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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 39H
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 2 NOVEMBRE 2023
N° RG 21/01236 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UK5D
AFFAIRE :
S.A. GENERALE BISCUIT-GLICO FRANCE
…
C/
S.A.S. BISCUITS POULT
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Novembre 2020 par le TJ de NANTERRE
N° Chambre : 1
N° RG : 16/11962
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Anne-Laure WIART
Me Martine DUPUIS
TJ NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. GENERALE BISCUIT-GLICO FRANCE
RCS Nanterre n° 324 031 525
[Adresse 1]
[Localité 4]
S.A.S. MONDELEZ FRANCE
RCS Nanterre n° 808 234 801
[Adresse 1]
[Localité 4]
Société MONDELEZ EUROPE GMBH
[Adresse 5]
[Localité 2] (SUISSE)
Représentées par Me Anne-Laure WIART, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 437 et Me Annick LECOMTE de l’AARPI ALEZAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P401
APPELANTES
****************
S.A.S. BISCUITS POULT
RCS Montauban n° 343 922 704
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Christophe CHAPOULLIE du cabinet hw&h, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R188
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
La société Générale Biscuit Glico France (ci-dessous, la société GBGF), la société Mondelez Europe GmbH et la société Mondelez France appartiennent au groupe agro-alimentaire Mondelez International dénommé Kraft Foods jusqu’au 1er octobre 2012, qui commercialise notamment du chocolat et des produits de biscuiterie sous la marque ombrelle ‘Lu’, acquise auprès du groupe Danone en 2007.
Le groupe propose à la vente des biscuits dénommés ‘ Mikado ‘ dont l’apparence, soit un bâtonnet effilé bicolore et lisse dans sa version classique, est inspirée du jeu Mikado.
La société GBGF est titulaire de la marque française tridimensionnelle déposée le 19 octobre 2005, enregistrée sous le n°3386825 (ci-dessous, la marque 825)
pour désigner en classe 30 ‘les biscuits enrobés ou nappés notamment, de chocolat ou de caramel’.
La société Mondelez Europe assure la fabrication et la distribution de certaines gammes de produits en Europe et en France, dont les produits Mikado, et la société Mondelez France assure leur distribution sur le territoire français, en vertu d’un contrat du 18 octobre 2013 par lequel la société GBGF a confié à la société Mondelez Europe, avec effet au 1er juillet 2012, la distribution exclusive des produits Mikado, ainsi qu’une licence d’usage des marques, pour une durée indéterminée ; ce contrat désigne la société Mondelez France comme sous-distributeur pour le territoire français, qui bénéficie en cette qualité de la licence.
La société Biscuits Poult est spécialisée dans la conception et la fabrication de biscuits sucrés vendus sous marques de distributeur (MDD). Elle est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur un modèle communautaire de biscuit, déposé le 15 septembre 2012 sous le n°002103671-0001
dont elle indique qu’il prend les caractéristiques du bâtonnet chocolaté vrillé, qu’il a été élaboré et conçu en 4 ans moyennant un investissement de plus de 8.000.000 €.
A compter du mois de décembre 2014, plusieurs enseignes de la grande distribution ont commercialisé ce biscuit en MDD sous différents emballages et dénominations.
La société Mondelez Europe GmbH invoque des actes de parasitisme résidant dans la reprise de l’apparence du produit et des caractéristiques de ses emballages et a adressé, entre le 4 juin et le 2 septembre 2015, des courriers à plusieurs enseignes de la grande distribution ainsi qu’à la société Biscuits Poult, demandant de cesser la commercialisation du biscuit fabriqué par cette dernière.
Plusieurs procédures sont déjà intervenues, notamment sur la validité des droits de propriété intellectuelle de la société Biscuits Poult sur son modèle communautaire de biscuit. Ainsi, par décision du 20 juin 2016, la chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours en nullité contre ce modèle introduit par la société Griesson-de Beukelauer.
En France, par jugement du 20 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par les sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France de demandes en contrefaçon, notamment, de la marque n°825 et subsidiairement en atteinte à sa renommée présentées contre la société Griesson de Beukelauer Gmbh pour ses produits ChocOlé ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire au titre des emballages, a :
– rejeté les moyens de nullité des marques invoquées (ndlc : notamment la marque 825) ;
– déclaré irrecevables les demanderesses dans toutes leurs demandes fondées sur une atteinte à la renommée des marques (ndlc : notamment la marque 825) ;
– débouté les demanderesses de leur demande en contrefaçon de la marque n°825 ;
– rejeté les demandes en annulation des marques Choc’Olé fondées sur une contrefaçon de la marque 825 ;
– débouté la société Mondelez France de sa demande en concurrence déloyale et parasitaire ;
– condamné les sociétés demanderesses aux frais irrépétibles et dépens ;
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
La cour d’appel de Paris a, par arrêt du 9 mars 2018, confirmé ce jugement, sauf à dire que les appelantes n’étaient pas irrecevables en leurs demandes fondées sur une atteinte à la renommée des marques, mais mal fondées.
Par arrêt du 27 mai 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt du 9 mars 2018, sauf en ce qu’il confirme Ie jugement entrepris en tant que celui-ci
– rejetait Ies demandes reconventionnelles en annulation des marques tridimensionnelles françaises n° 825 et n° 3725291,
– rejetait Ies demandes en annulation des marques Choc’Ole fondées sur une contrefaçon de la marque n° 825,
– et déboutait la société Mondelez France de sa demande fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire.
Par acte d’huissier du 12 octobre 2016, les sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France ont fait assigner la société Biscuits Poult devant le tribunal judiciaire de Nanterre.
Par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
– rejeté la demande reconventionnelle en nullité de la marque n°825 présentée par la société Biscuits Poult ;
– déclaré irrecevables les demandes des sociétés Mondelez Europe et Mondelez France au titre de la marque renommée pour défaut de qualité à agir ;
– déclaré irrecevables les demandes de la société GBGF au titre de la marque renommée pour défaut de qualité et d’intérêt à agir ;
– rejeté l’intégralité des demandes subsidiaires et additionnelles des sociétés Mondelez Europe et Mondelez France au titre du parasitisme ;
– rejeté la demande des sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France au titre des frais irrépétibles ;
– condamné in solidum les sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France à payer à la société Biscuits Poult la somme de 50.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum les sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France à supporter les entiers dépens de l’instance.
Par déclaration du 24 février 2021, les sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France ont interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 22 février 2023, les sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France demandent à la cour de :
– réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle en nullité de la marque n°825 présentée par la société Biscuits Poult,
En conséquence :
– dire et juger que les sociétés Mondelez Europe et Mondelez France, en leurs qualités respectives de licenciée et de sous-licenciée de la marque française n°825 ont qualité à agir aux côtés de la société GBGF, titulaire de ladite marque et qu’elles sont recevables en leur action fondée sur les dispositions de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle pour voir juger les atteintes portées à cette marque par la société Biscuits Poult et obtenir réparation de leur préjudice,
– Subsidiairement, dire et juger qu’elles ont cette qualité à agir à compter du 15 décembre 2019 en application de l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle (issu de l’ordonnance du 13 novembre 2019),
– plus subsidiairement, les déclarer recevables à agir en réparation du préjudice que leur causent ces atteintes, sur le fondement de l’article 1240 du code civil,
– dire et juger que la marque n°825 est une marque renommée au sens des dispositions de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle, que les sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France ont qualité pour agir et intérêt à agir, sur le fondement des dispositions précitées, pour voir juger les atteintes portées à cette marque par la société Biscuits Poult,
– dire et juger qu’en produisant et en commercialisant en France les biscuits au chocolat noir et/ou les biscuits au chocolat au lait dénommés « Twisty », « Delix », « Choco Twizz » et « Stick » la société Biscuits Poult a, sans juste motif, altéré le caractère distinctif de la marque n°825 et tiré indûment profit du caractère distinctif ainsi que de la renommée de cette marque, causant ainsi un dommage aux sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France et qu’elle a engagé sa responsabilité civile de ce chef à l’égard des appelantes, au sens des dispositions de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle,
– condamner la société Biscuits Poult à payer à la société GBGF une somme de 300.000 € et à chacune des sociétés Mondelez Europe et Mondelez France une somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ce chef de préjudice,
– subsidiairement, dire et juger qu’en commercialisant lesdits biscuits, la société Biscuits Poult s’est livrée à des actes de parasitisme et qu’elle a engagé sur le fondement de l’article 1240 du code civil, sa responsabilité à l’égard des sociétés Mondelez Europe et Mondelez France et la condamner à verser une somme de 100.000 € à chacune de ces sociétés à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de ce chef,
– interdire à la société Biscuits Poult toute fabrication, commercialisation, promotion et publicité, et plus généralement toute exploitation, directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, de biscuits ainsi que de leur conditionnement, sous la présentation reproduite au point 1.3.2 supra et ce, sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée, passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, chaque exemplaire de paquet de biscuits, de conditionnement, de support, de document publicitaire ou commercial contrevenant à ladite mesure, constituant une infraction,
– se réserver la liquidation de l’astreinte prononcée,
– ordonner la destruction, dûment constatée par huissier, de l’ensemble des biscuits au chocolat noir et des biscuits au chocolat au lait litigieux, ainsi que de tous les emballages comportant la reproduction desdits biscuits, de même que de tous conditionnements, documents commerciaux et documents promotionnels, quel qu’en soit le support, encore en possession, directement ou indirectement, de la société Biscuits Poult, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard et par produit, conditionnement ou document comportant ladite représentation, au-delà de ce délai,
– se réserver la liquidation de l’astreinte prononcée,
– dire et juger que la société Biscuits Poult, en produisant et en commercialisant les biscuits au chocolat noir et les biscuits au chocolat au lait « Twisty », « Delix », Choco Twizz » et « Stick », sous les présentations reproduites au point 1.3.2 supra, situant ces produits dans le sillage des biscuits Mikado et de leur présentation, a commis sciemment des actes de parasitisme économique au préjudice de la société Mondelez France et engagé sa responsabilité en application des dispositions de l’article 1240 du code civil,
– condamner la société Biscuits Poult à payer à la société Mondelez France une somme de 100.000 €, à titre de dommages et intérêts en réparation de ce chef de préjudice,
