Click to call : Google condamnée à 1 million d’euros
Click to call : Google condamnée à 1 million d’euros

 En septembre 2019, Google indiquait la mise en place d’une nouvelle règle en vue de ne plus autoriser les annonces pour les services de renseignements téléphoniques de transfert et d’enregistrement d’appel. Google indiquait alors par courriel à l’un de ses annonceurs et  acteurs de ce marché, la société Oxone, que cette règle entrerait en vigueur en mars 2020. Poursuivie, Google a été condamnée par le Tribunal de commerce de Paris qui a jugé que cette règle qui apparaissait claire et introduite avec un préavis de plusieurs mois n’en constituait pas moins un abus de position dominante.

Refus de vente sanctionné

Le refus de vente (d’espaces publicitaires) aux sociétés de renseignement téléphonique n’était justifié par Google que par de prétendues plaintes de consommateurs et une enquête ancienne de la DGCCRF. Le tribunal a constaté que Google n’apportait aucun élément probant sur ce point.

En effet Google ne faisait référence qu’à un seul courriel de la DGCCRF datant de 2017 alors qu’entretemps elle a laissé les sociétés de renseignement téléphonique utiliser son service de publicité en ligne et en a même incité certaines à développer leur activité via Google Ads.  De plus aucune autre communication de la DGCCRF ou de toute autre organisme de contrôle n’est venue confirmer ce premier courriel. Cette règle était donc injustifiée et inéquitable.

Régulation en amont

Par ailleurs, les sociétés de renseignement téléphonique 118 sont soumises à l’agrément de I’ARCEP qui attribue les numéros en 118 dans le cadre de sa mission générale de gestion du plan de numérotation mais qui exerce aussi un contrôle (exemple : détermination d’un prix plafond en 2021). La protection du consommateur est donc assurée par un organisme officiel de contrôle de cette profession et ne peut être utilisée pour justifier une règle d’éviction.

Concurrence avec Click To Call

Les juges consulaires ont noté que la mise en place de cette nouvelle règle était concomitante au développement d’un service de Google qu’elle vendait à d’autres clients annonceurs. Comme il a été vu plus haut par le biais du service Google My Business et l’extension Click To Call, Google offre un service identique à celui d’Oxone. Google propose en effet à un annonceur d’afficher son numéro de téléphone et par le biais d’un click payant un service de mise en relation téléphonique. Elle avait un intérêt évident à éliminer toutes sociétés permettant une mise en contact téléphonique qui deviennent concurrentes à ses propres produits.

La mise en place de cette règle a été considérée comme une manœuvre anticoncurrentielle. En effet, Google ne pouvait ignorer qu’en privant de son service de publicité en ligne les sociétés de renseignement téléphonique elle éliminait celles-ci qui n’avaient aucune alternative. En effet elle a eu de nombreux contacts entre septembre 2019 et mars 2020 avec Oxone et ses concurrents qui lui ont demandé de rapporter sa décision et a été confrontée à plusieurs actions en référé qui ont montré la gravité de cette éviction. Par cette manœuvre d’éviction Google a aussi privé le consommateur d’un service de mise en contact téléphonique avec l’assistance d’une société proposant un service d’annuaire au bénéfice du système qu’elle a mis en place.

Position de l’Autorité de la concurrence

Google n’a pas respecté les recommandations répétées de l’Autorité de la concurrence (Décision n°19 D-26 du 19 décembre 2019) qui soulignait la prudence nécessaire pour une société en position dominante dans les termes suivants ;

« L’existence d’une position dominante impose, selon une jurisprudence constante, à l’entreprise concernée la responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée. Ainsi, les entreprises en position dominante ont une responsabilité particulière sur le marché, au titre de laquelle peuvent leur être interdits certains comportements qui, s’ils étaient mis en œuvre par d’autres entreprises, relèveraient du fonctionnement normal de la concurrence sur le marché ;

Les comportements illicites d’une entreprise dominante consistent à exploiter abusivement cette position sur un marché où, du fait précisément de sa présence, le degré de concurrence est déjà affaibli. Les abus consistent à ou ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale entre opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence sur le marché existant encore ou au développement de cette concurrence. »

En édictant une nouvelle règle interdisant l’accès à ses prestations de publicité en ligne Google a commis une pratique anticoncurrentielle par abus de position dominante et une faute en suspendant pour Oxone le service Google Ads à partir du 31 mars 2020, qui a causé directement un préjudice à cette dernière du fait de l’interruption d’activité et de la perte de marge qui en a résulté (un million d’euros de sanction).


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