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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 1ER MARS 2023
(n° 032/2023, 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/08749 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDUCQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2019035415
APPELANTE
S.A.S.U. STEVENSON & SON
Société au capital de 425 181 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 333 214 070
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée de Me Nicolas LISIMACHIO, avocat au barreau de PARIS, toque : P114
INTIMEE
S.A.S. CHARLES JOURDAN 1921
Société au capital de 1 000 000 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 510 783 343
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliès ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente et , Madame Françoise BARUTEL, conseillère,
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,
Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
Mme Déborah BOHEE, conseillère,
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE:
La société Stevenson And Son (Stevenson) a pour activité la vente en gros et au détail de vêtements, chaussures et accessoires de vêtements.
La société Charles Jourdan 1921 (Charles Jourdan), fondée en 1921, est propriétaire de la marque Charles Jourdan.
Les sociétés Stevenson et Charles Jourdan ont conclu le 18 janvier 2016 un contrat de licence de marque et de distribution pour une durée de 7 ans, en annexe duquel figure un tableau récapitulatif des différentes marques Charles Jourdan avec leurs dates de dépôt et les territoires concernés, et aux termes duquel la société Charles Jourdan concède à la société Stevenson une licence d’exploitation de la marque pour la création, la fabrication, la promotion et la distribution de collections de prêt à porter masculin au sein de nombreux pays notamment de l’Union Européenne dans laquelle la marque est déposée.
La société Stevenson, reprochant à la société Charles Jourdan des inexécutions contractuelles, lui a adressé, par lettre recommandée du 16 janvier 2018, une mise en demeure visant l’article 17 du contrat relatif à la résiliation anticipée.
C’est dans ce contexte que la société Stevenson a fait assigner la société Charles Jourdan par acte du 17 juin 2019 aux fins de dire que le contrat est résilié aux torts exclusifs de la société Charles Jourdan à compter du 24 janvier 2019 et de la voir condamner à des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi.
Dans son jugement rendu le 31 mars 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
– constaté que la société Stevenson And Son a résilié à ses torts exclusifs le contrat qui la liait à la société Charles Jourdan 1921;
– débouté la société Stevenson And Son de toutes ses demandes;
– condamné la société Stevenson And Son à payer à la société Charles Jourdan 1921 la somme de 62 000 € au titre du minimum contractuel garanti;
– débouté la société Charles Jourdan 1921 de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive;
– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires;
– condamné la société Stevenson And Son à verser la somme de 6 000 € à la société Charles Jourdan 1921 au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement;
– condamné la société Stevenson And Son aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 € dont 12,12 € de TVA.
Le 5 mai 2021, la société Stevenson And Son a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions, numérotées 2, transmises le 1er février 2022, la société Stevenson And Son demande à la cour de :
Vu le contrat,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu les articles 1134 (ancien) et 1184 (ancien) du code civil,
Vu les articles 1229 et 1352 et suivants (nouveaux) du Code civil,
Vu les articles 564 et suivants du Code de procédure civile,
Vu le Jugement dont appel,
INFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 mars 2021 en ce qu’il a :
– constaté que la société Stevenson And Son a résilié à ses torts exclusifs le contrat qui le liait à la société Charles Jourdan 1921,
– débouté Stevenson de ses demandes de condamnations de 616.194,50 euros au titre du préjudice lié aux investissements réalisés pour les seuls besoins de l’exécution du contrat et de celle de 5.158.395,94 euros au titre de la perte de chance de réaliser une marge commerciale au cours de l’exécution du contrat,
– condamné Stevenson à payer à la société Charles Jourdan 1921 la somme de 62 000 TTC au titre du minimum contractuel garanti, celle de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
– ordonné l’exécution provisoire.
ET, STATUANT A NOUVEAU :
Vu que Charles Jourdan 1921 n’a pas exécuté le contrat du 18 janvier 2016 de bonne foi,
Vu que Charles Jourdan 1921 a manqué à ses devoirs de loyauté et de coopération, qui sont inhérents à l’obligation d’exécution du contrat de bonne foi,
Vu que Charles Jourdan 1921 n’a pas exécuté ses obligations au titre de l’article 7 du contrat,
En conséquence,
Prononcer la résiliation du contrat du 18 janvier 2016 aux torts exclusifs de Charles Jourdan et ce, à compter du 24 janvier 2019, soit un délai de 30 jours à compter de la lettre de mise en demeure qui lui a été adressée par le conseil de Stevenson And Son,
Ordonner à Charles Jourdan de restituer à Stevenson And Son, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, les 114 produits de la collection « homme » qu’elle lui a livrés le 4 octobre 2017, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard,
A défaut, condamner Charles Jourdan à régler à Stevenson And Son la somme de 44.935 euros TTC au titre de la valeur des produits non restitués.
Condamner Charles Jourdan à verser à Stevenson And Son :
– 789.904,91 euros au titre du préjudice lié aux investissements réalisés par Stevenson And Son pour les seuls besoins de l’exécution du Contrat ;
– 5.158.395,94 euros au titre de la perte de chance de réaliser une marge commerciale au cours de l’exécution du Contrat.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
Débouter Charles Jourdan de toutes ses prétentions, fins et conclusions,
Condamner Charles Jourdan à verser à Stevenson And Son la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner Charles Jourdan aux dépens.
Dans ses conclusions, numérotées 1, signifiées par RPVA le 3 novembre 2021, la société Charles Jourdan 1921 demande à la cour de :
Vu les articles 564 et suivants du code de procédures civiles
Vu les articles 1134 (ancien) et 1184 (ancien) du code civil,
Vu les articles 1229 et 1352 et suivants (nouveaux) du code civil,
– Déclarer irrecevable pour être nouvelle en cause d’appel, la demande de restitution de 114 produits de la collection « homme » et à défaut, la condamnation de la société Charles Jourdan 1921 à payer la somme de 44.935 euros TTC au titre de la valeur des produits.
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a :
– Constaté que la société Stevenson And Son a résilié à ses torts exclusifs le contrat qui la liait à la société Charles Jourdan 1921
– Débouté la société Stevenson And Son de toutes ses demandes,
– Condamné la société Stevenson And Son à payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a :
– Limité la condamnation de la société Stevenson And Son à la somme de 62.000 euros
TTC au titre du minimum contractuel garanti
– Débouté la société Charles Jourdan 1921 de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
– Débouté la société Charles Jourdan 1921 de ses autres demandes
Pour le surplus et statuant à nouveau
A titre principal :
– JUGER que la société Stevenson And Son est mal fondée à demander la résiliation du contrat de licence du 18 janvier 2016 aux torts de la société Charles Jourdan 1921 ;
– DEBOUTER la société Stevenson And Son de toutes ses demandes.
A titre reconventionnel :
– CONDAMNER Stevenson And Son à payer à Charles Jourdan 1921 la somme de 190.000 euros au titre du minimum garanti par le contrat de licence,
En toutes hypothèses :
– CONDAMNER Stevenson And Son à payer à Charles Jourdan 1921 la somme de 50.000 euros pour procédure abusive,
– CONDAMNER Stevenson And Son à payer à Charles Jourdan 1921 la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– CONDAMNER Stevenson And Son aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur la résiliation du contrat de licence de marque
La société Stevenson demande de prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Charles Jourdan compte tenu de son manque de loyauté et de collaboration dans l’exécution du contrat, et ce à compter du 24 janvier 2019, soit à l’expiration d’un délai de 30 jours suivant sa mise en demeure.
Elle soutient que le devoir de coopération contractuel imposait à la société Charles Jourdan d’organiser une réunion de mise en place de la direction artistique de la collection, de déterminer le planning de collection, d’organiser une réunion de validation de la collection, d’approuver tous les modèles avant leur commercialisation ; que la création ainsi que la commercialisation des produits Charles Jourdan dépendaient donc exclusivement de la société Charles Jourdan ; qu’elle ne pouvait dès lors atteindre ses objectifs sans disposer d’une coopération permanente et efficace de la part de Charles Jourdan, qui a été défaillante dans l’exécution du contrat en opposant notamment un défaut de qualité des produits qui n’a jamais été ni démontré ni justifié ; que ses griefs à l’encontre de Charles Jourdan sont les suivants : absence de transmission spontanée et rapide des éléments d’identification de la marque ; ouverture du magasin avec près d’un an de retard dans une autre zone que celle annoncée ; absence de distribution des produits Charles Jourdan développés par Stevenson dans ce magasin ; absence de validation dans des délais raisonnables de la collection par Charles Jourdan alors qu’un délai contractuel de 5 jours était expressément prévu ; absence de communication à Stevenson des axes créatifs lui permettant de créer la collection.
La société Charles Jourdan fait valoir que la société Stevenson confond un contrat de licence de marque avec un contrat de franchise ; qu’elle devait développer la collection sous sa responsabilité en répondant au cahier des charges de la marque ; que de son côté elle devait assurer la défense de la marque contre d’éventuelles contrefaçons, assurer le rayonnement de la marque et valider les produits fabriqués sous licence ; qu’elle a respecté l’ensemble de ses obligations contractuelles; qu’elle a ouvert une boutique [Adresse 6] ; que les obligations du licencié ne sont cependant pas conditionnées à l’ouverture et à l’exploitation de ladite boutique par la société Charles Jourdan ; qu’elle a validé la collection printemps été 2017 en janvier 2017; qu’elle a refusé de les exposer compte tenu de leur mauvaise qualité et de leur non conformité avec les attendus, ce dont elle a informé son cocontractant le 22 novembre 2017.
Sur ce,
L’article 17.1 du contrat de licence litigieux intitulé ‘résiliation anticipée après mise en demeure’ stipule : ‘(…) en cas d’inexécution par l’une des parties de l’une quelconque de ses obligations au titre du contrat, l’autre partie peut 30 jours après une mise en demeure adressée par lettre recommandée restée infructueuse, prononcer la résiliation de plein droit du contrat.
Si pendant ce délai de 30 jours, la partie défaillante exécute ses obligations contractuelles pour lesquelles elle avait reçu une mise en demeure, le contrat reprendra son fonctionnement normal’.
En l’espèce, par courrier recommandé daté du 18 décembre 2018, la société Stevenson a notamment indiqué à la société Charles Jourdan qu’elle avait gravement manqué à ses obligations contractuelles en ce qu’elle s’était engagée à collaborer activement afin d’assurer le succès de la commercialisation des produits, que le contrat prévoit qu’elle exerce un contrôle strict des modalités de création et de commercialisation, et qu’il ‘est rapidement apparu que Charles Jourdan n’était pas disposée à respecter ses propres obligations et à s’investir réellement dans le succès du partenariat’. Elle ajoute ‘force est de constater que la confiance que Stevenson portait à son partenariat avec Charles Jourdan a été définitivement altérée’ et poursuit ‘conformément à l’article 17 du contrat, je vous mets formellement en demeure d’exécuter vos obligations. A défaut Stevenson and Son se prévaudra de la résiliation de plein droit du contrat.’
La société Stevenson a ensuite assigné la société Charles Jourdan par acte du 17 juin 2019 aux fins notamment de dire qu’à la suite de la mise en demeure restée infructueuse le contrat est résilié aux torts exclusifs de la société Charles Jourdan à compter du 24 janvier 2019, soit 30 jours après la mise en demeure.
La cour constate comme le tribunal, qu’en application de l’article 17 susvisé dudit contrat, à la suite de la mise en demeure demeurée infructueuse, le contrat a été résilié de plein droit à compter du 24 janvier 2019.
La société Stevenson demande de dire que cette résiliation est intervenue à cette date aux torts de la société Charles Jourdan.
Cependant, ainsi que l’a retenu le tribunal par des motifs que la cour approuve, les griefs qu’elles invoque au soutien de sa demande, et qu’elle mentionnait déjà dans sa lettre de mise en demeure, ne sont pas fondés.
La société Stevenson reproche à la société Charles Jourdan de n’avoir pas spontanément et rapidement fourni les éléments d’identification de la marque. Il n’est cependant pas contesté que la charte graphique a été transmise par la société Charles Jourdan le 18 avril 2016 après qu’elle a été relancée par courriel du 12 avril 2016, sans que la société Stevenson établisse le grief de cette transmission quelques jours après une relance et trois mois après la conclusion du contrat.
La société Stevenson reproche à la société Charles Jourdan d’avoir ouvert sa boutique amirale à [Localité 3] avec un retard de près d’une année et dans une autre zone que celle annoncée initialement. Cependant, et même si l’ouverture de cette boutique avait été évoquée lors des premiers contacts entre les parties, le tribunal a retenu à juste titre, que le contrat ne stipule aucun engagement de la société Charles Jourdan à ouvrir une boutique à [Localité 3] dans une zone déterminée et à une date déterminée, la simple évocation de ce projet lors des relations précontractuelles ne suffisant à le faire entrer dans le périmètre du contrat de licence de marque et de distribution.
La société Stevenson reproche également à son cocontractant de n’avoir pas commercialisé dans la boutique amirale de [Localité 5], la collection homme qu’elle a créée et fabriquée. Cependant le tribunal a pertinemment relevé qu’aucune disposition du contrat n’oblige la société Charles Jourdan à commercialiser les productions de la société Stevenson dans sa boutique parisienne, ni dans aucune autre.
La société Stevenson reproche également à la société Charles Jourdan d’avoir tardé à valider la collection qu’elle a élaborée ; cependant, si elle produit des mails de septembre 2016 à janvier 2017 établissant la difficulté du président de la société Stevenson de joindre son homologue de la société Charles Jourdan, le tribunal a relevé à juste titre que la seule collection présentée par la société Stevenson pour la collection printemps/été 2017 avait bien été validée par la société Charles Jourdan le 10 janvier 2017 sans que la société Stevenson démontre en quoi cette validation aurait été tardive et lui aurait causé un grief, outre surtout qu’elle pouvait se prévaloir de l’article 7.2 du contrat, qui stipule que pour toute demande de validation, à défaut de réponse dans un délai de 5 jours suivant sa réception, le concédant est réputé avoir accepté le produit et/ou le matériel.
La société Stevenson reproche enfin à la société Charles Jourdan de n’avoir communiqué aucun axe créatif malgré les relances, l’empêchant de disposer des éléments lui permettant de se conformer aux attentes de la marque, et ce alors qu’il s’agit d’une obligation explicite du contrat prévu dans l’article 7.1. La cour constate cependant que s’il n’est pas justifié de la réunion préparatoire à la collection, stipulée dans l’article 7.1, au cours de laquelle le concédant et le licencié définissent ensemble la direction artistique de la collection à venir, il est constant que la collection 2017 proposée par la société Stevenson a bien été validée par la société Charles Jourdan sans qu’il soit établi aucune difficulté sur la direction artistique de ladite collection, les reproches effectués en novembre 2017 par la société Charles Jourdan étant relatifs à la qualité des produits livrés, et non à leur inscription ‘dans la cohérence du style exclusif à la marque’ telle que stipulée dans l’article 7.1 susvisé du contrat, de sorte que le tribunal a retenu à juste titre que le fait que Charles Jourdan a été peu présent dans le processus de création des collections de la société Stevenson n’a pas empêché cette dernière de développer sa collection.
Il se déduit de ces développements, et ainsi que l’a relevé le tribunal, que le grief plus général, selon lequel la société Charles Jourdan aurait manqué à son devoir de loyauté et de coopération dans l’exécution du contrat, n’est pas caractérisé, la société Charles Jourdan ayant rempli son obligation de garantir la jouissance paisible de la marque sur le territoire où elle est concédée, et la société Stevenson, sur qui repose la charge de la preuve, ne démontrant pas une inexécution contractuelle de la société Charles Jourdan de nature à justifier une résiliation du contrat à ses torts.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a constaté la résiliation du contrat, à compter du 24 janvier 2019, aux torts de la société Stevenson, et en ce qu’il a débouté la société Stevenson de toutes ses demandes, sans qu’il y ait lieu d’examiner la recevabilité de la demande de restitution de marchandises formée en appel par la société Stevenson, la résiliation contractuelle étant intervenue à ses torts.
Sur la demande reconventionnelle de paiement des redevances
La société Charles Jourdan demande, à titre reconventionnel, que la société Stevenson soit condamnée à lui verser les sommes minimum prévues au contrat jusqu’à son terme, soit la somme de 190 000 euros.
La société Stevenson fait valoir qu’elle n’a pu utiliser la marque qu’à compter de la validation de la collection en janvier 2017 ; qu’elle n’est donc redevable d’aucune redevance, et a fortiori pas des minima garantis par le contrat ; que d’ailleurs la société Charles Jourdan n’a jamais émis de factures à ce titre.
L’article 11.2 du contrat prévoit, en contrepartie du droit d’utiliser la marque, le paiement d’une redevance due à la fin de chaque semestre et calculée sur le chiffre d’affaires net, sauf s’il est inférieur au minimum contractuel garanti.
Les articles 1.2 et 11.1 du contrat stipulent le montant minimum dû par le licencié chaque année au titre des redevances, l’article 11.1 susvisé précisant que ‘le minimum garanti n’est pas remboursable, y compris en cas de résiliation anticipée du contrat sauf dans le cas où la résiliation anticipée est réalisée suite à une faute du concédant. (…)’.
En l’espèce le contrat ayant été résilié le 24 janvier 2019, et les parties ne contestant pas que le montant de la redevance contractuelle pour les années 2016 à 2018 est en tout état de cause inférieur au montant minimum contractuel garanti, c’est à juste titre que le tribunal a dit que le minimum garanti au titre de ces trois années est de 35 000 € HT soit 42 000 euros TTC, somme à laquelle la société Stevenson a été condamnée.
A partir de la résiliation anticipée du contrat, il n’y a pas lieu d’appliquer l’alinéa 2 de la clause 11.1 du contrat selon laquelle le minimum garanti n’est pas remboursable en cas de résiliation anticipée pour faute du licencié, aucun montant de minimum garanti n’ayant été versé par la société Stevenson ni au demeurant réclamé par la société Charles Jourdan, cette dernière ne contestant pas n’avoir jamais émis aucune facture de redevance ni formé aucune demande à ce titre avant l’introduction de l’instance.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur le quantum de la condamnation au titre du minimum garanti. La société Stevenson sera donc condamnée à payer à la société Charles Jourdan la somme de 42 000 euros.
Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive
La société Charles Jourdan demande une somme de 50 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive.
L’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d’agir en justice ou d’exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus. Or, la société Charles Jourdan ne démontre pas la faute commise par la société Stevenson qui aurait fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice, l’intéressée ayant pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits.
La demande de la société Charles Jourdan sur ce fondement sera rejetée. Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf sur le montant de la condamnation au titre du minimum contractuel garanti,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Stevenson and Son à payer à la société Charles Jourdan 1921 la somme de 42 000 euros au titre du minimum contractuel garanti ;
Condamne la société Stevenson and Son aux dépens d’appel, et vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser à ce titre, à la société Charles Jourdan 1921, la somme de 6 000 euros.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE