Cobranding / Association de marques : 22 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01528

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Cobranding / Association de marques : 22 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01528
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 22 FEVRIER 2023

(n° 38 , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01528 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC7IZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 18/09666

APPELANTE

CABINET [F] S.A agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PAU sous le numéro 497 603 605

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque D2090, avocat postulant

Assistée de Me Virginie LE ROY de la SELARL RESONANCES, avocat au barreau de PARIS, toque C230, substitué par Me Eric BOURDOT, de la SELARL RESONANCES, avocat au barreau de PARIS, toque C230, avocat plaidant

INTIMEE

GROUPE FRANCE MUTUELLE agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au répertoire SIREN sous le numéro 784 492 084

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque G0334, avocat postulant

Assistée de Me Abdelaziz BELAYACHI, du Cabinet FIDAL, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, avocat plaidant substitué par Me Vianney DE WIT du Cabinet FIDAL, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de la chambre 5.4

Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère

Monsieur Julien RICHAUD, Conseiller

Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La Mutuelle Générale des Salariés (MGS) était une mutuelle qui proposait notamment des produits d’assurance santé.

Le 18 mai 2010, elle a conclu une convention de partenariat avec la société Courtage d’Assurances Spécialisées, ci-après CAS, courtier en assurances, qui s’est engagée, moyennant paiement de commissions, à présenter à ses clients, souscripteurs de produits d’assurances, les offres de MGS ainsi que de collecter et transmettre les cotisations à MGS.

Le 1er septembre 2012, la société CAS a elle-même conclu une convention de partenariat avec la société Cabinet [F] qui s’engageait à promouvoir les produits distribués par la société CAS contre rémunération de sa part.

Par lettre du 16 décembre 2014, MGS a confirmé au Cabinet [F] les conditions qui lui avaient été consenties à compter du 1er janvier 2015 en lui joignant le détail des prestations et cotisations devant lui être retournées paraphées et signées.

Puis, MGS et le Cabinet [F] ont signé, le 13 mars 2015 et le 6 mai 2015 des conventions mutualistes de groupe, d’une durée d’un an, détaillant les conditions et le montant des cotisations des produits de MGS dans le cadre de la souscription d’un adhérent à un contrat de groupe.

Par lettre de son conseil du 15 octobre 2015, la société CAS a informé MGS qu’elle considérait que la résiliation de la convention de partenariat les liant était intervenue à l’initiative de celle-ci.

Le 8 avril 2016, MGS a adressé une lettre au Cabinet [F] lui indiquant qu’il ne lui serait plus possible, en raison de très graves difficultés financières eu égard aux seuils imposés par la directive Solvabilité II, d’assurer à court terme le remboursement des prestations des adhérents courtage sans appliquer en contrepartie une augmentation significative de ses cotisations.

Le 15 avril 2016, MGS a informé le Cabinet [F] que son conseil d’administration avait décidé le 14 avril 2016 une augmentation de 50 % des cotisations HT des contrats courtage dits ‘ en mode précompte et linéaire’ et de 80 % des contrats courtage dits ‘défense de portefeuille’ à compter du 1er juin 2016.

Le 30 avril 2016, MGS a envoyé une lettre circulaire à ses adhérents, clients du Cabinet [F], pour les avertir de ses difficultés financières et leur notifier les nouvelles conditions tarifaires prenant effet à compter du mois de juin 2016.

C’est à la suite de ces circonstances que le Cabinet [F], le 12 avril 2017, a fait assigner MGS devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir :

– juger que l’augmentation tarifaire effectuée par MGS avec un préavis de 45 jours constituait une rupture brutale des relations établies à son préjudice et obtenir des dommages-intérêts à ce titre,

– juger que MGS avait violé les usages du courtage et commis des actes déloyaux et de dénigrement à son préjudice et obtenir des dommages-intérêts au titre de son préjudice d’image,

– juger que M.S avait délibérément violé les conventions la liant à lui, provoquant la perte d’une partie du portefeuille placé auprès d’elle, et obtenir des dommages-intérêts à ce titre.

Suivant décision du 1er décembre 2018, publiée le 4 décembre 2018, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a approuvé le transfert par voie de fusion-absorption du portetefeuille de contrats, avec les droits et obligations qui s’y rattachent, de MGS à la mutuelle Groupe France Mutuelle, ci-après GFM.

Le tribunal, par jugement du 24 novembre 2020, a :

– débouté GFM, venant aux droits de MGS, de sa demande de mise hors de cause,

– débouté le Cabinet [F] de sa demande de condamnation de GFM, venant aux droits de MGS, à lui verser des dommages-intérêts,

– condamné le Cabinet [F] aux dépens et à payer à GFM, venant aux droits de MGS, la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit ne pas faire droit à l’exécution provisoire.

Le Cabinet [F] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 21 janvier 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 14 octobre 2021, le Cabinet [F] demande à la cour, au visa de l’article

L 442-6-1 5° du code de commerce, de le déclarer recevable et bien fondé en son appel, débouter GFM de l’ensemble de ses demandes et de son appel incident, de réformer le jugement et, statuant à nouveau, de :

1) juger que l’augmentation tarifaire effectuée par MGS, avec un préavis de 45 jours, constitue une rupture brutale des relations établies à son préjudice, que GFM, en qualité d’absorbante de MGS, doit l’indemniser de l’ensemble des préjudices en résultant et, en conséquence, condamner GFM, en sa qualité d’absorbante de MGS, à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l’assignation et capitalisation des

intérêts :

202.305,57 €, au titre du préjudice causé par la perte de commissionnements récurrents sur le portefeuille pendant la durée du préavis,

18.668,96 €, au titre du préjudice causé par les surcoûts matériels et humains engendrés par la brutalité de la rupture,

193.280 €, au titre du préjudice causé par l’impossibilité d’effectuer son développement commercial normal,

2) juger que MGS a violé les usages du courtage et commis des actes déloyaux et de dénigrement à son préjudice, en conséquence condamner GFM, en qualité d’absorbante de MGS, à lui payer la somme de 40.000 €, au titre de son préjudice d’image, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l’assignation et capitalisation des intérêts,

3) juger que MGS a délibérément violé les conventions la liant à lui, provoquant la perte d’une partie du portefeuille placé auprès d’elle, en conséquence, condamner GFM, en qualité d’absorbante de GFM, à lui payer la somme de 338.968,88 € au titre de ce préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l’assignation et capitalisation des intérêts,

4) condamner GFM, en qualité d’absorbante de MGS :

– aux dépens de première instance qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile et à lui payer la somme de 12.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile et à lui payer la somme supplémentaire de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 16 juillet 2021, GFM demande à la cour, au visa de l’article L442-6-1 du code de commerce dans sa version en vigueur au jour de l’introduction de l’instance, des articles 66 et suivants du code de procédure civile ainsi que des articles L 111-1 et L 212-11 et suivants du code de la mutualité, de :

1) sur son appel incident :

– réformer le jugement en ce qu’il a considéré que les dispositions de l’article

L 442-6 du code de commerce, dans sa version en vigueur à la date de l’introduction de l’instance, étaient applicables aux faits de l’espèce et juger qu’elles ne le sont pas,

– débouter en conséquence M. [F] de l’ensemble de ses demandes,

2) à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu’il a :

– jugé que MGS n’avait pas contracté l’obligation vis à vis du courtier [F] ou de ses adhérents d’avoir à maintenir les montants des cotisations des produits assurantiels dont elle porte les risques,

– jugé que MGS avait averti les adhérents et courtiers de l’augmentation de ces cotisations dans un délai qui ne présente pas de caractère brutal ni fautif,

– jugé que MGS n’avait, ainsi, pas commis de faute à l’égard du courtier [F],

– débouté [F] de sa demande de condamnation de MGS au titre du préjudice subi du fait de la rupture prétendue, au titre du préjudice d’image et au titre du préjudice ‘d’augmentation tarifaire frauduleuse’,

3) à titre infiniment subsidiaire, en cas de réformation :

– juger que le courtier [F] ne rapporte pas la preuve de son préjudice, ni de son lien de causalité avec la faute invoquée à l’encontre de GFM, en qualité d’absorbante de MGS,

– débouter en conséquence la société [F] de l’ensemble de ses demandes,

4) en tout état de cause, condamner [F] :

– aux entiers dépens dont le montant pourra être recouvré conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

– à payer à GFM, en qualité d’absorbante de MGS, la somme de 10.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur les demandes de dommages-intérêts du Cabinet [F] fondées sur les dispositions de l’article L 442-6-1 5° du code de commerce :

Sur l’application de l’article L 442-6-1 5° (ancien) du code de commerce

Pour soutenir que l’article L 442-6-1 5° du code de commerce n’est pas applicable, GFM expose que MGS est une mutuelle relevant du Livre II du code de la mutualité, qu’elle n’est ni producteur, ni commerçant, ni industriel et n’est pas immatriculée au Répertoire des métiers.

Aux arguments opposés par le Cabinet [F], elle répond :

– que MGS n’est pas une société d’assurance régie par le code des assurances, mais une mutuelle dont l’objet est défini par l’article L 111-1 du code de la mutualité,

– qu’elle ne procède pas à une activité de services et ne peut le faire, l’article

L 111-1 précité précisant que les mutuelles ‘mènent notamment au moyen des cotisations versées par leurs membres et dans l’intérêt de ces derniers et de leurs ayants droit, une action de prévoyance, de sollidarité et d’entraide, dans les conditions prévues par leurs statuts, afin de contribuer au développement culturel, moral, intellectuel et physique de leurs membres’,

– qu’elle ne propose pas de prestations de service en échange d’une rémunération, mais des prestations sociales,

– que les dispositions relatives à la rupture brutale des relations commerciales établies ne sont pas applicables aux activités encadrées par une réglementation prévoyant une incompatibilité avec l’exercice d’une activité commerciale.

Le Cabinet [F] fait valoir quant à lui :

– qu’il est admis en jurisprudence que des mutuelles d’assurance, qui ont pourtant un objet non commercial, peuvent être sanctionnées pour rupture brutale de la relation commerciale établie aux motifs qu’elles interviennent dans le domaine concurrentiel et procèdent à une activité de services, ce qui est le cas en l’espèce, peu important que les parties ne puissent être qualifiées de

‘commerçants’,

– que ce n’est pas le régime juridique ou le caractère non lucratif de l’activité qui permet d’exclure l’application de l’article L 442-6-1 5° du code de commerce,

– que les mutuelles sont soumises au droit de la concurrence et qu’il a été jugé que l’interdiction édictée par l’article L 442-6- 1 1er du code de commerce s’appliquait à la Mutualité de l’Anjou, groupement à but non lucratif qui, au moyen des cotisations versées par ses membres, se proposait de mener une action de prévoyance, de solidarité et d’entraide,

– que contrairement à ce qui est prétendu, l’article L 111-1 du code de la mutualité ne fait pas interdiction aux mutuelles de procéder à des activités de services et que l’objet social de MGS ne lui interdit pas non plus,

– que MGS, pour réaliser son objet social procède à des activités de services.

Réponse de la Cour

Il convient de rappeler que l’article 410-1 du code de commerce, sous le titre 1 du livre quatrième du code de commerce, intitulé ‘Dispositions générales’ prévoit que les règles définies à ce livre s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services.

L’article L 442’6-1 5°du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, inséré au titre 4 du livre quatrième du code de commerce dispose :

‘Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ….

…. de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages commerciaux, par des accords interprofessionnels …’.

Les dispositions du droit de la concurrence s’appliquent, en l’absence de dérogation expresse, aux prestations offertes par les mutuelles, nonobstant l’article L 111-1 du code de la mutualité, dès lors que les prestations ne sont pas spécifiques au domaine de la mutualité et relèvent du secteur concurrentiel.

