’.
Ce non-respect des consignes par vos soins a obligé Mr [B] [Y] à devoir contacter directement et personnellement ces deux dirigeants de maisons de négoce majeures, clientes stratégiques et importantes pour le groupe, pour leur confirmer que vous n’étiez pas habilité à les rencontrer, cette situation créant un préjudice d’image dans la relation avec eux.
Cette situation est d’autant plus grave que :
– Compte tenu de votre position, vous êtes censé connaître l’impact de vos agissements. Il s’agit donc bien là d’un acte délibéré de votre part.
– Qu’elle s’inscrit comme évoqué précédemment dans un contexte de remise en cause ouverte de la Direction où il vous a été rappelé clairement le 16 novembre, soit deux jours avant votre mail, vos prérogatives contractuelles. Vous n’avez donc pas respecté les instructions de votre direction de manière volontaire.
– Qu’elle s’inscrit dans un contexte, où vous avez évoqué quelques jours avant les faits (le 13 novembre) que dans l’hypothèse où les fonctions de Direction Générale ne vous seraient pas confiées, ‘nous devrions nous séparer’, cette initiative de confirmation de RV auprès de ces deux négociants constituant une initiative réfléchie de votre part pour créer les conditions d’un départ.
Cette situation se trouve d’ailleurs confirmée par la réception dans les jours suivants d’un courrier de votre avocat à l’attention de Mr [B] [Y] le 21/11/2017 demandant d’évoquer les conditions de votre départ.
L’ensemble des faits qui vous sont reprochés démontrent clairement que vous avez délibérément fait le choix de ne pas respecter les consignes données par votre supérieur, dans un contexte où vous refusiez de continuer à effectuer votre mission contractuelle et souhaitiez aborder le sujet de votre départ.
Nous ne pouvons ni accepter ni nous permettre que notre image de marque soit atteinte par un non-respect volontaire des consignes données dans l’exécution du travail, et qu’elle perturbe l’organisation et le bon fonctionnement de l’entreprise.
Cette situation rend désormais impossible votre maintien dans l’entreprise. (…) ».
Pour voir infirmer le jugement déféré qui a considéré que le licenciement de M. [P] ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, la société appelante fait valoir que lors du recrutement du salarié, il n’a jamais été question du fait que M. [P] soit engagé en vue de remplacer ultérieurement M. [V] au poste de directeur général et que le salarié a été embauché uniquement en qualité de directeur du développement et plus particulièrement de l’activité BMGVP (ou BMGVS).
La société soutient que M. [P] n’a jamais exercé les fonctions de directeur général, même après le départ en retraite de M. [V], revendiquant une promesse qui ne lui a jamais été faite à cet égard.
Décrivant les missions confiées à M. [V], la société souligne que ni la formation de M. [P] (diplômé de [Localité 7]), ni ses expériences professionnelles antérieures (auprès des sapeurs pompiers de [Localité 6] puis de la société L’Oréal) ne le prédisposaient aux fonctions de direction générale d’une PME de production et commercialisation de vins.
D’ailleurs, M. [P] lui-même était parfaitement conscient de ne pouvoir assumer les fonctions de direction générale puisqu’il sollicitait des formations sur des thèmes financiers basiques, tout en ayant demandé à être relocalisé en Asie, ce qui était incompatible avec une mission de directeur général.
La société ajoute que les attributions listées par M. [P] en première instance relevaient de ses missions de direction de son activité commerciale, [B] [Y] Sud ne représentant que 33% de l’activité du groupe : dans ses écritures, la société a établi un tableau contestant sur 9 pages la pertinence des affirmations de M. [P] et concluant que l’intimé avait des attributions conformes à son poste.
Selon la société, le licenciement de M. [P] est légitime au regard des revendications réitérées et incohérentes de celui-ci par rapport à un poste qu’il n’occupait pas, au retard injustifié dont il a fait preuve dans la remise d’un document de travail sollicité par M. [Y], le document adressé traduisant son manque de sérieux, des rendez-vous sollicités au mépris des instructions claires qui lui avaient été adressées, visant à instaurer un rapport de force pour s’imposer comme directeur général sans qu’aucune prescription des faits fautifs invoqués à l’appui de son licenciement ne puisse être valablement soutenue compte tenu de la chronologie de la procédure.
La société ajoute que peuvent parfaitement coexister dans la lettre de licenciement des motifs de nature disciplinaires mais aussi relevant d’une insuffisance professionnelle tels la non-atteinte des objectifs commerciaux : or, selon la société, M. [P] ne remplissait pas ses missions ni n’atteignait ses objectifs.
