Clôture de compte et obligations de notification : une analyse des conditions de résiliation et de remboursement des soldes débiteurs.

·

·

Clôture de compte et obligations de notification : une analyse des conditions de résiliation et de remboursement des soldes débiteurs.

La Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] a interjeté appel d’un jugement du tribunal de commerce de Bobigny qui l’avait déboutée de ses demandes contre la société Tcherkassy, en raison de l’irrecevabilité de la créance liée à un solde débiteur. La société Tcherkassy n’a pas constitué avocat dans cette procédure. Dans ses conclusions, la Caisse de Crédit Mutuel demande l’infirmation du jugement, le paiement d’une somme de 10 199,03 euros majorée d’intérêts, ainsi qu’une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. La cour d’appel a finalement infirmé le jugement initial, condamnant la société Tcherkassy à payer la somme demandée, à ordonner la capitalisation des intérêts, et à régler les dépens de l’instance.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
23/06739
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/06739 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHOA3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2023 -Tribunal de Commerce de Bobigny – 5ème chambre – RG n° 2022F02121

APPELANTE

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 4]

N°SIRET :504 122 516

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Isabelle SIMONNEAU de la SELEURL IS AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0578

INTIMÉ

S.A.R.L. TCHERKASSY

[Adresse 3]

[Localité 4]

N°SIRET : 791 130 040

agissant poursuites et diligences de seon représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

non constituée (signification de la déclaration d’appel en date du 15 mai 2023 – procès-verbal de recherches selon l’article 659 du code de procédure civile en date du 15 mai 2023)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

Mme Laurence CHAINTRON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

– par défaut

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 7 avril 2023, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Bobigny rendu le 21 mars 2023 dans l’instance l’opposant à la société Tcherkassy, qui l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de cette dernière, au motif que la créance dont elle se prévaut au titre du solde débiteur du compte courant ouvert en ses livres n’est pas exigible.

La société Tcherkassy, à laquelle la déclaration d’appel et les conclusions d’appelant ont été signifiées selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas constitué avocat.

*******

À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 7 mai 2024 les prétentions de l’appelant s’exposent de la manière suivante.

Au dispositif de ses conclusions communiquées par voie électronique le 15 juin 2023 qui constituent ses seules écritures, l’appelant

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

‘Vu l’article 1103 du Code civil

Vu l’article 1343-2 du Code civil

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de BOBIGNY le 21 mars 2023 en ce qu’il a :

– Débouté la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] de l’ensemble de ses demandes.

– Condamné la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] aux dépens.

En conséquence :

Condamner la SARL Tcherkassy à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 4] la somme de 10 199,03 euros à majorer des intérêts au taux de plafond de la Banque de France minoré de 0,05 %, soit 13,99 %, du 6 juillet 2022 jusqu’au parfait paiement au titre du compte numéro [XXXXXXXXXX01].

Ordonner la capitalisation des intérêts.

Condamner la SARL Tcherkassy à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL [Localité 4] la somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.’

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de l’appelant, à ses conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

La société à responsabilité limitée Tcherkassy a été immatriculée le 14 février 2013 au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Bobigny avec pour objet social : la ‘Vente au détail de presse, Loto, PMU, téléphonie, papeterie, carterie ainsi que toutes activités s’y rapportant’ et pour siège social : [Adresse 3] [Localité 4].

Par acte sous seing privé en date du 13 juillet 2019 – pièce 3 – la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 4] a ouvert en ses livres, au profit de la société Tcherkassy, un compte courant dénommé ‘Eurocompte Pro’, sous le numéro [XXXXXXXXXX01]. Il est expressément indiqué à la convention (§ 4.2) que le compte ne pourra fonctionner que sur une base créditrice, et que dans l’hypothèse d’un découvert en compte, le taux applicable sera celui fixé dans le recueil des tarifs (pièce 4 : recueil des prix des principaux produits et services au 1er juillet 2019) – soit le plafond de la Banque de France minoré de 0,05 %. En outre, son article 10.1 premier alinéa dispose que ‘La convention de compte peut être résiliée à tout moment par chaque partie, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à l’autre avec un préavis de 30 jours pour le CLIENT et de 60 jours pour la BANQUE’, et l’article 10.2 premier alinéa précise : ‘La résiliation entraînera la clôture du compte et l’exigibilité de son solde ; le CLIENT devra restituer les moyens de paiement en sa possession, modifier le cas échéant ses domiciliations et maintenir au compte la provision suffisante jusqu’à liquidation des opérations en cours’.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 5 juillet 2022, la Caisse Régionale de Crédit Mutuel [Localité 4] a mis en demeure la société Tcherkassy de lui régler pour le 13 juillet 2022 au plus tard la somme totale de 13 491,69 euros correspondant au solde débiteur du compte. Puis par lettre recommandée avec demande d’avis de réception doublée d’envoi par courrier simple, datée du 7 avril 2023, la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 4] a informé la société Tcherkassy de sa décision de procéder à la clôture définitive du compte numéro [XXXXXXXXXX01] à l’expiration d’un délai de 60 jours, soit le 11 juin 2023, et lui a demandé de prendre toutes dispositions nécessaires pour approvisionner le compte, débiteur de la somme de 10 199,03 euros et restituer les moyens de paiement en sa possession. La société Tcherkassy n’a donné suite à aucune de ces sollicitations.

C’est dans ces conditions que la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 4] a saisi le tribunal de commerce de Bobigny aux fins de voir condamner la société Tcherkassy au paiement de la somme de 10 199,03 euros avec intérêts au taux de plafond de la Banque de France minoré de 0,05 %, soit 13,99 % du 6 juillet 2022 jusqu’au parfait paiement.

Pour débouter la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 4] de sa demande en paiement, le tribunal a retenu que celle-ci ne démontre pas s’être pliée aux formalités de l’article L. 313-12 du code monétaire et financier qui dispose que ‘tout concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours’ ; dès lors, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4], à défaut de justifier de la clôture du compte, ne peut en établir un solde définitif et en demander le règlement au tribunal.

L’appelant observe que cette disposition ne s’applique que dans l’hypothèse d’un concours accordé au débiteur tenant à l’octroi d’un crédit d’exploitation à durée indéterminée et fait valoir qu’en l’espèce la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 4] n’a pas accordé à la société Tcherkassy de découvert en compte, puisque le compte enregistrait uniquement des soldes créditeurs journalièrement à l’exception de quelques jours débiteurs.

La Caisse de Crédit Mutuel [Localité 4] dit produire à l’appui, les relevés du compte indiquant les soldes journaliers (pièce n°10) dont il ressort que le solde était créditeur aux dates et pour les montants suivants :

– janvier 2020 376,08 euros

– 11 février 2022 303,86 euros

– 18 février 2022 15 928,12 euros

– 25 février 2022 618,24 euros

– 9 mars 2022 2 206,24 euros

– 11 mars 2022 102,07 euros

La Caisse de Crédit Mutuel [Localité 4] indique qu’aux 12 et 18 mars 2020, deux virements ont été effectués au débit, d’un montant total de 10 000 euros, fixant le solde débiteur dont elle sollicite le paiement. À compter de cette date, plus aucune opération n’a été effectuée par la société Tcherkassy, seules des écritures d’agios de frais et de remboursement de la part sociale détenue dans le capital social de la banque ont été enregistrés.

La Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] soutient en conséquence qu’elle n’a pas consenti à la société Tcherkassy un découvert en compte constitutif d’un crédit à durée indéterminée. Dès lors, elle n’avait pas à notifier à la société Tcherkassy la résiliation de son compte à l’expiration d’un délai de préavis de 60 jours.

Il sera fait observer que la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 4] ne produit pas de pièce numérotée 10, mais verse aux débats deux historiques de compte : l’un, relatif aux opérations enregistrées entre le 15 juillet 2019 et le 30 décembre 2019 (pièce 6) dont il ressort que le compte a été ponctuellement débiteur mais dont le solde à cette dernière date était créditeur d’une somme de 4 438, 69 euros. L’autre, relatif aux opérations enregistrées entre le 2 janvier 2020 et le 12 mai 2020 (pièce non numérotée) mettant en évidence à cette dernière date un solde négatif à hauteur de la somme de 10 199,03 euros qui demeurera inchangé jusqu’au 26 juillet 2022 ; il s’avère que plusieurs fois sur cette période du 2 janvier 2020 au 12 mai 2020 le compte s’est retrouvé en position débitrice pour quelques milliers d’euros et pendant quelques jours consécutivement, et la dernière fois au 10 mars 2020, mais aussi créditeur, comme mis en exergue dans les écritures de la banque, une telle situtation ne perdurant généralement pas non plus au delà de quelques jours. Ainsi, il ne ressort pas de ces historiques de compte courant, que la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 4] aurait tacitement accordé à la société Tcherkassy un concours à durée indéterminée sous la forme de découvert autorisé.

En toute hypothèse, et comme allégué et dûment justifié par l’appelant, la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 4] par application des stipulations contractuelles précitées a notifié ce préavis, de 60 jours puisque c’est la banque qui a pris l’initiative de la résiliation, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du 7 avril 2023 adressée à la société Tcherkassy à son siège social – peu important que le destinataire ne l’ait pas réceptionné – et ce conformément à l’article 10.1 premier alinéa de la convention d’ouverture de compte. Les termes de ce courrier du 7 avril 2023 sont univoques en ce que la résiliation est décidée de manière irrévocable, et par suite, en application de l’article 10.2 premier alinéa de la convention d’ouverture de compte, cette résiliation a entraîné la clôture du compte et l’exigibilité de son solde, à l’expiration du délai de préavis de 60 jours précédemment notifié.

Par conséquent, le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions, et la société Tcherkassy sera condamnée conformément à la demande en paiement telle que formulée par la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 4], celle-ci justifiant pleinement du bienfondé de sa créance tant en son principe que sur son quantum.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Tcherkassy, partie qui succombe, supportera la charge des entiers dépens de l’instance. Pour des raisons tenant à l’équité il y a lieu de faire droit à la demande de l’appelant formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour la somme réclamée, de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

CONDAMNE la société Tcherkassy à payer à la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 4] la somme de 10 199,03 euros qui produira intérêts au taux de plafond de la Banque de France minoré de 0,05 %, soit 13,99 %, du 6 juillet 2022 jusqu’au parfait paiement au titre du compte numéro [XXXXXXXXXX01] ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

CONDAMNE la société Tcherkassy aux dépens de l’instance ;

CONDAMNE la société Tcherkassy à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 4] la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x