Cobranding / Association de marques : 26 juillet 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00263

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Cobranding / Association de marques : 26 juillet 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00263
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MM/CS

Numéro 23/2615

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 26 juillet 2023

Dossier : N° RG 22/00263 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IDIC

Nature affaire :

Demande en paiement ou en indemnisation formée par un intermédiaire

Affaire :

S.A.S. CONSULTING [G]

C/

S.A.S. SOCIETE D’ETUDE DE REALISATION ET D’EXPLOITATION POUR LE TRAITEMENT DU MAIS (SERETRAM)

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 26 juillet 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 9 mai 2023, devant :

Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,

assisté de Mme DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,

Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. CONSULTING [G] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Christophe DUALE de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU

Assistée de Me Rémi PATERNEL, avocat au barreau du Val d’Oise

INTIMEE :

S.A.S. SOCIETE D’ETUDE DE REALISATION ET D’EXPLOITATION P OUR LE TRAITEMENT DU MAIS (SERETRAM)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Antoine PAULIAN, avocat au barreau de PAU

Assistée de Maître Cécile TERRET, avocat au barreau de Paris

sur appel de la décision

en date du 14 DECEMBRE 2021

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE DAX

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE :

La SAS Société d’ Étude de Réalisation et d’Exploitation pour le Traitement du Maïs (ci-après SERETRAM »), détenue par le groupe agroalimentaire General Mills France et la coopérative agricole Euralis, est une conserverie de maïs doux dont le siège social est situé à [Localité 5], dans les Landes.

La société Consulting [G], dont le Président est M. [A] [G], a pour activité le « conseil pour les affaires et autres conseils de gestion » ( code NAF 7022Z).

Monsieur [I] [W], alors responsable des opérations et de l’activité Marques de Distributeurs (MDD) de SERETRAM, a rencontré M. [A] [G] a’n que la société Consulting [G] aide la société SERETRAM à rentrer sur les marchés européens, notamment espagnol et italien pour la commercialisation de maïs doux via les réseaux de grande distribution implantés dans ces pays (Mercadona, Dia, Carrefour et Eroski, pour l’Espagne ; Carrefour, Auchan, Conrad pour l’Italie).

Un accord de confidentialité a été signé entre les parties le 9 janvier 2014 ayant pour objet le « développement d’ une activité marque de distributeur ».

Puis le 15 janvier 2014, la société SERETRAM a envoyé à la société Consulting [G] un mail précisant la rémunération envisagée, soit une commission de 1,5 % sur la totalité des ventes HT (EXWORKS) réalisées avec son aide, frais de déplacement en plus sur justificatifs.

En fin d’année 2017, la société SERETRAM a exprimé, au travers d’ un mail adressé par l’interlocuteur de M [G] à ce dernier, son projet de gérer directement, par l’intermédiaire de son service commercial, les marques de distributeurs, « l’usage d’un support externe ne semblant plus d’actualité ».

La SAS Consulting [G] n’a jamais reçu ni courriel ni courrier recommandé lui signifiant clairement la fin de son contrat.

Déplorant le règlement partiel de ses commissions, la société SAS Consulting [G] a fait assigner la société SERETRAM devant le tribunal de commerce de DAX, par exploit d’huissier du 17 août 2020 aux fins de :

‘ faire constater son statut d’agent commercial

‘ et obtenir la condamnation de la société SERETRAM à lui payer :

– la somme de 160 000,00 euros d’indemnité compensatrice de rupture sans préavis

– 143 310,84 euros à titre de rappel des commissions dues

– 3000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

La société SERETRAM s’est opposée à ces demandes en contestant l’existence d’un contrat d’agent commercial, au motif que la société Consulting [G] intervenait comme apporteur d’affaires et n’avait pas de pouvoir de négociation, ajoutant que Consulting [G] avait définitivement arrêté de travailler pour SERETRAM et de démarcher de nouveaux clients à compter de décembre 2017, la relation commerciale étant définitivement rompue à compter de cette date.

Par jugement du 14 décembre 2021, le tribunal de commerce de Dax a :

Dit que le mail du 21 décembre 2017 n’interrompt pas la relation commerciale liant SERETRAM et Consulting [G],

Débouté la société SERETRAM de sa demande de déchéance de l”indemnité compensatrice de fin de contrat de Consulting [G],

Dit que Consulting [G] ne peut se prévaloir du statut d’ agent commercial,

Jugé qu’un contrat d’intérêt commun existe entre les parties,

Déclaré Consulting [G] mal fondée en ses demandes de rattrapage de commissions et de sa demande en réparation du préjudice financier et l’en a déboutée,

Condamné la société SERETRAM à verser à Consulting [G] la somme de 70.000 € au titre de la demande d’ indemnité compensatrice de fin de contrat ;

Ordonné l’exécution provisoire du jugement

Condamné la Société SERETRAM à payer à Consulting [G] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamné la Société SERETRAM aux dépens de l’instance;

Condamné la Société SERETRAM aux entiers dépens de l’instance dont les frais du présent jugement liquidés à la somme de 69.59 TTC.

Par déclaration du 27 janvier 2022, la SAS Consulting [G] a relevé appel du jugement.

L’ordonnance de clôture est du 5 avril 2023, l’affaire ayant été fixée pour plaidoiries au 9 mai 2023.

Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Vu les conclusions notifiées le 4 avril 2023 par la SAS Consulting [G], qui demande à la cour, au visa des articles 122 du Code de Procédure Civile et L. 134-1, L. 134-4, L. 134-5, L. 134-5, L. 134-12 du code de commerce, de :

Sur l’incident :

A titre principal,

Juger la SAS SERETRAM irrecevable en sa demande d’incident,

A titre subsidiaire,

Juger l’action de la SAS Consulting [G] non prescrite,

En conséquence,

Déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté par la SAS Consulting [G],

Sur le fond:

Infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Dax en date du 14 décembre 2021, en ce qu’il a :

‘ Dit que la SAS Consulting [G] ne peut se prévaloir du statut d’agent commercial,

‘ Jugé qu’un contrat d’intérêt commun existe entre les parties,

‘ Déclaré la SAS Consulting [G] mal fondée en ses demandes de rattrapage de commission et de sa demande en réparation du préjudice financier et l’en a déboutée,

‘ Condamné la Société SERETRAM à verser à la SAS Consulting [G] la somme de 70.000 € au titre de la demande d’indemnité compensatrice de fin de contrat,

Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Dax en date du 14 décembre 2021, en ce qu’il a :

‘ Dit que le mail du 21 décembre 2017 n’interrompt pas la relation commerciale liant la SAS SERETRAM et la SAS Consulting [G],

A titre principal,

Juger que la SAS Consulting [G] dispose du statut d’agent commercial en vertu de l’accord commercial du 15 janvier 2014,

Condamner la SAS SERETRAM à payer à la SAS Consulting [G], à titre d’indemnité compensatrice de rupture la somme de 160.000 € en raison de son préjudice subi,

Condamner la société SERETRAM à payer à la SAS Consulting [G] la somme de 526 452,41 €, correspondant à l’ensemble de ses commissions dues,

A titre subsidiaire,

Avant-Dire droit,

Juger que la SAS Consulting [G] dispose du statut d’agent commercial en vertu de l’accord commercial du 15 janvier 2014,

Désigner tel Commissaire aux Comptes qu’il plaira à la Cour d’Appel de Pau, avec pour mission de :

Se faire communiquer toute pièce comptable et financière par SERETRAM sur les Chiffres d’Affaires réalisés au cours des années 2014 à 2022,

Obtenir et d’analyser toute pièce comptable permettant d’évaluer le chiffre d’affaires réalisé par SERETRAM sur chaque appel d’offre MDD emporté grâce à l’action de la SAS Consulting [G] pour la période allant de 2014 à 2022,

Chiffrer les chiffres d’affaires réalisés par SERETRAM au cours des années 2018 à 2020 sur la base des marchés emportés ou du travail de démarchage effectué par la SAS Consulting [G] entre 2014 et 2017,

Chiffrer toutes les Commissions qu’aurait dû percevoir la SAS Consulting [G] sur les Chiffres d’Affaires précités, sur la base de 1,5% HT,

A titre infiniment subsidiaire,

Juger que la SAS Consulting [G] dispose du statut d’agent commercial en vertu de l’accord commercial du 15 janvier 2014 ;

Surseoir à statuer sur la demande en paiement de la somme 526 452,41 € correspondant à l’ensemble de ses commissions dues ;

Désigner tel Commissaire aux Compte qu’il plaira à la Cour d’Appel de Pau, avec pour missions :

De se faire communiquer toute pièce comptable et financière par SERETRAM sur les Chiffres d’Affaires réalisés au cours des années 2014 à 2022,

D’obtenir et d’analyser toute pièce comptable permettant d’évaluer le Chiffre d’Affaires réalisé par SERETRAM sur chaque appel d’offre MDD emporté grâce à l’action de la SAS Consulting [G] pour la période allant de 2014 à 2022,

De chiffrer les chiffres d’Affaires réalisés par SERETRAM au cours des années 2018 à 2020 sur la base des marchés emportés ou du travail de démarchage effectué par la SAS Consulting [G] entre 2014 et 2017,

De chiffrer toutes les Commissions qu’aurait dû percevoir la SAS Consulting [G] sur les Chiffres d’Affaires précités, sur la base de 1,5% HT,

En tout état de cause,

Condamner la SAS SERETRAM à porter et payer à la SAS Consulting [G] la somme de 10.000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société SERETRAM en tous les dépens,

Juger que ceux d’appel pourront être recouvrés directement par Maître Rémi Paternel, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions notifiées le 21 mars 2023 par la société SERETRAM, qui demande à la cour, au visa des articles L 134-1 et suivants du code de commerce, de :

Recevoir SERETRAM en ses conclusions et en son appel incident,

L’en Dire bien fondée,

Par conséquent,

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Dax du 14 décembre 2022 (RG n° 002285) en ce qu’il a :

‘ Dit que Consulting [G] ne peut se prévaloir du statut d’agent commercial,

‘ Jugé qu’un contrat d’intérêt commun existe entre les parties,

‘ déclaré Consulting [G] mal fondée en ses demandes de rattrapage de commission et de sa demande en réparation du préjudice financier et l’en a déboutée;

L’infirmer en ce qu’il a :

‘ Dit que le courriel du 21 décembre 2017 n’interrompt pas la relation commerciale liant SERETRAM et Consulting [G];

‘ Débouté la société SERETRAM de sa demande sur la déchéance de la demande d’indemnité compensatrice de fin de contrat de Consulting [G];

‘ Condamné la société SERETRAM à verser à Consulting [G] la somme de 70.000 euros au titre de la demande d’indemnité compensatrice de fin de contrat.

En conséquence, statuant à nouveau,

Débouter Consulting [G] de l’intégralité de ses demandes ;

Condamner Consulting [G] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

MOTIVATION :

Sur l’irrecevabilité de la demande de déchéance du droit à indemnité de fin de contrat:

Aux termes de l’article L 134-12 du code de commerce, « en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Toutefois, « l’agent commercial perd le droit à réparation s’il n’a pas notifié au mandant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits. »

La société SERETRAM conteste à la société Consulting [G] le statut d’agent commercial, mais soutient que, à supposer même que la société appelante intervenait en qualité d’agent commercial au nom et pour le compte de SERETRAM, sa demande indemnitaire encourt la déchéance prévue par l’article L 134-12 alinéa 2, car les relations commerciales entre les parties ont été interrompues à compter du 21 décembre 2017, de sorte que le délai d’un an était écoulé à la date de l’assignation délivrée en août 2020.

La société Consulting [G] considère qu’il s’agit là d’une fin de non recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile, s’agissant d’un moyen tiré de la prescription de l’action indemnitaire. Elle soutient que, s’agissant d’un délai de prescription, cette fin de non recevoir aurait dû être soumise à titre d’incident devant le conseiller de la mise en état et non à la cour, ce qui la rend irrecevable.

La société SERETRAM réfute ce moyen d’irrecevabilité au motif principal que l’article L 134-12 institue une déchéance et non une prescription et que ce chef du jugement critiqué a été déféré à la cour par l’appel incident.

En droit, l’article L 134-12 alinéa 2 précité instaure une déchéance et non un délai de prescription. En effet, cet article prévoit une perte du droit à réparation, moyen qui relève d’une défense au fond, et non une prescription dont le délai serait susceptible d’être interrompu ou suspendu.

Il s’ensuit que le conseiller de la mise en état n’est pas compétent pour statuer sur cette demande.

En outre et de manière surabondante, il ressort des textes relatifs aux pouvoirs du conseiller de la mise en état et à l’effet dévolutif de l’appel que le conseiller de la mise en état ne peut connaître des fins de non recevoir qui ont déjà été tranchées en première instance, ni de celles qui, bien que n’ayant pas été tranchées, seraient de nature à remettre en cause l’autorité de la chose jugée par le premier juge. Il s’ensuit que la déchéance du droit à indemnité compensatoire, prévue par l’article L 134-12 du code de commerce, ayant été tranchée par le premier juge, a été dévolue à la cour par l’appel et ne relève pas de la compétence du conseiller de la mise en état.

Le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société Consulting [G] est en conséquence rejeté.

Sur le statut d’agent commercial:

En droit, aux termes de l’article L 134-1 du code de commerce, « l ‘agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale… »

Selon l’article L134-4 du même code « Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties.

Les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information.

L’agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son mandat ».

Et, l’article L134-5 d’ajouter : « Tout élément de la rémunération variant avec le nombre ou la valeur des affaires constitue une commission au sens du présent chapitre.

Les articles L. 134-6 à L. 134-9 s’appliquent lorsque l’agent est rémunéré en tout ou partie à la commission ainsi définie.

Dans le silence du contrat, l’agent commercial a droit à une rémunération conforme aux usages pratiqués, dans le secteur d’activité couvert par son mandat, là où il exerce son activité. En l’absence d’usages, l’agent commercial a droit à une rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l’opération ».

Ces dispositions résultent de la transposition en droit français, par la loi n° 91-593 du 25 juin 1991, de la directive européenne 86-563-CEE du conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants.

L’article 1er de cette directive dispose que « l’agent commercial est celui qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne , ci -après dénommée « commettant », soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant. »

La directive ne donne pas de définition du terme négocier et la cour de cassation retenait une définition restrictive du pouvoir de négociation, considérant que l’intermédiaire devait disposer d’une marge de manoeuvre certaine pour influer sur les éléments constitutifs de la convention avant la conclusion du contrat avec le client, de nature à en permettre la réalisation ; elle en déduisait que la négociation ne pouvait se résumer à une simple promotion du produit, ni à la prospection de la clientèle , ni à un rôle d’intermédiaire passif, mais devait s’entendre de la possibilité offerte à l’intermédiaire de modifier les clauses contractuelles initialement envisagées par le mandant, s’agissant notamment des prix et des conditions de vente des produits.

Cependant, par un arrêt du 4 juin 2020 ( Trendsetteuse, C 828-18), la cour de justice de l’union Européenne a dit pour droit que l’ article 1er, paragraphe 2, de la directive doit être interprété en ce sens qu’une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d’agent commercial, au sens de cette disposition.

A la suite de cette décision et par un arrêt du 2 décembre 2020 (pourvoi 18-20.231), la cour de cassation, chambre commerciale, a jugé que doit désormais être qualifié d’agent commercial le mandataire, personne physique ou morale, qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux, quoiqu’il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services.

Dans un arrêt du 12 mai 2021 (Com.pourvoi n° 19-17.042) la cour de cassation a jugé, au delà de cette première évolution de sa jurisprudence, qu’il n’est pas nécessaire de disposer de la faculté de modifier les conditions des contrats conclus par le commettant pour être agent commercial, aux motifs que « Interprétant l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986, dans son arrêt du 4 juin 2020, Trendsetteuse (C-828/18, points 33 et 34), la CJUE énonce que les tâches principales d’un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants et que l’accomplissement de ces tâches peut être assuré par l’agent commercial au moyen d’actions d’information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l’opération de vente des marchandises pour le compte du commettant, même si l’ agent commercial ne dispose pas de la faculté de modifier les prix desdites marchandises.

Il résulte de la généralité de ces termes qu’il n’est pas nécessaire de disposer de la faculté de modifier les conditions des contrats conclus par le commettant pour être agent commercial ».

Cette évolution jurisprudentielle a été confirmée ultérieurement, dans les termes suivants : « les tâches principales d’un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants, que l’accomplissement de ces tâches peut être assuré par l’agent commercial au moyen d’actions d’information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l’opération commerciale pour le compte du commettant, même si l’ agent commercial ne dispose pas de la faculté de modifier les prix des marchandises vendues ou des services rendus, ce dont il résulte qu’il n’est pas nécessaire de disposer de la faculté de modifier les conditions des contrats conclus par le commettant pour être agent commercial » ( Com. 23 juin 2021, pourvoi n° 18-24.039 ; Com. 7 septembre 2022, pourvoi n° 18-15.964).

Par ailleurs, le juge n’est pas lié par les qualifications retenues par les parties. En effet, l’application du statut d’agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l’activité s’exerce effectivement.

Celui qui se prétend agent commercial doit en rapporter la preuve.

Il doit ainsi établir qu’il exerce une activité de négociation pour le compte et au nom de son mandant, en toute indépendance, c’est-à-dire qu’il choisit librement les modalités d’exécution de sa mission et que sa mission s’exerce à titre permanent et non à titre ponctuel ou occasionnel.

L’application du statut des agents commerciaux n’est pas subordonnée à l’inscription sur le registre spécial qui est une simple mesure de police professionnelle.

En l’ espèce, la société Consulting [G] considère que c’est à tort que les premiers juges ont écarté le statut d’agent commercial, au motif notamment que l’activité de la SAS Consulting [G] n’était pas indépendante mais encadrée par un ensemble de documents établis et gérés par SERETRAM, et qu’elle n’apportait pas la preuve qu’elle disposait d’un pouvoir de négociation, alors qu’elle négociait des contrats pour le compte de son mandant selon le processus suivant :

‘ prise de contact la première année avec les bons interlocuteurs, obtention d’un rendez-vous, présentation de la société, obtention de la participation aux appels d’offres( OA),

‘ relance pour obtenir les éléments. Une fois la remise des tarifs réalisée, contact pour s’informer de la situation puis retour vers SERETRAM pour leur signaler les points forts et faibles de leurs offres, après en avoir discuté avec les clients,

‘ la SAS Consulting [G] suggère des propositions et la société SERETRAM l’informe de sa décision. La société Consulting [G] transmet de nouvelles offres.

Elle ajoute que la première année, comme prévu et annoncé au « board » du groupe General Mills, il n’y a pas eu d’accord de marché, mais que la seconde année, la société concluante a relancé les clients pour participer aux appels d’offres suivants, selon la procédure décrite, obtenant de nouveaux marchés pour son mandant.

Elle explique que se sentant toujours liée par l’accord de confidentialité signé le 9 janvier 2014, elle n’a pas produit devant les premiers juges tous les documents établissant son vrai rôle, ce qu’elle fait à hauteur d’appel.

Elle réfute les arguments de l’intimée, selon elle sans emport sur sa qualité d’agent commercial , à savoir:

‘ Consulting [G] ne se serait jamais présentée comme « agent commercial » dans ses propres correspondances,

‘ Consulting [G] se contenterait « maladroitement » de caractériser le statut d’agent commercial par le versement de commissions, condition insuffisante,

‘ Consulting [G] n’aurait pas disposé d’un pouvoir de négociation permanent et ne pouvait pas discuter et modifier les prix avec les clients ciblés,

‘ Consulting [G] n’aurait rempli selon les premiers juges qu’une mission de « prospection et d’information » non caractéristique du statut d’agent commercial

‘ les échanges de courriels produits démontreraient seulement que la SAS Consulting [G] n’était qu’un simple « apporteur d’affaire ».

La société SERETRAM soutient principalement que la société Consulting [G] ne remplit pas les critères de qualification de l’agent commercial, à savoir :

‘ la condition d’indépendance de l’intermédiaire prétendant agir en qualité d’agent commercial

‘ le caractère permanent du pouvoir de négociation de l’intermédiaire prétendant agir en qualité d’agent commercial

‘ l’absence de pouvoir de négocier la vente ou l’achat de marchandises ou de prestations de services pour le commettant, ou de négocier et conclure ces opérations au nom et pour le compte de celui-ci.

Elle fait valoir qu’en réalité Consulting [G] intervenait comme apporteur d’affaires

Sur ce:

Aux termes du courriel adressé le 15 janvier 2014 par [I] [W] de la société General Mills ( société actionnaire de SERETRAM ) à [A] [G], l’ intervention de la société Consulting [G] était envisagée dans les termes suivants :

« 1- définition du projet :

a.Produit : Maïs doux normal uniquement, nous souhaitons garder le super sweet (variété naturellement plus sucrée et plus croquante) pour la marque…

b.Formats : nous pouvons proposer les 3 formats suivants :

i Format 1/2 : 285 g poids net égoutté 340 g poids net total.Format prioritaire car celui pour lequel nous avons la plus grande capacité

ii Format 1/4 : 140g poids net égoutté, 160g poids net total

c.Distributeurs : gérer avec précaution les groupes d’achat européens afin de ne pas générer des problèmes pour la marque dans d’autres pays.

d.La société qui commercialise est SERETRAM SAS filiale de General Mills et Euralis à 50/50. Nous souhaitons ne pas mettre Général Mills en avant, tout en sachant que l’on ne peut pas en faire un secret. La communication peut être que la société Seretram produit aussi le maïs doux pour General Mills .

2-Que peut apporter la société [G] Consulting :

a.Essayer de nous faire rentrer sur le marché espagnol : contacts avec Mercadona , Dia , carrefour et Eroski par la centrale Agenor.

b.Italie : Des connaissances chez Carrefour, Auchan, Conrad par la centrale Coppernic.

3- Rétribution:1,5% des ventes HT exworks+frais de déplacements hôtels et avion sur justificatif.

4-Besoins d’informations de la part de [G] Consulting :

a.Relevés prix consommateurs Espagne/France/Italie

b.Données marché

c.liste des fournisseurs MDD

d.argumentaire : nous proposons une présentation , en quelle(s) langue(s) convient-il de la traduire ‘

Nous essayons de regrouper ces informations aussitôt que possible, nous serons en mesure de vous envoyer les premiers éléments cette fin de semaine . »

Aucun document contractuel, au delà de l’accord de confidentialité signé le 9 janvier 2014, n’est venu préciser le rôle de la société Consulting [G] et le cadre juridique de son intervention.

Dans un courriel du 4 février 2015, adressé à [Y] [D], chef de produit achats épicerie de la société SCA MARK, [A] [G] définissait l’articulation entre SERETRAM et la société Consulting [G] de la façon suivante :

« comme convenu, je vous prie de trouver ci-dessous les informations demandées sur notre organisation :

1/relation administration pour la gestion des commandes, demandes diverses (statistiques etc.)

Seretram, située dans les Landes à [Localité 5] : [XXXXXXXX01] ;

Si vous souhaitez les obtenir dès maintenant, nous pouvons vous donner bien sûr les coordonnées mail et téléphoniques des différents services.

2/ relation technique, production, qualité

Seretram également, avec [Z] [R] comme interlocuteur principal

3/ relation commerciale

Je m’occupe de cette partie et nous faisons équipe avec [Z]. Je serais pour vous comme un compte clé classique de fournisseurs pour répondre à vos appels d’ offres, vous suivre commercialement et sur toutes vos demandes ( même technique ou qualité). Pour toutes vos demandes, comme dans n’importe quel société, toute l’équipe Seretram sera également en support pour répondre avec réactivité.

Mon statut juridique est par contre différent de celui d’un compte clé puisque après avoir fait une grande partie de ma carrière pour un fabricant de MDD dans le domaine de l’hygiène ( chez Georgia Pacific/Sodipan, papier toilette et vaisselle jetable ) comme compte clé, puis directeur commercial, puis directeur général, une fusion avec notre principal concurrent m’a amené à quitter le nouveau groupe et à créer ma propre structure d’assistance sur le marché des MDD… ».

Au soutien de sa revendication du statut d’agent commercial, la société Consulting [G] verse aux débats une attestation établie par [L] [S] , ancien directeur général France et Europe du sud de la société General Mills, lequel indique avoir proposé à M [G] un contrat d’agent commercial avec une rémunération de 1,5% du CA HT Ex Work, relation contractuelle établie par le mail de confirmation envoyé par [I] [W] début 2014.

Toutefois, ce témoin ajoute que si «  en aucun cas son rôle n’était celui d’un apporteur d’affaire… il n’a jamais été question qu’il travaille tout seul, mais en étroite coopération avec les équipes Seretram. Il n’était pas pour autant maître des comptes d’exploitation , et c’était aux équipes Seretram de décider sur la partie financière, sans pour cela remettre en cause son côté d’agent commercial. ».

Au delà de cette attestation, insuffisante pour établir le cadre juridique de l’intervention de la société appelante, il convient d’examiner, au travers des pièces versées aux débats, si la société Consulting [G] disposait d’un pouvoir permanent de négociation, conféré par SERETRAM, qu’elle exerçait de façon indépendante, en vue de conclure ou de favoriser la conclusion de contrats de vente de maïs pour le compte de la société SERETRAM.

A titre liminaire, il convient de relever que [L] [S], dans un courriel adressé à un certain [F] [C], le 16 novembre 2023, ( pièce 13 de l’appelante) présente [A] [G] comme ayant récemment démarré une activité de conseil aux entreprises, mettant à profit sa connaissance des marques de distributeur (« non seulement sur l’aspect commercial, mais également en matière de production » ) pour aider à pénétrer le marché français des marques de distributeur.

Le courriel émanant de [A] [G], transféré par ce mail, indique que ce dernier a créé la SAS « [G] Consulting » en février 2013, suite au rachat, par la société SCA, de Georgia Pacific /Sodipan dont il était manager général, et qu’un contrat de consultant a été signé avec SCA pour l’activité marques de distributeur françaises, pour deux ans.

Dans le compte rendu de sa première année d’activité, présenté au conseil d’ administration (board) de General Mills, le 23 octobre 2014 ( pièces 6 et 8 de l’appelant), [A] [G], après avoir rappelé son expérience et son expertise en la matière, puis les règles générales applicables aux marchés des marques de distributeur, indiquait que la demande de SERETRAM, début février, était circonscrite aux seuls marchés espagnol et italien ; qu’il avait contacté les principaux distributeurs du commerce de détail en Espagne et en Italie ; que quatre réponses à des appels d’offres avaient été adressées aux distributeurs suivants : Carrefour, Dia, Agenor, Auchan ; que GM ( General Mills) n’avait finalement pas été retenue.

Il en tirait les enseignements suivants ( « Pourquoi aucun succès immédiat ») :

‘ « les distributeurs français ont une organisation internationale incluant au moins la France, l’Italie et l’Espagne ( Carrefour, Agenor, Auchan principalement). Ils n’acceptent pas facilement des offres excluant la France;

‘ les distributeurs espagnols sont plutôt ouverts à l’idée de s’approvisionner hors d’Espagne ; les clients italiens essaient de faire affaire seulement avec des producteurs locaux ;

‘ Mercadona a de larges gammes de marques de distributeurs élaborées au travers d’un partenariat étroit avec un seul fournisseur et n’est pas habituée à partager les marchés ( entre différents fournisseurs)

‘ lorsque vous concourez pour la première fois à des appels d’offre « marque de distributeur » les distributeurs craignent que ce choix de candidater relève d’une politique à court terme du fournisseur qui doit montrer qu’il sera là pour longtemps ;

‘ Eroski a annulé l’appel d’offre au motif d’un stock surabondant provenant de son fournisseur actuel ;

‘ un problème potentiel : nos concurrents livrent des camions entiers remplis avec d’autres légumes( conditionnés) sous marques de distributeurs. Nous devons être prêts à avoir une argumentation solide sur ce point. »

Suit un chapitre consacré à « comment faire mieux en 2015, Calendrier » définissant la stratégie à suivre :

‘ La nouvelle approche internationale de GM incluant la France rendra plus facile la capture de volumes pour la France, l’Espagne et peut-être l’Italie ( Carrefour, Auchan, ITM) ;

‘ Notre seconde participation aux appels d’offres nous rendra plus crédibles ;

‘ Agenor a envoyé un mail expliquant qu’ Erosky pourrait travailler avec nous plus tard ; notre dernier contact avec Agenor/ITM a été très positif ;

‘ Dia a envoyé un mail comptant sur nous/ Seretram pour l’année prochaine ;

‘ les clients ( distributeurs ) ont apprécié la qualité de la réponse à leurs documents d’appel d’offre, de la part de l’équipe Seretram ;

‘ nous avons des produits de bonne qualité par rapport à nos concurrents et nous connaissons le niveau des prix du marché ;

‘ GM, à travers Seretram, a une excellente réputation de producteur sérieux ;

‘ Je suis identifié par les distributeurs comme quelqu’un dont la vie professionnelle a été centrée sur les marques de distributeur, avec la possibilité de soutenir GM au besoin. »

Dans un courriel du 16 janvier 2014, adressé à [I] [W] ( pièce 10 de l’appelant) et en copie à [Z] [R] et [L] [S], [A] [G] annonçait avoir rendez-vous avec un cadre d’Agenor le 29 janvier 2014 et, dans la perspective de cette entrevue, demandait à [I] [W] des réponses aux questions posées par son contact ( « peut-on faire du bio ‘…, il a bien compris que la France est en dehors du périmètre, mais il pose la question du Portugal, de l’Allemagne, et de l’Europe centrale . Je pense que pour le Portugal, vous serez d’accord, mais sans doute pas pour les autres zones, mais je préfère vous poser la question plutôt que de dire non sans vous interroger… »)

En réponse, [L] [S] indiquait « tout est OK sauf UK and France ».

Dans un courriel du 7 septembre 2014, adressé à [L] [S], [A] [G] dressait le bilan de son action depuis mars 2014, en soulignant l’efficacité de l’équipe Seretram pour « monter tous les dossiers techniques des appels d’offres et… l’excellente entente et coopération entre nous » Ce mail annonçait les points principaux de la présentation en anglais de son action lors de la réunion du 23 octobre 2014 devant le conseil d’administration de General Mills ( pièce 8 de l’appelant).

Dans un courriel du 24 janvier 2015, [A] [G] adressait à [L] [S] un compte rendu de sa rencontre, la veille, avec des responsables de la société AGENOR International, en présence de [Z] [R] qui s’était chargé de présenter SERETRAM et ses process. Il exposait le calendrier des futurs appels d’offres passés par cette société, les questions en suspens et les renseignements et documents à fournir ( pièce 7 de l’appelant).

A noter que dès janvier 2014, [A] [G] avait pris contact avec la société AGENOR représentée par [O] [U], pour préparer une soumission aux appels d’offres de mai 2014. Cette première démarche, non aboutie, avait été renouvelée en septembre 2014 pour les appels d’offres d’avril/mai 2015. Les différents courriels échangés entre [A] [G] et ses interlocuteurs établissent le rôle pivot tenu par Consulting [G], représentée par son président, entre SERETRAM, fournisseur potentiel, et les distributeurs, AGENOR et ses partenaires, EROSKI et INTERMARCHÉ.

En effet , il ressort de ces correspondances ( pièce 12 de l’appelant) que [A] [G] a établi un contact avec « les personnes clé » identifiées au sein de la société AGENOR, s’est déplacé pour les rencontrer et obtenir tout renseignement utile sur leurs exigences ( qualité du produit souhaitée, conditionnement, quantités commandées, certifications exigées, calendrier des appels d’offres, prix etc.) et transmettre les attentes ou contraintes de production de la société SERETRAM, notamment quand il s’agissait d’avoir suffisamment tôt une idée des volumes visés par les appels d’offres, pour pouvoir réserver les surfaces agricoles à cultiver. Ces échanges de courriels rendent compte d’ajustements successifs de la réponse de SERETRAM aux attentes de la société AGENOR, avec notamment s’agissant des prix unitaires pratiqués une marge de négociation laissée à Consulting [G].

Ainsi, dans un mail du 20 septembre 2014, [I] [W] observait que les prix AGENOR étaient environ 4% inférieurs à ceux de Lidl, mais que SERETRAM pouvait, en améliorant ses coûts, s’ aligner sur ses concurrents pour les prix « 1/2 et 1/4 St Eloi » également pour la référence Top Budget 1/2. [I] [W] communiquait ensuite à [A] [G] les prix minimum que SERETRAM pourrait consentir sur ces trois références et lui laissait le soin de décider de la proposition (de prix) qu’il ferait à AGENOR, entre ces « prix mini » et le prix du marché .

En réponse , [A] [G] lui indiquait qu’il entendait rester au prix du marché pour les trois références précitées, ce qui suffirait. Il adressait d’ailleurs une proposition en ce sens à Madame [H] de la société AGENOR, le 21 septembre 2014. Cette marge de négociation laissée à [A] [G] s’expliquait par sa connaissance du prix du marché et des tarifs prix rendus (prix au point de vente) des distributeurs sur les zones géographiques prospectées .

Le 14 mars 2015, [A] [G] transmettait à [Z] [R] un compte rendu de son rendez-vous avec l’acheteuse « [E] » pour le distributeur espagnol DIA, comprenant les données du marché avec la qualité du maïs, les références de conditionnement et les quantités pour l’Espagne et le Portugal ; le calendrier et les conditions de l’appel d’offre ; les étapes pour SERETRAM et les conseils de [A] [G]; les tarifs unitaires suggérés par [A] [G], sur la base du tarif connu de Carrefour pour l’Espagne ( pièce 7 de l’appelant).

Ce résultat faisait suite à une démarche initiée par [A] [G] le 12 février 2014, au travers d’un premier contact avec la société DIA Group, en la personne de [E] [M] [X]. Une rencontre à Madrid, le 4 mars 2014, avec cette responsable des achats, en présence de [I] [W] de General Mills, avait suivi. Cette première tentative de soumissionner à l’appel d’offre DIA de mai 2014, s’était soldée par un échec en raison de difficultés propres au distributeur ( pièce 14 de l’appelant).

Il ressort par ailleurs des courriels produits que si les documents en réponse aux appels d’offres étaient remplis et validés par SERETRAM, ils étaient transmis par [A] [G] qui, au besoin, y apportait des précisions et commentaires utiles, voire des rectifications (cf courriel du 13 mai 2014 offre Eroski , pièce 12).

A l’analyse de ces pièces, il apparaît que la SAS Consulting [G] détenait bien un pouvoir de négociation lui permettant d’ adapter les offres de son mandant, aux exigences des clients qu’ elle démarchait pour le compte de la société SERETRAM, en accord avec cette dernière et parfois avec une certaine latitude s’agissant du prix unitaire des produits visés par les appels d’offres.

Ce pouvoir de négociation était bien exercé par la société Consulting [G] à titre indépendant, en étant à l’initiative du démarchage de nouveaux clients distributeurs et en définissant elle-même sa stratégie commerciale, sans qu’il puisse s’inférer des compte-rendus qu’elle adressait régulièrement à la société SERETRAM qu’elle s’était placée dans un rapport de subordination ou de simple exécutant vis à vis de cette dernière.

Par ailleurs, ce pouvoir de négociation lui avait été conféré à titre permanent, le cycle économique des appels d’offres n’étant pas de nature à caractériser une activité saisonnière ou intermittente, puisqu’ entre deux appels d’offres annuels, la société Consulting [G] maintenait des contacts avec ses interlocuteurs au sein des sociétés clientes et pouvait en démarcher de nouvelles.

Ce pouvoir de négociation permanent, à titre indépendant, pour le compte du mandant, la société SERETRAM, permet d’établir la qualité d’agent commercial de la société Consulting [G].

Sur la rupture du contrat d’agent commercial :

La rupture du contrat d’agent commercial à durée indéterminée doit en premier lieu être notifiée à l’autre partie, que cette rupture soit décidée par l’agent commercial ou le mandant.

La loi n’impose aucun formalisme particulier en la matière. Toutefois un courrier recommandé ou équivalent permet de prévenir toute discussion, tant sur le principe de la rupture du contrat elle-même que sur sa date de prise d’effet.

Lorsque le contrat d’agent commercial n’est pas clairement rompu par le mandant, celui-ci faisant en sorte de ne plus permettre à l’agent commercial d’exécuter normalement son mandat, il appartient alors à l’agent commercial de prendre acte de la rupture de son contrat aux torts de son mandant.

Si l’une des parties prend l’initiative de rompre clairement le contrat d’agent commercial, un délai de préavis doit être respecté conformément aux dispositions de l’article L 134-11 du code de commerce. Selon ce texte, ce délai varie en fonction de la durée du contrat en question. Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu contractuellement pour le mandant ne devra pas être plus court que celui prévu pour l’agent.

En l’espèce, par courriel du 21 décembre 2017, Monsieur [Z] [R], de la société General Mills, a informé Monsieur [G] des nouvelles orientations de l’entreprise sur le marché des marques de distributeurs , dans les termes suivants :

« En ce qui concerne 2018, comme évoqué, il m’a été demandé de me concentrer uniquement sur ma mission européenne et je ne serai donc plus en charge du dossier MDD Seretram, nous nous orientons vers une gestion en centrale par notre service commercial. Aussi l’usage d’un support externe ne semble plus d’actualité.

J’en saurai un peu plus en début d’année, je te propose que nous en reparlions autour du 15-20 janvier. »

Par courriel en réponse du même jour, [A] [G] a pris note de cette nouvelle orientation, en écrivant : « je regrette de ne plus vous assister sur le développement des MDD mais suis très heureux d’avoir contribué à les lancer sur les marchés français et espagnols à l’époque où la politique de Seretram était la recherche d’un support externe.

Notre coopération depuis janvier 2014 était sympathique, même si elle était un peu entachée par notre analyse différente de la date de retour à une commission de 1,5 % pour ma société de conseil. Mais c’est chose réglée aujourd’hui par nos derniers échanges et les choses sont claires sur le périmètre que nous avons construit ensemble.

J’ai aimé cette période pionnière où il fallait démarrer une nouvelle activité en partant de zéro. Comme je l’avais annoncé à [L], il nous a fallu deux ans pour nous crédibiliser auprès de la grande distribution et gagner les premiers contrats qui nous ont fait acquérir nos gallons d’acteur MDD engagé et crédible .

Il est vrai que maintenant que vous êtes devenus un acteur important sur le marché des MDD, je comprends que vous changiez de politique, surtout depuis votre rapprochement opérationnel avec Yoplait.

Je souhaite donc à la nouvelle organisation de développer cette activité et pour toi un développement personnel dans tes nouvelles attributions… »

Par cette réponse, [A] [G] et, à travers lui, la SAS Consulting [G] ont pris acte de la nouvelle organisation envisagée par General Mills et SERETRAM et de l’arrêt de tout recours à un support externe pour développer les marques de distributeurs(MDD), le support externe désignant en l’ occurrence la société Consulting [G].

De fait, à partir du 21 décembre 2017, la société Consulting [G] n’est plus intervenue pour négocier les nouveaux appels d’offres annuels ou démarcher de nouveaux distributeurs pour le compte de SERETRAM.

Il convient ainsi de considérer que les parties ont convenu de rompre le mandat d’intérêt commun d’agent commercial pour le début de l’année 2018, la date de cessation de leurs relations contractuelles devant être fixée au terme du délai de préavis de trois mois suivant cet échange, soit à la date du 21 mars 2018.

Sur l’indemnité compensatrice de rupture du contrat d’agent commercial:

La société Consulting [G] sollicite une indemnité de 160000,00 euros correspondant à deux années de commissions. Toutefois, la cessation du contrat d’agent commercial étant intervenue à la date du 21 mars 2018, la société Consulting [G] disposait d’un délai d’un an, expirant le 21 mars 2019, pour notifier au mandant qu’elle entendait faire valoir ses droits.

A défaut de l’avoir fait, elle a perdu le droit d’ obtenir réparation du préjudice consécutif à la rupture du contrat d’agent commercial et doit être déboutée de sa demande indemnitaire.

Sur les rappels de commissions :

Selon l’article L. 134-7 du code de commerce, « pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l’opération est principalement due à son activité au cours du contrat d’agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l’article L 134-6, l’ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l’agent commercial avant la cessation du contrat d’agence ».

L’article L134-6 dispose que « pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d’agence, l’agent commercial a droit à la commission définie à l’article L. 134-5 lorsqu’elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l’opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.

Lorsqu’il est chargé d’un secteur géographique ou d’un groupe de personnes déterminé, l’agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d’agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe. »

La société Consulting [G] réclame la somme de 366 452,41 euros à ce titre se décomposant comme suit :

‘ La somme de 48310,52 euros qui aurait dû être payée sur les années 2016 et 2017 pour les marchés 2015 et 2016.

Elle expose que voulant aider SERETRAM et sans que rien ne l’y oblige, elle a accepté, juste pour le démarrage de son activité et pour un laps de temps court, de réduire son taux de commission contractuellement fixé à 1,5 %, sous réserve de participer immédiatement à une réunion avec les équipes de la société SERETRAM pour les aider à améliorer la profitabilité des marques de distributeur ; SERETRAM n’a pas respecté cette condition incontournable qui a donc mis fin à la proposition de réduction provisoire du taux de commission proposé . Elle ajoute qu’elle n’a pu retrouver sa rémunération contractuelle qu’à partir de 2018 concernant l’appel d’offre de 2017.

‘ La somme de 14831,00 euros au titre de l’année 2018, pour les marchés 2017 :

Elle reproche à SERETRAM de ne pas avoir intégré dans un premier temps les volumes des clients EROSKI et EMC mais uniquement les volumes des clients DIA et ITM dont le seul périmètre donnait une valeur de commission de 70 000,00 euros HT par an . En ajoutant 100% d’Eroski et un peu d’EMC elle considère qu’au minimum la commission annuelle aurait dû atteindre le niveau de 80000,00 euros HT.

Ayant reçu la somme de 65169 euros , elle estime son manque à gagner pour l’année 2018, au titre des marchés 2017, à 14831,00 euros. Elle ajoute qu’elle a reçu en 2019 une somme de 11704,69 euros et plus récemment une somme de 4984,47 euros afin de solder les appels d’offres de l’année 2017.

Considérant que le contrat d’agent commercial est toujours pendant, elle réclame également :

‘ 63 310,84 euros « pour l’année 2019 au titre des marchés 2018 pour des volumes marchés de 2017 »( différence entre 80 000 euros et ce qui a été versé par SERETRAM en 2019 et 2020 : 11704,69+4984,47)

‘ 80 000,00 euros au titre de l’année 2020, pour les marchés de l’année 2019

‘ 80 000,00 euros au titre de l’année 2021, pour les marchés de l’année 2020

‘ 80000,00 euros au titre de l’année 2022, pour les marchés de l’année 2021.

La société SERETRAM conteste ces demandes en faisant valoir notamment que :

‘ S’ agissant du rattrapage de commissions au titre des années 2016-2017, pour les marchés 2015 et 2016, il résulte de plusieurs courriels ( pièces 7 et 8 de l’intimé ) que le taux de commissionnement de Consulting [G] était négocié en deçà du taux de 1,5 % mentionné dans le mail du 15 janvier 2014( pièce adverse n° 2), avant la signature des contrats passés avec les distributeurs, soit sur proposition de [A] [G], soit sur proposition de [Z] [R], tant et si bien que les factures émises par Consulting [G] intégraient le taux de commission convenu( pièce 18). Ce taux résultant de la commune intention des parties, aucune rattrapage de commissions n’est dû.

Elle fait observer que dans son courriel du 23 décembre 2017, [A] [G] évoque l’analyse différente de la date de retour à une commission de 1,5%, « la chose étant réglée aujourd’hui par les derniers échanges ».

‘ S’agissant des commissions réclamées postérieurement au 31 décembre 2017, la société SERETRAM fait observer que Consulting [G] a reçu toutes les commissions qui lui étaient dues au titre des appels d’offres auxquels elle a participé, y compris ceux de 2017, et que par la suite, à partir de décembre 2017, comme l’a retenu le tribunal, elle n’est plus intervenue. L’intimée en déduit que les contrats passés avec les distributeurs étant renégociés chaque année, sur la base d’appels d’offres annuels, Consulting [G] ne peut prétendre à des commissions sur des marchés négociés et signés après la rupture de son contrat.

Sur ce, la cour ayant retenu que le contrat d’agent commercial avait cessé de produire ses effets à compter du 21 mars 2018, terme du préavis de trois mois, la société Consulting [G] ne peut prétendre être commissionnée sur les marchés conclus entre SERETRAM et les distributeurs, au terme des appels d’offres de 2018 auxquels elle n’a pas participé, étant rappelé que les appels d’offres étaient émis, selon les pièces versées aux débats, en avril-mai de chaque année. La société Consulting [G] ne démontre pas non plus que les contrats négociés par SERETRAM directement, en 2018 et les années suivantes, auraient été conclus grâce à son activité antérieure.

Il s’ensuit que la société Consulting [G] doit être déboutée de ses demandes de commissions au titre des marchés conclus entre 2018 et 2021.

S’agissant du rappel de commissions au titre des marchés 2015 et 2016, la cour considère, au vu des courriels soumis à son appréciation, que les parties s’étaient accordées sur une baisse temporaire du taux de commissionnement de la société Consulting [G], le temps pour la société SERETRAM de diminuer suffisamment ses coûts de production pour appliquer le taux de 1,5 % convenu initialement, ce résultat étant atteint en 2018 au titre des marchés de 2017.

Cette diminution temporaire du taux des commissions résultant d’un accord librement négocié, non conditionné par une clause de rattrapage, aucune commission n’est due au titre des marchés de 2015 et 2016.

Au titre des marchés 2017, la société Consulting [G] déclare avoir reçu au total 65169 euros HT alors qu’elle aurait dû recevoir une somme de 80 000,00 euros d’où un manque à gagner de 14831,00 euros.

Cependant, il convient de relever que la société Consulting [G] a facturé en 2019 (pièce 11 de l’appelant) et en 2020 ( pièce 18 de l’intimée) deux rappels de commissions au titre des marchés de 2017, de 11704,69 euros et 4984,47 euros, au total 16689,16 euros qu’elle reconnaît avoir perçus.

Or, dans sa demande, elle rattache cette somme aux marchés de 2018, dont il vient d’être dit qu’ils ne pouvaient ouvrir droit à commissions à son bénéfice. En effet, pour l’année 2019, au titre des marchés de 2018, elle réclame une somme de 63310,84 euros, soit la différence entre la somme de 80 000,00 euros de commissions annuelles qu’elle revendique sur les marchés conclus à partir de 2017 et celle de 16689,16 euros.

Or, il est clair, selon les factures établies, que la somme de 16689,16 euros doit être réintégrée dans les commissions dues au titre des marchés de 2017. Cette somme étant supérieure à celle réclamée de 14831,00 euros, aucune commission n’est due au titre des marchés de 2017.

La société Consulting [G] est en conséquence déboutée de ses demandes de rappel et de paiement de commissions .

Sur les demandes subsidiaires de la société Consulting [G] d’expertise par un commissaire aux comptes.

Compte tenu de l’analyse qui vient d’être faite des demandes chiffrées de la société Consulting [G], de la décision de la cour sur la date de cessation des relations contractuelles et en l’absence d’ éléments pertinents contraires soumis par la société appelante, une expertise par un commissaire aux comptes n’est pas de nature à modifier la solution du litige.

Les demandes subsidiaires aux fins d’expertise sont en conséquence écartées.

Sur les demandes annexes :

Compte tenu de l’issue du litige, le jugement étant infirmé en totalité, la société Consulting [G] est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Au regard des circonstances de la cause et de la position respective des parties l’équité justifie de condamner la société Consulting [G] à payer à la société SERETRAM une somme de 3000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens de l’entière procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau ,

Juge que la société CONSULTING [G], dans ses relations contractuelles avec la société SERETRAM, peut se prévaloir du statut d’agent commercial,

Juge que le mandat d’agent commercial a été rompu d’un commun accord entre les parties, à effet du 21 mars 2018,

Déboute la société CONSULTING [G] de sa demande en paiement d’une indemnité de rupture,

Déboute la société CONSULTING [G] de sa demande en paiement de commissions,

Condamne la société CONSULTING [G] aux dépens de première instance et d’appel,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société CONSULTING [G] à payer à la société SERETRAM une somme de 3000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur MAGNON, Conseiller, suite à l’empêchement de Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

 


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