L’appelante souligne que M. [P] n’avait pas la capacité d’établir les business plans du groupe et que la direction a dû faire appel à des tiers (cabinet [E]) en raison des carences de M. [P] en matière financière qui ne lui permettaient pas en outre d’être un interlocuteur crédible auprès des partenaires financiers de la société.
Elle indique qu’au surplus, M. [P] n’était pas en mesure de faire des propositions concrètes dans le rapport établi fin juillet 2017 pas plus que dans celui d’octobre 2017 relatif à la ‘vision 2017-2020″.
L’appelante invoque aussi le fait que M. [P] n’avait pas atteint les objectifs qu’il s’était lui-même fixé ni en 2016 ni en 2017 pour l’activité BMGVS, les résultats obtenus étant en-deçà de ces objectifs, soulignant que ‘les bons résultats affichés auprès des banques’ étaient étrangers à l’activité du salarié qui n’avait pas atteint ses objectifs.
Elle ajoute que le ‘manque de moyens’ invoqué par l’intimé n’est apparu opportunément qu’en septembre 2017, les documents produits par M. [P] ne démontrant aucune difficulté jusqu’à cette date et témoignant au contraire d’échanges ‘classiques’ entre un dirigeant et un membre du comité de direction.
La société invoque par ailleurs la remise en cause par M. [P] de la gouvernance et de la direction de l’entreprise qui se sont traduites par :
– l’incohérence de sa demande d’expatriation en Chine refusée puisque ses missions imposaient qu’il soit présent à [Localité 4], et faisant fi de ses responsabilités et du risque lié au pays alors que le marché chinois ne représente que 21,3% de la marge de BMGV ; selon la société, l’incongruité d’une telle demande démontrerait que M. [P] s’était éloigné des attentes de la société et désinvesti de sa mission ;
– sa revendication abusive et répétée des fonctions de directeur général, alors que Mme [X] était indisponible pour des raisons de santé, en septembre, octobre puis novembre 2017, au mépris des missions limitées de directeur de développement qui lui étaient seules confiées : selon la société, il n’y avait aucune ambiguïté sur le fait que M. [P] n’était pas directeur général et la volonté de celui-ci de forcer la main à son employeur a entraîné une rupture de la relation de confiance ;
– même si, compte tenu des circonstances, départ en retraite de M. [V] et arrêt de travail pour maladie de Mme [X], M. [P] a pu être présenté comme directeur général dans de rares courriels, cette promotion n’a jamais été mise en oeuvre et M. [P] n’a jamais rempli les missions correspondantes et a seulement voulu profiter de la situation.
Enfin, la société appelante soutient que M. [P] a fait preuve d’une insubordination caractérisée en prenant des rendez-vous avec les dirigeants de deux des plus importantes maisons de négoce de la place de [Localité 4] alors que M. [Y] lui avait clairement notifié que ces interlocuteurs étaient ‘réservés’ aux dirigeants de la société.
Or, malgré le rappel écrit du 16 novembre 2017, M. [P] a confirmé les rendez-vous pris, ce qui a contraint M. [Y] à devoir contacter ces dirigeants pour leur indiquer que M. [P] n’était pas habilité à les rencontrer.
*
M. [P] soutient que lors de son embauche, il avait été convenu qu’il pourrait, à terme, au départ de M. [V], devenir directeur général et il prétend avoir été nommé en cette qualité le 1er janvier 2016 et avoir, de février 2016 à octobre 2017, exercé toutes les fonctions dévolues à un directeur général, sauf dans le domaine financier, mais sans moyens humains suffisants et sans disposer d’une totale liberté d’action, M. [Y] exerçant un contrôle a priori de toutes les actions.
Il souligne que sa charge très importante de travail l’a conduit à un état d’épuisement ayant mené à son hospitalisation en juillet 2017 et que lorsqu’il a tenté d’exposer à M. [Y] les limites de ses actions au regard des freins qui lui étaient imposés en lui demandant de lui donner les moyens nécessaires pour tenir pleinement sa fonction, la réponse a été la mise en oeuvre, en représailles, de la mesure de licenciement
Par ailleurs, M. [P] conteste les motifs invoqués à l’appui de son licenciement
***
L’employeur reproche 3 séries de griefs à M. [P], le premier relevant d’une insuffisance professionnelle et de résultats, les autres de la faute grave.
Pour ces derniers, il appartient à l”employeur de rapporter la preuve des faits allégués et de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise.
L’insuffisance de résultats, qui doit être caractérisée par des éléments concrets quantifiables et vérifiables telle la non-atteinte des objectifs fixés à condition qu’ils soient réalisables, ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle repose soit sur une insuffisance professionnelle, qui se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié d’exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, soit sur une carence fautive du salarié.
Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir de direction, l’insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur.
Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l’entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.
1 – L’incapacité à remplir ses missions contractuelles et la non-atteinte des objectifs commerciaux
– L’appelante souligne tout d’abord que M. [P] n’avait pas la capacité d’établir les business plans du groupe et que la direction a dû faire appel à des tiers, le cabinet [E] et M [V], ancien directeur général devenu consultant, en raison des carences de M. [P] en matière financière qui ne lui permettaient pas d’être un interlocuteur crédible auprès des partenaires financiers de la société ‘en prévision du départ de M. [V]’.
La société produit un courrier du cabinet [E] en date du 10 mars 2015 remerciant de la mission d’accompagnement demandée par M. [Y] concernant la validation des situations mensuelles de trésorerie du groupe et fixant ses tarifs pour cette mission.
M. [P] a été recruté le 5 janvier 2015 et M. [V], directeur de l’établissement était encore en poste. Il n’est donc pas établi que la demande faite au cabinet [E] était en lien avec l’incapacité de M. [P] de remplir ses missions contractuelles.
Le courriel du 8 février 2017 dans lequel M. [P] invite ses commerciaux à faire ‘à la demande de M. [Y]’, un ‘point d’activité pour le mois de janvier’ ne traduit pas un manque de connaissance de son secteur.
Il ressort des échanges de courriels produits que M. [V] était consulté par le directeur administratif, M [F] et par M. [P], à la demande de M. [Y] notamment en mars 2017 pour une réunion avec M. [Z], concernant les charges ‘normatives’ BM Sud.
Il n’est pas précisé à quel titre M. [V] était convié à la réunion avec M. [Z] sans le reste des directeurs de la société, ce qui nécessitait que lui soient transmises des informations pour la tenue de cette réunion et il n’est pas démontré que M. [P] était détenteur des informations demandées, M. [F], directeur administratif, et M. [A], responsable administration des ventes, étant également destinataires des courriels de M. [V].
De même, le courriel en date du 6 octobre 2017, adressé à M. [V] au même titre qu’à Mme [X], à M. [O] du cabinet [E], et à M. [Z] le convoquant à une prochaine ‘réunion mensuelle’, dont l’objet n’est pas précisé, ne démontre pas l’incapacité de M. [P] à exercer ses missions.
Il ne saurait par ailleurs être déduit de la demande faite par M. [P] le 3 août 2017, de suivre une formation, en finance et gestion pour savoir lire un bilan et un compte de résultat, niveau I et II, motivée par son souhait de ‘monter en puissance’ sur le sujet et ‘d’être à même de challenger nos interlocuteurs’, faisant suite aux échanges passés avec M. [Y], une incapacité d’établir les business plans du groupe.
Ce grief n’est pas établi.
– La société indique ensuite que M. [P] n’était pas en mesure de faire des propositions concrètes dans le rapport établi le 4 août 2017 présentant le bilan à fin juillet 2017 pas plus que dans celui d’octobre 2017 relatif à la ‘vision 2017-2020″.
Il est produit aux débats une série de questions posées par M. [Y] à M. [P] le 19 septembre 2017 suite au rapport de mi-juillet, accompagnée d’un nouveau courriel en date du 27 septembre, lui demandant de ‘refaire un plan écrit avec le détail des moyens’ lui rappelant qu’il avait ‘la responsabilité des résultats financiers et charges afférents de BM Sud’.
Dès le 28 septembre 2017, M. [P] a répondu à l’ensemble des questions posées, en précisantque certaines des réponses avaient déjà été transmises en faisant référence à de précédents échanges.
M. [Y] n’a fait aucune observation après ces réponses apportées, ne démontrant pas qu’il n’en était pas satisfait.
Alors que M. [Y] fixait comme priorité à M. [P] l’amélioration des marges unitaires, le rapport du 4 août et les réponses complémentaires figurant dans le courriel du 28 septembre comportent des propositions pour les améliorer.
De même le 19 octobre 2017, M. [Y] a accusé réception du rapport remis par M. [P] sans lui faire d’observation sur d’éventuelles incohérences ni sur des points à améliorer pas plus que sur la date tardive à laquelle il aurait remis son rapport.
La société critique dans la présente procédure l’absence de proposition d’axes d’amélioration de M. [P] ; celles émises seraient, selon elle, limitées à des généralités ou des affirmations non documentées, la société exposant que son rapport ne présenterait aucun chiffrage du budget de dynamisation et communication de plan média sur les produits.
Pour autant, elle n’a fait aucune remarque sur les réponses complémentaires apportées au rapport d’activité à mi-juillet ni sur le rapport de prospective d’octobre 2017 intitulé ‘Vision 2020″ qui comportait un nombre important de propositions.