Le régime juridique d’une mutuelle comme le caractère non lucratif de son activité ne sont pas de nature à l’exclure du champ d’application de l’article L 442-6-1 5° du code de commerce dès lors qu’elle procède à une activité de production, de distribution ou de services.

Contrairement à ce que soutient l’intimée, les mutuelles peuvent exercer des activités de service, ce que faisait MGS.

En effet sous sa marque française ‘MGS Mutuelle Générale de Salariés’ enregistrée à l’INPI, il est mentionné à la rubrique produits et services : services de souscription d’assurance, services de banque en ligne, services de financement.

Sous ses marques françaises ‘Suricate’ et ‘Alexia’ également enregistrées à l’INPI, il est mentionné à la rubrique ‘produits et services’ : souscription d’assurances, services de courtiers en assurances, informations en assurances. Sur son site internet, MGS proposait des produits de la Mutualité française pour l’épargne, la retraite complémentaire et la prévoyance pour les particuliers, les entreprises et les travailleurs indépendants.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le Cabinet [F] est recevable à se prévaloir des dispositions de l’article L 442-6-1 5° du code de commerce.

Sur l’existence de relations commerciales établies

Pour contester l’existence de relations commerciales établies entre MGS et le cabinet [F], GMF fait valoir :

– que MGS n’a conclu une convention de partenariat qu’avec le courtier grossiste CAS qui, pour les besoins de son activité, s’est adressé à plusieurs courtiers détaillants dont le Cabinet [F],

– que les produits de MGS ne sont pas cités dans cette convention,

– que les conventions mutualistes de groupe invoquées par le Cabinet [F] ne sont pas relatives à une relation de courtage entretenue avec ce cabinet.

Réponse de la Cour

Le tribunal a justement retenu que le Cabinet [F] avait apporté des contrats d’assurance à MGS moyennant paiement de commissions pendant plusieurs années, que cette collaboration avait perduré au delà de la résiliation du contrat liant MGS et CAS, que MGS avait attribué un code courtier au Cabinet [F], qu’elle lui avait adressé deux conventions dites ‘ mutualistes de groupe’ des 13 mars 2015 et 6 mai 2015 qui indiquent en page une qu’elles sont souscrites entre MGS et le Cabinet [F], que par lettre du 16 décembre 2014, elle lui avait confirmé ‘les conditions consenties à compter du 1er janvier 2015″ et que dans sa lettre du 8 avril 2016 elle lui indiquait que leur collaboration s’était déroulée sans faille depuis de nombreuses années.

Le tableau récapitulatif des commissions perçues par le Cabinet [F] depuis 2012 justifie du montant croissant de ces commissions à compter d’octobre 2012 et jusqu’en juin 2016.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il existait une relation commerciale établie entre MGS et le Cabinet [F].

Sur l’imputabilité de la rupture et sa brutalité

Le Cabinet [F] expose :

– que l’augmentation tarifaire disproportionnée imposée par MGS entraînait l’impossibilité pour ses clients de conserver leur contrat d’assurance et, de facto, la rupture des relations existant entre lui et MGS,

– que la moyenne mensuelle de ses commissions était de 373.366,54 € en 2016 avant la rupture, pour se réduire après à une moyenne mensuelle de 2.603,65 €,

– qu’en adressant directement des lettres circulaires à ses clients pour les informer de l’augmentation tarifaire, MGS a précipité les résiliations, ne lui laissant pas le temps de prendre ses dispositions,

– que la simple réduction du courant d’affaires ainsi que la modification substantielle des conditions financières du partenariat peuvent constituer une rupture au sens de l’article L 442-6-1 5° du code de commerce,

– que MGS a augmenté les tarifs applicables aux contrats placés par le Cabinet [F] de 50 % avec un préavis seulement de 45 jours, ce qui caractérise une rupture brutale des relations commerciales,

