Cobranding / Association de marques : 17 janvier 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/00616

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Cobranding / Association de marques : 17 janvier 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/00616
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JONCTION DES RG 21/00616 et 21/01700

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 17 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/00616 – N° Portalis DBVK-V-B7F-O3HG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 02 NOVEMBRE 2020

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2019002851

DOSSIER RG 21/00616

APPELANTE :

Société ARUNDEL (SECURITIES), INC

[Adresse 2]

[Localité 6] – USA

Représentée par Me Amandine BOUVIER de la SARL ACTEA LEGAL +, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Gilles DE POIX, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEE :

S.A.S. HPC prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Stéphane DESTOURS, avocat au barreau de l’AVEYRON substituant Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

DOSSIER RG 21/01700

APPELANTE :

S.A.S. HPC prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Stéphane DESTOURS, avocat au barreau de l’AVEYRON substituant Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Société ARUNDEL (SECURITIES), INC

[Adresse 2]

[Localité 6] – USA

Représentée par Me Amandine BOUVIER de la SARL ACTEA LEGAL +, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Gilles DE POIX, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

(ordonnance d’irrecevabilité des conclusions le18.10.2022)

Ordonnance de clôture du 18 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.

*

* *

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

La société Arundel (securities) Inc, anciennement RP&C international (securities) Inc, est une banque d’affaires de droit américain, filiale de la société de droit suisse Arundel AG.

La société RP&C, agissant par l’intermédiaire de sa division Patrick Capital, a signé, le 12 juin 2015, avec la SAS HPC, qui est une holding proposant des prestations de services dans le secteur de l’immobilier, un premier contrat de conseil financier dans le cadre de la cession-bail et du suivi permanent du siège social de celle-ci situé à [Localité 5].

Les mêmes parties ont signé, le 15 juin 2015, un second contrat de conseil financier dans le cadre du financement et du suivi continu de projets de logements étudiants qui seront mis en ‘uvre sous les marques « ECLA » et « Suiétudes » ou sous d’autres enseignes convenues d’un commun accord, en France et à l’étranger ; la mission confiée à Patrick Capital, qui devait entrer initialement en relation avec plusieurs investisseurs triés sur le volet, tels qu’indiqués à l’annexe II (Beaumont Partners, Aertium Finance Ltd, 90 North Real Estate Partners LLP, Pamoja Capital), consistait en la recherche d’investisseurs, la préparation de la documentation adressée à des prospects, l’évaluation des manifestations d’intérêts, l’assistance dans la rédaction de la transaction et le suivi de celle-ci.

Il était convenu, pour ce mandat relatif au financement de l’activité d’hébergements étudiants, le paiement d’honoraires à hauteur de 75 000 euros en cas de manifestation d’intérêt d’un investisseur, 150 000 euros en cas d’offre de financement, 3,5 % sur la valeur brute cumulée des actifs financés et 0,5 % par an au titre du suivi pour une période minimum de 3 ans ; le mandat a été conclu pour une durée de 60 jours prenant effet à la date de signature, renouvelable par périodes consécutives de 30 jours jusqu’à sa résiliation ; l’article 22 du contrat énonce que celui-ci est régi par le droit de l’Angleterre et du pays de Galles.

Par lettre du 5 avril 2018, la société HPC a résilié les deux contrats de mandat conclus avec la société RP&C.

Le 17 août 2018, la société Arundel a fait parvenir à la société HPC une facture visant au paiement des sommes de :

– 150 000 euros au titre du « MoU » (mémorandum of understanding) de Greystar,

– 62 266,24 euros au titre des intérêts de retard au taux de 2 % par mois,

– 4 624 095 euros correspondant à 3,5 % de la valeur brute des actifs financés par Harrison Street sur le projet « ECLA » de [Localité 8]-[Localité 9].

