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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 27 SEPTEMBRE 2023
N° RG 21/06710 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MOSG
S.A.S. F&P MANAGEMENT SERVICES
c/
S.A.R.L. HORIZON CONSEIL ET MANAGEMENT
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 octobre 2021 (R.G. 2021F00085) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 08 décembre 2021
APPELANTE :
S.A.S. F&P MANAGEMENT SERVICES, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]
représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée par Maître Olivier GAUCLERE de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.R.L. HORIZON CONSEIL ET MANAGEMENT, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]
représentée par Maître Claude MOULINES de la SELARL TEN FRANCE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX,assistée par Maître Sandrine ANDRIAMANANKAJA, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 juin 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE
Greffier lors du délibéré : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
EXPOSE DU LITIGE :
La société par actions simplifiée F&P Management Services (ci-après F&P), dont le siège social est à [Localité 3], exerce sous l’enseigne ‘ready 4 digital’ une activité d’accompagnement des entreprises dans la transformation digitale.
La société à responsabilité limitée Horizon Conseil et Management (ci-après Horizon Conseil), dont le siège social est à [Localité 4], dispense des formations professionnelles notamment en management, gestion d’entreprise, marketing, commerce.
Ces deux sociétés ont conclu le 29 novembre 2018 un contrat de partenariat permettant à la société Horizon Conseil de mettre en oeuvre, dans le cadre de son activité de formation, le programme élaboré par la société F&P pour l’appui aux entreprises dans leur développement digital.
Par lettre recommandée en date du 2 juillet 2020, la société F&P a fait connaître à la société Horizon Conseil qu’elle avait relevé plusieurs manquements à l’accord de partenariat -concurrence déloyale et atteinte à la propriété intellectuelle- et a invité celle-ci à donner ses explications.
Le 20 juillet suivant, la société Horizon Conseil a indiqué qu’elle souhaitait résilier le contrat de partenariat avec effet au 30 septembre 2020.
Le 18 septembre 2020, la société Horizon Conseil a émis une facture de 4.500 euros TTC pour le règlement, par sa partenaire, d’une formation de 5 jours dispensée au sein de la société Innovalu.
Les échanges entre les sociétés puis leurs avocats respectifs n’ont pas permis de régler le différent.
Le 14 janvier 2021, la société F&P a fait assigner la société Horizon Conseil devant le tribunal de commerce de Bordeaux principalement en paiement de la somme de 21.700 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d’agissements déloyaux et 12.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture abusive du contrat.
Par jugement prononcé le 26 octobre 2021, le tribunal de commerce a statué ainsi qu’il suit :
– déboute la société F&P Management Services de l’ensemble de ses demandes ;
– condamne la société F&P Management Services à payer à la société Horizon Conseil et Management la somme de 1.450 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2020 ;
– condamne la société F&P Management Services à payer à la société Horizon Conseil et Management la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamne la société F&P Management Services à payer les dépens.
La société F&P a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 8 décembre 2021.
***
Par dernières conclusions notifiées le 8 mars 2022, la société F&P Management Services demande à la cour de :
Vu les articles 1104, 1188 et 1240 du code civil,
– infirmer le jugement du tribunal de commerce du 26 octobre 2021 en ce qu’il a :
– débouté la société F&P Management Services de l’ensemble de ses demandes,
– condamné la société F&P Management Services à payer à la société Horizon Conseil et Management la somme de 1.450 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2020,
– condamné la société F&P Management Services à payer à la société Horizon Conseil et Management la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société F&P Management Services aux dépens ;
Et, statuant à nouveau,
– juger qu’Horizon Conseil et Management s’est rendue coupable d’agissement déloyaux par la violation de l’obligation de non-concurrence à laquelle elle s’était engagée et par les actes de parasitisme constitués de l’utilisation non-autorisée de la méthodologie ;
– juger qu’Horizon Conseil et Management a rompu abusivement le contrat de partenariat, notamment en laissant entendre une pérennité de la relation et en alléguant, de mauvaise foi, un motif erroné ;
En conséquence,
– condamner Horizon Conseil et Management à verser à F&P Management Services la somme de 21.700 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financier et moral résultant de ses agissements déloyaux ;
– condamner Horizon Conseil et Management à verser à F&P Management Services la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture abusive du contrat de partenariat et de la perte de chance de poursuivre et développer ses relations commerciales avec Horizon Conseil et Management ;
– condamner Horizon Conseil et Management à verser à F&P Management Services une somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Horizon Conseil et Management aux dépens.