– que dans les conventions mutualistes des 13 mars et 6 mai 2015, il est détaillé le montant des cotisations valables du 1er janvier au 31 décembre 2016 et il est précisé que le taux de revalorisation est fixé par l’assemblée générale pour une application au 1er janvier de chaque année, ces dispositions caractérisant un engagement tarifaire vis à vis des adhérents et du Cabinet [F],

– que l’affirmation selon laquelle l’augmentation tarifaire de MGS était prévisible pour avoir été annoncée au CAS depuis plus d’un an est inopposable au Cabinet [F] et de surplus inopérante,

– que les augmentations tarifaires en septembre 2015 et janvier 2016, respectivement de 25 % et de 15%, ne rendaient pas pour autant prévisible une nouvelle augmentation drastique mais au contraire laissaient croire que les mesures utiles à la pérennité des contrats étaient mise en oeuvre,

– que c’est sans fondement et en toute déconnection avec la réalité que MGS prétend que ce serait CAS qui serait à l’origine de la rupture brutale,

– que l’existence de la rupture est caractérisée : les contrats ‘Adhérent-[F]-MGS’ s’étant majoritairement transformés en contrats ‘Adhérent- autre courtier- autre compagnie’ et ‘Adhérent- [F]-autre compagnie (Miltis)’,

– que la rupture est brutale, MGS n’ayant pas respecté ses engagements contractuels, la loi et un préavis suffisant qui aurait dû être de 8 mois au minimum.

Réponse de la Cour

Il est constant que MGS, suite à la décision de son conseil d’administration du 14 avril 2016, a décidé d’une augmentation importante des cotisations des contrats courtage, ce dont elle a averti le Cabinet [F] dès le lendemain. Cette augmentation prenait effet le 1er juin 2016.

Sa décision a été prise conformément à l’article L 114-11 du code de la mutualité et à la résolution votée lors de son assemblée générale du 18 juin 2015 stipulant la délégation au conseil d’administration, pour une durée d’un an, des pouvoirs de déterminer les montants ou les taux de cotisations.

Le tribunal a justement retenu que MGS n’avait pris aucun engagement à l’égard du Cabinet [F] quant au maintien du montant des cotisations pour une certaine durée. Les taux figurant dans les conventions mutualistes de 2015 renferment certes le montant des cotisations et leur durée, mais ces dispositions s’appliquent aux adhérents et ne constituent aucun engagement de leur maintien envers le Cabinet [F].

Le Cabinet [F] avait été déjà avisé précédemment d’une augmentation des cotisations de 25 % en septembre 2016 puis de 15 % en janvier 2016. En sa qualité de courtier en assurances, il ne pouvait ignorer que de telles augmentations étaient susceptibles d’encore intervenir.

Par conséquent, le Cabinet [F] ne peut valablement soutenir que l’augmentation des cotisations constituerait pour lui une modification substantielle des relations qu’il entretenait auparavant avec MGS.

N’étant tenu par aucune exclusivité à l’égard de MGS, il lui était possible comme auparavant, de faire souscrire à ses clients des contrats d’assurances après d’autres assureurs.

De plus, il apparaît que les relations avec MGS se sont poursuivies après l’entrée en vigueur de l’augmentation tarifaire, le Cabinet [F] ayant perçu des commissions de MGS à hauteur de 47.916,68 € entre juin 2016 et février 2019.

En toute hypothèse, le préavis de 45 jours dont il a bénéficié était suffisant pour lui permettre de transférer une partie de son portefeuille de clients, étant observé que MGS, dans sa lettre du 15 avril 2016 l’assurait de son soutien pour ce faire.

Le Cabinet [F] précise lui-même avoir replacé son portefeuille chez Miltis, sans préciser la proportion de contrats transférés.

Il s’ensuit que le Cabinet [F] est mal fondé à reprocher à MGS une rupture brutale, même partielle, de leurs relations.