Si, dans le cadre de la procédure, elle reproche au salarié de s’être contenté d’évoquer ou de rappeler des axes de travail déjà actionnés à plusieurs reprises durant les exercices antérieurs avant son arrivée dans l’entreprise, elle ne le justifie pas et ne démontre pas en quoi cela serait constitutif d’une faute dans l’exécution des missions de M. [P] qui aurait porté préjudice à la société.
La société reproche à M. [P] de ne pas avoir su s’engager et présenter la situation du groupe avec le directeur administratif auprès des partenaires financiers du groupe mais n’en rapporte pas la preuve, M. [P] produisant des éléments contraires.
Le grief n’est pas établi.
– L’appelante invoque aussi le fait que M. [P] n’avait pas atteint les objectifs qu’il s’était lui-même fixé pour l’activité BMGVS ni en 2016 ni en 2017, les résultats obtenus étant en-deçà de ces objectifs, soulignant que ‘les bons résultats affichés auprès des banques’ étaient étrangers à l’activité du salarié qui n’avait pas atteint ses objectifs.
La société soutient qu’en 2016, M. [P] avait lui-même évalué un budget de l’activité BMGVS avec 2.971.860 euros de marge alors qu’il n’a atteint que 2.402.743 euros, reconnaissant ce retard dans le courriel du 13 février 2017 dans lequel il mentionne les primes des différents commerciaux sans en faire apparaître pour lui.
Il ressort des documents produits et du contrat de travail que M. [P] devait garantir l’atteinte des objectifs fixés pour les activités des équipes commerciales, lesquels n’étaient pas établis par la société mais proposés par M. [P] après échanges avec son équipe.
Or, les objectifs de marge donnés aux commerciaux étaient supérieurs aux objectifs réels validés par le président de la société, avec un écart de 571.861 euros en 2016 (2.971.861 euros d’objectifs de marge / 2.400 000 euros d’objectifs réels) quant les objectifs réalisés ont été de 2.397.000 euros et de 577.177 euros en 2017 (3.277.177 euros d’objectifs de marge / 2.700.000 euros d’objectifs réels).
Sur l’année 2016, la société a mis en avant les résultats commerciaux records dans la note au banquier et sur l’année 2017, elle a relevé, dans la lettre de licenciement, que les objectifs réalisés pouvaient être évalués à 2.902.165 euros soit supérieurs aux objectifs fixés.
Le document remis aux banquiers pour l’année 2016 présentait l’ensemble de l’activité annuelle et rappelait en dernière page les fonctions des principaux intervenants ayant contribué à la réalisation des objectifs en citant M. [P] en qualité de directeur général, assurant en binôme avec M. [Y], les actions sur la Chine et Hong-Kong. La société ne peut donc pas valablement soutenir que M. [P] n’a pas contribué aux résultats favorables de 2016.
Par ailleurs, le rapport du suivi de l’activité à juillet 2017 indiquait que l’objectif de marge était de 2.700.000 euros et le rapport ‘Vision 2020″ prévoyait de viser une marge de 3.327.00 euros à l’horizon 2020.
Le rapport établi à mi-juillet 2017 faisait apparaître une augmentation de la performance en 1 an entre juillet 2016 et juillet 2017 avec un taux de réalisation de 72% par rapport aux objectifs de fin d’année alors qu’il restait encore 6 mois d’activité, la société présentant à tort ce document comme correspondant à l’activité de fin d’année.
Dans le courrier du 27 septembre 2017, M. [Y] faisait des observations à M. [P] pour lui demander des précisions, mais sans aucun rappel à l’ordre sur les résultats.
Les tableaux produits par la société en pièce 55, pour démontrer que l’activité de M. [P] sur les vins du Sud ne représentaient que 1% de l’activité du groupe, sont des extraits de fichiers Excell qui ne sont pas complets et ne permettent pas de retenir l’absence d’atteinte des objectifs.
De même, les échanges de courriels avec M. [V] en avril 2017 font apparaître que l’activité BMGVS devait, à la différence de l’exercice antérieur, supporter une partie de la facturation à la holding, cette prise en charge grevant d’autant les charges pour l’année 2017, sans que cela ne puisse être imputable à M. [P].
En l’absence d’objectifs fixés à M. [P], il faut se référer aux objectifs qu’il se fixait lui-même après validation de M. [Y]. S’agissant des objectifs servant à l’analyse de l’activité, doivent être pris en compte les objectifs réels et réalisés et non les objectifs commerciaux qui permettaient d’établir le prévisionnel d’activité des commerciaux et leurs primes.
Il apparaît en outre qu’une prime d’activité 2016 BM Sud d’un montant de 50.000 euros a été versée intégralement à M. [P] en février 2017 et que la ‘prime d’enthousiasme’ lui a été versée en 2015 et en 2016, sans que la société ne puisse justifier qu’il ne s’agissait que d’une prime d’encouragement pour la première année, ni que, cette prime était déconnectée des résultats du salarié.
La société ne démontre pas que la ‘situation a commencé à se dégrader en 2017″, M. [P] n’ayant pas perçu la prime d’enthousiasme pour 2017, dès lors que cette prime était versée en juillet de l’année suivante.
Ce grief n’est pas établi.
– Le 19 octobre 2017, la société reproche à M. [P] de restituer avec retard un document de travail demandé à chacun des membres du CODIR devant présenter une ‘vision 2020″ de l’activité.
En réalité, la société n’a fait aucun reproche ni sur le retard dans la remise du dossier, ni sur le contenu du rapport.
M. [P] fait valoir qu’il était en congé du 4 au 26 août 2017 et est ensuite parti en Chine une semaine, ce qui ne lui a pas permis de rendre le rapport à temps, ayant eu également besoin des données des deux années précédentes dont disposait M. [A]. Ces explications ne sont pas contredites par la société.
La société ne produit aucune observation négative sur le travail rendu.
Ce grief n’est pas établi.
Il ressort de l’ensemble des éléments ci-dessus que que les griefs relevant de l’insuffisance professionnelle de M. [P] ne sont pas établis et ne peuvent justifier le licenciement, la société n’établissant ni leur réalité ni qu’ils ont perturbé la bonne marche de l’entreprise.
2 – La remise en cause de la gouvernance de l’entreprise,
– En lien avec les partenaires de la société basés en Chine, M. [P] a proposé en mai 2017 à M. [Y] d’exercer ses fonctions dans ce pays et a fait savoir dans le courriel du 28 septembre 2017 que sa proposition était toujours d’actualité.
D’une part, M. [P] ne peut invoquer la prescription de ce fait, la convocation à l’entretien préalable au licenciement datant du 24 novembre 2017.
Dans les réponses qu’il donne à M. [Y] par courriel le 28 septembre, M. [P] rappelle en quoi sa proposition était intéressante au vu des résultats présentés et de ses propositions : ‘comme évoqué mi-mai il me semble que la proposition que je vous ai formulé de me relocaliser en Asie (zone stratégique pour l’entreprise) aurait pu constituer une vraie opportunité de croissance, de structuration et d’organisation de la zone. Cela aurait, j’en suis convaincu, permis d’accompagner efficacement notre équipe présente sur place, et de rendre cet investissement humain plus rentable qu’il ne l’est aujourd’hui car encadré à distance, tout en permettant de me dégager des tâches ‘secondaires’ et me concentrer, à vos côtés, au développement de l’entreprise’.
Cette proposition argumentée, si elle ne répondait pas aux choix du président de la société, ne constitue pas pour autant une remise en cause de la gouvernance de l’entreprise.
– M. [P] a reproché à la société de ne pas lui avoir donné les moyens d’occuper le poste de directeur général le 25 octobre 2017 ; la société lui a répondu de manière officielle, par courriel du 17 novembre, qu’il n’occupait que le poste de directeur de développement sans pouvoir prétendre à celui de directeur général en raison de son manque de compétence.
A partir de ces échanges, la société fait grief à M. [P] d’avoir cherché à revendiquer de manière abusive des fonctions de directeur général.
M. [P] produit un courriel adressé par M. [Y] à sa secrétaire le 3 juin 2016 dans lequel il lui demande de transmettre un message en précisant la qualité de directeur général de M. [P].
Mme [X], fille de M. [Y] et présidente du directoire, présentait M. [P] comme directeur général auprès des équipes de la société ainsi qu’envers les partenaires extérieurs.
Le 5 février 2016, Mme [X] confirmait la présence de M. [P] à une réunion avec le directeur de l’agence Transversale, active dans le milieu du secteur du vin, en précisant qu’il était ‘notre directeur général qui remplace M. [V] parti à la retraite en décembre’.
Le 16 novembre 2017, elle répondait à une demande de tournage en Chine en mettant en copie ‘[S] [P], notre directeur général qui suit particulièrement l’Asie avec mon père alors que je suis plus ‘concentrée’ sur le marché US’.
L’assistante de M. [Y] elle-même, donnait les coordonnées de M. [P], comme étant directeur général, à une personne extérieure le 28 octobre 2016.
Le personnel de la société le présentait également en tant que directeur général dans les rapports avec les clients, ainsi le directeur des exports Asie-Pacifique en avril 2017, mais également le directeur administratif à une personne de la direction départementale pour la cohésion sociale le 7 avril 2017 ‘ M. [P], notre directeur général (…)’.