Par exploit du 29 janvier 2019, la société Arundel a fait assigner la société HPC devant le tribunal de commerce de Montpellier en paiement de ces sommes, faisant notamment valoir qu’elle avait, dans le cadre de l’exécution de son mandat, transmis à la société HPC une proposition de partenariat en date du 25 janvier 2017 de la société de droit américain Greystar ouvrant droit au versement des honoraires intermédiaires prévus à l’article 4 ii du contrat et que la société HPC avait, sans l’en informer, obtenu un financement du groupe Harrison Street relaté dans une attestation notariée du 7 juin 2018 (portant sur une vente en l’état futur d’achèvement d’un immeuble en cours de construction situé à Palaiseau destiné à la réalisation de logements étudiants « ECLA ») ouvrant droit, en application des articles 1 c) et 4 iii du contrat, au versement d’honoraires de transaction à concurrence de 3,5 % du total des actifs bruts financés.

Devant le tribunal, la société HPC a sollicité un sursis à statuer en l’état d’une plainte avec constitution de partie civile déposée, le 17 septembre 2019, à l’encontre de la société Arundel entre les mains du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Montpellier pour exercice illégal de la profession d’agent immobilier et escroquerie ; elle a ensuite conclu à l’irrecevabilité de l’action de la société Arundel pour défaut de qualité à agir ; subsidiairement, elle a poursuivi l’annulation du contrat de mandat aux motifs que celui-ci méconnaissait les dispositions d’ordre public de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite loi « Hoguet », que la société Arundel n’était pas titulaire de la carte professionnelle exigée par ladite loi et que le contrat en cause avait été conclu pour une durée indéterminée au sens de l’article 7 de la loi du 2 janvier 1970 ; elle a également prétendu que le document remis par la société Greystar ne constituait ni un protocole d’accord, ni un accord de financement, ni une offre en ce sens, en sorte que la société Arundel ne pouvait prétendre à la rémunération prévue contractuellement ; enfin, elle a soutenu que la société Harrison Street ne faisait pas partie des investisseurs triés sur le volet désignés à l’annexe II du contrat de mandat dont l’intervention pouvait ouvrir droit à rémunération, que la vente en l’état futur d’achèvement conclu avec les sociétés du groupe Harrison Street ne constituait pas un accord de financement et ne s’inscrivait pas davantage dans un accord de partenariat et que dès lors, cette vente immobilière n’ouvrait pas davantage droit à rémunération.

Par jugement du 2 novembre 2020, le tribunal de commerce a notamment :

– rejeté la demande de la société Arundel visant à voir la pièce 10 de la société HPC et les conclusions n° 3 de celle-ci écartées des débats,

– rejeté la demande de sursis à statuer soulevée par la société HPC,

– rejeté la demande d’irrecevabilité pour défaut de qualité à agir, soulevée par la société HPC,

– rejeté la demande de la société Arundel visant à voir la société HPC condamnée à lui verser la somme de 150 000 euros au titre du « MoU » Greystar,

– rejeté la demande de la société Arundel visant à voir la société HPC condamnée à lui verser la somme de 4 624 095 euros au titre du « MoU » Harrison Street,

– rejeté la demande de la société Arundel visant à voir la société HPC condamnée à lui verser la somme de 62 266,24 euros au titre d’intérêts de retard à la date du 17 août 2018 et au paiement d’intérêts pour la période postérieure à cette date,

– rejeté la demande reconventionnelle de la société HPC visant à voir condamner la société Arundel à lui restituer la somme de 75 000 euros,

– condamné la société Arundel à payer à la société HPC la somme de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toutes autres demandes,

– condamné la société Arundel aux dépens.

La société Arundel a régulièrement relevé appel, le 29 janvier 2021, de ce jugement, procédure enrôlée sous le n° RG 21/00616 ; la société HPC a également relevé un appel régulier du même jugement, procédure ayant été enrôlée sous le n° RG 21/01700).

