Cobranding / Association de marques : 26 janvier 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 19-24.464

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Cobranding / Association de marques : 26 janvier 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 19-24.464
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COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 janvier 2022

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 70 FS-D

Pourvoi n° J 19-24.464

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 JANVIER 2022

1°/ la société Stihl Holding AG & Co. KG, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 2]),

2°/ la société Andreas Stihl, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],

ont formé le pourvoi n° J 19-24.464 contre l’arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige les opposant :

1°/ à la présidente de l’Autorité de la concurrence, domiciliée [Adresse 1],

2°/ au ministre de l’économie et des finances, domicilié direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), [Adresse 3]

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat des sociétés Stihl Holding AG & Co. KG et Andreas Stihl, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la présidente de l’Autorité de la concurrence, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mme Poillot-Peruzzetto, M. Mollard, conseillers, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 17 octobre 2019), par décision n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution de matériels de motoculture, l’Autorité de la concurrence (l’Autorité) a retenu qu’il était établi que la société Andreas Stihl et sa société mère Stihl Holding AG & Co. KG (les sociétés Stihl) avaient, entre le 2 mars 2006 et le 4 septembre 2017, enfreint les dispositions des articles 101 paragraphe 1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et L. 420-1 du code de commerce, en restreignant les ventes à distance sur internet depuis les sites de leurs distributeurs agréés, dans le cadre du réseau de distribution sélective qu’elles avaient mis en place. Elle a, en conséquence, infligé à la société Andreas Stihl une sanction pécuniaire, solidairement avec sa société mère, et enjoint à la société Andreas Stihl de procéder à la modification de ses contrats.

2. L’Autorité a notamment considéré que conduisait à interdire, de facto, les ventes en ligne de ces produits et était constitutive d’une pratique anticoncurrentielle par objet l’obligation dite de « mise en main », réservée à certains produits après 2014, figurant dans le contrat liant la société Stihl à ses distributeurs, par l’article 2.1 qui précise qu’« [u]n contact direct et personnel entre les Partenaires Commerciaux Spécialisés Stihl et le client est nécessaire pour que le client puisse recevoir le conseil relatif aux éléments indispensables au choix d’un produit adapté et l’assistance à une prise en main sécurisée, propre à éviter les risques. Par conséquent, la distribution par vente à distance n’est envisagée que pour les produits Stihl et Viking mentionnés dans l’Annexe A. Les produits Stihl et Viking non mentionnés dans l’Annexe A sont exclus de la vente à distance. Pour ces produits, la réservation ou l’achat en ligne sont possibles, sans distribution à distance sauf si le Partenaire Commercial Spécialisé se charge de la livraison par l’un de ses conseillers de vente habilités. Le Partenaire Commercial Spécialisé doit en informer le client de façon claire. »

3. Saisie d’un recours par les sociétés Stihl, la cour d’appel a réformé partiellement la décision de l’Autorité sur le montant de la sanction, qu’elle a réduit.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses deuxième, troisième et septième branches, et le quatrième moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexés

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en ses première, quatrième, cinquième, sixième branches et en ses huitième à treizième branches

Enoncé du moyen

5. Les sociétés Stihl font grief à l’arrêt de rejeter leur demande tendant à la réformation de l’article 1er de la décision de l’Autorité n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 ayant dit qu’elles ont enfreint les dispositions des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce en restreignant les ventes à distance sur internet depuis les sites de leurs distributeurs agréés dans le cadre du réseau de distribution sélective entre le 2 mars 2006 et le 4 septembre 2017, et de ne réformer en conséquence que partiellement l’article 3 de cette décision leur ayant infligé une sanction pécuniaire et les articles 4 à 7 faisant différentes injonctions à la société Andreas Stihl, alors :

« 1°/ que la notion de restriction de concurrence “par objet”, qui doit être interprétée de manière stricte, ne peut être appliquée qu’à certaines pratiques collusoires entre entreprises révélant, en elles-mêmes et compte tenu de la teneur de leurs dispositions, des objectifs qu’elles visent ainsi que du contexte économique et juridique dans lequel elles s’insèrent, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire ; qu’en retenant que tel serait le cas, en l’espèce, de la clause d’un contrat de distribution sélective qui n’interdit pas la vente sur internet, mais l’autorise en encadrant les modalités de livraison de produits dangereux commercialisés par le biais d’un tel canal en imposant une “mise en main” par le distributeur lors de cette livraison quand, en l’absence d’expérience acquise permettant de caractériser sa nocivité à l’égard de la concurrence, un tel mécanisme avait fait l’objet de “discussions écrites et orales” entre le groupe Stihl et le Bundeskartellamt au cours des années 2013 à 2016 au terme desquelles l’autorité de concurrence allemande n’avait ” vu aucune raison d’engager une procédure formelle pour non-conformité au droit de la concurrence allemande et/ou européen”, ce qui contredisait que l’obligation de “mise en main” par le distributeur lors de la livraison présente un degré de nocivité suffisant rendant inutile l’examen de ses effets, la cour d’appel a méconnu le principe d’interprétation stricte de la notion de restriction de concurrence “par objet” et a ainsi violé les articles 101 § 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

4°/ que la notion de restriction de concurrence “par objet”, qui doit être interprétée de manière stricte, ne peut être appliquée qu’à certaines pratiques collusoires entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire ; qu’en se fondant sur la présomption, contestée par les sociétés Stihl, que l’obligation de “mise en main” prévue par le contrat de distribution spécialisée de la société Stihl conduirait nécessairement à reconstituer des zones de chalandise physique et réduirait la concurrence par les prix, la cour d’appel a, en l’absence d’expérience acquise, méconnu le principe d’interprétation stricte de la notion de restriction de concurrence “par objet” et a ainsi violé les articles 101 § 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

5°/ que pour déterminer si un type de coordination entre entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour constituer une restriction de concurrence “par objet”, il convient de tenir compte de l’expérience acquise ; que le fait que d’autres autorités de concurrence aient examiné une pratique sans formuler aucune objection à son encontre exclut que cette pratique puisse être considérée comme présentant, par nature, un degré suffisant de nocivité pour que l’examen de ses effets ne soit pas nécessaire, peu important que ces autres autorités ne soient pas compétentes pour prendre une décision négative ; que la cour d’appel a constaté que “les autorités de concurrence allemande, suédoise et suisse ont relevé en l’état de leurs investigations, l’absence d’indices les incitant à poursuivre l’enquête préalable ouverte par leurs services” ; qu’en refusant néanmoins de tenir compte de la position adoptée par ces autres autorités, motif pris qu’elles n’étaient pas compétentes pour prendre une décision négative, la cour d’appel a violé les articles 101 § 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

6°/ que la cour d’appel a constaté que l’élaboration du dispositif contractuel de la société Stihl avait fait l’objet de « discussions écrites et orales » entre le groupe Stihl et le Bundeskartellamt au cours des années 2013 à 2016 et qu’au terme de ces échanges, l’autorité de concurrence allemande n’avait “vu aucune raison d’engager une procédure formelle pour non-conformité au droit de la concurrence allemande et/ou européen” et avait ainsi “décidé de ne pas intervenir, au sens de l’article 5 du règlement n° 1/203” ; qu’elle a également relevé que le Bundeskartellamt avait indiqué qu’il “continuerait à observer le fonctionnement du système de distribution en pratique, mais qu’en aucun cas il n’imposera[it] une amende à raison des restrictions en question” ; qu’en retenant néanmoins, pour refuser de tenir compte, au titre de l’expérience acquise, de la position clairement adoptée par cette autorité de concurrence qu’ ” il ne [pouvait] en être déduit que ces éléments étaient identiques à ceux que l’Autorité a recueillis au terme de la procédure d’instruction ouverte sur saisine d’office”, cependant qu’il n’était pas contesté que le dispositif contractuel en vigueur en France était identique à celui qui avait été soumis au Bundeskartellamt, la cour d’appel a statué par un motif inopérant, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

8°/ que pour apprécier si un type de coordination entre entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour constituer une restriction de concurrence “par objet”, il faut notamment s’attacher au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère, ce qui suppose de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question ; que, devant la cour d’appel, les sociétés Stihl faisaient valoir que tant le contexte économique, et en particulier l’existence d’une forte concurrence inter et intra-marque et la part résiduelle de la vente sur internet, que le contexte juridique, tenant à la persistance d’une incertitude juridique concernant la vente en ligne de produits dangereux dans un réseau de distribution sélective et aux exigences de protection de la santé et de la sécurité des utilisateurs de tels produits, excluaient que l’obligation de “mise en main” prévue par leurs contrats de distribution sélective en cas de vente sur internet de produits dangereux puisse être considérée comme une restriction de concurrence “par objet” ; que la cour d’appel a admis qu’il fallait prendre en compte ce contexte économique et juridique pour apprécier si la pratique litigieuse présentait un degré suffisant de nocivité pour être considérée comme une restriction de concurrence “par objet”, mais n’a nullement procédé à l’analyse de ce contexte ; que ce faisant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

9°/ qu’en tout état de cause les restrictions de concurrence peuvent échapper à la prohibition prévue par l’article 101 § 1, du TFUE si elles poursuivent de manière proportionnée un objectif légitime de préservation de la qualité des produits et de sécurisation de leur bon usage ; que cette exigence de proportionnalité est satisfaite lorsque l’interdiction ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi ; que si le vendeur d’un produit dangereux est dispensé de mettre en garde les acheteurs qui, par leur expérience, disposent des compétences techniques requises pour l’utilisation du produit, c’est à la condition qu’il puisse s’assurer de ces compétences ; que, comme le faisaient valoir les sociétés Stihl, une telle vérification est impossible pour la vente de produits de motoculture, en l’absence de tout registre et de tout élément objectif permettant d’attester les compétences de l’acheteur ; qu’en retenant que l’obligation de “mise en main”, en ce qu’elle s’applique indifféremment aux profanes et aux professionnels, irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver la sécurité des professionnels, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l’impossibilité pour les distributeurs de s’assurer des compétences techniques des clients ne faisait pas obstacle à la dispense de cette obligation de “mise en main” à l’égard des clients professionnels, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, ensemble l’article 1147 du code civil ;

10°/ qu’une clause restreignant les ventes sur internet doit être considérée comme poursuivant un objectif légitime de sécurisation de l’utilisation du produit si elle est nécessaire pour atteindre cet objectif ; qu’une telle nécessité ne peut être écartée que si d’autres moyens moins attentatoires au libre jeu de la concurrence auraient permis d’atteindre l’objectif poursuivi ; que pour juger que l’obligation pour le distributeur d’exécuter personnellement l’obligation de “mise en main” des machines dangereuses serait excessive, la cour d’appel a retenu que cette “mise en main” pouvait être faite par un sous-traitant sans augmentation significative des coûts pour l’acheteur ; qu’en ne recherchant pas si une telle sous-traitance, qui reposerait par hypothèse sur une décision individuelle et volontaire des distributeurs, permettrait de pallier la restriction des ventes sur internet reprochée aux sociétés Stihl, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

11°/ qu’une clause restreignant les ventes sur internet doit être considérée comme poursuivant un objectif légitime de sécurisation de l’utilisation du produit si elle est nécessaire pour atteindre cet objectif ; qu’une telle nécessité ne peut être écartée que si d’autres moyens moins attentatoires au libre jeu de la concurrence auraient permis d’atteindre l’objectif poursuivi ; qu’en affirmant péremptoirement que l’objectif de sécurisation de l’usage du produit pourrait être atteint “par d’autres moyens, notamment au moyen d’une assistance à distance”, sans expliquer en quoi ces autres moyens permettraient d’assurer une mise en garde effective des acheteurs sur la dangerosité des produits et les risques liés à leur utilisation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

12°/ que la cour d’appel a constaté que la société Husqvarna obligeait ses distributeurs “à assembler et tester chaque produit et à fournir au client des explications et une démonstration du fonctionnement du produit avant livraison” (§ 228 et 229 de l’arrêt attaqué) et leur imposait “des contraintes similaires” à celles de la société Stihl (§ 231 et 232) ; qu’il en résultait que l’assistance en ligne “proposée” par cette société n’était qu’un moyen d’information complémentaire, ne remplaçant pas l’exigence d’un contact direct entre le distributeur et l’acheteur lors de la livraison ; qu’en relevant pourtant que la société Husqvarna proposait une formation sur internet pour juger que l’objectif de sécurisation du produit pourrait être atteinte au moyen d’une assistance en ligne, la cour d’appel a statué par un motif inopérant, et ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

13°/ que les risques d’accidents liés à l’utilisation d’une machine dangereuse sont nécessairement réduits si des consignes de sécurité et d’utilisation sont fournies oralement à l’acheteur dans le cadre d’une démonstration physique du produit ; que le principe de prévention des risques, qui commande de prendre toutes mesures appropriées en vue de prévenir les risques potentiels pour la santé et la sécurité, recommande donc une telle démonstration, quand bien même le lien entre l’absence de démonstration physique et la survenance d’accidents ne serait pas établi avec certitude ; qu’en relevant toutefois, pour juger qu’un contact physique entre le distributeur et l’acheteur ne serait pas nécessaire pour atteindre l’objectif de sécurisation de l’usage du produit, qu’ “aucun élément de la procédure n’établit que les accidents recensés sont plus fréquents lorsque l’utilisateur n’a pas bénéficié d’une démonstration physique du produit en magasin”, la cour d’appel a statué par un motif inopérant, et a ainsi violé les articles 101 § 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce. »

 


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