La référence de la fonction de directeur général de M. [P] ressort aussi de la note aux banquiers précisant en dernière page : ‘[H] [X] est présidente du directoire et [B] [Y] assure l’accompagnement et le suivi de nos actions sur la Chine et Hong-Kong en binôme avec Huges [P], directeur général, où ils sont présents également tous les 2 mois’.
En septembre 2017, dans un article très long et fourni sur [B] [Y] publié dans Paris-Match, M. [P] apparaît en photo à ses côtés et est présenté comme son directeur général, l’article relatant les propos de M. [Y] qui mettait en avant sa prise de risque pour donner des responsabilités aux jeunes.
Cet article, dont les propos ne sont pas contestés par M. [Y], vient réfuter l’argument de la société selon laquelle M. [P] n’aurait pas eu l’ancienneté nécessaire pour assurer les fonctions de directeur général, en comparaison avec le précédent directeur général, M. [V], qui avait occupé toutes les fonctions au sein de la société avant d’être nommé directeur général.
M. [P] détenait une carte de visite de directeur de développement puis, à partir de janvier 2016, de directeur général, sans qu’il puisse être soutenu que la commande a été faite auprès du graphiste à l’insu de M. [Y] puisque celui-ci surveillait toutes les décisions de chacun des employés de la société.
Par courriel du 16 novembre 2017, Mme [X] informait M. [P] qu’il devenait le supérieur hiérarchique de M. [F], directeur administratif : ‘vous êtes bien le supérieur hiérarchique de N. [F]. Je le redirais à ND lorsque l’occasion se présentera, ce qui va arriver avec l’avancée des comptes dans lesquels je vous mettrais dans la boucle’, lui confiant ainsi des fonctions en matière de ressources humaines.
Au-delà du titre ainsi donné à M. [P], il ressort des pièces produites que la société a confié à celui-ci des tâches qui dépassaient celles de directeur de développement, sans justifier qu’elles étaient exceptionnelles et portaient sur un temps limité : ainsi pour le référencement des vins, y compris les grands crus classés, ou pour l’associer à la rencontre des banquiers, même si la société soutient ne l’avoir fait participer qu’à 2 réunions sur 12. M. [U], agent général d’assurances, confirme la présence de M. [P] à une réunion et sa présentation en qualité de remplaçant de M. [V], chargé de suivre plus particulièrement la ‘stratégie de développement du groupe’.
De même, M. [P] intervenait directement avec des négociants américains et asiatiques sur des grands crus classés, sans que la société ne justifie que les échanges sur le stockage de grands crus classés en douane de Shangaï ou les contacts avec M. [I], de la société Joanne, en mars 2017, auraient relevé de la compétence d’un directeur de développement.
S’agissant de l’autonomie dont bénéficiait M. [P], il ressort des courriels produits par ce dernier demandant validation à M. [Y], qu’elle était très faible, y compris sur ses fonctions de directeur du développement.
Ainsi, il devait référer au président de la société pour la répartition du versement des primes auprès des commerciaux, le changement de cuvée provenant d’un fournisseur habituel, le texte destiné aux commerciaux pour pouvoir défendre les produits, la validation d’un accord de coexistence de la marque [B] [Y] avec les vignerons de la Méditerranée, la communication aux abords des congrès et sur les tramways en partenariat aves JC Decaux, la validation du projet de contrat LGMBL- Le Bougeat, la validation des jours de congés de ses collaborateurs, l’organisation d’une visite du Château Fombrauge pour 2 acheteurs, pour ses déplacements sur les différents Châteaux et notamment en Provence pour ‘découvrir nos vignobles et revenir avec nombre d’éléments qui me permettraient de construire un discours commercial fort’ (auquel il était opposé un refus), ainsi que pour la validation d’un projet de courrier des commerciaux aux directeurs des maisons de négoce sur lequel il lui était demandé de modifier le mot ‘directeur’ par celui de ‘patron’.
La société confirme par ailleurs que ce mode de validation par le président était conforme au fonctionnement de l’entreprise familiale, celle-ci ayant développé sa marque éponyme, et l’ensemble du personnel avait un grand respect à l’égard du fondateur dirigeant, présent dans tous les aspects de la gestion.
La société ne peut donc pas soutenir que sur de nombreux sujets, le salarié pouvait agir en autonomie.
Entre janvier 2016 et décembre 2017, M. [P] a demandé la validation de certaines initiatives à M. [Y] qui s’est opposé à son déplacement en octobre 2017 en Provence au motif qu’il fallait plutôt améliorer le ‘story telling’.
Dans un courriel du 13 novembre 2017, M. [P] listait ses demandes portant sur des sujets cruciaux pour l’entreprise et notamment le ‘plan 2018-2020 intégrant une proposition d’organisation de la force commerciale, proposition de partenariat Nielsen sur le marché français, proposition de candidats US et Asie dans le but de remplacer au plus vite nos développeurs démissionnaires et mettre en place une organisation commerciale efficace’ mais il n’a pas eu de retour de la part de M. [Y].