Toutes ses demandes de dommages-intérêts au titre des préjudices pour perte de commissionnements, surcoûts matériels et humains et impossibilité d’effectuer son développement commercial normal seront rejetées.

Sur la demande de dommages-intérêts du Cabinet [F] pour préjudice d’image

Le Cabinet [F] reproche à MGS une violation des Usages du courtage ainsi que des actes déloyaux et de dénigrement. Il en veut pour preuve la lettre circulaire qu’elle a adressé à ses adhérents le 30 avril 2016 qu’il qualifie d’alarmiste et qui, selon lui, ne pouvait générer que leur panique et provoquer des résiliations massives.

Il allègue que cette lettre constitue une violation de l’article 4 des Usages du courtage et ajoute que compte tenu de ses termes, le courtier n’a pu qu’être tenu pour responsable de l’augmentation tarifaire et de la perte du contrat d’assurance souscrit par ses clients.

Réponse de la Cour

La lettre du 30 avril 2016 envoyée par MGS à ses adhérents est ainsi libellée :

‘Nous vous informons que MGS rencontre de très graves difficultés financières eu égard aus seuils imposés par la directive Solvabilité II et consécutivement aux enjeux financiers de notre organisme imputables aux contrats souscrits par l’intermédiaire du réseau courtage ainsi qu’aux pertes techniques de ces contrats.

Le conseil d’administration de MGS dans sa séance du 14 avril 2016 a décidé à l’unanimité une augmentation de 50 % des cotisations hors taxes des contrats courtages dits en mode précompte et linéaire à compter du 1er juin 2016…….

Vous trouverez ci-joint votre cotisation mensuelle à compter du mois de juin 2016……ainsi que votre échéancier pour la période du 1er juin 2016 au 31 décembre 2016……

Nous vous rappelons que vous disposez du droit de dénoncer votre adhésion en raison de l’augmentation de la cotisation, quelles que soient les dispositions de votre contrat, dans un délai d’un mois.

Compte tenu de la situation exceptionnelle, nous vous conseillons de contacter, en cas de dénonciation, votre courtier afin qu’il vous aide au mieux dans vos démarches de souscription d’un nouveau contrat santé auprès d’un autre organisme’.

Cette lettre ne s’analyse pas en une sollicitation de l’assureur de modifier, remplacer ou renouveler la police apportée par le courtier, ce qui est prohibée par l’article 4 des Usages du courtage. Elle constitue seulement l’information due à l’adhérent sur l’augmentation à venir du montant des cotisations et son droit de résilier le contrat. Elle ne contient aucun propos de nature à discréditer le courtier vis à vis de ses clients à raison du montant de ses commissions.

Le Cabinet [F], qui ne rapporte aucunement la preuve d’un préjudice d’image, sera donc débouté de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages-intérêts du Cabinet [F] pour préjudice causé par la perte d’une partie de son portefeuille :

Le Cabinet [F] prétend :

– que MGS s’était engagée envers lui à n’appliquer les augmentations tarifaires qu’à compter du 1er janvier de chaque année et qu’elle a commis une violation de ses obligations contractuelles en appliquant une augmentation de 50% à compter du 1er juin,

– qu’il en est résulté pour lui un préjudice considérable puisque les 560 résiliations enregistrées sur le portefeuille l’ont privé d’un commissionnement récurrent qui peut être estimé à 338.968,88 € sur une période de quatre ans.

Réponse de la Cour

MGS ne s’était pas engagée vis à vis du Cabinet [F] à maintenir le montant des cotisations fixées pour ses adhérents au 1er janvier 2016.

En conséquence, la demande de dommages-intérêts pour perte d’une partie du portefeuille sera rejetée.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Le Cabinet [F] qui succombe en toutes ses prétentions doit supporter les dépens de première instance et d’appel.

Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, sa demande à ce titre sera rejetée et il sera alloué à GFM la somme supplémentaire de 6.000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant, condamne la société Cabinet [F] à payer au Groupe France Mutuelle la somme supplémentaire de 6.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne la société Cabinet [F] aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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