Dans le cadre de la procédure n° 21/00616, la société Arundel demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées le 3 octobre 2022 via le RPVA, de :

Vu les opinions de droit anglais émises par Me Habershon en date du 29 novembre 2018 et de Me Lidington en date du 5 février 2020 et du 24 mars 2021 aux termes desquelles la lettre d’engagement en date du 15 juin 2015 est valable et exécutoire en droit anglais,

Vu leurs certificats de coutume aux termes desquels HPC doit, en vertu du droit applicable, payer des honoraires en raison de la signature d’un « MoU » par Greystar,

Vu leurs certificats de coutume aux termes desquels HPC doit, en vertu du droit applicable, payer des honoraires dus en raison de la signature de la vente en état futur d’achèvement par la société Harrison Street,

– déclarer son appel aussi recevable que bien fondé,

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 2 novembre 2020 en ce qu’il a rejeté les arguments de la société HPC tirés de l’application de la loi « Hoguet », écarté toute demande de sursis à statuer et rejeté la demande d’irrecevabilité pour défaut de qualité à agir,

– réformer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande visant à voir la société HPC condamnée à lui verser la somme de 150 000 euros au titre du « MoU » Greystar, rejeté sa demande tendant à voir la société HPC condamnée à lui verser la somme de 4 624 095 euros au titre du « MoU » Harrison Street, rejeté sa demande visant à voir la société HPC condamnée à lui verser la somme de 62 266,24 euros au titre des intérêts de retard à la date du 17 août 2018 et au paiement d’intérêts pour la période postérieure à cette date et en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société HPC la somme de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

– dire qu’elle est recevable en toutes ses demandes, fins et prétentions et l’en déclarant parfaitement fondée,

– condamner la société HPC à lui verser les sommes suivantes :

‘ 150 000 euros au titre du « MoU » signé par la société Greystar,

‘ 62 266,24 euros au titre des intérêts de retard dus par la société HPC à la date du 17 août 2018,

‘ 4 624 095 euros au titre de l’accord signé avec la société Harrison Street,

– ordonner le paiement des intérêts contractuels de retard de 2 % par mois à compter du 24 août 2018 qui suit de sept jours la mise en demeure de payer lesdites sommes adressée à la société HPC en application de l’article 7 du contrat,

– condamner la société HPC à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir essentiellement que :

– elle a qualité à agir et la loi « Hoguet » n’est pas applicable, son activité visant à fournir des moyens financiers ne pouvant être assimilée à celle d’un agent immobilier,

– la vente en l’état futur d’achèvement relatée dans l’attestation notariée du 7 juin 2018 a permis l’acquisition d’un actif et relève d’une opération de financement consentie par Harrison Street au sens du contrat en vue de la réalisation d’une résidence étudiants « ECLA » à [Localité 8]-[Localité 9] et conformément à l’analyse du droit anglais faite notamment par Me Lidington, avocat anglais, qui a permis à la société HPC de recevoir 108 291 600 euros pour l’immobilier et 8 798 400 euros pour le mobilier,

– la transaction relève donc du champ d’application des clauses 1c) et 4iii du contrat ouvrant droit à la perception des honoraires de transaction pour un montant égal à 3,5 % du total des actifs bruts financés,

– le document de Greysar, daté du 25 janvier 2017, constitue une proposition de financement détaillée sous réserve de contrat, correspondant à un « mémorandum of understanding » au regard du droit anglais, générateur des honoraires prévus à l’article 4 ii du contrat.

Formant appel incident, la société HPC, dont les dernières conclusions ont été déposées le 15 septembre 2022 par le RPVA, au vu notamment des « certificats de coutume » établis par Me Hugues les 17 septembre 2019, 19 juin 2020 et 3 juin 2021 et de la consultation juridique établie par M. [R] le 31 janvier 2021, sollicite de voir :

– joindre les instances enregistrées sous les numéros RG 21/00616 et RG 21/01700,

– in limine litis, surseoir à statuer dans l’attente d’une décision pénale définitive suite à la plainte avec constitution de partie civile déposée le 17 septembre 2019 entre les mains du doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire de Montpellier,

– à défaut, infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande d’irrecevabilité formée à l’encontre de la société Arundel et jugé que la loi « Hoguet » n’était pas applicable aux faits de l’espèce,

– et statuant à nouveau, juger l’absence de qualité à agir de la société Arundel, juger irrecevable l’action de la société Arundel et rejeter en conséquence l’appel et les demandes formées par celle-ci,