Dès le 25 octobre 2017, M. [P] faisait part à M. [Y] de son incompréhension de se voir confier des missions qui dépassaient celles de directeur de développement sans que lui soient donnés les moyens de les assurer pleinement, étant toujours tenu d’attendre une validation préalable.
De même, il lui rappelait que depuis trois ans, il était intervenu pour tenter une rationalisation du catalogue sur une trentaine de références, la fixation d’un tarif pour les références Sud, Depardieu, [Localité 4] et étranger, M. [Y] ayant qualifié le tarif proposé comme tarif ‘de merde’ en réunion.
La société prétend que le ‘manque de moyens’ invoqué par l’intimé n’est apparu opportunément qu’en septembre 2017, après que M. [P] a essuyé plusieurs refus à ses propositions.
Cependant, au vu de l’ensemble des pièces versées, il ne peut être reproché à M. [P] d’avoir utilisé le titre de directeur général qui lui était donné par le président lui-même et d’avoir réclamé les moyens nécessaires pour exercer ses fonctions.
Le grief n’est pas établi.
3 – Le dépassement volontaire des prérogatives contractuelles et le non-respect des instructions données par la direction.
La société soutient qu’en prenant des rendez-vous avec les dirigeants de deux des plus importantes maisons de négoce de la place de [Localité 4] alors que M. [Y] lui avait clairement notifié que ces interlocuteurs étaient ‘réservés’ aux dirigeants, M. [P] a fait preuve d’insubordination.
Toutefois, l’intimé démontre par les notes prises pendant la réunion du 18 octobre 2017 que M. [Y] l’avait mandaté pour aller rencontrer M. [R] et M. [C]. Ces rendez-vous avaient été pris le 24 octobre 2017 pour les 21 et 22 novembre 2017 et, malgré le courriel reçu le 16 novembre le repositionnant dans des fonctions exclusives de directeur de développement, M. [P] indiquait à M. [Y] qu’il assurerait toujours les rendez-vous pris, confirmant ainsi qu’il informait le président de ses actions quotidiennes.
Par ailleurs, il ressort des courriels produits que M. [P] avait déjà rencontré M. [R] en novembre 2016 à Hong-Kong et que M. [Y] était au courant pour être en copie du message. Le 28 décembre 2016, M. [P] traitait directement avec M. [R] sur une difficulté de stockage sans qu’il puisse être soutenu par la société que cette mission était particulière ni que ce client était géré uniquement par Mme [X].
L’attestation de M. [W], président de [Localité 4] Vins Sélections négociant à [Localité 4], selon laquelle il privilégiait les échanges avec M. [Y] sur la stratégie commerciale ou l’organisation de son partenariat ne signifie pas que d’autres personnes ne pouvaient participer à ces négociations ou prendre le relais, ainsi Mme [X], dont la société rappelle que cette branche était uniquement gérée par elle.
Ce grief n’est pas établi.
Il résulte de l’examen de l’ensemble des griefs reprochés au salarié que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes financières au titre de la rupture
Au vu de ses bulletins de paie et de l’attestation Pôle Emploi, M. [P] avait un revenu mensuel moyen de 16.533,34 euros.
Conformément à la demande, M. [P] ayant plus de deux ans d’ancienneté, l’indemnité compensatrice de préavis sera fixée à la somme de 33.066,68 euros.
L’indemnité légale de licenciement sera fixée à la somme de 12.722 euros, dans la limite de la demande.
Les difficultés rencontrées pour retrouver un emploi par M [P], qui était âgé de 38 ans et avait une ancienneté de 2 ans et 11 mois d’ancienneté à la date du licenciement, sont justifiées par les pièces produites au dossier.
A ce jour, il occupe un poste de directeur général adjoint et perçoit un revenu annuel de 120.000 euros bruts avec une prime de 3% du chiffre d’affaires.
Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [P], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, c’est à juste titre que les premiers juges ont évalué à 44.000 euros la somme de nature à assurer la réparation du préjudice subi à la suite de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société employant moins de 11 salariés, il convient d’infirmer la décision des premiers juges qui a ordonné le remboursement des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [P] dans la limite de 2 mois.
Sur les autres demandes de dommages et intérêts
– Au titre du préjudice professionnel et moral lié aux conditions de travail antérieures au licenciement
M. [P] sollicite le paiement de la somme de 60.000 euros en réparation du préjudice subi en raison de la mauvaise foi de la société dans l’exécution du contrat, en ce qu’il lui a été donné un titre sans les moyens d’exercer les fonctions associées.