***
Par dernières écritures notifiées le 8 juin 2022, la société Horizon Conseil et Management demande à la cour de :
Vu les articles 1104, 1188 et 1240 du code civil,
– confirmer le jugement rendu le 26 octobre 2021 par le Tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu’il :
– déboute la société F&P Management Services de l’ensemble de ses demandes,
– condamne la société F&P Management Services à payer à la société Horizon Conseil et Management la somme de 1.450 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2020,
– condamne la société F&P Management Services à verser à la société Horizon Conseil et Management la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamne la société F&P Management Services aux dépens ;
En tout état de cause,
– condamner la société F&P Management Services à verser à la société Horizon Conseil et Management la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 juin 2023.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. Sur la demande au titre des agissements déloyaux
L’article 1104 du code civil dispose :
« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public.»
En vertu de l’article 1188 du même code :
« Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes.
Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.»
Au visa de ce texte, la société F&P fait grief au jugement déféré d’avoir rejeté sa demande en indemnisation du préjudice résultant des agissements déloyaux de la société Horizon Conseil.
L’appelante fait valoir que sa co-contractante a commis des actes incompatibles avec la commune intention des parties et l’exécution loyale du contrat de partenariat.
La société F&P soutient que la société Horizon Conseil avait nécessairement souscrit à une obligation de non concurrence en bénéficiant du ‘pack exclusif région’ commercialisé par F&P auprès de son réseau de consultants ; elle ajoute que l’intimée a commis des agissements déloyaux en s’associant, dans le limousin, avec une entreprise concurrente de F&P après avoir remporté l’appel d’offre d’Opcommerce et en commercialisant, sur un site tiers, un programme d’accompagnement à la transformation digitale rigoureusement identique à celui de F&P.
La société Horizon Conseil soutient que le contrat de partenariat du 29 novembre 2018 ne contient aucun engagement de non-concurrence ; qu’il n’est pas établi qu’elle aurait souscrit le ‘pack exclusif région’ et qu’il ne peut s’inférer de l’économie générale des relations contractuelles une quelconque forme d’exclusivité territoriale au bénéfice de la société Horizon Conseil en contrepartie de laquelle elle aurait souscrit un engagement tacite de non concurrence dans la région Limousin en faveur de la société F&P.
La cour observe que l’article 1 du contrat de partenariat stipule que « Ready4Digital [F&P] accorde au Consultant [Horizon Conseil] le droit de fournir au public des services d’accompagnement à la transformation digitale / digitalisation sous les marques de Ready4Digital, en utilisant les méthodes spécifiques mises au point par Ready4Digital. Ce droit est consenti à titre non exclusif au Consultant qui l’accepte sans prendre lui-même d’engagement d’exclusivité.»
Il apparaît donc que le contrat du 29 novembre 2018 autorise expressément la société F&P à consentir à d’autres sociétés l’utilisation de ses services et de sa méthodologie et que ce contrat autorise de même la société Horizon Conseil à faire usage, dans le cadre de ses formations, d’autres services et méthodologies d’accompagnement à la transformation digitale.
Par ailleurs, les documents graphiques présentés comme des captures d’écran -sans qu’il puisse être clairement identifié de quel site les écrans ont ainsi pu être extraits, les seules affirmations de la société F&P n’étant pas suffisantes à cet égard- et eux-mêmes insérés dans des courriels à l’en-tête du Conseil de l’appelante ne sont pas efficaces à faire la démonstration de ce que la société Horizon Conseil aurait souscrit un service supplémentaire intitulé ‘pack exclusif’ ; au demeurant, la fiche intitulée ‘pack exclusif région’ ne mentionne pas un quelconque engagement à l’exclusivité à la charge de celui qui souscrit ce service, étant relevé qu’est portée, sous le titre de cette fiche, l’indication suivante : ‘pack obligatoire dans le cadre du contrat exclusivité région : Landes Pyrénées Atlantiques’. Il apparaît donc que la souscription d’un ‘pack exclusif région’ serait conditionnée par la conclusion d’un contrat de partenariat ad hoc et qu’un tel contrat d’exclusivité n’a pas été conclu entre les parties au litige.
En conséquence, la société F&P ne peut opposer à la société Horizon Conseil aucun engagement de non-concurrence qui aurait interdit à celle-ci de s’associer avec une société, présentée par l’appelante comme sa concurrente dans la région du Limousin, pour répondre à un appel d’offres.
La cour confirmera donc le jugement déféré en ce qu’il a débouté la demande en indemnisation présentée à ce titre par la société F&P.
2. Sur la demande au titre de la rupture abusive du contrat
L’article 1240 du code civil dispose :
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.»
Au visa de ce texte, la société F&P reproche au premier juge d’avoir rejeté sa demande en indemnisation des conséquences de la rupture abusive, par la société Horizon Conseil, du contrat de partenariat.
L’appelante rappelle que l’abus du droit de rompre est notamment caractérisé dès lors qu’est rapportée la mauvaise foi de son auteur ou une intention de nuire permettant alors de qualifier la rupture de fautive ; qu’il est de principe qu’une rupture est abusive si elle fait suite à des comportements laissant espérer une pérennité de la relation ; qu’un tel abus du droit de rompre est indépendant du respect d’un préavis raisonnable et suffisant, l’article L.442-1 du code de commerce sanctionnant en effet la seule rupture brutale, non la rupture abusive.
La société F&P soutient que sa co-contractante lui a laissé croire à plusieurs reprises qu’elle entendait développer très efficacement l’activité Ready4Digital dans la région du Limousin, de sorte que la société F&P pouvait légitimement s’attendre à la continuité des relations ; elle ajoute que le motif de la rupture est fallacieux et traduit la mauvaise foi de la société Horizon Conseil.
L’intimée fait valoir qu’elle a respecté la procédure contractuellement prévue pour la rupture des relations ; que cette décision a été dictée par le comportement de sa co-contractante qui l’a accablée de messages, courriers recommandés et lettre d’huissier en juin et juillet 2020 ; que l’appelante échoue à démontrer le quantum du préjudice qu’elle estime avoir subi, ce qui doit conduire à considérer qu’elle n’a pas souffert de cette rupture.
La cour relève que l’article 11 du contrat litigieux prévoit qu’il peut être « dénoncé à tout moment par l’une ou l’autre des parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ceci avec un préavis de deux mois.»
Il apparaît que la société Horizon Conseil a respecté cette stipulation puisqu’il est établi qu’elle a notifié le 20 juillet 2020 à sa co-contractante sa décision de résilier le contrat à effet au 30 septembre suivant.
Il apparaît également que, dans un courriel en date du 29 juin 2020, c’est la société F&P qui a évoqué l’éventualité de la cessation des relations contractuelles ; de plus, les termes des échanges entre les deux sociétés à compter du 29 juin 2020 traduisent une incompréhension réciproque, en particulier en ce qui concerne d’une part la perception par la société F&P des engagements à son égard de la société Horizon Conseil, d’autre part la perception par cette dernière des principes d’autonomie et d’indépendance de chacune des parties.
Le caractère abusif de la décision de la société Horizon Conseil n’est donc pas établi et la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société F&P de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.
3. Sur les demandes accessoires
La société F&P a relevé appel du chef dispositif la condamnant à payer à la société Horizon Conseil la somme de 1.450 euros au titre du solde d’une facture. Elle indique au sein de ses dernières écritures qu’elle a payé cette dette et n’entend plus la discuter. Toutefois, l’appelante a maintenu dans le dispositif de ses dernières conclusions une demande d’infirmation de cette disposition du jugement du 26 octobre 2021, néanmoins sans en tirer la conséquence d’une demande de débouté.
En considération de ces éléments, la cour confirmera ce chef de jugement, ainsi que les chefs dispositifs relatifs aux frais irrépétibles des parties et aux dépens de première instance.
Y ajoutant, la cour condamnera la société F&P à payer les dépens de l’appel et à verser à la société Horizon Conseil la somme de 4.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de celle-ci en appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 26 octobre 2021 par le tribunal de commerce de Bordeaux.
Y ajoutant,
Condamne la société F&P Management Services à payer à la société Horizon Conseil et Management la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société F&P Management Services à payer les dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Magistrat