– interdire à la société Biscuits Poult de poursuivre la production et la commercialisation, directement ou indirectement, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, desdits conditionnements, sous la présentation reproduite au point 1.3.2 supra ainsi que toutes publicités, documents commerciaux, documents promotionnels comportant la reproduction desdits emballages, quel qu’en soit le support, et ce, sous astreinte 1.000 € par infraction constatée, passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, chaque exemplaire de paquet de biscuits, de conditionnement, de support, de document publicitaire ou commercial contrevenant à ladite mesure, constituant une infraction,
– se réserver la liquidation de l’astreinte prononcée,
– débouter la société Biscuits Poult de son appel incident et de sa demande reconventionnelle en annulation de la marque n°825 ainsi que, plus généralement, de l’ensemble de ses demandes, fins et moyens,
En tout état de cause,
– condamner la société Biscuits Poult à payer aux sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France la somme de 100.000 € au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre le remboursement des frais de constat
– ordonner à titre de réparation complémentaire, la publication du dispositif de l’arrêt à intervenir in extenso ou par extraits, dans cinq revues ou magazines, au choix des appelantes et aux frais de la société Biscuits Poult, et ce, à concurrence d’une somme de 8.000 € hors taxes par publication,
– ordonner à titre de réparation complémentaire, l’affichage pendant quinze jours, du dispositif de l’arrêt à intervenir sur la page d’accueil du site internet de la société Biscuits Poult, dans un format occupant au moins un quart de l’espace de cette page d’accueil, dans un délai de huit jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 8.000 € par jour de retard,
– se réserver la liquidation de l’astreinte prononcée,
– condamner la société Biscuits Poult aux entiers dépens de première instance et d’appel qui, pour ces derniers, seront recouvrés par Me Wiart, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 8 février 2023, la société Biscuit Poult demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre (RG N°16/11962), sauf en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de la marque n° 825,
– débouter les sociétés Générale Biscuit Glico France, Mondelez Europe GmbH et Mondelez France de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Sur la demande d’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de la marque N° 3 386 825
– dire et juger que la marque n°825 est nulle faute de (i) caractère distinctif propre, (ii) satisfaire aux conditions de validité édictées par l’article L.711-2 c) du code de la propriété intellectuelle, pour les « biscuits enrobés ou nappés de chocolat ou de caramel » qui décrivent le signe et qu’elle désigne exclusivement,
Subsidiairement,
– dire et juger que la société GBGF qui n’utilise pas sa marque à titre de marque, ne justifie pas de l’acquisition du caractère distinctif de ladite marque par l’usage pour les « biscuits enrobés ou nappés notamment de chocolat ou de caramel » et qu’elle n’est pas perçue comme une indication d’origine qu’elle désigne,
En conséquence,
– prononcer l’annulation de la marque n°825 pour tous les produits de la classe 30 qu’elle désigne,
– ordonner la transmission de l’arrêt à intervenir par le greffier en chef aux fins de son inscription au registre national des marques de l’Institut national de la propriété industrielle,
– autoriser la société Biscuits Poult à faire procéder à la signification à l’Institut national de la propriété industrielle aux fins d’inscription de l’arrêt au registre national des marques,
Sur la demande de confirmation du jugement
Sur les demandes fondées à titre principal, sur l’atteinte à la renommée
A – dire et juger que les sociétés Mondelez Europe et Mondelez France sont irrecevables à agir sur le fondement de l’atteinte à la renommée de la marque n°825 dont la société GBGF est le titulaire,
En conséquence,
– débouter les sociétés Mondelez Europe et Mondelez France de toutes leurs demandes fondées sur l’atteinte à la renommée de la marque n°825,
B – dire et juger que les sociétés GBGF, et subsidiairement, Mondelez Europe et Mondelez France ne rapportent pas la preuve de la renommée de la marque n°825,
En conséquence,
– débouter les sociétés Générale Biscuit Glico France, Mondelez Europe GmbH et Mondelez France de toutes leurs demandes fondées sur l’atteinte à la renommée de la marque n°825,
C – dire et juger que les sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France ne rapportent pas la preuve de l’atteinte à la renommée de la marque n°825 par la production des biscuits vrillés par la société Biscuits Poult, commercialisés sous les marques et dominations (sic) (i) Auchan Choco Twizz, (ii) Chabrio Twisty, (iii) marque Repère Délix et (iv) Carrefour Stick, faute de démontrer :
– la similarité visuelle et conceptuelle entre la forme des biscuits vrillés et le signe de la marque opposée,
– le lien avec ledit biscuit qui se caractérise visuellement et conceptuellement par son aspect vrillé, fruit d’efforts et d’investissements de création, de conception, de développement, et de fabrication, pour proposer une offre alternative suffisamment différenciée, laquelle repose également sur l’absence de la moindre référence à l’univers japonais,
– le prétendu préjudice qui résulterait de la dilution du caractère distinctif et de l’exploitation prétendument injustifiée de la marque de renommée,
En conséquence,
– dire et juger que les demandes des sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France, qui reconnaissent par la qualification de leur demande l’absence de risque de confusion, aboutissent à protéger un genre sur les bâtonnets chocolatés, en violation du principe de la liberté du commerce et de l’industrie,
– débouter les sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France SAS de toutes leurs demandes fondées sur l’atteinte à la renommée de la marque n°825,
À titre principal, sur les demandes principales et subsidiaires fondées sur le parasitisme :
– dire et juger que les sociétés Mondelez Europe et Mondelez France ne rapportent pas la preuve :
– D’une part, d’être titulaire d’une valeur économique individualisée faute de justifier avoir fait personnellement les investissements correspondants allégués,
– D’autre part, et en toute hypothèse, que le biscuit litigieux se distingue suffisamment du biscuit Mikado, les seuls éléments repris relevant du genre du biscuit bâtonnet chocolaté qui ne peut faire l’objet d’appropriation,
– De troisième part, que la société Biscuits Poult a conçu les emballages des biscuits vrillés commercialisés sous les marques et dominations (i) Auchan Choco Twizz, (ii) Chabrior Twisty, (iii) marque Repère Délix et (iv) Carrefour Stick,
En conséquence,
– débouter les sociétés Mondelez Europe et Mondelez France de leurs demandes principales fondées sur les actes de parasitisme résultant de la reprise des caractéristiques des emballages de la gamme de biscuits Mikado,
– dire et juger que le fait pour la société Biscuits Poult de justifier de ses efforts et investissements, pour créer, concevoir, développer, faire fabriquer et commercialiser, une offre alternative et suffisamment différenciée du fait de son aspect vrillé de biscuit bâtonnet chocolaté et donc sa propre valeur économique, est exclusif de tout agissement parasitaire et plus généralement de toute faute délictuelle et quasi-délictuelle,
En conséquence,
– débouter les sociétés Mondelez Europe et Mondelez France de toutes leurs demandes principales et subsidiaires fondées sur les actes de parasitisme,
– dire et juger que tant les biscuits vrillés de la société Biscuits Poult, que les emballages sous lesquels ils sont commercialisés sous les marques et dominations (i) Auchan Choco Twizz, (ii) Chabrior Twisty, (iii) marque Repère Délix et (iv) Carrefour Stick :
– Ne reprennent pas les caractéristiques du biscuit Mikado et des emballages de la gamme de biscuits Mikado,
– Ne comportent de surcroît pas la moindre référence à l’univers japonais auquel est lié le jeu Mikado,
– Mettent en revanche en avant l’aspect vrillé du biscuit excluant au titre du parasitisme toute faute, préjudice et lien de causalité,
En conséquence,
– débouter les sociétés Mondelez Europe et Mondelez France de toutes leurs demandes principales et subsidiaires fondées sur les actes de parasitisme,
A titre subsidiaire, sur le quantum des demandes indemnitaires
Si par impossible le tribunal faisait droit à l’une des demandes des sociétés GBGF, Mondelez Europe et/ou Mondelez France, ramener leurs demandes indemnitaires à de plus juste proportion (sic),
En toutes hypothèses,
– rejeter toutes mesures d’interdiction ayant une portée excédant la seule société Biscuits Poult et notamment pour des biscuits déjà livrés par ses soins à des sociétés tierces à la procédure,
– condamner solidairement les sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France à payer à la société Biscuits Poult une somme de 100.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Dupuis, Avocat à la cour de Versailles, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 2 mars 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la validité de la marque 825
La société Biscuits Poult soutient que la marque n°825 est nulle en ce qu’elle ne répond pas à l’exigence de caractère distinctif intrinsèque, et qu’elle est descriptive des produits ‘biscuits enrobés ou nappés notamment, de chocolat ou de caramel’.
Elle avance que le consommateur accorde plus d’attention à l’étiquette apposée, à l’emballage d’un produit alimentaire, qu’à la forme de l’aliment lui-même, et que la distinctivité de la marque s’apprécie in concreto. Elle soutient que le tribunal a considéré à tort le marché des biscuits sucrés, alors qu’il convenait de prendre en compte l’entier marché du snacking sucré et salé.
Elle ajoute que le signe couvert par la marque 825 est descriptif, s’agissant de la combinaison des couleurs marron et jaune -pour les biscuits nappés de chocolat-, et banal s’agissant de la forme d’un bâtonnet cylindrique long et fin sur le marché du snacking, sur lequel se trouvent notamment les gressins, bretzels et biscuits ‘fingers’. Elle fait état de décisions de l’OHMI ayant retenu l’annulation d’un dessin et modèle communautaire identique au signe, et de jurisprudences ayant considéré la marque comme non distinctive.
Elle dénonce la descriptivité de la marque, qui revendique les produits décrits par le signe, lequel est constitué par les produits visés soit les ‘biscuits enrobés ou nappés notamment, de chocolat ou de caramel’, du fait que le signe est composé de caractéristiques essentiellement fonctionnelles.
Les sociétés GBGF, Mondelez Europe et Mondelez France revendiquent le caractère distinctif intrinsèque de la marque n°825, qui s’apprécie en fonction des produits et services concernés, de la perception du signe par le public pertinent, et s’agissant d’une marque tridimentionnelle constituée par l’apparence du produit, en fonction des normes et habitudes du secteur.
Elles soutiennent que la marque enregistrée dispose d’une présomption de validité, et qu’il revient à l’intimée d’établir que lors de son dépôt, la marque ne divergeait pas des habitudes du secteur pertinent. Elles approuvent le jugement en ce qu’il s’est référé au secteur du snack sucré, distinct du snacking salé, dont relèvent les exemples fournis par la société Biscuits Poult, et ajoutent qu’il n’est pas justifié de l’existence, sur le marché français de la biscuiterie, de biscuits sucrés présentant les mêmes caractéristiques que les biscuits Mikado.
Elles font état de trois enquêtes établissant que les consommateurs perçoivent la marque comme indiquant l’origine commerciale du produit, et du fait que les décisions les plus récentes ont reconnu le caractère distinctif de la marque, retenu par la décision dont appel.
Elles indiquent que le signe est l’exacte représentation de l’apparence du produit, mais pas des ‘biscuits enrobés ou nappés notamment de chocolat ou de caramel’ visés par la marque, et que de tels biscuits peuvent emprunter bien d’autres formes que celle de la marque.
Elles invoquent subsidiairement le caractère distinctif acquis par l’usage, soulignent l’intensité et la durée de l’usage de la marque en France, sous une forme globalement équivalente, et rappellent les enquêtes versées.
Elles contestent le fait que la forme protégée par la marque soit imposée par sa fonction technique et réponde entièrement à des considérations fonctionnelles, ce que la société Biscuits Poult ne prouve pas, soutenant de plus à tort que la forme allongée participe du caractère croquant du biscuit.
*****
L’article L.711-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable au litige, indique que ‘la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale.
Peuvent notamment constituer un tel signe : …
c) Les signes figuratifs tels que : dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos, images de synthèse ; les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service ; les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs’.
L’article L.711-2 précise que ‘le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés.
Sont dépourvus de caractère distinctif :…
c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.
Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l’usage’.
De même, la Directive du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques prévoit que sont refusés à l’enregistrement ou sont susceptibles d’être déclarées nulles si elles sont enregistrées, les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.
La condition de refus de ‘tout signe constitué ‘exclusivement’ par la forme du produit nécessaire à l’obtention du résultat technique est remplie lorsque toutes les caractéristiques essentielles de la forme répondent à la fonction technique…’. ‘Dès lors que les caractéristiques essentielles du signe sont identifiées, il incombe encore à l’autorité compétente de vérifier si ces caractéristiques répondent toutes à la fonction technique du produit en cause’.
La CJUE a également apprécié que ‘les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques.
Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative.
Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif…’.
En l’espèce, la marque n°825
a été enregistrée pour les produits ‘biscuits enrobés ou nappés, notamment de chocolat ou de caramel’ de la classe 30.
Il doit être reconnu un certain degré de caractère distinctif à une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement.
Le caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
En l’espèce, la marque ayant été enregistrée pour les ‘biscuits enrobés ou nappés, notamment de chocolat ou de caramel’, soit des biscuits sucrés, c’est à raison que le jugement a estimé que les développements de la société Biscuits Poult quant aux biscuits salés étaient dépourvus de pertinence, le marché des biscuits sucrés et celui des biscuits salés ne se confondant pas. Si la société Biscuits Poult soutient que le marché pertinent est celui du snacking sucré et salé, en relevant que Mondelez est présenté comme un géant du snack sucré et salé et commercialise ses produits dans des distributeurs proposant indifféremment des en-cas sucrés et salés, les biscuits visés par l’enregistrement de la marque sont exclusivement sucrés, et ‘il existe une différence de nature entre les produits salés et les produits sucrés, se traduisant notamment par des modes de consommation différents, quand bien même ces produits seraient par ailleurs composés des mêmes ingrédients’.
Enfin, les produits de snacking sucrés et salés sont distribués dans des distributeurs automatiques au même titre que des boissons, de sorte qu’il ne peut être déduit de ce mode de distribution que tous les produits relèvent du même marché du snacking.
Le jugement n’est pas contesté en ce qu’il a relevé que le signe visé par la marque n°825 est un bâtonnet long et effilé au bout arrondi, de base cylindrique et d’apparence lisse ; il est bicolore, et présente du jaune sur le cinquième de sa longueur et du marron sur le reste.
Si l’utilisation des couleurs jaune pour le biscuit et marron pour le chocolat est banale, il n’est pas justifié que la forme d’un bâtonnet long et effilé au bout arrondi, de base cylindrique et d’apparence lisse, ait été courante pour les biscuits sucrés lors de l’enregistrement de la marque n°825.
En effet le biscuit ‘Finger’ présente une base plate et n’est pas cylindrique ni totalement lisse, il n’est pas bicolore mais entièrement recouvert de chocolat, et apparaît plus court ; si la société Biscuits Poult fait état d’un enregistrement d’un dessin et modèle n°942198 en 1994 par la société Soric, la cour observe qu’il s’agit d’un dessin et modèle et non d’une marque, qu’il n’est pas justifié de la commercialisation en France du produit correspondant, et que son apparence n’est pas lisse mais au contraire très irrégulière, comme couverte d’éclats, ce qui constitue une distinction nette avec la marque n°825.
Par ailleurs, les gressins sont salés, ne sont pas bicolores, sont plus larges et longs que les biscuits mikado correspondant à la marque n°825. De même les bretzels sont salés, d’apparence non lisse, et d’une seule couleur.
Au vu de ce qui précède, la société Biscuits Poult ne justifie pas de l’utilisation de la forme correspondant à la marque n°825 pour les produits pour lesquels celle-ci a été enregistrée, ce qui serait de nature à la priver de sa distinctivité.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu que la marque n°825 disposait d’une distinctivité intrinsèque.
S’agissant du grief relatif au caractère descriptif de la marque, il est à rappeler qu’un tel caractère ne saurait se confondre avec le caractère évocateur des produits visés par une marque.
Si le signe de la marque représente l’apparence du produit visé par la marque, il n’est pas une représentation des ‘biscuits enrobés ou nappés notamment de chocolat ou de caramel’, soit les produits visés par la marque, de tels produits pouvant revêtir de nombreuses apparences, ainsi que l’illustrent les pièces versées par la société Biscuits Poult.
C’est à raison que le jugement a retenu que le signe couvert par la marque n’est qu’une des représentations non nécessaire des produits visés par la marque, et que le libellé de ces produits ne dit rien de leurs formes, de leurs proportions et de celles de l’enrobage, ou de ses couleurs.
Les biscuits comme le chocolat pouvant prendre différentes couleurs par le recours aux colorants alimentaires, les couleurs jaune pour le biscuit et marron pour le chocolat ne sont pas imposées par la nature du produit visé par la marque.
De même si la société Biscuits Poult soutient que la forme du bâtonnet, cylindrique et lisse, est induite par la nécessité de le napper facilement de chocolat, il ressort du dossier que des biscuits nappés ou enrobés de chocolat ou de caramel présentent de multiples formes, et il n’est pas établi que cette forme de bâtonnet facilite son nappage plus qu’une autre forme.
Si l’embout dénudé a une utilité en ce qu’il permet au consommateur de manger le biscuit sans se salir les doigts, cette fonction peut être remplie par d’autres formes.
La fonction d’un biscuit enrobé ou nappé, notamment de chocolat ou de caramel, est d’être mangé, et elle n’induit pas la forme protégée par la marque n°825, celle-ci ne correspondant qu’à l’une des nombreuses formes que peut prendre un tel biscuit.
Il n’est en rien établi par la société Biscuits Poult que la forme fine et longue participe à améliorer le caractère croquant du biscuit, ou la saveur chocolatée de son nappage.
Aussi, si le signe visé par la marque représente un biscuit, sa forme ne constitue pas un résultat technique, et c’est à raison que le jugement a retenu que les proportions de nappage et la place qu’il occupe présentent une dimension esthétique plus importante que l’utilité de ne pas couvrir entièrement le biscuit afin de permettre sa dégustation sans que le consommateur ne se salisse les doigts, et a écarté le grief reposant sur le caractère descriptif de la marque.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de la marque n°825.
Sur l’atteinte à la renommée de la marque n°825
Sur la recevabilité des sociétés Mondelez Europe et Mondelez France, licenciée et sous-licenciée, à agir pour atteinte à la marque renommée
Les sociétés Mondelez Europe et Mondelez France soutiennent qu’en tant que licenciée et sous-licenciée de la marque, elles peuvent solliciter réparation du préjudice qu’elles subissent, le régime de l’atteinte à la marque renommée étant le même que celui de la contrefaçon de marque et de la marque de l’Union européenne. Elles font état des nouvelles dispositions du code de la propriété intellectuelle, et de la jurisprudence de la CJUE reconnaissant au licencié le droit d’agir en contrefaçon d’une marque communautaire même si le contrat de licence n’a pas fait l’objet d’une inscription.
Elles demandent subsidiairement que soit reconnue leur qualité à agir aux côtés de la société GBGF pour les atteintes à la marque renommée postérieure au 15 décembre 2019, date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions du code de la propriété intellectuelle, la société Biscuits Poult ayant continué après cette date à commercialiser les produits en cause.
La société Biscuits Poult sollicite la confirmation de l’irrecevabilité des sociétés Mondelez, le droit d’agir sur le fondement de la marque renommée étant réservé au propriétaire de la marque. Elle ajoute que le contrat de distribution exclusive GBGF- Mondelez Europe, qui a accordé à celle-ci une licence sur les marques, n’a jamais été inscrit au registre national des marques (RNM), et que la qualité de sous-licenciée de Mondelez France n’est pas établie.
Elle s’oppose à l’idée des appelantes d’interpréter le texte applicable à l’aune des nouvelles dispositions, relevant que les dispositions applicables au titre de l’Union européenne ne le sont pas pour une marque française.
S’agissant des faits survenus après l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, elle indique que les ventes constatées sont le seul fait de la société Carrefour, sans qu’il ne soit établi que l’intimée est le fabricant des produits en cause, de sorte qu’il ne peut être fait droit à cette demande.
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L’article L.713-5 al 1er du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable aux faits en cause, prévoit que ‘la reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière’.
Ce texte ne prévoit donc la possibilité que pour le propriétaire de la marque jouissant d’une renommée d’engager la responsabilité civile de l’auteur d’une reproduction ou d’une imitation de cette marque.
La société GBGF étant titulaire de la marque n°825, elle seule peut agir au titre de l’atteinte à la renommée de cette marque, et les appelantes ne peuvent déduire des nouveaux textes applicables qu’ils ont modifié les dispositions applicables lors de l’introduction de la demande.
Par ailleurs, si les sociétés Mondelez Europe et Mondelez France font état des nouvelles dispositions applicables à compter du 15 décembre 2019, issues de l’ordonnance du 13 novembre 2019, qui leur permettraient d’agir, en tant que licenciée et sous-licenciée, pour les atteintes à la marque renommée désormais qualifiées de contrefaçon, elles se fondent sur la poursuite par la société Biscuits Poult de la production et de la vente des biscuits en cause, toujours commercialisés par différentes enseignes de la grande distribution, et ne font état que d’un procès-verbal de constat du 4 novembre 2021 établissant l’achat de produits litigieux auprès de la société Carrefour. Or les indications figurant sur l’emballage de ces produits ne mentionnent que la société Carrefour, et il ne ressort pas des clichés photographiques joints au constat que les produits auraient été fabriqués par la société Biscuits Poult, de sorte que ce seul procès-verbal ne peut permettre aux sociétés Mondelez Europe et Mondelez France d’agir, aux côtés de la société GBGF, pour les atteintes à la marque renommée pour les faits postérieurs à l’entrée en vigueur le 15 décembre 2019 des articles L.713-3 et L.716-4 du code de la propriété intellectuelle, à l’encontre de la société Biscuits Poult.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré les sociétés Mondelez Europe et Mondelez France irrecevables pour défaut d’intérêt à agir au titre de l’atteinte à la marque de renommée.
Sur la renommée de la marque n°825
Rappelant les règles applicables à la marque renommée, les appelantes soutiennent que le jugement a à tort suivi l’analyse de la société Biscuits Poult, et retenu qu’il fallait des preuves d’usage de la marque à titre de marque, alors qu’il s’agit d’une marque tridimensionnelle constituée uniquement par l’apparence du produit. Elles affirment que l’important est que le produit ou sa représentation corresponde à la marque protégeant son apparence et que cette représentation soit perçue par une large fraction du public comme indiquant l’origine commerciale du produit. Elles affirment que la marque remplit ces conditions, et peut-être qualifiée de marque renommée.
Elles font état de décisions ayant reconnu à la marque une ‘renommée particulièrement intense’, et relèvent que la marque est largement exploitée en France depuis 1982, une place essentielle étant consacrée sur les emballages à la représentation du biscuit. Elles affirment que la représentation de plusieurs exemplaires du biscuit, disposés en faisceau, sur l’emballage des produits n’en altère pas le caractère distinctif.
Elles relèvent l’importance de la publicité, établissant la renommée de la marque, et avancent que l’usage de la marque peut prendre une forme différente du signe enregistré lorsque ces formes sont ‘globalement équivalentes’. Elles ajoutent que l’acquisition par l’usage de la renommée d’une marque ou de son caractère distinctif doit être appréciée au vu des produits et services visés par l’enregistrement. Elles citent des décisions qui auraient déduit de campagnes publicitaires, l’usage du signe en tant que marque, et la place importante prise par le signe correspondant à la marque dans les spots publicitaires, qui ont fait l’objet d’une large diffusion.
Elles invoquent le budget publicitaire consacré aux biscuits Mikado, et l’importance des volumes de vente de ces biscuits en France.
Elles soulignent la renommée de la marque protégeant la forme des biscuits mikado auprès des consommateurs français, indépendamment de la marque verbale mikado. EIles avancent que la grande notoriété du biscuit signifie qu’il exerce une fonction d’identification, et contestent le raisonnement du tribunal alors que la représentation du biscuit mikado coïncide avec la marque. Elles font état de la position de la Cour de cassation intervenue dans deux arrêts, de celle de l’EUIPO, et soulignent produire des enquêtes établissant la notoriété du biscuit mikado.
Elles citent ainsi une étude de 2004 révélant un taux de notoriété du biscuit de 69 %, ajoutant que la notoriété de la marque peut être établie par des éléments antérieurs à son dépôt, ce d’autant que les enquêtes postérieures montrent le maintien de cette renommée.
Elles invoquent également une étude TNS Sofres 2006 révélant la notoriété très importante du biscuit mikado ce qui illustre l’aptitude de la forme du biscuit mikado à identifier et garantir l’origine de la marque, et que la ‘forme marque’ est des plus connues du public. Elles écartent les observations de la société Biscuits Poult quant à la pertinence de cette enquête.
Elles font état d’une troisième enquête réalisée en 2016 portant notamment sur le biscuit mikado ‘nu’, qui établit la renommée de la marque protégeant l’apparence du biscuit mikado, et le fait que la forme torsadée du biscuit Poult n’est pas en soi déterminante. Elles mettent en avant le sérieux de cette enquête, son objectivité – du fait notamment de la représentativité des panels de consommateurs sondés -, et écartent les critiques de la société Biscuits Poult. Elles relèvent que les personnes sondées n’ont été confrontées qu’aux biscuits, ont décrit majoritairement le produit en visant ‘mikado’, et ont choisi la marque Mikado à au moins 80% pour désigner tant les biscuits mikado que ceux de la société Biscuits Poult.
Elles citent un livre de recettes de cuisine à partir de biscuits mikado, et rappellent que la renommée de l’apparence des biscuits mikado a été reconnue par une décision judiciaire de 2006 ainsi que par l’EUIPO et par le tribunal de l’Union européenne.
La société Biscuits Poult estime que le tribunal a, à raison, retenu que la marque 825 n’était pas une marque renommée, l’usage du signe devant intervenir à titre de marque et sous une forme n’en altérant pas la distinctivité. Elle indique que la CJUE exige l’usage de la marque en tant que marque, que les pièces doivent porter sur la marque elle-même et démontrer que le signe est perçu comme une indication d’origine, ce qui n’exclut pas qu’un usage bidimensionnel puisse établir l’usage d’une marque tridimensionnelle. Elle rappelle que l’usage de la marque sous une forme modifiée constitue un usage de marque, si l’usage n’altère pas son caractère distinctif. Elle soutient que l’arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 2021 méconnaît la jurisprudence de la CJUE en retenant que la représentation bidimensionnelle d’une marque tridimensionnelle peut faciliter la connaissance de cette marque par le public. Elle ajoute que la marque de renommée est celle qui, connue d’une large fraction du public, exerce un pouvoir attractif au-delà des produits désignés, et ajoute que la justification de la renommée doit porter sur la marque elle-même. Elle fait état de trois arrêts de la CJUE imposant que l’identification au service d’une entreprise déterminée doit être effectuée grâce à l’usage de la marque en tant que marque comme provenant d’une entreprise déterminée, et rappelle l’obligation d’utiliser une marque selon sa fonction de garantie de l’origine économique.
Elle analyse les éléments produits par les appelantes, et notamment les volumes de ventes de la gamme de biscuits mikado, non pertinents en ce qu’ils ne portent pas sur le seul territoire français et les seuls produits ‘mikado classiques’. Elle affirme que la représentation démultipliée du même biscuit ne répond pas aux exigences de l’usage d’une marque, et que celle des indications LU et MIKADO sur les emballages, correspondant aux marques, permettent de nommer l’origine du produit, sont distinctives et sont mises en avant par leurs caractéristiques visuelles et par leur positionnement. Elle avance que les éléments soi-disant distinctifs de la marque ne se retrouvent pas sur les emballages dans l’entièreté de la marque, que la marque y est peu visible.
S’agissant des campagnes publicitaires, elle affirme que les slogans ne représentent jamais le biscuit, que le biscuit est représenté en tant que produit destiné à être mangé et non en tant que marque, alors que l’indication d’origine est assurée par la marque Mikado et le nom Mikado. Elle écarte les captures d’écran de films publicitaires, dans lesquels le biscuit apparaît pour être mangé, et ces films s’achevant tous par la représentation des emballages avec les marques LU et Mikado. Elle ajoute que les articles de presse ne comportent pas de représentation du biscuit mikado classique, que le nombre d’abonnés aux réseaux sociaux des appelantes est indifférent au regard de la nécessité d’usage du signe en tant que marque, qu’il en est de même du livre de recettes consacré aux biscuits mikado ou des informations sur l’usine de fabrication des biscuits. Elle analyse les décisions citées par les appelantes comme leur étant favorables.
Concernant les études invoquées par les appelantes, elle rappelle les principes relatifs à leur force probante, au vu desquels le tribunal a estimé ces études peu convaincantes. Elle relève que l’étude TNS Sofres de 2004 est inopérante à établir la renommée de la marque 825 déposée postérieurement, que celle de 2006 repose sur des questions biaisées, tant pour la composition des panels que dans le questionnaire. S’agissant de l’étude in vivo BVA de 2016, elle fait sienne l’analyse du tribunal sur la faiblesse quantitative du panel et l’imprécision des questions et critique le recours à un panel de sondés constitué par des questions orientées d’internautes attendant une rétribution. Elle souligne que l’échantillon recruté, soit 150 personnes voire moins, est des plus faibles, dénonce la réalisation de l’étude sur smartphones, et le fait qu’a été présenté aux sondés un biscuit et non la marque 825. Elle critique les résultats obtenus, plusieurs réponses ayant été données par chaque sondé, qui ne permettent pas de savoir si le biscuit est perçu comme signe et comme produit.
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L’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, prévoit que ‘la reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière’.
De même l’article 5§2 de la Directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques indique que ‘tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou comparable à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas comparables à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice’.
Cet article 5§2 doit être interprété en ce sens que, pour bénéficier d’une protection élargie à des produits ou à des services non similaires, une marque enregistrée doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle.
Pour déterminer si la marque est connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par cette marque, le juge national doit prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir.
Doit être notamment pris en compte l’usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, la représentation bidimensionnelle d’une marque tridimensionnelle pouvant notamment faciliter la connaissance de la marque par le public pertinent lorsqu’elle permet de percevoir les éléments essentiels de la forme tridimensionnelle du produit.
Le jugement n’est pas contesté lorsqu’il indique que cette renommée doit être appréciée sur le territoire français, auprès du consommateur français normalement attentif et raisonnablement avisé.
Une marque tridimensionnelle peut acquérir, le cas échéant, un caractère distinctif par l’usage, même si elle est utilisée conjointement avec une marque verbale ou une marque figurative. Tel est le cas lorsque la marque est constituée par la forme du produit ou de son emballage et que ceux-ci sont systématiquement revêtus d’une marque verbale sous laquelle ils sont commercialisés.
Il convient toutefois de souligner que, par essence, une marque tridimensionnelle ne se confond pas avec sa représentation graphique bidimensionnelle. Il s’ensuit que lorsqu’une image du produit figure sur l’emballage, les consommateurs ne sont pas confrontés à la marque elle-même, en tant que marque constituée par la forme tridimensionnelle du produit. Il ne saurait toutefois être exclu que la représentation bidimensionnelle d’une telle marque puisse, le cas échéant, faciliter la connaissance de la marque par le public pertinent lorsqu’elle permet de percevoir les éléments essentiels de la forme tridimensionnelle du produit.
En ce qui concerne l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, l’identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d’une entreprise déterminée doit être effectuée grâce à l’usage de la marque en tant que marque. L’expression « usage de la marque en tant que marque » doit être comprise comme se référant à un usage de la marque aux fins de l’identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d’une entreprise déterminée.
Ainsi, tout usage de la marque, a fortiori l’utilisation d’une représentation bidimensionnelle d’une marque tridimensionnelle, ne constitue pas nécessairement un usage en tant que marque.
Enfin, il ne suffit pas qu’un signe ait été vu par de nombreuses personnes, il est également nécessaire que ces personnes soient capables d’attribuer à ce signe une fonction distinctive.
Le degré de connaissance requis doit être considéré comme atteint lorsque la marque antérieure est connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par cette marque.
L’éventuelle circonstance que des éléments de preuve reproduisent la forme tridimensionnelle voire l’image bidimensionnelle, du produit sur des supports publicitaires, des articles, des emballages ou des décorations, ne constitue pas, en tant que telle, une raison suffisante pour considérer que de tels éléments ne seraient pas idoines à prouver la renommée de la marque.
Enfin, le titulaire d’une marque tridimensionnelle peut, aux fins d’établir la renommée de celle-ci, se prévaloir d’éléments prouvant sa renommée sous une forme qui n’est pas strictement identique à celle sous laquelle celle-ci a été enregistrée.
S’agissant de la représentation des biscuits Mikado sur les emballages, les appelantes font état de pièces établissant l’exploitation du signe sur le marché français depuis 1982, et leur pièce 36 établit que le packaging dans lequel sont proposés à la vente les produits dénommés Mikado a évolué à plusieurs reprises depuis 1984, et que le nombre des signes protégés par la marque qui y apparaissent a varié, comme leur disposition.
La cour considérera que les représentations figurant sur les emballages de Mikado chocolat blanc, chocolat noisette et king choco, ne peuvent être invoqués utilement pour établir la renommée de la marque 825, du fait de la représentation en une seule couleur pour le chocolat blanc, ou avec des guirlandes de chocolat sur le bâtonnet chocolaté pour les autres, qui diffèrent sensiblement de la marque.
Le signe apparaît sur les packaging en 1984 en nombre comme entremêlés entre eux comme dans une partie du jeu de mikado, puis de façon plus ordonnée, les signes étant alors plus ou moins superposés les uns aux autres ; à compter de 1990 les signes y sont en nombre plus réduit, de 7 en 1990 à 3 en 2009, puis en faisceau de 8 à 9 à compter de 2011.
A compter de 2009 un signe correspondant à la marque se trouve également représenté sur la face latérale du conditionnement, il y figure en position verticale, et au milieu de cette représentation se trouve en surimpression le signe Mikado, dont il n’est pas contesté qu’il constitue aussi une marque ; le jugement a relevé qu’il s’agissait d’une représentation très proche de la marque, caractérisant un usage à titre de marque, le produit n’étant pas représenté pour lui-même mais en tant que signe le rattachant à une entreprise ou à des marques ombrelles. Il sera suivi en ce qu’il a retenu que la surimpression d’une autre marque n’est pas de nature à altérer le caractère distinctif de la marque 825 dont les caractéristiques essentielles peuvent être appréciées très facilement.
En 2004 le signe est visible sur la face avant dans toute sa dimension même s’il ne peut être entièrement appréhendé, puisque figure aussi en surimpression la marque Mikado.
A partir de 2009, un signe correspondant à la marque 825 peut être observé sur la face avant de l’emballage, en son entièreté.
Le signe est toujours représenté en position principalement verticale, toujours en plusieurs exemplaires, et avec une représentation de carrés de chocolat, ainsi parfois que de coulis de chocolat. Il figure presque toujours sous la marque Mikado en gros caractères, avec un rond rouge. Il apparaît représenté sur cette face avant en 8 ou 9 exemplaires à compter de 2011 disposés en faisceau.
Si, dans les conditions dans lesquelles le signe est toujours représenté de façon plurielle sur la face avant, associé à du chocolat, sous la marque Mikado, il peut être avancé que c’est le produit contenu dans l’emballage – soit des biscuits – et non la marque, qui est représenté, et que le consommateur appréhendera les éléments figurant sur le paquet comme descriptifs du contenu, soit des biscuits au chocolat, se trouvant dans l’emballage, il n’en demeure pas moins que ‘doit notamment être pris en considération l’usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée. La représentation bidimensionnelle d’une marque tridimensionnelle peut notamment faciliter la connaissance de la marque par le public pertinent lorsqu’elle permet de percevoir les éléments essentiels de la forme tridimensionnelle du produit’.
La pluralité des représentations du signe sur les emballages, qui peut illustrer les biscuits qui y sont contenus, correspond aussi à la représentation de la marque tridimensionnelle 825 sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée.
Si la forme tridimensionnelle constituant la marque peut être perçue comme la représentation du biscuit vendu il convient néanmoins de relever que, bien que le biscuit dont la forme constitue la marque 825 ne soit pas vendu à l’unité, il est apparu pendant plusieurs années, représenté de façon isolée, notamment sur la tranche des emballages, et constitue alors une indication d’origine du produit.
L’emballage de face montre plusieurs biscuits et la particularité de leur forme qui, ainsi reproduite, sera perçue au-delà de la représentation du produit lui-même, comme une identification de l’origine commerciale de celui-ci.
Dès lors, et au vu de la position et de la place occupées par le signe sur les emballages, ces représentations permettent l’identification de l’origine commerciale des produits.
S’agissant de la publicité, il est établi par les pièces versées que des campagnes de communication télévisuelles portant sur le biscuit Mikado ont été diffusées depuis les années 1980, qu’en 2014 une campagne d’affichage publicitaire associant le signe protégé par la marque n°825 à des slogans humoristiques a été diffusée en France avec une place prépondérante donnée à la représentation du signe, figurant sous une forme ‘globalement équivalente’ permettant aisément aux consommateurs de percevoir les éléments essentiels de la forme tridimensionnelle de la marque, et ce même si les slogans des publicités audio-visuelles ne représentent pas le signe. Les slogans utilisés lors de plusieurs campagnes soulignent certaines caractéristiques du signe 825, lequel occupe une place centrale dans la plupart des spots publicitaires, certains fondant leur message sur l’exploitation de la forme particulière du signe, présenté indépendamment de l’emballage des produits (pièce 20 appelantes).
La société Biscuits Poult ne peut invoquer le fait que certains slogans reposent sur l’idée que le signe se mange ou va être mangé, et viseraient ainsi sa dimension ‘produit’ comestible et non la marque, alors qu’une partie importante des vidéos sont en partie consacrées à représenter le bâtonnet en train d’être recouvert de chocolat, et que certains spots (pièce 26) ne montrent que cet enrobage progressif du bâtonnet par du chocolat – sans qu’il ne soit mangé -, ce qui donne une importance au signe en tant que marque.
En ce qui concerne le budget publicitaire, certaines données (pièce 9-5) portent sur les budgets de publicité engagés en France entre 2015 et 2020, alors que les faits reprochés à la société Biscuits Poult remontent à 2014. Le jugement a relevé que les dépenses publicitaires (pièces 21 et 21-1) ne distinguaient pas la promotion du biscuit de celle du signe, de sorte qu’elles n’étaient pas pertinentes. Pour autant, la promotion du produit, soit le biscuit, participe en partie à la promotion de la marque ayant une représentation identique, ce alors qu’il a été considéré que les campagnes de publicité ne présentaient pas uniquement le produit destiné à être mangé, mais que le signe correspondant à la marque était l’objet même de la publicité.
Il est justifié que les investissements pour les biscuits mikado ‘classiques’ ont représenté en France, au cours des années 2008 à 2014, un budget allant de 7,727 millions d’euros (pour l’année 2010) à 1,841 millions d’euros (pour l’année 2012), de sorte que la marque a profité pour partie de cette promotion du biscuit. Les appelantes produisent aussi des pièces visées par le contrôleur financier de la société Mondelez France, selon lesquelles les dépenses de publicité pour les Mikado classiques ont été, au cours des années 2015 à 2020, de 4,1 à 11,6 millions d’euros.
S’agissant des volumes de vente, les appelantes ont produit un extrait d’étude réalisé par la société Nielsen, présentée comme le leader mondial des études de marché, selon laquelle les volumes de ventes du biscuit Mikado classique en France se sont accrus de 856 tonnes en 1994 à 3001 tonnes en 2020, que les ventes annuelles ont chaque année été supérieures à 1.000 tonnes à compter de 1995, et à 1.800 tonnes à compter de 2002. Ces données sont certifiées par le directeur des ventes de la société Mondelez pour la France.
Il est fait également état de deux articles de journaux de 2006 et de 2012 retenant 25 millions de paquets de biscuits Mikado consommés chaque année en France, sans cependant qu’il ne soit indiqué dans ces articles l’origine de cette donnée, ni si elle portait sur tous les biscuits Mikado ou seulement sur les biscuits Mikado classiques.
Des données sont enfin produites faisant état de parts de marché, exprimées en volume, allant entre 2012 et 2015 pour les biscuits Mikado classiques de 0,5 à 0,6 unité, ce chiffre progressant jusqu’à 0,9 en 2020 ; de parts de marchés exprimées en valeurs, allant entre 2012 et 2015 pour les biscuits Mikado classiques de 1,4 à 1,6, ce chiffre progressant jusqu’à 1,8 en 2020, le marché pertinent étant celui des biscuits.
Les données les plus pertinentes, antérieures à l’année 2015, reflètent l’importance des ventes des produits Mikado classiques, dont la marque a pu profiter car, même si les volumes de vente portent sur les produits ‘biscuits’ et non sur le signe ‘marque’, la représentation tridimensionnelle de la marque correspond à l’apparence du produit biscuit, permettant l’identification de son origine commerciale.
S’agissant de la connaissance de la marque 825 par le consommateur français, les appelantes produisent trois études d’opinion, afin de soutenir la notoriété de la marque 825.
L’étude TNS Sofres réalisée en février 2004 établit que le produit Mikado est connu de 79% des personnes interrogées, et que parmi celles qui connaissent le produit, 69% de ces personnes associent ce produit à la marque mikado.
Sur ce point, le jugement et la société Biscuits Poult ont relevé que cette étude porte sur un produit et non sur la marque ; par ailleurs, elle a été réalisée avant l’enregistrement de la marque 825, même si l’importance de l’usage d’un signe avant son dépôt à titre de marque peut être invoquée.
La 2ème étude TNS Sofres, réalisée en août 2016, porte sur la notoriété de l’emballage dans lequel sont proposés les produits concurrents du biscuit mikado, emballage sur lequel sont représentés de nombreux biscuits. Cette étude est donc susceptible d’établir la connaissance par le public de l’emballage, plus que des produits qui y sont proposés et de la marque sous laquelle ils sont distribués.
Néanmoins, 96 % des consommateurs de biscuits mikado et 73 % des non-consommateurs ont considéré que la marque du paquet de biscuits caviardé était mikado, ce alors que l’élément essentiel d’identification figurant sur le paquet de biscuits en cause était une représentation de plusieurs formes très proches de celle du biscuit mikado, sans aucune dénomination. Ce qui tend à établir qu’au vu de la représentation de plusieurs formes entremêlées de biscuits semblables ou très proches de la forme protégée par la marque 825, les sondés ont cité la marque mikado comme celle devant figurer sur ce paquet de biscuits, ce qui est de nature à illustrer la connaissance du biscuit mais aussi de cette marque par le public.
Une troisième étude est produite, réalisée par l’agence In vivo BVA en mai 2016 auprès de 450 personnes acheteuses de biscuits au cours de l’année écoulée, divisées en trois groupes de 150 personnes chacun, le premier composé de personnes exposées au produit mikado, le deuxième au produit mikado King Choco, le troisième au produit Poult.
Selon cette étude, 43 % des personnes associent spontanément le biscuit Poult à un mikado, dont la représentation prend la forme, en verticale, de la marque 825. Et lorsque le nom de la marque est proposé, une grande partie des consommateurs du biscuit Poult l’associe à la marque Mikado (60 % spontanément, 66 % face à une liste de marques).
La société Biscuits Poult fait état du caractère peu fiable de cette étude, au vu des méthodes employées -sondage de volontaires en attente de gratification, incités à participer à un maximum d’études, réalisées par téléphone mobile-, de l’ignorance de la façon dont les panels sont constitués, de leur orientation implicite des réponses et du nombre très restreint de personnes constituant l’échantillon, puisque seulement 150 personnes auraient visualisé les 3 biscuits.
Pour autant, il est à rappeler que le fait que la forme tridimensionnelle soit traitée comme un produit et non comme une marque n’affecte pas la fiabilité de l’étude, de sorte que la société Biscuits Poult ne peut utilement mettre en avant le fait que ce soit un biscuit mikado, et non la marque 825, qui a été présenté aux sondés.
57% des membres du panel ayant vu un biscuit mikado l’ont décrit en indiquant ‘mikado’ ou ‘comme un mikado’, étant précisé que chaque sondé pouvait donner plusieurs réponses de sorte que le total des réponses à cette question dépassait 200 %. Ainsi, invités à décrire le produit vu, les sondés ont massivement (141%) visé des caractéristiques du produit (type, forme, chocolat) ; si la société Poult en déduit que cela révèle que la représentation du biscuit a été aussi perçue comme une marchandise consommable, plutôt que comme une marque, il est à considérer qu’il est normal que la description d’un produit soit faite selon ses caractéristiques, et que celles du biscuit mikado protégées par la marque sont bien présentes à l’esprit du consommateur.
Au vu de ce qui précède, cette enquête participe à illustrer, malgré notamment le faible nombre de sondés, la connaissance de cette marque par le public.
Les appelantes versent également un livre de recettes de cuisine à base de biscuits mikado, paru en août 2013, sur la couverture duquel figurent des représentations du biscuit, très proches de la marque 825.
L’ensemble de ces éléments établit que la marque 825 bénéficie d’une renommée acquise.
Du reste, la chambre de recours de l’EUIPO a, dans une décision du 11 mai 2018, retenu que l’intensité de la renommée de la marque 825 était particulièrement élevée, et le Tribunal de l’Union Européenne, saisi d’un recours à l’encontre de cette décision, a par arrêt du 28 février 2019 notamment indiqué que ‘c’est à juste titre que la chambre de recours a reconnu que la marque antérieure bénéficiait d’une renommée particulièrement intense’, et constaté que ladite marque était ‘pourvue d’un caractère distinctif supérieur à la normale’.
Au vu des développements qui précèdent, il convient, par infirmation du jugement, de conclure que la marque 825 est une marque renommée.
Sur le lien établi entre le biscuit Poult et la marque renommée 825
Les appelantes soutiennent, au vu des critères posés par la jurisprudence, que le biscuit Poult présente avec la marque un degré de similitude élevé. Elles relèvent que le biscuit contesté est bicolore et évoque, comme la marque, un bâtonnet composant le jeu de mikado, la seule différence résidant dans l’aspect légèrement torsadé du biscuit litigieux, ce qui est peu relevé par les consommateurs. Elles ajoutent que ce biscuit présente néanmoins un aspect lisse comme le signe protégé par la marque. Elles font état de la famille de marques à laquelle appartient la marque 825, qui renforcerait l’identité des produits et les similitudes entre la marque et le biscuit querellé, le consommateur pouvant considérer que celui-ci est une déclinaison des biscuits Mikado, ou qu’ils ont une origine commerciale commune.
Elles soulignent les fortes similitudes visuelles et conceptuelles des biscuits litigieux avec les biscuits mikado, ce que montre aussi l’étude In Vivo qui établit un risque de confusion, dont les résultats sont à tort remis en cause par l’intimée. Elles en déduisent qu’un lien entre les biscuits litigieux et la marque est sans doute établi par le public concerné, et contestent ‘l’effort de différenciation’ invoqué par la société Poult, laquelle ne peut expliquer que la forme de son biscuit soit si proche de celle des biscuits mikado.
Elles indiquent que l’atteinte au caractère distinctif de la marque se traduit par l’affaiblissement de sa capacité à exercer sa fonction de garantie d’origine des produits, et que le risque de dilution est d’autant plus important que les biscuits de la société Poult sont proposés à la grande distribution comme produits de substitution aux biscuits mikado. Elles avancent que l’accroissement des ventes des biscuits mikado aurait été supérieur en l’absence du biscuit de la société Poult, qui tend à banaliser la marque.
Elles dénoncent le profit indûment tiré par la société Poult de l’exploitation du pouvoir évocateur et fortement attractif de la marque, ce dont a convenu le tribunal au titre du parasitisme, et relèvent que l’intimée ne justifie d’aucune dépense de marketing ou de promotion pour le lancement de ses produits. Elles rejettent l’argument de l’intimée selon lequel ses investissements ne servent pas à copier à l’identique la marque antérieure renommée.
La société Poult soutient que le titulaire de la marque doit démontrer en quoi l’atteinte à la renommée lui cause préjudice. Elle exclut toute similarité entre ses biscuits vrillés et le signe protégé par la marque, rappelant que c’est avec celle-ci que doit s’effectuer la comparaison. Elle fait état des caractéristiques visuelles de son bâtonnet chocolaté vrillé, différentes de celles de la marque, et indique que la liberté de création est limitée pour ce type de biscuits. Elle ajoute que la forme vrillée de son biscuit évoque une mèche de perceuse, qu’il est vendu sous un nom soulignant son aspect torsadé et n’évoquant donc pas le jeu mikado, que sa forme constitue une différenciation forte avec la marque et est antinomique avec le jeu mikado. Elle conteste la force probante de l’étude In Vivo BVA, au vu de la très faible taille de l’échantillon retenu (150 personnes), du choix du biscuit présenté et du mode de présentation (clichés présentés sur des écrans de téléphones mobiles). Elle affirme que les appelantes cherchent à protéger un genre, ce qui est interdit, et relève que des enseignes de grande distribution proposent aussi un biscuit chocolaté en forme de bâtonnet. Elle souligne l’effort de différenciation qu’elle a entrepris pour concevoir ses produits, qui constitue un juste motif puisque, au vu du principe de la libre concurrence, il est nécessaire qu’elle puisse offrir un produit alternatif à celui de la marque 825.
Elle soutient que l’existence d’une famille de marques ne peut être invoquée car le contrat de distribution exclusive du 18 octobre 2013 ne porte pas sur les ‘Mikado King Choco’ de sorte que seules deux marques pourraient être invoquées, ce qui ne suffit pas à constituer une famille. Elle ajoute que la forme de bâtonnet n’est pas un élément dominant commun aux marques invoquées, qu’elle n’est pas distinctive, que la surface ‘lisse et rectiligne’ revendiquée ne se retrouve pas sur tous les biscuits mikado. Elle avance que les trois marques citées au titre d’une famille de marques n’ont pas le même message conceptuel, qu’il n’est pas justifié de leur usage, de sorte qu’une telle famille ne peut être invoquée.
Elle en déduit que les appelantes échouent à prouver le lien fait par le consommateur entre les biscuits Poult et la marque 825, ce d’autant qu’aucun préjudice n’est établi.
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L’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit que
‘Ne constitue pas une contrefaçon mais engage la responsabilité civile de son auteur l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, non autorisé par le titulaire d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque ;
3° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la notoriété de la marque, ou leur porte préjudice’.
Les parties s’entendent pour retenir que les atteintes à la marque renommée, ‘lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque et le signe, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre la marque et le signe, c’est-à-dire établit un lien entre ceux-ci alors même qu’il ne les confond pas’.
Il revient au titulaire de la marque d’établir l’existence du préjudice qu’il subit.
La preuve que l’usage de la marque postérieure porte ou porterait préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure suppose que soient démontrés une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée consécutive à l’usage de la marque postérieure ou un risque sérieux qu’une telle modification se produise dans le futur.
Si le fait pour des concurrents d’utiliser des signes ayant une certaine similitude pour des produits identiques ou semblables compromet l’association immédiate que le public pertinent fait entre les signes et les produits en cause, ce qui est de nature à porter atteinte à l’aptitude de la marque antérieure à identifier les produits pour lesquels elle est enregistrée, la CJUE a clairement exprimé la nécessité d’exiger un standard de preuve plus élevé pour pouvoir constater le préjudice ou le risque de préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure.
Il revient à la cour de se livrer à une appréciation globale de l’existence du lien qui pourrait être fait dans l’esprit du public entre le signe incriminé et la marque renommée antérieure prenant en compte l’intensité de la renommée de ladite marque, le degré de son caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, ainsi que la similitude, sinon l’identité, des produits en cause.
En l’espèce, il convient de comparer la marque 825 telle qu’enregistrée, soit :
et les biscuits Poult
Les biscuits n’étant pas la reproduction à l’identique de la marque antérieure, il convient de procéder à une comparaison des signes en cause, étant considéré que l’existence d’un risque de confusion n’est pas requis pour une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, les atteintes à la marque renommée pouvant ‘être d’un degré moindre de similitude… pour autant que celui-ci est suffisant pour que le public concerné effectue un rapprochement entre lesdites marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci’.
D’un point de vue visuel, la marque 825 est enregistrée pour des ‘biscuits enrobés ou nappés notamment, de chocolat ou de caramel’, et le biscuit Poult représente un bâtonnet pour partie chocolatée.
