Clause résolutoire : respect des délais et conséquences

·

·

Clause résolutoire : respect des délais et conséquences

Contexte de l’affaire

L’article L.145-41 du code de commerce encadre les clauses de résiliation de plein droit dans les baux commerciaux, exigeant notamment un délai d’un mois après un commandement demeuré infructueux.

Les faits de l’affaire

Un bail commercial comportait une clause résolutoire en cas de manquement du locataire à ses obligations contractuelles, avec une procédure de résiliation prévue.

La demande de délais de paiement

La locataire, confrontée à des difficultés économiques liées à la Covid-19 et à la vétusté des locaux, a demandé des délais de paiement pour suspendre les effets de la clause résolutoire.

La décision de justice

Malgré les arguments de la locataire, le juge a confirmé l’ordonnance initiale, rejetant la demande de délais de paiement et condamnant la locataire aux dépens et à verser une indemnité complémentaire.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 25 Janvier 2023

N° RG 22/01310 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F2WR

VTD

Arrêt rendu le vingt cinq Janvier deux mille vingt trois

Sur APPEL d’une ORDONNANCE DE REFERE rendue le 18 mai 2022 par le Président du tribunal judiciaire de CUSSET (RG n° 22/00042)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Monsieur Christophe VIVET, Président de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [V] [J]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : la SELARL ABSIDE AVOCATS, avocats au barreau de CUSSET/VICHY

APPELANTE

ET :

M. [L] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Emmanuel TOURRET, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

Mme [X] [S] épouse [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Emmanuel TOURRET, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

INTIMÉS

DEBATS : A l’audience publique du 23 Novembre 2022 Madame THEUIL-DIF a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 25 Janvier 2023.

ARRET :

Prononcé publiquement le 25 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 12 janvier 2008, M. [M] [T] aux droits de qui se trouvent M. et Mme [P] suivant acte notarié du 31 mars 2008, a donné à bail commercial un local situé [Adresse 4] à [Localité 5] exploité en bar-brasserie-jeux, à Mme [C] et M. [K], aux droits de qui s’est trouvé M. [O] aux termes d’un acte notarié, puis Mme [O], héritière de M. [O] suite à son décès le 6 novembre 2013, et enfin, Mme [V] [J] suivant acte notarié du 4 avril 2014.

M. et Mme [P] ont fait délivrer un commandement de payer les loyers commerciaux visant la clause résolutoire le 23 décembre 2021, pour un montant de 8 141,95 euros au titre des loyers et accessoires impayés au 1er décembre 2021. Le commandement est demeuré infructueux plus d’un mois après sa délivrance.

Par acte d’huissier du 24 mars 2022, M. [L] [P] et Mme [X] [S] épouse [P] ont fait assigner Mme [V] [J] devant le président du tribunal judiciaire de Cusset statuant en référé, notamment aux fins suivantes :

– constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée par le bail commercial les liant à la date du 23 janvier 2022 ;

– condamner Mme [J] au paiement de la somme provisionnelle de 8 614,79 euros au titre des loyers et accessoires dus à la date d’acquisition de la clause résolutoire, et au paiement à compter du 1er février 2022, d’une indemnité d’occupation mensuelle et indexée de 423 euros, charges et taxes en sus, jusqu’à libération des lieux par remise des clés.

Par ordonnance réputée contradictoire du 18 mai 2022, le président du tribunal a, au visa de l’article L.145-41 du code de commerce et de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, :

– constaté l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 23 janvier 2022 ;

– ordonné en conséquence l’expulsion de Mme [J] et de tous occupants de son chef des locaux en cause, dans les 15 jours de la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai, avec le concours de la force publique et l’intervention d’un serrurier si besoin était ;

– dit que le sort des meubles se trouvant dans les lieux serait réglé conformément aux articles L.433-1 et suivants et R.433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

– condamné Mme [J] par provision à payer aux époux [P] la somme de 8 614,79 euros correspondant à l’arriéré de loyers et accessoires à la date d’acquisition de la clause résolutoire ;

– condamné Mme [J] à compter du 1er février 2022 à payer aux époux [P] une indemnité d’occupation mensuelle de 423 euros, jusqu’à la libération effective des lieux par remise des clés ;

– dit que si l’occupation devait se prolonger plus d’un an après l’acquisition de la clause résolutoire, l’indemnité d’occupation ainsi fixée serait indexée sur l’indice trimestriel nommé ILC, publié par l’INSEE, l’indice de base étant le dernier indice paru à la date d’acquisition de la clause résolutoire ;

– condamné Mme [J] au paiement de la somme de 2 000 euros aux époux [P] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la même aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement, des états de privilèges et des nantissements.

Mme [V] [J] a interjeté appel de l’ordonnance le 23 juin 2022.

Suivant une ordonnance du 1er juillet 2022 rendue au visa des articles 904-1 et 905 du code de procédure civile, la présidente de la 3ème chambre civile et commerciale de la cour d’appel de Riom a fixé l’affaire, à bref délai, à l’audience collégiale du 23 novembre 2022.

Par conclusions déposées et notifiées le 21 juillet 2022, Mme [V] [J] demande à la cour, au visa de l’article 1343-5 du code civil et de l’article L.145-41 du code de commerce, d’infirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

– l’autoriser à régler le solde de sa dette locative d’un montant de 8 614,79 euros en 23 mensualités de 200 euros en sus du loyer courant à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et une dernière de 4 014,79 euros ;

– suspendre les effets de la clause résolutoire ;

– débouter M. et Mme [P] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.

Elle explique que la crise sanitaire l’a privée de clientèle de sorte que les loyers n’ont pu être honorés, et qu’elle n’a pas pu comparaître devant le juge des référés. Elle soutient avoir repris le paiement des loyers courants et souhaite bénéficier de délais de paiement pour apurer sa dette.

Par conclusions déposées et notifiées le 17 août 2022, M. [L] [P] et Mme [X] [S] épouse [P] demandent à la cour, de débouter Mme [J] de ses demandes, de confirmer l’ordonnance, et y ajoutant, de la condamner à leur payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire, outre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.

Ils font valoir que l’argumentaire de Mme [J] est fallacieux et ne repose sur aucune pièce. L’intéressée ne conteste pas ne pas régler le loyer depuis juin 2020 alors même qu’elle poursuit son activité, elle ne fait aucun effort contrairement à ce qu’elle affirme. Elle ne verse aux débats aucun document comptable, aucune preuve de paiement susceptible d’étayer son argumentaire ou de prouver une quelconque solvabilité. Ils estiment que son appel est strictement dilatoire.

Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2022.

MOTIFS

L’article L.145-41 du code de commerce énonce que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l’espèce, le bail commercial du 12 janvier 2008 stipule une clause résolutoire en page 4 prévoyant qu’en cas de manquement par le preneur à l’une quelconque de ses obligations contractuelles, le bail serait résilié de plein droit un mois après une mise en demeure délivrée par exploit d’huissier restée sans effet ; les conditions d’acquisition de la clause résolutoire seraient constatées judiciairement et l’expulsion du preneur devenu occupant sans droit ni titre, ordonnée par le juge.

Les époux [P] venant aux droits de M. [M] [T] ont fait signifier à Mme [V] [J], un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire le 23 décembre 2021, pour un montant principal restant dû de 8 141,95 euros.

Mme [J], qui n’a pas comparu en première instance, ne soulève aucun moyen visant à remettre en cause la validité du bail commercial ou du commandement de payer, et ne conteste pas la somme réclamée.

Toutefois, elle soutient que le juge des référés n’a pas pu prendre en compte les difficultés qu’elle a rencontrées, et qu’il a mal apprécié la situation en constatant l’acquisition de la clause résolutoire et en prononçant son expulsion. En effet, elle fait valoir que les crises sanitaires successives liées à la période de Covid 19 et les difficultés pour exploiter le fonds dues à la vétusté des locaux l’ont placée dans une situation économique délicate, mais qu’elle a repris le paiement des loyers courants et souhaite bénéficier de délais de paiement pour apurer sa dette locative et suspendre les effets de la clause.

A l’appui de cette demande, elle produit quatre pièces : l’acte de cession de fonds de commerce du 4 avril 2014, une attestation notariée du 31 mars 2008, le commandement de payer du 23 décembre 2021 et l’ordonnance de référé objet du présent appel.

Il n’est ainsi versé aux débats aucune pièce justifiant de ses difficultés, de sa situation financière et des efforts quant à la reprise des paiements qui est en outre contestée par les bailleurs.

L’ordonnance sera donc entièrement confirmée et la demande de délais de paiement visant à suspendre les effets de la clause résolutoire rejetée.

Succombant à l’instance, Mme [J] sera condamnée aux dépens d’appel et à verser à M. et Mme [P] une indemnité complémentaire de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, en matière de référé, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme l’ordonnance en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Déboute Mme [V] [J] de sa demande de délais de paiement aux fins de voir suspendre les effets de la clause résolutoire ;

Condamne Mme [V] [J] à payer à M. [L] [P] et Mme [X] [S] épouse [P] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamne Mme [V] [J] aux dépens d’appel.

Le greffier, La présidente,

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x