– juger applicable la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite loi « Hoguet » aux faits de l’espèce,

– juger que ladite loi est une loi d’ordre public et de police,

– juger que la société Arundel n’est pas titulaire de la carte professionnelle exigée par l’article 3 de ladite loi,

– juger que le contrat de mandat en cause a été conclu pour une durée indéterminée au sens de l’article 7 de ladite loi,

– juger que la société Arundel a ainsi violé les dispositions précitées,

– par conséquent, juger nul le contrat de mandat en cause,

– juger que, dès lors, tout droit rémunération est exclu,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de la société Arundel visant à la voir condamner à lui verser la somme de 4 624 095 euros au titre du « MoU » Harrison Street, rejeté la demande de la société Arundel visant à la voir condamner à lui verser la somme de 150 000 euros au titre du « MoU » Greystar et rejeté la demande de la société Arundel visant à la voir condamner à lui verser la somme de 62 266,24 euros au titre des intérêts de retard à la date du 17 août 2018 et au paiement d’intérêts pour la période postérieure à cette date,

– en toute hypothèse, condamner la société Arundel à lui verser la somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans le cadre de la procédure n° 21/01700, la société HPC, appelante du jugement du 2 novembre 2020, a déposé, le 15 septembre 2022 les mêmes conclusions n° 2 que celles déposées dans l’autre procédure d’appel engagée par la société Arundel.

Les conclusions d’intimé de la société Arundel déposées le 3 octobre 2022, hors du délai de l’article 909 du code de procédure civile, ont été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 18 octobre 2022.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction dans les deux procédures a été clôturée par deux ordonnances du 18 octobre 2022.

MOTIFS de la DECISION :

1-La jonction des procédures connexes :

Il convient d’ordonner la jonction des procédures d’appel enrôlées sous les n° RG 21/00616 et 21/01700 en raison du lien de connexité les unissant les deux procédures portant en effet sur l’appel du même jugement, et de statuer sur l’ensemble du litige par un seul et même arrêt.

2- La demande de sursis à statuer :

Aux termes de l’article 4 du code de procédure pénale : « L’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique. Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement. La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ».

En l’occurrence, pour solliciter un sursis à statuer, la société HPC se borne à communiquer la copie d’une plainte pour exercice illégal de la profession d’agent immobilier et escroquerie adressée le 6 février 2019 au procureur de la république près le tribunal de grande instance de Montpellier visant la société Arundel, la copie d’une plainte avec constitution de partie civile adressée le 17 septembre 2019 au doyen des juges d’instruction de ce tribunal pour les mêmes faits et visant la société Arundel, ainsi que le courrier du procureur de la république adressé le 29 octobre 2019 à son avocat afin de l’informer que la procédure était en cours d’enquête (sic) ; aucun élément n’est cependant fourni de nature à établir que l’action publique a été effectivement mise en mouvement sur les faits dénoncés par la société HPC, soit à l’initiative du procureur de la république à l’issue de l’enquête préliminaire à laquelle celui-ci a fait procéder, soit dans le cadre d’une instruction ouverte après versement de la consignation ordonnée par le magistrat instructeur ; la demande de sursis à statuer a donc été justement rejetée par le premier juge.

3- La recevabilité de l’action de la société Arundel :

Il est de règle que le juge français, qui reconnaît applicable un droit étranger, doit, soit d’office, soit à la demande d’une partie qui l’invoque, en rechercher la teneur avec le concours des parties et personnellement s’il y a lieu et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger; dans le cas présent, le contrat litigieux du 15 juin 2015 se trouve régi par le droit de l’Angleterre et du pays de Galles en sorte que son interprétation, en vue de déterminer si la société Arundel (securities) Inc, anciennement RP&C international (securities) Inc, est recevable à agir en paiement des honoraires prévus contractuellement, doit être faite par référence au droit anglais.

Il résulte à cet égard des divers certificats de coutume, produits aux débats, notamment établis par Me Lidington et Me Hugues, avocats à la cour suprême d’Angleterre et du pays de Galles, que les règles d’interprétation en droit anglais sont essentiellement d’origine jurisprudentielle ; l’interprétation d’un contrat doit ainsi procéder d’une double analyse s’employant à rechercher, d’une part, la signification littérale et grammaticale des termes employés et, d’autre part, l’objet du contrat et le contexte de l’opération connue des parties au moment de contracter ; lorsque plusieurs interprétations d’une disposition du contrat sont possibles, doit alors être privilégiée l’interprétation qui est la plus cohérente par rapport à l’objet du contrat, au contexte commercial et au bon sens des gens d’affaires du secteur considéré ; en cas d’impossibilité de résoudre l’ambiguïté d’une clause contractuelle par l’application des principes ordinaires d’interprétation, doit alors être appliqué le principe contra proferentem, selon lequel l’interprétation doit être faite contre celui qui a rédigé la clause ambiguë.

Le contrat signé le 15 juin 2015 se présente sous la forme d’une offre de conseils financiers à titre exclusif au profit de la société HPC (la société), formulée au nom de RP&C international (securities) Inc, agissant par l’intermédiaire de sa division Patrick Capital (dénommée « Patrick Capital », conjointement à ses filiales et sociétés affiliées, le cas échéant), dans le cadre du financement et du suivi continu des projets de logements étudiants qui seront mis en ‘uvre sous les marques « ECLA » et « Suiétudes » (ou sous d’autres marques convenues d’un commun accord entre la société et Patrick Capital), en France et dans d’autres pays (collectivement la « transaction ») ; les auteurs de l’offre, acceptée par la société HPC, sont identifiés plus précisément en page 6 du contrat comme étant RP&C international (securities) Inc par l’intermédiaire de sa division, Patrick Capital, et RP&C international (securities) Inc et la pièce n° 59, communiquée par la société Arundel, intitulée « Histoire et structure du groupe Arundel (anciennement RP&C) et de Patrick Capital » enseigne que le contrat a été signé au nom de RP&C international (securities) Inc par Richard Borg et au nom de Patrick Capital et RP&C international (securities) Inc par [Z] [D] [B].

Il est constant que « Patrick Capital », présenté dans le contrat comme une division de la société RP&C international (securities) Inc, désigne en réalité deux personnes morales distinctes de celle-ci, dirigées par M. [B], la société de droit américain Patrick Capital Advisors Inc immatriculée le 1er octobre 2009 sous le n° 1885434 dans l’état de l'[Localité 7] et la société de droit anglais Patrick Capital (UK) Ltd ayant son siège à [Adresse 4] immatriculée au Compagnies House sous le n° 07064092, filiale à 100 % de la première et dissoute en novembre 2017.

Le contrat litigieux dispose en préambule que lorsqu’elle sera acceptée par la société, la présente offre établira les services que Patrick Capital fournira dans le cadre de la transaction, les honoraires et frais à verser à Patrick Capital en contrepartie des services fournis et les conditions générales de l’accord.

L’article 2 énonce ainsi : « Patrick Capital assistera et conseillera la société au cours de toutes les phases du processus de la transaction. Les services à fournir incluront, sans s’y limiter :(i) une aide à la préparation de la documentation de l’audit préalable qui contiendra les informations que Patrick Capital et la société pourront juger utiles ; (ii) l’évaluation des manifestations d’intérêts ; (iv) l’accompagnement de la société et de son avocat pour la rédaction des documents d’investissement définitif ; (v) une aide au bouclage du financement ; (vi) le suivi de l’avancement de chaque projet après financement; (vii) une aide à la préparation des rapports sur l’état d’avancement de chaque projet qui contiendront les informations que la société, Patrick capital et les investisseurs jugeront utiles et (viii) la distribution des rapports sur l’état d’avancement aux investisseurs. Dans le cadre de l’exécution de ses obligations découlant des présentes, Patrick Capital n’occupera pas la fonction de prestataire de services d’investissement en valeurs mobilières et n’est en aucun cas tenu, directement ou indirectement, d’avancer des fonds personnels pour l’acquisition de tout élément d’actif ou la souscription de valeurs mobilières. En outre, Patrick Capital ne sera pas responsable de la fourniture de conseils juridiques, comptables ou fiscaux à la société, lesquels incomberont à d’autres conseillers ».

Il est ensuite prévu, aux articles 3 et 4 du contrat, qu’en contrepartie de ses services Patrick Capital sera remboursé de toutes les dépenses engagées dans le cadre de la transaction et des services à fournir et de tous les frais de justice et honoraires d’avocat en lien avec la transaction et les services à fournir et qu’il percevra les honoraires suivants : des honoraires intermédiaires, en numéraire, s’élevant à 75 000 euros à verser à la remise d’une liste de conditions (term sheet) (ou de tout autre manifestation d’intérêt écrite) de la part d’un prospect relativement à la transaction ; des honoraires intermédiaires, en numéraire, s’élevant à 150 000 euros à verser à la remise d’un protocole d’accord (ou d’un accord ou d’une offre de financement similaire) de la part d’un prospect relativement à la transaction ; des honoraires de transaction, en numéraire, s’élevant à 3,5 % du total des actifs bruts financés par les prospect dans le cadre de la transaction ; des honoraires de suivi, en numéraire, s’élevant annuellement à 0,5 % du total des actifs bruts financés par les prospect dans le cadre de la transaction.

En outre, aux termes de l’article 1c) du contrat : « Si la société ou Patrick Capital (ou tout autre personne) contacte un investisseur, ou si un investisseur contacte la société ou ses filiales et/ou sociétés affiliées au cours de la période de transaction et que l’investisseur, l’une de ses sociétés affiliées, l’un de ses associés ou autres membres de son groupe (un prospect) donne son accord de principe en s’engageant (i) à assurer ou obtenir un financement pour la transaction à tout moment ou (ii) à assurer ou obtenir un financement ou à acquérir une participation dans la société ou ses filiales et/ou sociétés affiliées (ou tout autre actif détenu ou géré par la société ou ses filiales et/ou sociétés affiliées) à tout moment dans les deux ans qui suivent la date d’expiration de la période de transactions, Patrick Capital ouvrira droit aux honoraires établis ci-dessous comme si le financement, l’obtention ou l’acquisition avait eu lieu au cours de la période de transactions. La société informera immédiatement Patrick Capital par écrit après la signature d’un tel financement ou d’une telle obtention ou acquisition et paiera dans le même temps les honoraires qui reviennent à Patrick capital ».

Ainsi, Patrick Capital se trouve désigné dans le contrat comme le seul prestataire des services de conseils financiers auquel la société HPC, bénéficiaire des prestations, est tenue de verser les divers honoraires convenus et un droit à paiement des honoraires lui est également reconnu lorsqu’un investisseur, contacté au cours de la période de transaction (de la date de signature du contrat à la date de sa résiliation), aura, hors toutes prestations de sa part, donné son accord de principe pour assurer ou obtenir un financement jusqu’à deux ans après l’expiration de la période de transaction.

Il a été indiqué plus haut que « Patrick Capital » ne pouvait être regardé comme une division de la société RP&C puisque cette dénomination est celle de deux entités juridiques distinctes, la société de droit américain Patrick Capital Advisors Inc et la société anglaise Patrick Capital Advisors (UK) Ltd, filiale de la première et aujourd’hui dissoute ; si la désignation du prestataire sous le vocable « Patrick Capital » peut être interprétée littéralement comme correspondant à la société RP&C international (securities) Inc agissant par l’intermédiaire de sa division Patrick Capital, abstraction faite de l’utilisation du terme « division » erroné, une interprétation du contrat dans son ensemble, en fonction de son objet et du bon sens commercial, doit cependant conduire à une analyse différente.

En effet, s’agissant de prestations de conseils financiers destinés à être effectuées en Europe, que la société RP&C international (securities) Inc ne pouvait elle-même accomplir, étant seulement autorisée à fournir des services de conseils financiers aux États-Unis dans le cadre de la FINRA (Financial Industry Regularory Authority) comme expliqué dans la pièce n° 59 produite par la société Arundel, elle a dû faire intervenir sa filiale anglaise, la société RP&C international Ltd, aux fins de désignation de la société Patrick capital Advisors (UK) Inc pour l’exécution des prestations convenues.

Ce schéma organisationnel résulte des termes mêmes de l’article 11 du contrat selon lequel : « Dans la mesure où Patrick Capital fournit les services décrits dans le présent contrat au sein ou à partir du Royaume-Uni, Patrick capital Advisors (UK) Limited exercerait des activités réglementées telles que définies par la loi britannique relative aux services financiers et aux marchés Financial Services and Markets Act 2000. Elle accomplira ses activités en sa qualité de représentant désigné de RP&C international Limited, réglementée par l’autorité de conduite financière Financial Conduct Authority sise au [Adresse 1], Royaume-Uni » ; il est également stipulé, au même article 11 du contrat, que la société (HPC) comprend que l’engagement de Patrick Capital en vertu des présentes peut nécessiter la réalisation d’une prestation aux États-Unis qui ne pourra être accomplie que par un courtier en valeurs mobilières agréé par la FINRA et que cette prestation peut être réalisée par RP&C international (securities) Inc.

L’analyse du contrat conduit dès lors à considérer que la société RP&C international (securities) Inc a, par l’intermédiaire de sa filiale anglaise, délégué la société Patrick Capital Advisors (UK) Ltd, qui était seule habilitée par la FCA (Financial Conduct Authority) à fournir des services de conseils financiers au Royaume-Uni et en Europe, en vue de l’exécution des prestations prévues, visant au financement et au suivi des projets de logements étudiants destinés à être mis en ‘uvre en France et dans d’autres pays européens sous les marques « ECLA » et « Suitétudes », la société RP&C international (securities) Inc se réservant la réalisation des prestations de même nature à accomplir aux États-Unis.

Le premier juge, reprenant en cela l’analyse de la société Arundel, a retenu que la volonté des parties au contrat était de considérer la société RP&C international (securities) Inc comme prestataire et créancier des honoraires de service, la société Patrick Capital [en fait, la société Patrick Capital Advisors (UK) Ltd] ayant agi pour le compte de celle-ci, soit sur la base d’un mandat; il est produit en cause d’appel une attestation de M. [B] lequel indique notamment que la référence à « Patrick Capital » a été faite en raison du fait que les services devaient être fournis au Royaume-Uni ou en Europe par la société Patrick Capital Advisors Ltd en tant que représentant désigné d’Arundel Group Limited, société s’ur d’Arundel, qu’en aucun cas, « Patrick Capital » n’avait l’intention d’être la partie contractante de la lettre de mission et qu’en tant que mandant en vertu du contrat, la société RP&C est la partie à laquelle appartient le droit d’exercer la réclamation (sic).

Pour autant, M. [B] est signataire du contrat, aux côtés du représentant de la société RP&C international (securities) Inc, en tant que dirigeant des sociétés du groupe Patrick Capital, comprenant la société anglaise Patrick capital Advisors (UK) Ltd, appelée à exécuter les prestations de conseils financiers au sein ou à partir du Royaume-Uni ; le contrat précise d’ailleurs, à l’article 22, que la notification de tout acte de procédure, avis ou document devrait être faite à l’adresse de la société Patrick Capital (UK) Ltd à Londres et force est de constater que les prestations réalisées l’ont été par la société Patrick Capital [destinataire de la lettre d’intérêt (term sheet) de la banque Delubac & Cie du 23 juin 2015 ou de celle d’Aerium France du 7 août 2015 et rédacteur de l’analyse du projet de partenariat avec Baupost) et que les factures d’honoraires en date des 30 juin 2015 et 7 août 2015 adressées à la société HPC ont été éditées directement par elle, payables sur le compte de la National Westminster Bank ouvert au nom de la société Patrick Capital Advisors (UK) Ltd.

Abstraction faite de l’attestation de M. [B], visiblement établie pour les besoins de la cause, le contrat doit être interprété en ce sens que la société RP&C international (securities) Inc a délégué aux sociétés du groupe Patrick Capital, particulièrement à la société anglaise Patrick Capital (UK) Ltd les prestations de conseils financiers devant être réalisées au Royaume-Uni et en Europe, qu’elle était elle-même dans l’impossibilité juridique d’accomplir, la société RP&C se réservant les seules prestations susceptibles d’être exécutées aux États-Unis, ce qui résulte de l’intervention de M. [B] en tant que partie signataire du contrat au nom des sociétés du groupe Patrick Capital et de l’établissement de factures correspondant aux prestations effectuées par la société Patrick Capital (UK) Ltd en exécution du contrat, directement par celle-ci, excluant ainsi l’existence d’un mandat ; une telle interprétation est conforme à l’objet du contrat qui est de permettre à la société HPC de bénéficier des conseils financiers des sociétés du groupe Patrick Capital, déléguées à cet effet, et au bon sens commercial, qui veut que les honoraires de telles prestations, ne pouvant être effectuées que par un établissement financier agréé à cet effet, ne sont susceptibles d’être réclamés que par celui-ci, après leur exécution en conformité des stipulations contractuelles.

La pièce n° 59, produite par la société Arundel, énonce que le groupe APC et le groupe RP&C ont travaillé ensemble dans le cadre d’un accord de partage de commissions et que dans le cadre de ses responsabilités, le groupe RP&C était en charge de l’organisation réglementaire et contractuelle (sic) ; il s’en déduit que la société Patrick Capital (UK) Ltd était tenue, en vertu d’un accord distinct, de reverser à la société RP&C une part des honoraires devant lui être payés par la société HPC en exécution du contrat signé 15 juin 2015.

En vertu du contrat litigieux, la société RP&C international (securities) Inc, aux droits de laquelle vient la société Arundel (securities) Inc, n’a contracté aucune obligation à l’égard de la société HPC relativement à l’exécution des prestations de conseils financiers qui en sont l’objet et ne peut donc prétendre au paiement des honoraires correspondant à ces prestations, pas plus qu’aux honoraires qui seraient dus, hors toutes prestations de sa part, au cas où un investisseur, contacté au cours de la période de transaction, aurait donné son accord de principe pour assurer ou obtenir un financement jusqu’à deux ans après l’expiration de la période de transaction.

Selon l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; l’article 32 du même code dispose qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

En l’espèce, la société Arundel (securities) Inc, venant aux droits de la société RP&C international (securities) Inc, qui n’est pas le prestataire des conseils financiers en contrepartie desquels des honoraires seraient dus et qui ne justifie, ni même n’allègue, de l’existence d’une cession de créance de la part de la société Patrick capital (UK) Ltd, aujourd’hui dissoute, relativement aux honoraires dus au titre du mémorandum of Understanding de Gryestar et des actifs financés par Harrison Street sur le projet « ECLA » de [Localité 8]-[Localité 9], n’apparaît donc pas recevable, pour défaut de qualité, dans son action en paiement dirigée à l’encontre de la société HPC, les autres moyens développés étant surabondants ; c’est donc à tort que le premier juge a déclaré l’action de celle-ci recevable.

4- Les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société Arundel doit être condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la société HPC la somme de 4000 euros en remboursement des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Ordonne la jonction des procédures d’appel enrôlées sous les n° RG 21/00616 et 21/01700,

Au fond, confirme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 2 novembre 2020, mais seulement en ce qu’il a :

– rejeté la demande de la société Arundel visant à voir la pièce 10 de la société HPC et les conclusions n° 3 de celle-ci écartées des débats,

– rejeté la demande de sursis à statuer soulevée par la société HPC,

– rejeté la demande reconventionnelle de la société HPC visant à voir condamner la société Arundel à lui restituer la somme de 75 000 euros,

– condamné la société Arundel à payer à la société HPC la somme de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toutes autres demandes,

– condamné la société Arundel aux dépens,

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Déclare irrecevable l’action en paiement de la société Arundel (securities) Inc, venant aux droits de la société RP&C international (securities) Inc, dirigée à l’encontre de la société HPC,

Condamne la société Arundel aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la société HPC la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

le greffier, le président,

 


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