Les deux signes ont une forme longue et fine, ils sont tous les deux recouverts sur leur plus grande partie d’un revêtement chocolaté (la marque visant aussi un revêtement caramélisé), la société Poult reconnaissant que son biscuit est recouvert au trois quarts de chocolat.
Ils présentent les deux mêmes couleurs chocolat et beige.
L’une des extrémités du biscuit laisse, dans les deux cas, apparaître le biscuit nu, tandis que l’autre extrémité est légèrement arrondie.
La marque 825 représente un bâtonnet droit, lisse, alors que le biscuit Poult tourne sur lui-même sur toute sa longueur. Cet aspect torsadé donne au biscuit Poult un aspect légèrement plus massif que celui présenté par la marque 825, lequel apparaît plus longiligne et plus fin.
Si la société Poult souligne l’aspect torsadé et vrillé sur toute sa longueur de son biscuit, il n’en demeure pas moins que leurs formes générales respectives sont très proches, qu’ils sont tous les deux bicolores avec les mêmes couleurs réparties d’une façon quasi-similaire.
Si la société Poult relève que son biscuit n’est jamais présenté isolément et à nu, mais vendu dans un packaging portant une dénomination soulignant son aspect torsadé, la cour observe que ce biscuit est néanmoins représenté sur tous les packaging.
D’un point de vue conceptuel, la marque 825 montre un biscuit sous la forme d’un bâtonnet long et fin.
Les appelantes considèrent que les deux signes évoquent le jeu de société d’origine japonaise mikado, alors que la société Poult soutient que seul le signe protégé par la marque 825 évoque ce jeu, la forme vrillée du biscuit Poult étant antinomique avec ce jeu, du fait qu’il tourne sur lui-même sur toute sa longueur.
Si, à suivre la société Poult, le caractère torsadé de son biscuit Poult évoque la forme de mèches de perceuse, celles-ci ne sont pas vrillées sur toute la longueur et présentent rarement un caractère bicolore, quand bien même ces caractéristiques ne seraient pas visibles lorsqu’une mèche est positionnée sur une perceuse ; par ailleurs, les biscuits Poult sont représentés intégralement sur les paquets dans lesquels ils sont commercialisés de sorte que la partie non chocolatée y est également visible.
La société Poult critique l’étude In Vivo BVA de 2016 réalisée par les appelantes, selon laquelle 14 % seulement des personnes mises en présence du biscuit Poult décriraient son aspect comme ‘tordu/torsadé’, alors que 41% le décrivent comme un ‘bâton/stick, en forme de baguette, de bâtonnet’, en retenant notamment que cette donnée a été obtenue auprès d’un panel trop peu représentatif, composé de 150 personnes, sans démontrer que ce nombre ait encore été divisé par quatre. Il sera néanmoins indiqué que cette étude fait apparaître que 60 % des personnes confrontées aux biscuits Poult l’associent à la marque mikado.
Au vu des développements qui précèdent, les différences conceptuelles avancées par la société Poult ne sont pas de nature à établir une différence nette entre les deux bâtonnets, qui sont tous les deux de forme longue, étroite, bicolore et présentant les deux mêmes couleurs, ce qui apparaît dominant.
Les appelantes invoquent l’existence d’une famille de marques, laquelle nécessite que plusieurs marques contiennent le même élément caractéristique dominant et soient exploitées, et il revient aux appelantes d’apporter la preuve de l’usage effectif des marques de la famille invoquée.
Or, alors que la société Biscuits Poult relève que la carence des appelantes à établir l’usage des marques n°94533338 et 3725291, les appelantes ne produisent pas de pièce pour justifier de l’usage effectif de ces marques, l’existence d’une décision de l’EUIPO reconnaissant une telle famille ne pouvant les dispenser d’établir une exploitation effective de ces marques, que ne saurait établir la seule production d’un contrat de distribution entre les appelantes.
Aussi, l’existence d’une famille de marques telle que le demandent les appelantes ne sera pas retenue.
Par ailleurs, si la société Biscuits Poult fait état de l’effort de différenciation qu’elle aurait engagé pour distinguer ses biscuits, l’appréciation d’un ‘juste motif’ expliquant l’atteinte à la marque antérieure n’intervient qu’après la caractérisation de l’atteinte subie par le titulaire de la marque renommée.
Il résulte de ce qui précède que le biscuit Poult présente avec la forme protégée par la marque 825 une proximité visuelle et conceptuelle certaine, suffisant pour que le public concerné effectue un rapprochement entre eux et établisse un lien entre le biscuit Poult et la marque précitée.
Sur l’atteinte à la marque renommée
Les appelantes indiquent qu’il y a atteinte à la marque renommée lorsque celle-ci perd sa capacité à évoquer instantanément dans l’esprit du public pertinent le produit protégé, et qu’il n’est pas exigé qu’un préjudice concret et actuel soit démontré dès lors qu’il existe un risque sérieux qu’il se réalise. Elles indiquent que les biscuits de la société Biscuits Poult étant présentés comme des alternatives aux biscuits mikado, le risque de dilution de la renommée de la marque 825 n’est pas hypothétique, ce d’autant que beaucoup de consommateurs croient que le biscuit Poult est de marque Mikado, et que les enseignes de la grande distribution recherchent une telle assimilation à une nouvelle variété de la gamme Mikado, laquelle s’enrichit régulièrement.
Elles soulignent que leurs ventes de biscuits mikado ont moins progressé que celles des ventes de biscuits bâtonnets des MDD, marché sur lequel la société Biscuits Poult occupe une place de leader, ce qui révèle que les biscuits Poult ont ‘cannibalisé’ les ventes des biscuits Mikado.
Elles dénoncent la reprise délibérée du signe protégé par la marque 825, par le biscuit Poult, ce qui a été reconnu au titre du parasitisme dans la décision dont appel, la société Biscuits Poult bénéficiant ainsi de leurs investissements et de la place occupée par leurs produits sur le marché français. Elles relèvent que l’intimée ne justifie d’aucune dépense de marketing ou de promotion de ces produits, puisqu’elle a pu profiter des leurs.
Elles écartent le juste motif invoqué par la société Biscuits Poult, cette notion reposant sur l’appréciation de la bonne foi de l’utilisateur, alors qu’en l’espèce l’intimée a mis en place une chaine de fabrication de biscuits portant délibérément atteinte à leurs droits.
La société Biscuits Poult relève la tardiveté de l’action engagée par les appelantes, deux années après le début de la commercialisation de ses produits, et qu’alors que les ventes des biscuits mikado étaient en baisse, elles ont depuis augmenté, ce qui établit l’absence de tout préjudice subi par les appelantes.
Elle affirme qu’il revient aux appelantes de démontrer un préjudice certain, direct et actuel, et qu’elle-même démontre qu’elles n’en ont pas subi. Elle conteste le ‘lancement régulier’ de nouveaux biscuits mikado ou l’existence de partenariats de ‘co-branding’, alors que seules trois variétés de nouveaux biscuits mikado ont été commercialisés depuis 1982.
Elle revendique avoir consacré quatre années à la création et à la conception de son biscuit, avoir engagé des frais de recherche et de développement importants, de sorte qu’elle n’a pas bénéficié de la réputation des biscuits mikado pour commercialiser son biscuit vrillé. Elle relève que les appelantes ont dirigé leur procès contre elle seule, et non contre les enseignes de grande distribution, alors que ce sont celles qui profitent de la commercialisation des produits sous leurs noms, marques et emballages, ce d’autant qu’elle-même n’est pas responsable des emballages sous lesquels ses produits sont vendus. Elle ajoute que des enseignes de hard discount proposent aussi en France des produits similaires.
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La protection renforcée accordée aux marques renommées est accordée lorsque l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.
La preuve que l’usage du signe porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure suppose que soient démontrés une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, ou un risque sérieux qu’une telle modification se produise dans le futur. Une telle déduction ne doit pas reposer sur de simples suppositions mais sur une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toutes autres circonstances de l’espèce.
Les appelantes relèvent que le risque de dilution est d’autant moins hypothétique que les produits Poult sont proposés aux enseignes de la grande distribution comme une alternative aux produits Mikado, et que l’identité des produits et la similitude de leur forme engendre un risque de confusion contribuant à troubler l’identité de la marque.
Selon l’étude In vivo BVA, 62 % des consommateurs ‘en spontané’ et 84 % ‘en assisté’ ont assimilé le biscuit Poult à la marque mikado, même s’il convient de noter que le panel auprès duquel ces données ont été établies était constitué de 150 personnes, ce qui paraît faible.
Il est justifié qu’en 2011 une opération de co-branding a concerné la marque mikado, et que deux autres nouvelles variétés de mikado ont été commercialisées (mikado King Choco en 2012, mikado stick en 2015), avec des variations de forme, peu de temps avant ou concomitamment à l’arrivée sur le marché des biscuits Poult, de sorte que le consommateur, habitué à ce type d’associations de marques et d’évolution de la forme des produits, est enclin à penser, confronté aux biscuits Poult, à une déclinaison des biscuits mikado.
La société Biscuits Poult avance que le marché des biscuits sucrés a baissé de 4,6 % de 2014 à 2020, et que dans le même temps les parts de marché du biscuit mikado ont augmenté, ce qui démontrerait l’absence de préjudice.
Pour autant, la cour relève que le document faisant état d’une baisse de 4,6 % (la pièce 45-1) versé par l’intimée porte l’indication en bas de page ‘NB : datas HD peu fiables’. De plus, ce document, qui fait état d’une augmentation des ventes mikado de 13,6 % depuis 2014, révèle que les biscuits bâtonnets des marques de distributeur (soit les biscuits Poult) ont dans le même temps connu une hausse bien plus importante, de sorte que l’intimée – leader sur le marché des biscuits MDD- ne peut déduire de la progression des ventes des biscuits mikado, une absence de préjudice.
Cette forte augmentation de la vente des bâtonnets MDD se traduit nécessairement par une dépréciation de la marque 825 protégeant le biscuit mikado, qui bénéficie d’une renommée certaine, au vu de l’identité des produits et de la grande similarité des signes.
Dans ces conditions, la présence d’un nouveau signe similaire à la marque mikado révèle l’existence d’un risque de préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure, risque qui apparaît établi au vu des éléments précédemment développés.
Le montant des investissements engagés par la société Biscuits Poult pour mettre au point son outil de production n’est pas de nature à lui permettre d’échapper à l’engagement de sa responsabilité au titre de l’atteinte à la marque 825, ce alors que les appelantes relèvent sans être contestées que l’intimée ne justifie pas de dépenses marketing ou de promotion pour le lancement de ses produits sur un marché concurrentiel, ce qui révèle qu’elle a bénéficié de la renommée de la marque antérieure.
Aussi, la société Biscuits Poult a porté atteinte à la marque renommée 825 en produisant et en commercialisant en France les biscuits contestés.
Sur la demande relative au parasitisme du fait des conditionnements des biscuits en cause
Les intimés reprochent à la société Biscuits Poult que de nombreux éléments soient communs dans la présentation des biscuits, traduisant que l’intimée s’est largement inspirée des biscuits mikado. Elles en déduisent que la société Biscuits Poult a fait siennes les caractéristiques des conditionnements des biscuits mikado, créés en 1982. Elles relèvent la présentation des biscuits en faisceau de bâtonnets, la forme rectangulaire et le positionnement du système d’ouverture sur le tiers supérieur du paquet, le recours à des combinaisons de couleurs fondues ou la représentation de chocolat liquide. Elles contestent le jugement, et soulignent que la société Biscuits Poult ne livre pas ses produits en vrac, mais les fournit sous conditionnement, de sorte qu’elle est responsable tant des produits litigieux que de leur conditionnement.
La société Biscuits Poult sollicite la confirmation de l’analyse contenue par le jugement, ce alors que les appelantes ont repris leur argumentaire de première instance quant à la faute qu’elle aurait commise. Elle affirme ne pas avoir élaboré le visuel des emballages créés par chacune des enseignes qui commercialisent les biscuits, et dont elle ne peut être tenue responsable. Elle ajoute qu’il revient aux appelantes d’établir sa faute, ce alors qu’elles reconnaissent qu’elle propose des emballages en blanc, et que son nom ne figure pas sur ceux-ci.
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Le parasitisme, qui repose sur l’article 1240 du code civil, requiert la circonstance qu’une personne morale ou physique s’inspire ou copie, à titre lucratif et de manière injustifiée, une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. Il consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements réalisés.
Les appelantes reprochent à la société Biscuits Poult de s’être largement inspirée de la présentation des biscuits mikado pour proposer ses propres biscuits, et produisent à l’appui de leurs demandes une attestation du directeur financier de la société Mondelez France faisant état de coûts de création de l’emballage supérieurs à 144.000 €, répartis sur les années 2010, 2011 et 2015.
Le tribunal a retenu que le fait que la société Biscuits Poult soit désignée comme fabricant des biscuits n’implique pas qu’elle soit la conceptrice des conditionnements fournis aux enseignes de la grande distribution, lesquelles ont toutes opéré des choix propres sur la composition du paquet et la dénomination du produit.
Il ressort des captures d’écran sur le site de la société Biscuits Poult qu’elle propose différentes options de packaging afin de pourvoir aux besoins de ses clients, lesquels sont les enseignes de la grande distribution, et non les consommateurs finaux.
Les biscuits en cause sont vendus sous des marques de distributeurs, et le nom de la société Biscuits Poult n’apparaît pas sur les produits vendus sous enseigne Auchan, Carrefour, P’tit Déli… de sorte que sa responsabilité ne peut être retenue à ce titre, faute d’établir que la société Biscuits Poult a élaboré le visuel des emballages correspondants. Si les appelantes indiquent que, dans une réponse à une mise en demeure du 28 juillet 2015, la société Biscuits Poult endossait la pleine responsabilité du conditionnement des biscuits, elles n’en justifient pas.
Pour autant, le procès-verbal de constat du 11 mai 2015 et les pièces versées montrent qu’ont été proposés à la vente, dans le magasin Intermarché de [Localité 4], des biscuits sous la marque ‘chabrior’ ‘twisty’ portant indication ‘fabriqué par : SAS Biscuits Poult’ ; aussi la responsabilité de la société Biscuits Poult peut être recherchée au titre du parasitisme pour ces biscuits-ci, sans que cette société ne puisse soutenir que sa qualité de fabricant des biscuits n’implique pas celle de concepteur des emballages et de leur identité visuelle, même si elle justifie proposer des emballages en blanc, sauf à elle de justifier que l’identité visuelle des packaging sous lesquels ses biscuits ont été vendus, a été conçue par une autre société.
Au titre des caractéristiques communes des conditionnements qui seraient reprises, les appelantes visent le faisceau de bâtonnets croisés sur la face avant du paquet évoquant une partie de mikado, le format parallélépipédique rectangle et le système d’ouverture sur le tiers supérieur de la face du paquet, l’emploi de combinaisons couleurs fondues et la représentation de chocolat liquide.
Outre le fait que les biscuits Mikado n’ont pas toujours été présentés en faisceau, la face avant des biscuits ‘chabrior’ ne les montre pas disposés en faisceau mais en vrac, et la présentation de plusieurs biscuits ensemble apparaît banale pour des biscuits de forme longue et fine.
Par ailleurs, la face avant du paquet de biscuits Chabrior montre une spirale à dominante bleue et blanche, évoquant un mouvement tournoyant comme le nom ‘twisty’ qui y figure.
La forme des packaging est imposée par celle des biscuits qui y sont contenus, et le dispositif d’ouverture comme son emplacement apparaissent aussi très communs, s’expliquant par la nécessité d’en sortir les bâtonnets sans avoir à les casser.
S’agissant de la combinaison des couleurs, la société Biscuits Poult relève à juste titre que l’utilisation des couleurs marron pour le chocolat et bleue pour le chocolat au lait sont parfaitement communes et usuelles.
Enfin, l’image du chocolat fondu n’apparait que peu utilisée sur les paquets de mikados, seulement sur le mikado King Choco, et la représentation du chocolat fondu sur l’emballage Chabrior, outre son caractère banal, apparaît très différente, excluant toute idée de reprise.
Au vu de ce qui précède, la combinaison des éléments revendiqués par les appelantes présente une grande banalité et n’apparaît pas reprise par l’intimée sur les paquets de biscuits Chabrior dans des conditions établissant qu’elle a profité des investissements réalisés par les appelantes sans bourse délier, en se plaçant dans leur sillage.
Les demandes présentées au titre du parasitisme par les appelantes seront par conséquent rejetées.
Sur la réparation des préjudices
Les appelantes sollicitent la condamnation de la société Biscuits Poult au versement de 300.000 € de dommages-intérêts à la société GBGF au titre de l’atteinte à la marque renommée, au vu de la durée et de l’étendue des agissements en cause, et de la dilution considérable de la distinctivité de la marque. Elles soulignent l’importance du volume des ventes des bâtonnets fabriqués par la société Biscuits Poult, et du taux de croissance de ces biscuits pour les marques de distributeur fournies par la société Biscuits Poult. Elles sollicitent aussi des mesures de publication, d’interdiction et de destruction.
La société Biscuits Poult soutient que la demande indemnitaire est mal fondée au vu de l’augmentation des parts de marché du biscuit mikado de 2014 à 2020 et de la hausse de ses ventes depuis la commercialisation du biscuit vrillé. Elle souligne l’absence de toute justification du quantum demandé. Elle s’oppose aux mesures d’interdiction, à tout le moins celle ayant une portée indirecte ne concernant pas uniquement la société Biscuits Poult, estimant inéquitable que des mesures puissent avoir effet auprès de tiers, alors que les appelantes ont fait le choix de ne pas appeler en la cause les enseignes de grande distribution.
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Comme il a été vu précédemment, la société Biscuits Poult ne peut faire état d’une absence de préjudice au vu de l’augmentation des ventes de mikado de 13,6 % depuis 2014, alors que les ventes de biscuits bâtonnets des marques de distributeur (soit les biscuits Poult) ont dans le même temps connu une hausse beaucoup plus conséquente.
Il convient de prendre en considération la durée de l’atteinte à la marque renommée, puisque les faits dénoncés ont commencé en décembre 2014, et son volume, puisqu’il n’est pas contesté que les biscuits Poult ont été proposés sous plusieurs enseignes de grande distribution. Les données versées au débat montrent que les ventes de bâtonnets stick par les marques de grande distribution -dont la société Biscuits Poult revendique être leader- ont très considérablement progressé entre 2015 et 2020, atteignant plusieurs millions de paquets.
Au vu de ces éléments, la cour fera une juste appréciation du préjudice subi par la société GBGF en condamnant la société Biscuits Poult au paiement d’une somme de 100.000 € du fait de l’atteinte à la marque renommée 825.
Il ne sera pas fait droit à la demande de publication et d’affichage, les appelantes ne justifiant pas d’un intérêt particulier pour que cette mesure soit ordonnée, ce alors que la société Biscuits Poult ne propose pas ces produits aux consommateurs finaux.
La cour relève que si la mesure d’interdiction sollicitée dans le dispositif des conclusions des appelantes vise les biscuits ainsi que leur conditionnement tels que représentés au point 1.3.2, il s’agit d’une erreur purement matérielle de formulation, puisque les conclusions ne présentent pas de §1.3.2 mais un §1.4.2 intitulé ‘le biscuit litigieux’, dans lequel celui-ci est représenté.
L’interdiction de la poursuite des faits en cause sera ordonnée, selon les termes prévus au dispositif, en tenant compte de la nécessité de prévoir un délai pour sa mise en application.
Sur les autres demandes
Le jugement sera infirmé s’agissant de la condamnation aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
La société Biscuits Poult sera condamnée au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais de constat, ainsi qu’au versement aux appelantes de la somme de 30.000 €, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a rejeté la demande en nullité de la marque 33 86 825 et déclaré irrecevables les demandes des sociétés Mondelez Europe et Mondelez France au titre de la marque renommée et du parasitisme,
statuant à nouveau,
Dit que la marque 33 86 825 est une marque renommée,
Dit que la société Biscuits Poult a porté atteinte à cette marque,
Condamne la société Biscuits Poult au paiement de la somme de 100.000 € à la société GBGF en réparation de ce préjudice,
Interdit à la société Biscuits Poult toute fabrication, commercialisation, promotion et publicité, et plus généralement toute exploitation, directement ou indirectement, des biscuits querellés et ce, sous astreinte provisoire de 200 € par infraction constatée, passé un délai de trois mois à compter de la signification de l’arrêt, chaque exemplaire de paquet de biscuits contrevenant à ladite mesure, constituant une infraction,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société Biscuits Poult à payer à la société GBGF la somme de 30.000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Biscuits Poult aux entiers dépens de première instance et d’appel outre le remboursement des frais de constat, dépens qui, pour ces derniers, seront recouvrés par Me Wiart, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,