M. [P] a été placé en arrêt de travail pour maladie, hospitalisé une semaine en juillet 2017, le médecin le suivant ayant adressé le 24 juillet 2017 au médecin du travail un courrier dans lequel il indiquait que M. [P] était en situation de surmenage et de stress. Il précisait qu’il fallait impérativement modifier le changement d’hygiène de vie, trouver des plages de repos compensatrices, quitte à essayer de réduire l’activité professionnelle.
M [P] justifie ainsi d’une dégradation de sa santé directement liée à ses conditions de travail, lesquelles correspondaient à l’exercice des missions de directeur général sans que le président lui donne les moyens de les mettre en oeuvre.
En compensation de son préjudice, il lui sera alloué la somme de 10.000 euros.
– Au titre du préjudice professionnel et moral lié aux conditions postérieures au licenciement
M. [P] sollicite le paiement de la somme de 60.000 euros en réparation du préjudice subi postérieurement à son licenciement soutenant que M. [Y] a multiplié les actes aux fins de nuire à sa réputation.
La société s’y oppose faisant valoir que M. [P] a usurpé les fonctions de directeur général pour se présenter en tant qu’ancien bras droit de M. [Y] dans la presse spécialisée ou sur les réseaux.
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La cour a retenu que les fonctions de directeur général avaient été confiées à M. [P] sans qu’il n’usurpe ce titre.
M. [P] démontre qu’il n’a pas pu retrouver de poste dans le secteur du vin, dans lequel M. [Y] était très influent et qu’il a adressé un courriel le 6 novembre 2018 à M. [G], avec lequel il était en contact pour un nouvel emploi, alors qu’il tentait de développer une activité de consultant et qu’il recherchait des financeurs. Il produit le courriel de M. [G] l’informant des propos dénigrants tenus à l’encontre de M. [P] par M. [Y].
M. [P] justifie avoir perdu ses soutiens financiers et avoir dû mettre fin à sa société placée en liquidation judiciaire le 5 juin 2019.
En réparation du préjudice subi par M. [P], la société sera condamnée à lui verser la somme de 10.000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le paiement des primes
M. [P] sollicite le versement de la somme de 50.000 euros correspondant à la prime de résultat qui ne lui a pas été versée pour l’année 2017 ainsi que le paiement de la prime d’enthousiasme de 15.000 euros.
La société s’oppose au versement de la prime d’enthousiasme au vu des faibles résultats de M. [P] et soutient que la prime de 50.000 euros ne lui a été versée qu’une seule année sans qu’une périodicité n’ait été prévue contractuellement.
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Le contrat de travail de M. [P] prévoyait le versement d’une prime annuelle pouvant atteindre 15.000 euros bruts par an, liée à l’appréciation de son travail et de son implication sur l’exercice réalisé et versée en juillet ou septembre de l’année au prorata du temps de présence sur l’exercice concerné.
La cour a retenu que le grief lié à l’absence de réalisation des objectifs n’était pas établi, la société ne démontrant pas le manque d’implication de M. [P] sur l’exercice 2017.
Le licenciement ne reposant ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse, la fin de la relation contractuelle doit être fixée, préavis inclus au 5 février 2018.
Il sera donc alloué à M. [P] la somme de 15.000 euros.
En revanche, la prime d’activité 2016 BM Sud de 50.000 euros qui lui a été versée en février 2017 n’était pas prévue au contrat de travail.
M. [P] ne démontrant pas les caractères cumulatifs de généralité, de constance et de fixité de cette prime, il doit être considéré qu’il s’agit pour l’année 2016 d’une simple libéralité qui relève du pouvoir discrétionnaire de l’employeur.
Cette demande sera rejetée.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a rejeté la demande relative à la prime d’enthousiasme et confirmé quant au rejet de celle relative à la prime d’activité 2017.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société, partie perdante à l’instance et en son recours, sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement à M. [P] de la somme complémentaire de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cours d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré sauf sur le quantum de l’indemnité compensatrice de préavis et en ce qu’il a débouté M. [P] de ses demandes de dommages et intérêts, et de paiement de la prime d’enthousiasme sur l’année 2017 ainsi qu’en ce qu’il a ordonné le remboursement des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [P],
Statuant à nouveau des chefs de la décision infirmés,
Condamne la SAS [B] [Y] à verser à M. [P] les sommes de :
– 33.066,68 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 10.000 euros au titre du préjudice moral subi pendant l’exécution du contrat de travail,
– 10.000 euros au titre du préjudice moral subi postérieurement à la rupture du contrat de travail,
– 15.000 euros au titre de la prime d’enthousiasme sur l’année 2017,
– 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
Dit n’y avoir lieu à ordonner le remboursement par la SAS [B] [Y] des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [P],
Condamne la SAS [B] [Y] aux dépens.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire